Vous vous dîtes peut être que les chaînes de droit d’auteur sont parfaitement claires pour toutes les oeuvres partout dans le monde ? Mouarf mouarf mouarf, naïfs que vous êtes… Déjà rien qu’en France, tout n’est pas nickel… On s’en aperçoit systématiquement lorsqu’une société rachète à une autre un catalogue de films. Ayant participé à l’audit du catalogue de CDA, je peux vous assurer que je me suis arrachée les cheveux…
Aussi la première chose à vérifier si l’on vous accuse d’avoir téléchargé, c’est de vérifier si vous avez bien commis une infraction. Tsss tsss tsss, point de renversement de la preuve qui soit. Certes, Hadopi ne prévoit pas que l’on vous informe du nom de l’OEUVRE qu’on vous reproche d’avoir téléchargé, mais il faut bien que l’on puisse avoir un plaignant, à défaut d’avoir un objet… et rien ne dit qu’on ne puisse vous délivrer le NOM de ce plaignant. Ce qui va avec l’oeuvre, je vous l’accorde, mais il fallait y penser avant :-)
Voici donc quelques questions judicieuses à soulever :
– Qui m’accuse et de quoi ?
Il paraît que le texte pondu par nos chers parlementaires prévoit que le contrevenant n’aura que l’heure et la date de son méfait, mais ne saura pas quelle œuvre il a honteusement piraté. Hum…. Déjà, cela pose un problème. Parce qu’alors, comment prouver que c’est bien une infraction ? Et si j’ai téléchargé une œuvre du domaine public, ou une œuvre pour laquelle j’ai une autorisation, par exemple un film d’études réalisé par un copain ?
Second problème pour Hadopi : si on ne sait pas quelle œuvre on a téléchargé, il faudra bien qu’on connaisse le plaignant. Et donc l’auteur. Et si le plaignant est une société de gestion de droit mandaté par un auteur, il faudra bien qu’elle nous dise au nom de qui elle agit et donc, qu’elle précise l’infraction.
Parce que désolé, mais les auteurs qui prétendent disposer de droits qu’ils n’ont pas, c’est quand même assez courant dès que l’on aborde les questions d’exploitation. Par exemple, si une société d’auteur prétend que son client est lésé parce qu’il doit encore toucher des droits en vertu du nantissement qu’il a sur un film, il faut bien que je puisse vérifier s’il a VRAIMENT une part de nantissement sur ce film !!! Et ça n’a rien de simple… C’est même très compliqué, même si je me rends bien compte à ce stade que je parle chinois, et que vous êtes largués.
– qui détient le droit d’auteur
il faut savoir que bien souvent, la société de production, qui détient le droit d’auteur, n’est pas celle qui le distribue. Il faut donc vérifier précisément qui est titulaire du droit d’auteur qui a été violé. Et donc remonter la chaîne de cession. Bon courage…
D’une part, la cession des droits d’exploitation par l’auteur d’une œuvre cinématographique doit obligatoirement être enregistrée au RPCA, c’est le code de l’industrie cinématographique qui l’impose. Penser à vérifier… c’est une formalité parfois zappée.
– la faculté du titulaire du droit d’auteur à agir sur le territoire français
Autre petit problème : les contrats d’exploitation des produits audiovisuels des majors (films, séries, téléfilms, extraits) sont signés avec les maisons mères, et non les filiales françaises ou européennes et pour cause, ce sont les maisons mères qui ont la qualité d’auteur.
Or, elles sont américaines, et donc pas fondées pour agir sur le territoire français. Et jusque là, le FBI n’a pas la compétence pour venir enquiquiner les vilains téléchargeurs sur notre territoire… Comme c’est ballot !
– la vérification de l’existence d’un mandat
Il faut savoir que le rôle des sociétés d’auteurs n’est pas juridique. Ils sont là pour collecter des droits et les répartir entre les auteurs, pas pour foutre la merde sur des droits qui pourraient éventuellement exister dans leur esprit, symbolisé par un gros dollar.
Donc pour qu’une société de gestion de droit puisse intervenir, il faut qu’elle ait été mandaté par le titulaire des droits concernés par l’infraction. Il faut donc impérativement vérifier l’existence de telles dispositions, et là encore, bon courage.
D’une part, si l’on peut imaginer qu’une telle clause apparaisse dans les dispositions régissant les relations entre les sociétés de gestion de droit françaises et les auteurs français, ça risque d’être plus compliqué à l’international, les majors ne devraient pas s’embourder là dedans.
Et si tel était le cas, il resterait encore la possibilité de faire appel à l’Europe, car une telle disposition en France constituerait une inéquité vis-à-vis des autres territoires européens qui, pour le moment, n’ont pas adopté d’équivalent à Hadopi. Viser la Roumanie plutôt que le Royaume Uni…
– la vérification que celui qui agit détient bien le droit d’auteur pour l’infraction incriminée.
S’agit-il du territoire France (internet étant mondial, on peut en douter, surtout si le produit téléchargé l’est ailleurs qu’en France) ? D’une version en langue française ? D’une version montée de telle sorte ? De telle autre ? Parle-t-on bien du contrat qui concerne cette oeuvre et dans cette version ?