Coup de projecteur sur les intermittents du spectacle

Après un coup de chaud lors du débat sur la réforme des retraites, la météo politique avait prédit une petite accalmie pour l’été.

Las, c’était sans compter sur les intermittents  du spectacle, qui ont à leur tour repris le flambeau de la grève, pour tenter de se faire entendre. Mais pour faire entendre quelles revendications, et à qui ?

Le régime des intermittents a été mis en place, à l’origine, pour les seuls artistes. L’objet était de prendre en compte la spécificité de leur profession et de leur allouer un régime dérogatoire, afin de permettre aux artistes d’exercer leur profession, et donc de faire vivre la création. Au fil des ans, la multiplication des entreprises de spectacle, liée à l’institutionnalisation et à la professionnalisation du spectacle depuis les années 80, ont contribué à l’extension des métiers éligibles au régime de l’intermittence, et à l’explosion du nombre de bénéficiaires de ce régime.

Les partenaires sociaux, représentant le patronat et les syndicats, ont donc négocié un accord permettant de résorber en partie les problèmes de cette branche. Cet accord, signé le 26 juin, a été agréé par le gouvernement. Si les représentants syndicaux ont accepté cet accord, ils sont dépassé par leur base, qui n’entend pas voir l’ancien régime remis en cause. Désormais, qui dit réforme dit contestation, et, fidèles à cette tradition franco-française, les intermittents se sont retranchés dans leur petit village du contre, tel des Astérix défiant leur César, pour sauvegarder des acquis qu’il faudra forcément toiletter pour maintenir le système vers ceux qui en ont vraiment besoin, à savoir les créateurs.

Désemparés, les intermittents se sont naturellement tournés vers le gouvernement, responsable désigné de tous leurs malheurs. Or ils se sont trompés d’interlocuteurs : si l’Etat doit agréer l’accord de l’Unedic, il n’a pas à intervenir dans la négociation, et encore moins à souffler aux partenaires sociaux son contenu… Les intermittents, à l’image de la comédienne Agnès Jaoui, ne semblent guère au courant de ce « détail ». Comment peuvent-ils manifester sur un sujet qu’ils ne connaissent même pas ? Quelles crédibilités ont-ils à ne pas vouloir ouvrir les yeux pour se rendre compte que ce sont leurs propres représentants qui ont signés l’accord, et que si ils l’ont fait, c’est parce que la situation l’exigeait ?

En effet, face à ce problème structurel, l’immobilisme n’est pas la solution : en 10 ans, cette politique n’a permis que de creuser toujours plus le déficit, pour atteindre le niveau abyssal que plus de 800 millions d’euros. Soit près d’un quart du déficit du déficit global de l’Unedic… pour environ 100 000 intermittents, quand le nombre total de chômeurs avoisine les 3 millions. Un tel constat financier imposait une réforme, afin d’éviter la fin pure et simple du système.

A partir du moment où le déficit de cette branche atteint de telles proportions, rendant la réforme mathématiquement nécessaire, et face au manque de proposition des intéressés eux-mêmes, qui ne jurent que par l’immobilisme, on peut douter, de la pertinence de l’action des intermittents, et par conséquent de leur responsabilité citoyenne.

Dans le milieu du spectacle, tout le monde reconnaît que les abus existent. D’un côté les entreprises culturelles emploient encore trop souvent une partie de leur personnel sous le régime de l’intermittence, les déclarant pour la moitié du mois, l’autre étant payée par le chômage. Naturellement ces intermittents sont victimes du système : le milieu du spectacle étant très fermé, il est impossible de dénoncer ces pratiques, la concurrence étant rude, il est difficile de renoncer à un emploi. Et le jour où l’entreprise se sépare de cet intermittent, sa base de référence pour les indemnités n’est que de la moitié de ce qu’il a réellement travaillé.

Dans le même temps, les abus existent aussi du côté des intermittents d’en haut, ceux qui gagnent bien leur vie. Ce sont souvent des techniciens, plus rarement des artistes. Les salaires tenant largement compte du caractère précaire de l’activité, ceux qui travaillent régulièrement peuvent et surtout ont intérêt financièrement à s’arrêter tout aussi régulièrement, et ainsi alterner période de travail et de vacances, aux frais de l’Unedic.

Dans un tel système, où chacun peut magouiller aux dépends de l’Unedic, il était évident qu’un accord interprofessionnel ne poserait pas les questions de fond, et ne pourrait trouver une solution aux vrais problèmes de ce secteur. C’est pourquoi cet accord est un début, mais ne saurait suffire.

Pour aller plus loin, il serait bon de redéfinir les intermittents du spectacle, et de limiter cette catégorisation aux seuls artistes. Les emplois connexes – techniciens, administratifs et autres fonctions qui se sont retrouvées intégrées dans le champs culturel – pourraient tout à fait dépendre du régime des  intérimaires. En effet, pour la très grande majorité d’entre eux, leur travail ne nécessite pas des mois de répétition durant lesquels ils ne sont pas rémunérés.

Couplée à l’accord existant, cette mesure pourrait réduire considérablement le déficit. Mais surtout, elle contribuerait à résorber les abus existants dans le secteur, en obligeant les entreprises à déclarer toutes les heures de leur personnel, et en incitant ces catégories à travailler plus régulièrement.

Ce sont autant de pistes de réflexions sur lesquelles devront un jour se pencher sérieusement les partenaires sociaux, s’ils veulent pérenniser ce système, et ainsi préserver ce régime, une vraie spécificité française de soutien à l’emploi des artistes, et donc à la création.

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