Budget 2009 : tendance à la prudence pour les collectivités locales

Crise, ralentissement de l’économie, et même récession : la situation économique mondiale traverse une zone du turbulences, et les perspectives pour 2009 ne sont guère réjouissantes.

A l’heure où les collectivités territoriales effectuent les derniers ajustements pour boucler leur budget, quelles seront les conséquences de la crise à l’échelon local ?

La crise économique, qui trouve son origine dans la crise financière générée par les risques financiers pris par certains établissements bancaires ayant prêté à des clients non solvables, a désormais atteint l’ensemble de l’économie. L’immobilier a été le premier secteur touché, du fait de la baisse du marché induite par les ventes des hypothèques récupérées par les banques. La volatilité des marchés conjuguée à la raréfaction du crédit et à la hausse des taux d’intérêt a induit un ralentissement général de l’économie. Désormais, les ménages consomment moins et épargnent, en attendant des jours meilleurs, avec pour conséquence le ralentissement de la production, et donc une baisse de l’emploi.

Des subprimes au swaps

Face à cette situation, les collectivités locales rencontrent elles aussi quelques difficultés. Les cas les plus spectaculaires sont observés au sein des collectivités ayant eu recours aux swaps, ces emprunts toxiques à taux variable et indexés sur des valeurs exotiques comme le cours du dollar, du yen, du franc suisse ou du pétrole. Avec la crise, l’indexation a joué, les taux ont variés, les intérêts de ces emprunts ont augmenté, entraînant la hausse de la dette de ces collectivités et une situation de crise dite des « subprimes à la française » pour les collectivités concernées.

Pourquoi avoir eu recours à ces produits ? Selon Gérard Bayol, administrateur général de Dexia, ces produits structurés ont permis aux collectivités « d’économiser 500 millions d’euros sur la période 2002-2008 par rapport à des crédits classiques ». Proposés à des taux très inférieurs aux crédits classiques, ces swaps ont permis à ces mêmes collectivités de disposer très rapidement de liquidités et donc de faire d’importantes dépenses d’investissement, sans augmenter la pression fiscale sur les administrés. Ainsi de 2001 à 2007, elles ont augmenté de 20% pour atteindre 120 milliards d’euros d’encours de crédit.

A l’heure actuelle, si de rares collectivités territoriales qui n’ont pas suffisamment diversifiés leurs emprunts subissent de plein fouet les effets de la hausse de leurs taux d’intérêts, la situation globale des collectivités territoriales reste saine. D’autant que les collectivités territoriales ne peuvent être liquidés : en cas de difficultés financières, elles se retrouvent placées sous la tutelle… de l’Etat. La crise des swaps est donc à relativiser.

Un calendrier serré

Les collectivités territoriales ont joué de malchance en raison du calendrier. La crise s’est intensifiée au plus mauvais moment, entraînant une raréfaction du crédit. Une enquête réalisée par l’Assemblée des Départements de France auprès des directions financières des conseils généraux confirme que « les conditions se sont nettement détériorées » après l’été pour mobiliser des lignes de trésorerie. Les collectivités se sont trouvées dans l’obligation de recourir à plusieurs établissements faute de trouver un prêteur capable de répondre à la totalité du montant de la ligne de trésorerie.

Or les collectivités territoriales ont besoin de recourir à l’emprunt pour réaliser des investissements, d’autant plus que 2008 était une année électorale pour les communes. Les budgets primitifs 2008 se sont ainsi traduits par une attente en matière d’investissement liée à l’arrivée éventuelle de nouvelles équipes dans les mairies, en affichant une baisse des dépenses d’équipement brut de l’ordre de 6,8. De fait, les investissements sont à reporter sur le budget primitif 2009.

A cette situation se conjugue deux impératifs : les collectivités territoriales ont l’obligation légale de boucler leur budget au 31 décembre, et ce budget doit être à l’équilibre. D’où la nécessité pour beaucoup d’entre elles de recourir en ce moment même à l’emprunt, dans une proportion relative à leurs autres ressources et notamment leur capacité d’autofinancement. Selon Philippe Laurent, président de la commission des Finances de l’Assemblée des Maires de France, les collectivités auront besoin de lever 12 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année.

