Déshabillez moi… Tel aurait pu être le sous-titre pour cet ouvrage de Neila Latrous et Jean-Baptiste Marteau.
Le pitch est assez simple : les deux jeunes journalistes –ils ne sont pas encore trentenaires- ont choisi de nous en montrer les dessous de l’UMP, pas toujours très propres. Et sans langue de bois, s’il vous plait.
Tout y passe : la mise en exergue de la communication comme credo suprême (jusqu’à la nécessité de contrôler son poids…), l’assassinat plus ou moins feutré des élus les uns par les autres, les retours de flamme, les fluctuations de la cote des uns et des autres pour 2017, sans oublier les fiascos électoraux comme sur le web, et les guerres intestines, jusque chez les jeunes…
Et ça n’a rien d’une fiction. Pour bien connaître le sujet UMP, j’ai trouvé le propos terriblement fidèle à la réalité. La bataille de Paris est décrite avec une étonnante justesse. Et bien mise en perspective par rapport à l’historique de la fédération. Cette UMP parisienne qui se déchire faute d’avoir su se construire, mené par un Philippe Goujon qui relève de l’erreur de casting, échouant à rassembler une droite en lambeaux, pour laquelle Patrick Stefanini, son prédécesseur, n’aura rien pu faire, laissant à Goujon l’ingérable bébé.
Justesse aussi, sur les pratiques du microcosme politique. L’ouvrage peut sembler violent aux yeux du néophyte, il paraîtra presque trop gentil à quiconque pratique la politique. Et pourtant, il est sans concession. Les anecdotes de coup-bas entre politiques sont légions, mais surtout, les auteurs décryptent méticuleusement les méthodes employés : rumeurs, déminage d’événements, incruste de l’indésirable, salle qui siffle, utilisation de la presse et notamment du Canard Enchaîné… C’est le parfait manuel du règlement de compte politique ! La vérité n’est pas toujours belle, mais qui peut sérieusement en nier la réalité ?
Sans parler des fiascos de l’UMP. Notamment internet, et les jeunes. Sur le web, tout le monde sait que si le parti majoritaire avait su se frayer une place sur le réseau pendant la présidentielle de 2007, il a laissé passer le train de Twitter. A part Eric Besson, qui a su trouver une identité sur la branche, personne à l’UMP ne sait utiliser ce réseau social, faute de la comprendre. Vieillotte, l’UMP en est encore à mobiliser ses militants au siège national pour des soirées ripostes hautement contrôlées, à grand renfort de militants usant à outrance des éléments de langage. #UMPathétique.
Les jeunes, quant à eux, constituent l’un des meilleurs chapitres de l’ouvrage. Certes, il y a quelques erreurs de dates, mais les révélations sont intéressantes. Celle de Maxime, auteur du lipdub, sacrifié sur l’autel d’une validation mal assumée. Il aura payé cher sa –mauvaise- idée. A vous dégoûter de vous engager, tant l’UMP s’est montrée d’abord frigide, puis excessivement emballée, avant que le soufflé ne retombe et que le militant soit exclu. Ou quand l’UMP oublie qu’elle doit former ses jeunes, et que l’erreur reste un outil de formation. Que le parti doit assumer.
Mais les jeunes sont comme leurs aînés. Des serial-killers en couches-culottes. Qui ne se privent pas de s’entretuer. Paradoxalement, puisque c’est aussi au sein des bureaux nationaux jeunes que se forment les amitiés politiques indéfectibles… On l’a vu avec Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, mais également avec ceux qui n’ont pas forcément percé et qui restent dans le microcosme, restant pour leurs amis d’antan des alliés de poids. Ou ennemis. L’adage s’est quasi systématiquement vérifié pour toutes les équipes nationales jeunes, une grille de lecture de la vie politique à ne jamais négliger.
En son temps, Fabien de San Nicolas avait exigé des travaux dans le mythique bureau 216, refusant l’open-space pour se créer un bureau. Un camp retranché. Quelques années plus tard, c’est Benjamin Lancar qui se trouve dans la fosse aux lions, condamné à gérer une campagne présidentielle dans une ambiance délétère liée aux questions de succession.
Le jeune homme, emballé dans la machine médiatique, a déçu sur le fond, sans convaincre sur la gestion du mouvement de jeunes : hémorragie des adhérents, persistance dans la politique de verrouillage de son prédécesseur, mort des jeunes populaires par asphyxie consécutive au buzz et à l’absence prolongé de la dose minimale de démocratie –ou d’apparence de démocratie-requise. Un vrai gâchis, qui ne correspond en rien à ce qu’avait souhaité à la création de l’UMP.
La succession, justement. La question se pose aussi chez les grands. Le duo de journalistes en a fait le fil conducteur de cet ouvrage, via l’affrontement Fillon-Copé en vue de 2017… si Fillon ne cale pas avant. Disons le franchement, ces deux là ne s’aiment pas. Tout juste sont-ils capables de s’allier pour éliminer d’autres larrons, Borloo par exemple. Mais sans plus. La réconciliation et le rassemblement, ça va bien pour les caméras. Mais dans la vraie vie, faut pas déconner.
2017… Une ligne de mire, à la fois loin et déjà demain. Chacun cherche à se placer. Si l’ouvrage évoque avec justesse la querelle des prétendants et les ambitions affichées ou non des uns et des autres, leurs stratégies, en dressant de fidèles portraits de Fillon et Copé, il n’en reste pas moins que les cartes seront redistribuées avec la présidentielle. D’autres pourraient bien surgir pour troubler le jeu… Mais tout ceci sera pour un éventuel Tome II : si Sarko perd, c’est une toute autre bataille qui s’engagera, le parti devant alors procéder à l’élection de son président à l’automne… l’absence de président n’étant que transitoire, selon les statuts.
Au final, cet ouvrage de 315 pages réalise un très bon tour du propriétaire, avec une certaine audace qui séduira les lecteurs. Quiconque s’intéresse à la vie politique saura savourer ce bilan très juste et fort bien documenté du parti majoritaire, l’année où l’UMP fête ses dix ans, tout en devant faire face à un vrai risque d’explosion. Dans ce contexte, la lecture d’UMP, un univers impitoyable est fortement recommandée, pour bien en saisir toutes les subtilités.
*Papier publié sur Marianne à cette adresse
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