20 minutes s’est fait l’écho des supporters du PSG, désoeuvrés que le club n’organise pas de déplacement pour le match de Ligue des Champions de demain à Zagreb.
L’article est plutôt intéressant, et Fabien (dont le prénom a été modifié) exprime une position ressentie par pas mal d’amoureux de l’équipe… jusqu’au faux pas : «Je ne vais pas partager ma tribune avec des mecs qui sont supporters depuis deux ans et qui crachaient sur le club quand il jouait le maintien…».
Voilà. Fabien tombe dans la caricature. Comme pour de nombreux « supporters », tous ceux qui n’ont pas pris leur abonnement avant eux –oui, pour eux, tu ne peux supporter le PSG qu’en étant abonné, et en virage s’il te plait- sont des sous merdes indignes de se revendiquer supporter du club.
C’est là que je ne suis pas d’accord.
De quel droit Fabien se permet-il d’associer les nouveaux supporters à ceux qui crachaient sur le PSG quand il jouait le maintien ? J’aimerais bien savoir ce que faisait Fabien en 1985, quand on a fini 13ème et qu’on s’est fait ltaper en coupe d’Europe ? Fabien peut peut-être me montrer son abonnement des années Borelli ?
Parce qu’à force de jouer aux concours de bites entre supporters-du-PSG-plus-légitimes-que-le-voisin, on finit par se heurter à la question de l’âge : il y a des gens qui sont supporters depuis 2 ans et qui avant étaient trop jeunes pour avoir pu cracher sur le PSG quand il jouait le maintien.
Ca a commencé à franchement devenir difficile à la fin des années Canal, lors de la saison 2005-2006, où l’on finit 9ème. Avec l’arrivée de Colony Capital, les difficultés s’enchaînent : les saisons délicates récentes restent 2006-2007, où on finit à la 15ème place, 2007-2008, où on finit à la 16ème place, et dans une moindre mesure 2009-2010 où l’on termine à la 13ème place après l’accalmie de la saison précédente.
C’est probablement à cette période que fait référence Fabien. Et je le comprends. On a mangé notre pain noir. Et alors, il pense qu’il a été le premier ? Désolé, mais je reviens à mon 1985. Et puis tant qu’à faire, parlons des années de milieu de tableau en championnat à la fin des années 90, parfois masquées par les succès en coupes. Là aussi c’était chaud. Quand j’étais à l’école primaire, en 1985, on s’est bien foutu de ma gueule. EH OUAIS.
Ensuite, pourquoi partir du principe que les nouveaux supporters crachaient auparavant sur le PSG ? Mais de quel droit ? Celui de tenter de se trouver une justification qui ne convainc personne ?
J’ai tenté de débattre de ce sujet sur Twitter, et les réponses de certains de ces « supporters » ont été édifiantes. Attention, ils ne sont représentatifs que d’eux-mêmes, mais en aucun cas de la mouvance « ultras » ou de la famille PSG. Décryptage.
La sécurité, ce sujet tabou
L’argument de la sécurité est rejeté en bloc, avec l’explication suivante : « tu n’y étais pas, tu te bases sur les médias (ces salauds) alors t’as rien à dire, y’avait pas de problème de sécurité, la preuve y’a toujours eu des enfants au stade ».
Des enfants ? En plein virage ? Dans les années chaudes ? Je crois qu’ils réécrivent un peu l’histoire, nos amis « supporters »… parce que sur les images magnifiques des tribunes pleines de fumis, je n’ai pas vu beaucoup de bouts de chou. Certes en latéral… mais en latéral, c’est le mal, non ? Surtout que moi je n’avais pas les moyens d’y aller, en latéral. On parle donc bien des virages.
Pourquoi occulter que certains ne venaient pas au stade auparavant ? Certes, ça ne fait pas plaisir aux supporters, mais pourquoi nier que certains ne venaient pas avant pour des raisons de sécurité ?
Oui, il y a toujours eu des familles, des femmes, des enfants au stade. Mais pas forcément en plein virage (la seule place revendiquée comme véritablement valable par ces supporters, car ils crachent aussi sur ceux qui osent aller en latéral).
Pourquoi nier les affrontements qui existaient entre Boulogne et Auteuil ?
Pourquoi nier que cette image –réelle ou supposée- ait pu faire fuir une partie du public, désireux de voir un match de foot en toute tranquillité ?
