La droite d’après

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, l’UMP n’a plus de tête. Ou plutôt elle en a plusieurs.

D’un côté Jean-François Copé, Secrétaire Général de l’UMP, et de l’autre, François Fillon, qui fut pendant 5 ans Premier Ministre. Mais aucun des deux n’est le leader naturel de la droite. Et rien ne dit que l’un des deux le deviendra. S’ils y aspirent, ils n’ont pour autant pas tous les atouts en main : l’un comme l’autre ont été nommés… et ne connaissent pas, pour l’instant, leur poids au sein du parti. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du monde en embuscade…

J’entends d’ici les pro Copé ou pro Fillon m’expliquer qu’enfin c’est évident… Probablement les mêmes qui se félicitaient en hurlant du sacre de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP en 2004, sans connaître les arcanes du vote. Oui, Nicolas Sarkozy avait obtenu 85,1% des suffrages exprimés, ce qui est un excellent résultat. Mais quid du poids dans l’UMP ? Alors que l’élection avait eu lieu dans un climat de pression incroyable, à grand renfort de promotion, seulement  62300 adhérents avaient choisi de voter, sur les 132922 à jour de cotisation. Soit 55% de participation.

Quant au vote blanc, nul ne saura jamais vraiment s’il était bien de 35,3% comme semblait l’indiquer le chiffre mystère de 64,7% apparu lors de la répétition générale la veille du congrès, un chiffre forcément issu du scrutin (la machine étant verrouillée) et qui ne correspondait ni à la participation, ni aux suffrages recueillis par un des candidats. Personne ne peut l’affirmer, mais si le vote blanc a atteint ce chiffre, le poids de Sarko était inférieur à 30%. Quoi qu’il en soit, le poids devait être bien faible pour que Sarkozy serre la vis si rapidement après son élection, et s’assure du soutien des cadres par la création d’une catégorie sur mesure : la représentation des nouveaux adhérents dans les instances internes.

Bref, à moins d’être installé dans le parti depuis des années et d’avoir su y tisser un réseau, notamment au fin fond des fédérations, il reste très compliqué de disposer d’un poids de taille. Et en la matière, ni Copé, ni Fillon, ne dispose du moindre début de commencement de légitimité. Parce qu’ils ont été nommés. Parce qu’ils ont fait la guerre. Parce qu’ils ont parfois été maladroits.

Copé, comptable de l’UMP

Copé, quant à lui, se heurte à un problème de taille. Bien qu’à la tête de l’UMP, il n’y est pas (encore) légitime, faute d’avoir été élu. Il pourrait se présenter au prochain congrès, mais a-t-il la poigne nécessaire ? Les débordements actuels démontrent qu’il est incapable de tenir cette famille politique. De plus, il ne s’est pas posé en chef de famille, et s’est fait imposer une direction collégiale pour mener la campagne des législatives. Une bataille sans chef de file. On pourrait appeler cela le rassemblement. Cela montre surtout l’incapacité de l’actuelle secrétaire général de l’UMP à se poser en patron, et à prendre ses responsabilités.

Enfin pour terminer, sa stratégie a toujours été de s’appuyer sur des élus qui lui doivent tout. Quels talents a-t-il fait émerger ? Oh certes, Copé a tenté d’acheter des soutiens, en nommant à droite à gauche des secrétaires nationaux, afin de les obliger. Mouais. L’armée mexicaine, ça dévalorise vite le poste, et ça ne permet pas de s’assurer un soutien fiable et durable. On ne peut pas dire que ses recrutements, à l’image de Valérie Rosso-Debord, aient vraiment été judicieux. Or ce sont autant de boulets qu’il n’a pas su gérer, et qu’il lui faudra traîner.

Quant à son réseau de députés, il est bien meilleur que celui de Fillon… et ne peut être considéré comme autrefois : on parle ici d’un réseau de députés dont il ne restera pas forcément grand-chose après les législatives, et qui en plus, est très volatile. Parce que le sarkozysme est mort entre temps. Et nombreux sont ceux à  suer en ce moment pour conserver leur circonscription, et avoir envie, une fois dans l’opposition, de donner de la voix. Encore un réseau finalement assez friable… Assez peu sur leur propre vote –le vote électronique ne garantissant pas l’anonymat, les cadres vont voter comme il faut- mais sur celui de leurs ouailles. Et c’est bien ce qui compte.

