Villepin veut-il aller au bout ?*

O Capitaine, mon Capitaine… Villepin. Le flamboyant. Le gaulliste. Celui qui respire la France. La troisième voie évidente entre la gauche et la droite. L’alternative. Celui qui convainc sur sa vision de la France, tant à l’intérieur qu’à l’international. Enfin, il peut se voir un destin. Il est totalement apte à l’incarner.

Après avoir timidement lancé le Club Villepin en 2009, c’est en grande pompe qu’il crée le 19 juin 2010 son propre parti, République Solidaire. Avec un objectif en ligne de mire : la présidentielle. Mais déjà, la machine se grippe. Moins de monde que prévu pour ce lancement, moins d’adhésions qu’espérées, et des sondages qui descendent peu à peu. Rien d’alarmant à ce stade, si ce n’est le manque de reprise en main. Si loin de l’échéance, tout peut encore changer.

Dès janvier 2011, les instituts de sondage commencent à créditer Villepin d’un score inférieur à 5%. De ceux qui ne permettent pas de se faire rembourser les comptes de campagne. Et rien ne change au fil des mois, la courbe reste ostensiblement sous la barre fatidique. Adieu prêt des banques, si campagne il y a, ce sera avec l’avance d’Etat, aux alentours d’un million d’euros. Ce qui explique d’ailleurs probablement le choix de Villepin de renvoyer au début de l’année prochaine une éventuelle campagne : plus elle sera courte, moins dispendieuse elle sera.

Du coup la chasse aux signatures se complique… Pourtant Villepin peut obtenir ces 500 signatures. Il serait même étonnant et gênant pour la démocratie, qu’il ne les obtienne pas : chef d’un parti doté de quelques milliers de militants, et ancien Premier Ministre, son aura et son poids politique méritent qu’il puisse livrer la mère des batailles électorales.

Si du côté des parlementaires c’est mort – traditionnellement les députés et sénateurs sont plus sensibles aux pressions des partis leur accordant l’investiture, et Villepin ne les a guère caressé dans le sens du poil, y compris au sein de sa propre formation- il reste tout de même un grand nombres de signataires possibles, notamment du côté des maires.  Et ils sont nombreux. Le date de dépôt étant très éloignée, là non plus rien n’est perdu.

Pourtant République Solidaire ne réagit toujours pas. Et s’enfonce, même. En interne, les grincements de dents ont remplacé les vivas. Sur le programme, d’abord. Très inspiré par la gauche, sans signe pour la droite, il recueille certes quelques hourras à babord, mais déçoit parmi les militants de sa base centre droit. Les plus nombreux. Dans le même temps, il énerve les parlementaires, furieux de ne pas y avoir été associés et de se retrouver obligés de défendre un programme qui ne correspond pas vraiment à leurs idées.

Ils sont villepinistes, certes, mais tout de même élus sous étiquette UMP, et tous de droite ou de centre droit. Ce virage à babord leur reste en travers de la gorge… Mais surtout, par définition, ils font la loi. Ils ont donc une bonne visibilité sur la faisabilité et le financement de telle ou telle mesure. En ce sens, le revenu citoyen –qui, s’il devait être présenté au Parlement, nécessiterait d’abord des modifications au niveau européen, puis serait l’objet de très nombreux amendements le modifiant profondément- gêne certains d’entre eux.

Bizarrement en interne, la secrétaire générale se borne à critiquer les élus, au lieu de les entendre. Une erreur de plus à mettre au crédit de sa méconnaissance du monde parlementaire qu’en bonne diplomate, elle méprise… mais aussi d’un manque de tact et de diplomatie qui aboutit, à la veille de la présentation du programme, au clash avec Daniel Garrigue, porte parole du mouvement, qui claque alors la porte.

Du côté des militants, l’ambiance déjà morose devient délétère avec le départ d’un homme qui était fort apprécié des cadres. Tout le monde comprend que le bateau est ivre, faute de professionnalisme au sein des équipes. Il est nécessaire de réagir, il est encore temps. Hélas, ce sera par un nouvel échec : la convention nationale du parti, pour l’anniversaire de sa création, réunit seulement 300 personnes dans les jardins de la maison de l’Amérique Latine le 19 juin dernier. En octobre 2009, ils étaient 1300 au même endroit. La claque. Le parti tentera alors d’expliquer cette très faible mobilisation par le fait qu’il s’agissait d’une réunion de cadres… Mais personne n’est dupe.