Je n’y étais pas. Certes. Mais pourquoi ? J’ai 38 ans. Je soutiens le PSG ardemment depuis mes 8 ans. Finale de coupe de France face à St Etienne. Mes larmes quand les parents ont ramené à la maison un cadeau pour moi : mon premier maillot de foot. C’était St Etienne. Jamais autant pleuré. Alors la passion PSG… Je n’ai rien à prouver à personne.
Et si je n’allais pas au stade, j’ai mes raisons. D’abord, j’ai grandi avec le drame du Heysel. A l’époque où l’on regardait le foot en direct sur les chaînes hertziennes. Dès lors pour mes parents, pas question que j’aille au stade. Et encore moins en virage. Jusqu’à pouvoir avoir mon premier CDI, c’était donc totalement exclu.
Autre raison, plus dramatique, mais néanmoins essentielle pour comprendre. Jeune femme, j’ai été agressée 5 fois. Dont une fois bien plus violemment que les autres. Ca m’a rendue peut être trop craintive aux yeux de ces supporters-là. Mais désolé, j’ai très longtemps évité tous les endroits définis comme un peu chauds, que cette définition ait été à tort ou à raison. Principe de précaution.
Lorsque le Plan Leproux a nettoyé les tribunes, j’ai assez vite compris que c’était une décision très dure, qui touchait bien au-delà des personnes concernées. Mais j’ai mis les pieds au stade. Et vécu mon rêve, celui de voir jouer mon équipe. Je ne dis pas pour autant que le Plan Leproux était la solution. D’ailleurs, j’aurais probablement fini par aller au Parc en latéral, accompagnée, sans le Plan Leproux. Mais le latéral, c’est le mal hein ? Pas le vrai Parc des Princes ?
Reste que la mythologie des échauffourées en virage, et les propos d’anciens abonnés de ces tribunes que je connais, font que jamais je n’y aurais mis les pieds de ce temps-là. Traitez-moi de chochotte si vous voulez. Que celui qui juge ça vive ce que j’ai vécu et on en reparlera. Personne n’a le droit de juger.
Cette réaction épidermique démontre en tout cas que le sujet est éminemment sensible. Les supporters refusent de voir en face une partie du passé –il y a tout de même eu un mort, les arrestations plus ou moins valables étaient régulières, comme les bastons- et pour cause : ils ne veulent plus du tout être associés à ce passé. Est-ce pour autant probant de nier qu’il a pu rebuter une partie du public ?
Un gigantesque « concours de bites »
Attention si l’on veut se définir « supporter » du PSG, il faut songer à dérouler son pédigrée sur 12 générations. Enfin un peu moins, le PSG datant de 1970.
Comme c’est récent, il conviendra de compenser, en veillant à afficher un nombre important de déplacements au compteur, sans oublier de tenir compte de la distance kilométrique. Plus tu alignes les miles, plus tu grimpes dans la pseudo hiérarchie ! Aujourd’hui y’en a un qui, dans la discussion, a pissé jusqu’à 1800 kms. Qui dit mieux ? Allez, on peut mieux faire !
Que tu puisses avoir un boulot qui ne te permette pas de prendre des jours pour aller au bout de l’Europe ou que tu n’aies pas les moyens n’a pas l’air d’être un argument. T’es juste pas un vrai. Et tant pis si t’as juste vibré devant ta télé.
Ainsi, si je reprends mon exemple, mon ancienneté de supportrice depuis 30 ans ne vaut rien sur le cours du supporter, parce que je n’ai mis les pieds au Parc des Princes qu’en 2009. Shame on me. Forcément, en tant que fille, je n’ai pas de service trois pièces. Damnit.
J’ai pleuré quand on m’a offert le maillot de St Etienne en hurlant qu’on me voulait du mal -j’ai même trépignée et je me suis même roulée par terre en serrant mes petits poings musclés pendant que le frangin récupérait le maillot des Verts (qui pour moi, se limitaient à pisser en l’air)- j’étais amoureuse de Joël Bats et de Safet Susic, mais des gars qui n’étaient même pas nés m’expliquent que si je ne suis pas allée pogoter en virage, je ne suis pas une vraie supportrice. Euh, ça fait de plus en plus secte, là…
Et c’est bien là le plus surprenant : ces « supporters » estiment qu’on ne peut se prétendre supporter si l’on ne va pas au stade, je cite : « Comment on peut supporter une équipe derrière son poste de télé ???? Putain de football moderne de merde ».
Déjà football moderne… j’ai découvert le foot lors de la coupe du monde de 1978 en Argentine, inutile de dire que du haut de mes 4 ans j’étais devant ma télé…. C’était y’a quand même 34 ans. L’âge de Gigi Buffon. Et le type qui me dit ça est né en 1989. LOL.