Sur le plan idéologique, il reste très marqué par des prises de positions très polémiques, qui entreront dans son bilan personnel, et peuvent froisser une partie des militants. En effet, Copé est intimement lié à ce que l’UMP a fait depuis qu’il en est le secrétaire général : qu’il le veuille ou non, il est comptable de toutes les polémiques qui ont émaillées la vie du parti. Et là encore, la preuve se fait par le contre exemple : entre 2005 et 2007, Sarkozy avait pris ses distances avec le gouvernement Chirac… justement pour se positionner pour la présidentielle.

Fillon, l’instable coucou

Fillon, lui, n’est hélas pour lui pas plus légitime, contrairement à ce qu’il imagine. Avoir été Premier Ministre est une qualité, mais est-ce suffisant ? En d’autres termes, qu’apporte-t-il de plus que Juppé ou Raffarin ? Rien. En revanche, il a de sacrés casseroles aux fesses. Première d’entre elles, sa passion pour la ventilation. Girouette de classe internationale, on l’a connu balladurien entre 1993 et 1995, devenu chiraquien en 2002 pour entrer au gouvernement, puis sarkozyste –et en opposition très marquée avec le gouvernement d’alors- lorsque Villepin ne l’a pas conservé en 2005. Il avait dit alors « Vous faîtes de moi le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy ». On a connue personnalité plus capable de rassemblement…

Non content de suivre son intérêt personnel au sein du parti, il fait de même pour ses aventures électorales : ça ne l’a en effet pas dérangé de quitter sa terre d’élection, la Sarthe, et sa circonscription qui menaçait de tomber à gauche, pour la confortable 2ème circonscription de Paris. Coucou dans le nid de Rachida Dati. On a connu personnalité politique plus courageuse… Mais à l’entendre, il l’a fait pour se présenter à Paris. Curieusement, il ne parle plus de la capitale : a-t-il enfin compris que briguer Paris lui barrerait la route pour 2017 ?

Et pourtant il devra y aller. Cet épisode l’oblige désormais à affronter la bataille de Paris en 2014, faute de quoi il passera pour le couard qui s’est mis à l’abri. Ce qui lui coupe sous le pied tout destin présidentiel : s’il n’ose y aller, il sera un lâche. S’il y va et perd, il aura été incapable de remporter une bataille capitale (sic !) et s’il gagne, il ne pourra abandonner les parisiens pour mener les troupes en 2017. Le piège s’est refermé. A moins qu’il ne soit pardonné, mais en échange de quoi ? Rien n’est jamais gratuit. Fillon, donc, n’est pas en position de force.

Qui d’autres ?

Enfin, il se pourrait que d’autres prétendants apparaissent. Les observateurs aiment à commenter les faits comme étant joués, mais c’est oublier un peu que l’UMP est une machine complexe qui obéit à d’autres principes que ceux qui ont été montrés sous l’ère Sarkozy. L’UMP, c’est d’abord un projet d’union entre les composantes républicaines de la droite et du centre (droit), quelque chose dont on n’a plus entendu parler depuis de nombreuses années. Mais l’UMP a-t-elle vraiment renoncé à incarner ce projet ? Bien que certains aient cédé à l’appel des sirènes centristes, rien n’est moins sûr. C’est justement l’un des enjeux qui attend l’UMP de demain : faire sa mue, dans un sens… ou dans l’autre.

Rien n’est donc joué que ce soit entre Copé et Fillon… ou d’autres prétendants. Le mandat de président de l’UMP est de 3 ans. Si la droite renonçait enfin à être la plus bête du monde, elle pourrait profiter de ce mandat 2012-2015 pour remettre de l’ordre dans le parti, dans les fédérations, dans les statuts –avec notamment, la mise en place éventuelle d’un ersatz de courants, et des primaires pour la désignation du candidat-, retravailler la ligne politique de l’UMP qui s’est bien éloignée pendant 5 ans de la charte des valeurs de l’UMP, …. Ce mandat de 3 ans devrait, si la droite était maligne, être confié à une personnalité de droite indiscutable en interne, crédible, et surtout, qui ne soit pas candidate pour les présidentielles de 2017.

Et des personnalités de ce type, il en existe dans l’UMP. Elles pourraient même, ensemble, former un ticket Président-Vice Président-Secrétaire Général. Sauf que pour qu’elles se présentent, il faudrait une paix armée. Une paix que toutes les tendances s’imposeraient, en acceptant de reporter la grande baston de 3 ans, au moment des éventuelles primaires.

