Après Jean-Marie Colombani dans Le Monde d’hier, c’est Laurent Joffrin qui, par son édito « Voter = décider« , dans Libération, s’est adressé aux électeurs indécis, pour les inciter à ne pas voter pour François Bayrou : « Bayrou ? C’est fou ». Cette charge s’explique par la volonté de Laurent Joffrin d’assurer un second tour Sarko-Ségo :
« Si l’on vote Bayrou, c’est qu’on décide, vraiment, de faire disparaître la gauche dès le premier tour pour la deuxième fois de suite, autrement dit de la rayer de la carte. S’il y a un message, il est clair : adieu gauche, socialisme, réforme sociale incertaine mais généreuse, lutte contre le libéralisme débridé, humanisation historique du capitalisme. Place aux gestionnaires, qui parlent avec raison de la dette et des déficits mais qui ne prévoient pas grand-chose pour les oubliés du redressement économique, si redressement il y a. Tout un pan d’histoire, défilés Bastille-République, drapeaux écarlates et chants fraternels renvoyés au musée. Mais l’avenir a parfois besoin du passé, serait-il couleur sépia. D’autant que le mandat de Royal, au second tour, ne consistera pas à rétablir le vieux socialisme. Mais à le dynamiter. »
La presse, normalement, est censé informer les lecteurs, analyser les faits, émettre des opinions. Depuis hier, elle s’estime en droit de choisir les candidats à la présidentielle, etjoue sur la peur d’un 21 avril bis pour diaboliser François Bayrou, et favoriser Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy.
Attention, je ne suis pas pour la suppression des éditos et des papiers d’opinion. Simplement, quand on dit expressément aux lecteurs de ne pas voter pour un candidat, on n’exprime déjà plus son choix personnel, mais on participe à une vaste opération de manipulation, en usant de la culpabilité.
Et si c’est ce que veulent les électeurs ? Et si les électeurs ne veulent pas du socialisme ? Et si ils sont de droite ? Ou du centre ? Pourquoi les diaboliser ? Il est impératif, dans une démocratie, de les laisser s’exprimer.
La presse doit respecter les institutions, qui ont donné, dans la Vème République, un choix aux électeurs autre que le bipartisme. Si François Bayrou est élu, il disposera d’une dynamique propre à lui accorder une majorité en juin prochain, et sera tout à fait apte à gouverner, contrairement à ce que répandent les médias, voix officielles des candidats du PS et de l’UMP.
La presse ferait mieux de s’interroger sur les véritables raisons pour lesquels les candidats de droite et de gauche ne font pas le plein de voix dans leur camp, car ce sont bien les deux grands partis qui, en choisissant ces candidats qui ne rassemblent pas, ont fait émerger François Bayrou.
Qu’a fait la presse au moment des primaires au PS et à l’UMP ? Elle a surmédiatisé Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, qui ont ensuite été désignés, justement parce qu’ils apparaissaient, dans la presse, comme les seuls capables de faire gagner leur camp.
La presse est co-responsable, avec les deux grands partis, de la situation qu’elle dénonce aujourd’hui. Alors ne vous laissez pas manipuler une fois de plus. Dimanche 22 avril, exprimez votre voix : c’est VOUS qui décidez !