Hadopi : comment qualifier l’infraction ?

Contrairement aux mauvais raccourcis faits par les néophytes, le téléchargement ne peut constituer à lui seul une contrefaçon. S’il constitue une reproduction numérique de l’oeuvre, rien ne dit que cette oeuvre ne soit pas libre de droits, ni que celui qui télécharge ne soit pas lui même titulaire des droits.

En ce sens, le simple fait de qualifier de délictueux le téléchargement va donner du fil à retordre, et se téléscoper avec deux notions fondamentales du droit d’auteur et qui constituent ses limites.

1 – La notion de domaine public

Le droit d’auteur -en France- étant, hors période de guerre, de 50 ans après la mort du dernier des auteurs pour les oeuvres audiovisuelles et de 70 ans après la mort du dernier des auteurs pour les oeuvres musicales, nous allons fatalement arriver, à un moment ou un autre, à des cas où les oeuvres sont tombées dans le domaine public.

Même si les auteurs ont souvent utilisé la ficelle de l’oeuvre collective ou de collaboration, prenant auprès d’eux un jeune auteur, afin de faire durer les droits le plus longtemps possible, à un moment ou un autre, des films tomberont dans le domaine publics, comme c’est déjà le cas pour des oeuvres musicales… à condition qu’il ne s’agisse pas d’un récent arrangement, l’arrangeur étant également auteur. Et là, le téléchargement sera possible.

2 – La notion de copie privée

Lorsque nous disposons du droit de représentation d’une oeuvre, par exemple sur un DVD légalement acquis, il est possible de réaliser pour nous-mêmes, à destination exclusive du cercle privé, une copie, que l’on appelle « copie privée ».

A cette fin, deux sociétés de gestion de droit récoltent les taxes prélevées sur les supports vierges afin de « compenser » les pertes des auteurs. En théorie, donc, si vous avez un DVD, aucun problème pour avoir le film sur votre disque dur.

En revanche, il est possible, même si le raisonnement est idiot, que l’on vous reproche d’avoir téléchargé un produit audiovisuel que vous avez déjà en DVD, même s’il s’agit de la même version. Vous pourrez tenter de démontrer que le téléchargement ne peut juridiquement être constitutif d’un délit à lui seul, et prouver que vous vous êtes bien acquittés des droits, et qu’il s’agit d’une simple copie privée.

Ceci dit, si juridiquement cela tient, il est peut probable que l’on vous donne raison. Le mieux reste alors de copier le DVD sur votre disque dur afin de démontrer qu’il s’agit du même fichier, sans prendre le risque de le télécharger et surtout, SANS le mettre à disposition d’autrui.

3 – Le droit d’auteur lui même

L’acte de téléchargement ne constitue pas en lui seul, je le répète, un acte délictueux au regard des livres I et II du code de la propriété intellectuelle.

Lorsqu’une oeuvre nous appartient – par exemple les photos dont nous sommes auteurs – il est de notre strict droit de procéder à leur représentation et/ou à leur reproduction. Ainsi, si je mets à disposition sur internet mes propres oeuvres, et que j’accepte leur reproduction à titre gratuit ou onéreux, PERSONNE ne peut empêcher les internautes de les télécharger. C’est le cas des logiciels libres, ou encore, celui des photos dont nous sommes les auteurs.

Récemment, j’ai téléchargé pour 6 gigas de photos sur internet, une masse de données qui correspond à une saison entière d’une série de 24 épisodes de 40 minutes. Hadopi, qui ne prévoit pas de nous indiquer l’oeuvre que nous avons téléchargé illégalement, aurait pu décider de suspendre ma connexion pour avoir… téléchargé les photos d’enfance prises par mes parents, et téléchargées sur le serveur de mon frère.

4 – Le label HADOPI

HADOPI permet le téléchargement… s’il est « légal », autrement dit si le site qui le propose a été agréé. L’acte de télécharger ne peut donc absolument pas vous être opposé comme étant constitutif de l’infraction.

Pour qu’il y ait infraction, il faut avoir nui au droits des auteurs, soit en s’attaquant à un de leur droits moraux, comme par exemple diffuser une oeuvre qu’ils ne voulaient pas qu’on diffuse. Le cas existe pour les films piratés avant même leur sortie. Soit en s’attaquant à leur droit patrimoniaux, c’est à dire en reproduisant ou en représentant leur oeuvre sans autorisation (mais le streaming n’est pas concerné par la loi Hadopi… )

Voilà qui promet de belles possibilités en terme d’annulation de procédure pour vice de forme…

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