Dans manoir sous la neige, coupé du monde, la veille de Noël, un homme est découvert mort. Dans cette maison bourgeoises, huit femmes, liées par le sang ou par l’argent, se croisent et s’accusent : qui est la coupable ?
Famille, je vous hais
La première réussite d’Ozon réside dans la réunion d’un casting de choc. Huit grandes comédiennes françaises ont accepté de tourner avec celui qui filma si magnifiquement Charlotte Rampling dans Sous le sable l’an dernier. Qui aurait refusé ? Personne…
Sauf que pour Huit femmes, il fallait accepter de partager l’affiche. Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Emmanuelle Béart, Firmine Richard, Virgine Ledoyen, Fanny Ardant, Ludivine Sagnier et Danielle Darrieux ont osé le pari, et n’auront pas à le regretter.
Dans cette comédie policière inspirée d’une pièce et Robert Thomas, les comédiennes s’en donnent à cœur joie. Autour de la question centrale « qui a tué le maître de maison », les huit femmes, mystérieuses, pimbêches, revêches, perverses ou encore malicieuses, s’accusent mutuellement d’avoir commis le crime.
Dans ce huis-clos très féminin s’entremêlent très naturellement les secrets et les révélations, au fur et à mesure que les clans se font et se défont en fonction des intérêts de chacune. Ce qui n’en rend que plus savoureuse une intrigue de prime abord relativement simpliste. D’ailleurs, au terme de cette comédie policière désopilante, vous vous apercevrez que la vérité est ailleurs. Et qu’à la fois si loin et si proche des romans d’Agatha Christie, vous aurez surtout beaucoup ri.
Au-delà de la résolution de ce Cluedo très stylisé, l’intérêt du film réside dans sa mise en scène. D’abord dans la direction des actrices, évidemment. Dans un registre assez décalé, proche de l’univers kitsch de Gouttes d’eau sur pierre brûlantes, les huit comédiennes se crêpent le chignon sans jamais se pousser les unes les autres pour rester dans le cadre, acceptent de casser leur image, et interprètent chacune une chanson célèbre du répertoire des années 60. Mais au-delà du jeu, Huit femmes met en avant le sens aigu de la cinématographie d’Ozon.
Véritable hommage au cinéma, le film démarre par un clin d’œil à Douglas Fairbank, fait référence à François Truffaut, et parodie la musique de Vertigo. Mais plus encore, Ozon rend hommage à tous ces petits riens qui, ensemble, font le cinéma, avec une mention spéciale aux décors et costumes.
Une fois de plus, le cinéaste a fait mouche, grâce à ce subtil mélange très stylisé entre le film de genre, les clins d’œil cinématographiques, la comédie musicale, l’humour décalé et le kitch. Comme le bon vin, François Ozon se bonifie en vieillissant, et livre un excellent cru 2002. Au cinéma français de maintenant reconnaître à sa juste valeur celui qui est devenu en cinq longs métrages un cinéaste incontournable.
*Article écrit pour Objectif Cinéma et publié à cette adresse