Ces tweets de @ophparis m’avaient intriguée. Quel livre pouvait ainsi recenser nos impressions de jeunes aspirants politiques ? Qui pouvait avoir décrit si justement ce que des personnes aussi différentes qu’Ophélie et moi pouvions connaître ? Google étant mon ami, j’ai assez vite trouvé l’objet du délit : Dans l’ombre, un roman noir se déroulant dans les coulisses d’une présidentielle, écrit par Gilles Boyer et Edouard Philippe.
Je ne connais Gilles Boyer, conseiller d’Alain Juppé, que de nom. En revanche je connais nettement mieux Edouard Philippe, maire du Havre : il fut pendant 2 ans directeur général d’un grand parti politique… au moment même où j’y étais permanente. Hum, un livre se déroulant dans les coulisses du monde politique et écrit par mon ancien patron, réputé pour être particulièrement exigeant et ne pas faire de concessions inutiles… Je devais absolument trouver ce bouquin au plus vite. Un clic et un colissimo plus tard, ce petit bijou était là, prêt à se faire dévorer.
Dans l’ombre. D’un politique bien sûr. Du Patron. Le narrateur est un apparatchik. Le premier des conseillers. Celui avec lequel le Patron aime confronter ses idées, son double, celui qui ne le quitte jamais. Son ombre, évidemment. Ce chef d’orchestre qui encadre le Premier Cercle. Cet homme de l’ombre inconnu au grand public, craint du monde politique, indispensable à tout prétendant aux plus hautes fonctions : « Dans mon monde, les politiques et les apparatchiks vivent ensemble. Ni les uns ni les autres ne peuvent survivre seuls. Tous ceux qui se trompent sur la partie du monde à laquelle ils appartiennent sont des désastres vivants ». Défile instantanément dans ma tête la liste de ceux qui correspondent à la dernière partie de la phrase.
Dans l’ombre se veut un roman noir, et narre avec brio l’enquête politico-policière menée par le Narrateur pour découvrir qui a truqué la primaire remportée de justesse par le Patron. La rumeur, ce terrible poison qui en vient à générer les pires soupçons dans ce monde où tout est possible. Jusqu’à la question fatidique : et si c’était le Patron ? A qui faire confiance ? Si l’intrigue se tient et est brillamment écrite, tenant le lecteur en haleine jusqu’à son terme, le véritable talent des auteurs est ailleurs. La grande réussite de ce livre se trouve dans sa peinture de l’univers politique. Dans ce portrait féroce mais terriblement juste qu’il livre de ce théâtre où chacun a sa place, son rôle, ou du moins le croit… « Dans mon monde, on trouve beaucoup de gens qui sont là pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec leur talent politique : des femmes parce qu’il en faut, des veules parce qu’il y en a, des flatteurs parce qu’ils ne représentent rien, en politique, c’est souvent moins dangereux que quelque chose. »
Pour ceux qui gravitent autour de la sphère politique, Dans l’ombre oblige en effet un aller-retour constant entre le roman et la réalité. Comme dans la série The West Wing, adulée par tous les collaborateurs politiques de la terre, chaque page de ce roman remémore à chacun, de la petite main aux éminences grises, en passant par les journalistes et les Barons, des anecdotes vécues. Pas forcément les mêmes, mais si proches. Souvent drôles grâce au style désopilant des auteurs. Trop souvent vraies grâce à leur connaissance intime de ce monde. Ce qui en fait le livre que chaque personne souhaitant évoluer dans ce milieu se doit d’avoir lu. Rien de moins. Quitte à prendre quelques claques salvatrices pour les moins expérimentés. Et naturellement, à se trouver dans le livre…
En somme, Dans l’ombre réussit le cocktail parfait : un bon polar, une bonne dose d’humour, et une plongée dans le monde politique dont vous ne sortirez pas indemnes. Qu’attendez-vous pour vous ruer sur cette merveille ?
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