Les prises de positions quelques jours avant en faveur du mariage homosexuel et de la dépénalisation du cannabis n’auront pas aidé à rassurer sa base, pour qui cela faisait beaucoup d’un coup. Les propos très critiques de Villepin vis-à-vis de Chirac lors de ce meeting auront achevé d’énerver la frange droite de ses soutiens. Autant de maladresses qui auraient pourtant pu être évitées, s’il n’avait pas été entouré de pom-pom girls avides de lui déclarer leur flamme. La composition du Bureau Politique de République Solidaire, publiée quelques jours plus tard, laisse pantois : on ne change surtout pas une équipe qui perd… République Suicidaire.

Cette erreur d’appréciation de la part de Villepin est pourtant flagrante pour quiconque connaît un peu la vie politique. Villepin n’est pas un homme de parti, c’est un sujet qui ne l’intéresse pas. Non content de laisser République Solidaire à une secrétaire générale toute aussi inexpérimentée que lui en ce domaine (elle n’a jamais occupé de fonctions dans un parti politique, pas même de cadre), il ne parvient pas à s’entourer de professionnels qui pourraient régler ces questions pour lui, son job étant de se concentrer sur ses idées. Et c’est ce qui le tue.

Comme s’il en était conscient, il laisse en héritage un livre, Notre vieux pays lire la critique du Monde-, un ouvrage largement inspiré de son programme présenté en avril dernier,  dont certaines réflexions laissent toutefois planer un doute sur un éventuel retrait de la course. Attitude on ne peut plus ambiguë qui pourrait constituer une carte joker, pour justifier plus tard d’un éventuel retrait de la course. Ou pas, s’il se décide finalement à y aller. Une position d’attente, qui permet d’occuper le terrain et de reculer le moment de décider. Malin, mais illisible pour ses soutiens, déjà sous Xanax depuis quelques mois.

Si, une fois encore, l’ouvrage est essentiellement programmatique, Villepin se livrant ainsi en ce sens à l’exercice quasi-immuable du livre programme des candidats à la présidentielle, il évoque naturellement sa vision de la magistrature suprême et son impression sur ses chances d’y accéder ; ainsi notre pays ne serait pas forcément prêt à accueillir ses idées, qui nécessitent un effort collectif de la société au lieu de persister dans l’individualisme de chacun.

Thèse intéressante, probablement visionnaire, mais alors, pourquoi ne pas appliquer ce schéma au fonctionnement de sa propre équipe, et laisser des individualités profondément égoïstes, qui refusent le travail en équipe, écartent systématiquement toutes les compétences de peur de perdre leur rang, n’affichent aucune vision collective, réalisant ainsi un millefeuille d’individus sans objectif commun, de surcroît inexpérimentées,  présider à sa destinée… quitte à l’envoyer dans le mur ?

En ce sens, il manque indubitablement à cette réflexion ce qui fait d’une expérience de terrain un bon retour : sa propre autocritique. Car Villepin prend le problème à l’envers. Brillant et expérimenté à la tête de l’Etat, il peut parfaitement convaincre les Français de ses compétences : il a tout pour réussir et présenter une alternative crédible, particulièrement au moment où la France se cherche. L’actuel locataire de l’Elysée est d’ailleurs en train de découdre toutes les mesures phares de son mandat pour pallier à la crise…

Et en matière de fiscalité, Villepin a des choses à dire : lorsqu’il était premier ministre, il a permis de baisser le déficit public de 2 points et ramener la dette à 65%. Et ses propositions, qui visent à réformer profondément la fiscalité en intégrant la notion de justice fiscale, peuvent rencontrer un large écho dans la population. Il ne manque pas de billes !

Simplement, il ne suffit pas d’avoir des idées, si brillantes soient-elles, pour se qualifier à la présidentielle : il faut être capable de les présenter au peuple. De faire campagne. Avec une structure. Une équipe. Des militants. Autant de relais qui permettent la diffusion du message, dans un effort collectif.  Non, les idées ne se téléportent pas dans le cerveau des Français… Et c’est bien là son drame.

Alors, Villepin veut-il aller au bout de l’aventure ? Est-il prêt à s’en donner les moyens ? L’avenir le dira. Reste qu’à moins d’un rapide mais hypothétique changement de cap, qui renverrait au passé ce triste constat, Villepin restera un président dans l’âme… mais incapable de le devenir.

Article rédigé pour Politiko et publié à cette adresse

11 réflexions au sujet de « Villepin veut-il aller au bout ?* »

  1. Vu sa médiocre prestation sur le plateau de la matinale d’i-télé hier matin, on sent qu’il est en roues libres et qu’il donne le change sans croire lui-même qu’il sera candidat sauf événement exceptionnel qui lui permettrait de revêtir les habits de l’homme du discours contre l’intervention armée en Irak à l’ONU … Or, il fustige lui-même la figure du candidat providentiel qui est la seule à pouvoir lui ouvrir la route de l’Elysée … C’est un triste gâchis …