Soutenir l’investissement pour limiter la propagation de la crise

Bien souvent, le prêteur majoritaire et présent dans la plupart de ces montages financiers a été Dexia. Une situation qui a conduit Dexia à faire face à un afflux de demandes. Or cette banque prête essentiellement aux collectivités territoriales, sur des durées longues (10,15 ou 20 ans). Dexia s’est rapidement trouvé en manque de liquidités, ce qui a contraint les états belges, luxembourgeois et français à renflouer cet établissement. Ce plan de sauvetage, à hauteur de 6,4 milliards d’euros et à garantissant ses ressources pour trois ans, a permis à Dexia de poursuivre les prêts.

Conjointement, le gouvernement français a débloqué 5 milliards d’euros, soit un quart des nouveaux emprunts estimés pour l’année 2008, financés par les fonds d’épargne de la Caisse Dépôts et Consignations, pour permettre aux collectivités territoriales de réaliser leurs dépenses d’investissement, ouvrant ainsi une autre source de financement pour les dépenses d’investissement, le recours au crédit étant interdit pour les dépenses de fonctionnement.

L’objectif était triple : d’une part, permettre aux collectivités territoriales de boucler leur budget, en évitant d’aboutir à un nombre important de mises sous tutelle qui aurait grevé le budget de l’Etat et sa dette. D’autre part, éviter la surenchère des banques sur les taux de crédits qu’aurait entraîné sa raréfaction, avec pour effet immédiat l’augmentation du coût du crédit et donc de la dette des collectivités. Enfin, reporter les investissements aurait un effet désastreux pour l’économie. Les collectivités territoriales représente 76% de l’investissement public (après un record à 92% en 2006), et notamment une large part des marchés du secteur de la construction. Ralentir ou reporter l’investissement aurait un impact immédiat sur les entreprises et l’emploi dans ce secteur déjà fortement touché par la chute du marché de l’immobilier.

Régime sec pour les collectivités locales

Les dépenses de fonctionnement, de leur côté, sont en augmentation constante. Ainsi, les transferts de compétence de l’Etat aux collectivités ont entraîné en 2007 une hausse de 8,4%, allant de 3,4% pour les communes à 104,4% pour les régions. Les collectivités ont donc dû puiser dans leur épargne pour financer les dépenses de fonctionnement, et recourir au crédit pour financer l’investissement, ponctionnant ainsi leur capacité d’autofinancement.

Les recettes fiscales, qui représentent aujourd’hui 26% du budget des collectivités, seront très inégales d’une collectivité à l’autre. S’il est certain que la baisse des revenus de certains foyers et le ralentissement de l’activité économique affectera à la baisse le produit des impôts, les collectivités locales seront touchées de manière très disparate selon la composition de leur propre tissu économique.

Le ralentissement des ventes de biens immobiliers a d’ailleurs un effet sur les ressources des communes. En effet, les collectivités locales perçoivent des droits de mutations, également appelés « frais de notaires », prélevés sur chaque transaction immobilière, et répartis entre les départements (65%) et les communes (35%). Sur un volume global de 10,4 milliards d’euros en 2007, les projections réalisées indiquent une baisse de 1 milliard d’euros en 2008 soit près de 10%, qui devrait se prolonger dans les mêmes proportions en 2009.

Dans le même temps, les dotations d’Etat augmenteront au rythme de l’inflation, soit à peine 2%. Si l’enveloppe globale sera stable, sa répartition masque d’importantes disparités. Certaines dotations seront en très forte baisse,  l’Etat devant absorber dans ses dotations la compensation de la TVA. Avec un répit tout de même : la réforme des critères d’attribution de la dotation de solidarité urbaine est décalée dans le temps.

Dans ce contexte de panne général des moteurs des finances locales que sont l’impôt, les dotations et l’emprunt, les seules variables d’ajustement pour présenter un budget à l’équilibre restent les impôts locaux et les recettes tarifaires, portées par les administrés et par les entreprises. Ceux-ci doivent donc s’attendre à voir les bases fiscales augmenter… avec mesure toutefois. En effet, si la très grande majorité des collectivités devront décider la hausse de la fiscalité, elles devront aussi tenir compte de la situation économique du pays. Les premières mesures de chômage technique étant apparues, et les chiffres de l’emploi étant extrêmement mauvais, le poids de la crise ne pourra être porté supporté complètement par les entreprises et les administrés, sou peine de voir la crise perdurer et la récession s’installer.

Dans ce contexte très tendu, la hausse des impôts ne pourra être une solution unique. Aussi les collectivités locales devront impérativement se serrer la ceinture, et faire des choix raisonnés, afin d’afficher une très grande maîtrise des dépenses publiques.

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