Juillet 1995. Fraîchement diplômée d’un BTS rare et réputé auprès des professionnels de mon domaine, je m’attèle à ma recherche d’emploi. Je suis alors pleine d’espoir, portée par mon succès ; j’ai été reçue 5ème de ma promotion pour la France entière.
Août 1995. J’ai envoyé près de 300 lettres, un gros budget pour l’étudiante que je ne suis plus. Merci papa-maman de me soutenir, quand la déprime me gagne. J’ai reçu 4 réponses seulement, toutes négatives. Quand je rappelle les DRH, on me dit « vous n’avez pas d’expérience ». Je tente de faire valoir mes stages, mais les employeurs sont frileux : « trop jeune », « vous avez seulement 6 mois de stages », « vous n’êtes pas opérationnelle de suite »…
Septembre 1995. Un espoir se profile. Arte, chaîne de télévision culturelle, me propose de m’embaucher. Las ! Je déchante assez vite. L’emploi proposé est un plein temps, qui sera payé à mi-temps sur la base du SMIC, le reste étant compensé par les Assedics (Unedic Spectacle). Pire, on me demande une convention de stage, tout en me précisant que je serai payée au cachet. Autant dire que je ne toucherai les Assedics qu’au bout de 507 heures… Impossible d’accepter cette arnaque. Personne ne comprend alors pourquoi je refuse cette expérience. Excepté mes parents qui m’ont conseillée en ce sens.
Octobre 1995. Je choisis de poursuivre mes études, faute de trouver un emploi stable. Cela me permettra au moins d’avoir des conventions de stage… Parallèlement, j’occupe un job étudiant d’animatrice en maternelle, comme beaucoup de copains de mon âge. Je navigue de la fac à la maternelle, le tout sans bien savoir comment faire valoir cette expérience. A défaut, cela met un peu de beurre dans les épinards…
Mai-Juin 1996. Au terme d’une bataille acharnée avec la fac, je parviens à décrocher une convention de stage. Le combat fut âpre, car mon cursus ne nécessitait pas de stage, j’ai donc eu toutes les peines du monde à faire comprendre à l’administration que je souhaitais effectuer un stage par an minimum, pour parfaire mon CV.
Je réalise donc un nouveau stage, non rémunéré. J’apprends, je suis débrouillarde, mais il est évident qu’il n’y a aucune perspective d’embauche à la sortie.
Janvier 1997. En licence, le stage est obligatoire. A la bonne heure ! Je commence à avoir une bonne expérience en tant que stagiaire, les missions se font donc nettement plus intéressante. Toujours pas de rémunération à l’horizon, mais éventuellement des perspectives d’embauche. Je me défonce.
Las ! La boîte est rachetée. Tous mes espoirs s’envolent. La situation devient réellement glauque quand, en fin d’année, je fais gagner un marché sur ma région à mon ex-employeur, et qu’il ne verse pas la commission promise.
Juillet 1997. Je décide d’effectuer un premier emploi d’été. J’occupe un CDI de trois mois. Mon premier contrat de travail ! J’en suis fière…
Janvier 1998. Mon emploi du temps étant cool , j’accepte de revenir dans la société où j’ai passé mon été. J’enchaîne deux CDD, pendant une durée totale de 10 mois. J’acquière ainsi une réelle expérience… Toujours pas de perspective d’embauche, l’activité étant saisonnière.
Mai 1998. Parallèlement à mon CDD, j’entame un stage de très longue durée sur un site internet. Pas de convention, pas de contrat, pas de rémunération… La précarité totale, mais l’expérience !
Juin 1999. Toujours étudiante et stagiaire, j’entame maintenant mon 4ème CDD dans ma première entreprise. Toujours besoin de main d’œuvre ponctuelle, et pas chère. Mon salaire a légèrement augmenté car j’ai fait valoir mon expérience, mais reste en dessous du marché et de mes compétences.
Janvier 2000. Nouvelle vie, retour à la case ANPE. Le stage et le CDD se sont achevés. Je m’inscris à l’ANPE. Déprimée par la situation –on ne me propose que des emplois en relation avec mon CDD et sans rapport avec mes études ou mes stages – je tente un énorme coup de poker. Je contacte le patron d’un gros site internet dans mon domaine de prédilection, que j’avais croisé dans une affaire dans le cadre de mon précédent stage. A l’époque, nous étions en conflit. Je lui propose mes services. Contre toute attente, il accepte de travailler avec moi… Mais je dois faire mes preuves. Aucun contrat, je bosse sur notes. Précarité extrême et aucune rémunération. Je reste donc chômeuse, mais je bosse pour décrocher un contrat.
Avril 2000. Lassée, je décide de partir à Cannes avec un autre employeur. Je préviens le patron de la start-up que je m’absenterai pour bosser pour une grosse compagnie. Là, il prend peur… Ma valeur professionnelle est désormais réelle, après tous ces stages… Il me fait signer rapidement un CDD. Le salaire est faible, mais je prends. Après tout, ce n’est que pour 3 mois. Je négocie tout de même le départ à Cannes…
Juillet 2000. Victoire ! A la fin de mon CDD, je signe mon premier CDI. Cerise sur le gâteau : mon CDD fait office de période d’essai, je suis donc intégrée directement.
Voilà, il m’aura fallu 5 ans entre le début de ma recherche d’emploi et mon premier CDI. Si à l’époque le CPE avait existé, quasiment tous mes employeurs l’auraient signé… Je suis donc résolument POUR l’adoption de ce contrat, qui évitera aux jeunes de galérer pendant des années pour se forger une expérience professionnelle, et leur permettra de s’insérer plus facilement dans l’entreprise.