Copé et Fillon seront-ils assez intelligents pour choisir cette option ? L’attrait du pouvoir étant ce qu’il est, rien n’est moins sûr. Mais la possibilité existe. Et les autres prétendants aux primaires de 2017 pourraient bien être intéressés par cette perspective. Sans parler des tendances oubliées sous le sarkozysme, qui n’ont pas vraiment envie de voir les mêmes se comporter de la même manière. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en la matière, il n’y a que les héritiers directs du sarkozysme pour penser que tout est écrit.

L’avenir immédiat

Et pourtant, l’UMP devra rapidement se trouver un chef. Et plus rapidement qu’il n’y paraît aux yeux des observateurs néophytes. En effet, les statuts de l’UMP prévoient un congrès en novembre pour désigner le nouveau président de l’UMP. En 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu pour un mandat de 3 ans qui prévoyait alors une nouvelle élection à la fin de l’année 2007. Soucieux de ne pas trouver à la tête du parti un opposant qui aurait pu se comporter avec lui comme il l’avait fait avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy avait fait procéder à une modification des statuts, qui prévoyaient, à l’article 48, une disposition transitoire instaurant un secrétariat général pour la durée du quinquennat. Nicolas Sarkozy n’étant plus président de la République à compter du 16 mai prochain, l’UMP se trouve dans l’obligation de procéder à l’élection d’un nouveau président.

Si François Baroin a annoncé qu’il n’y avait aucune urgence à convoquer un congrès avant l’été, ça n’est pas, contrairement à ce qu’ont pu penser ceux qui ne connaissent pas l’UMP sur le bout des doigts, pour renvoyer l’élection à plus tard. C’est tout simplement parce que le congrès n’est pas prévu avant… et que le processus de l’élection du président ne permet pas de l’anticiper. L’articles 26 des statuts précise que « Le Président de l’Union est élu au suffrage universel, par l’ensemble des adhérents, au scrutin majoritaire à deux tours ; les modalités de vote sont définies par le Règlement Intérieur. »

Mais les conditions de cette élection sont déterminées très précisément par le Règlement Intérieur de l’UMP. L’article 26 nous apprend ainsi que les candidatures doivent être transmises 2 mois au plus tard deux mois avant le scrutin, et disposer du parrainage de 3% des adhérents à jour de cotisation. Ces éléments posés, il devient donc strictement impossible d’anticiper l’élection avant l’été. En revanche, pour être dans les temps prévus par les statuts et permettre à l’UMP de disposer de son président en novembre, il faut que les candidatures soient parvenues aux instances en charge de l’élection au plus tard mi-septembre… et donc lancer le processus de parrainage au cours de l’été. Exactement comme en 2004.

Pour y échapper, il ne reste que deux possibilités : ne pas respecter les statuts, ou convoquer un conseil national modifiant le règlement intérieur pour permettre de reculer le congrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’UMP se montrerait incapable de respecter ses institutions, ce qui aurait un retentissement important sur son image… à un moment où le parti tangue déjà. Et cela affaiblirait encore plus Jean-François Copé. Nul n’ayant intérêt à reculer l’échéance, l’UMP devrait logiquement convoquer un conseil national juste après les législatives, et lancer le processus, en informant les adhérents.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, j’ai décidé de reprendre ma carte à l’UMP. En effet, le règlement intérieur est clair : « figurent sur les listes électorales, les adhérents à jour de cotisation au 31 décembre et au 30 juin précédant le scrutin. » Si les adhérents 2011 pourront renouveler leur cotisation jusqu’au vote, tous les autres devront, pour figurer sur les listes, être adhérents au 30 juin. Or par définition, les non adhérents n’ont pas à être informés. Il est donc important que les sympathisants de droite qui souhaitent participer à la reconstruction de l’UMP et porter leur voix pour déterminer à quoi ressemblera la droite de demain (union de la droite et du centre, ou dérive droitière ?) doivent absolument prendre leur adhésion avant le 30 juin. Même s’ils ne seront pas décisionnaires sur les candidatures qui elles, seront certainement l’objet de discussions entre les intéressés…

3 réflexions au sujet de « La droite d’après »

  1. Ping : Variae › 10 raisons pour l’UMP de se réjouir

  2. Bonjour. Vous employez 3 fois dans ce billet le terme « sarkozysme ». Pourtant, je n’ai pas l’impression que le sarkozysme existe, du moins en tant que « doctrine » ou « courant de pensée » dont certains pourraient se prévaloir au sein de l’UMP. Comment définiriez vous « le sarkozysme » ?

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