    Au lieu de penser offrir à Nicolas Hulot le poste de représentant de la France à L’ONU pour préparer le sommet de la Terre, Nicolas Sarkozy serait bien inspiré de proposer à Villepin de se rêver en Al Gore ou John Kerry… ;-)

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  2. Moi je suis consterné par vos propos… Alors je sais bien qu’il faut une équipe, des militants expérimentés pour faire un relais cohérent et pertinent à la population mais je ne comprends votre remise en cause de sa manière de voir les chose parceque certains députés préfèrent partir vers d’autres cieux… Il n’y a pas plus conservateurs et plus girouette qu’un élu parlementaire!!! Ils osnt le plus souvent en proie à des vélléités plus carriéristes que visionnaires pour la Société. C’est lamentable et les gens en ont raze le bol de ce constat.
    En fait DDV est comme De Gaulle, lâcher par tout le monde 1 an avant sa présidence… Mieux De Gaulle aurait eu sans doute une autre issue à notre époque… Ce qu’à sauver De Gaulle est l’Histoire et des circonstances exceptionnelles pour son retour au premier plan. DDV est bien évidemment dans un chemin sinueux et difficile mais nil n’a pas le choix!! DDV n’a et n’aura pas la chance d’un quelconque chef de partie tel que Bayrou ou consorts pour pérenniser un partie politique figé.
    L’enjeu de la prochaine élection est pour lui de porter au diapason l’idée de la rencontre d’un homme avec un peuple uniquement… ET RIEN QUE CA. Il n’a pas le standing et la personnalité pour faire de la politique politicienne… On a à faire ici à une étoile filante qu’on doit capter tout simplement et c’est à nous et nous seul de savoir ce qu’on veut et quel type de personnes on veut…
    Un bref rappel pour conclure: Bayrou était à 4 % en Décembre 2006 dans les sondages… On connait la suite… Et ne me dite pas que ce sont les quelque 10000 adhérents UDF qui on fait le job entre temps… Donc Wait and see.
    Enfin sur un plan plus technique, DDV veut vraiment un mouvement d’union nationale et non un partie politique qui serait représenté au parlement: je vois mal la gauche ne pas valider son programme, quant à la droite elle ira aux plus offrants …

    Il faut donc croire en lui….

    Bien solidairement

    Un républicain

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    • Au risque de me répéter, une équipe est indispensable pour libérer l’homme politique des contraintes d’une campagne, et qu’il puisse se concentrer sur le message. Un premier cercle fort et stable sur lequel il puisse se reposer. Puis des militants, pour l’entourer. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : non, les militants ne font pas tout… Reste que sans eux, rien n’existe. Car sans eux, le message n’atteint pas la population. Et ce ne sont pas quelques petites phrases distillées sur le petit écran qui suffiront à défendre un programme !

      Idem sur les sondages, vous n’avez pas compris mon propos : je reliais au prêt bancaire de campagne, et que cela vous sied ou non, c’est un fait. Rien à voir avec la valeur à accorder au sondage sur les intentions de vote si loin de l’échéance et si vous étiez honnête dans votre réaction, vous auriez reconnu que je l’ai écrit.

      Enfin, pour terminer, votre mépris des parlementaires me choque. Non, ce ne sont pas tous des girouettes. C’est un cliché que vous contribuez à répandre, salissant ainsi un peu plus notre classe politique, en cédant au « tous pourris ». Cet excès ne me semble pas dans la ligne de Villepin… Sur votre analyse de sa représentation au Parlement, je suis franchement dubitative : pour fréquenter de nombreux militants et politiques de gauche, j’ai un tout autre son de cloche.

      Je respecte votre foi en Villepin. Et nous avons un point d’accord : j’ai bien écrit Wait & See…

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  3. Bonjour, vous rendez vous compte que vous lui faites plus de mal qu’autre chose ?
    les problemes des partis politiques se règlent en interne , vous ne faites qu’alimenter les sites et les journalistes qui ne lui veulent pas de bien …

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    • Le sujet pose une question légitime, et n’a pas pur but d’alimenter telle ou telle querelle, mais de s’interroger sur la faisabilité d’un projet. Libre à vous de penser qu’il vaut mieux tout cacher de la vie des partis, personnellement je pense qu’ils sont part intégrante de la vie politique, et qu’un regard peut être posé dessus.

      Je ne suis pas là pour faire du bien ou du mal à qui que ce soit, mais pour offrir mon regard de blogueuse qui est également une citoyenne. Telle est ma liberté, de penser, et d’écrire : il me semble qu’un vieux texte datant de 1789 nous le permet.

      D’ailleurs si vous aviez regardé ce blog, vous auriez vu qu’il recense de très nombreux articles sur la vie politique, et en ce sens, est nettement moins réducteur que votre commentaire ne le laisse penser. Merci cependant d’avoir lu, et commenté.

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