Un supporter d’une autre équipe, qui s’en étonnait, s’est vu traiter de « tocard », avec une mention l’enjoignant de supporter SA ville. WTF ?
De quel droit ces « supporters » décident-ils de quelle équipe on doit supporter ? Si tu habites dans une ville sans club, t’as pas le droit d’aimer le foot ? Si tu es né à Paris, mais que tu as dû déménager à Evian pour ton job, t’es obligé de supporter Evian Thonon Gaillard ? Sérieux ? Nan parce que si tu habites Evian, tu vas avoir du mal à monter tous les 15 jours à la capitale…
Finalement, en 2h de « discussion », ces « supporters » n’ont jamais parlé ballon, système de jeu, composition de l’équipe. Ils se sont juste bornés juste à faire un concours de bites sur celui qui est le plus ci ou ça (abonné de plus plus longtemps, allé dans un plus grand nombre de déplacements, bref, tout ce qui à ses yeux représentent la passion parisienne, à LEURS yeux), en voulant en plus imposer aux autres leur manière de vivre cette passion.
Ce qui m’étonne, en tout cas, dans ces réactions, c’est de voir à quel point ces supporters là sont arc boutés sur des principes qui en deviennent quasi sectaires. Pourtant, si les « vrais supporters » sont si nombreux que ça à représenter le Parc des Princes, pourquoi sont-ils si peu nombreux dans les manifestations qu’ils organisent pour revendiquer ?
Et après ils s’étonnent de ne pas être écoutés par la direction… C’est pourtant simple de comprendre pourquoi : pas de représentativité, pas de poids, pas d’écoute. Basta. Et tout le monde y perd, à commencer par l’identité du PSG. Malin…
Paris multiple
Pourquoi ne pas tout simplement accepter que le public du PSG est protéiforme ?
Qu’il n’y a pas un type de supporter, mais des types de supporters ?
Qu’il n’y a pas un type de spectateurs au Parc des Princes, mais de multiples catégories ?
Finalement, le PSG, c’est un gigantesque jeu des 7 familles.
Alors oui, il y a la famille Ultra. Elle a son importance. C’est elle qui met l’ambiance, lorsqu’elle veut bien venir encourager son équipe. Et tout le monde (à de rares exceptions près qu’il ne faut pas nier) reconnaît l’importance des ultras, et comprend pourquoi, ultra ou pas, les abonnés ont été frustrés lorsqu’ils ont été virés du Parc par le Plan Leproux.
Mais il y a d’autres familles qui coexistent, que ce soit au sein des supporters –non, supporter ne signifie pas aller au stade- ou même au sein du Parc des Princes. Qu’on arrête de me faire croire que les gamins qui viennent au Parc sont des ultras. Qu’on arrête aussi de penser que le Parc se limite aux deux virages et que les latéraux ne viennent pas encourager leur équipe.
Qu’on arrête de vouloir uniformiser à tout prix le supporter du PSG, et qu’on le laisse vivre sa passion, au degré qu’il entend, aux moyens financiers qu’il peut mettre, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit, et surtout pas des gens qui s’inventent une petite mythologie perso juste pour se sentir exister.
Au contraire, on devrait se féliciter de voir le public s’élargir. De voir les yeux des enfants briller de nouveau en rouge et bleu. De voir les familles revenir, la proportion de femmes augmenter, et même un public moins fan revenir au stade.
Car c’est une histoire de ballon avant tout. Et ça ne me choque pas de voir des gens qui ne sont pas ultra spécialistes du PSG avoir envie de voir un match. Tout simplement parce que dans le monde, il y a des équipes que je connais bien moins que le PSG, et que j’aimerais aller voir jouer. Pour le plaisir du ballon rond.
Dernier point, lorsqu’on se définit supporter, on ne siffle pas son équipe. Or j’ai vu des soit disant « supporters historiques » -mais vous avez compris que c’est une étiquette que n’importe qui se colle pour un peu qu’il ait un abo en virage- siffler les joueurs.
Que ceux qui font ça ne me parlent pas de soutien pendant qu’on jouait le maintien… parce que le soutien, c’est tout le temps. Y compris par beau temps. La critique est permise, reconnaître quand on ne joue pas bien est même souhaitable, mais siffler son équipe, c’est d’une rare violence que je ne cautionne pas.
Alors vous, membres de la grande famille du PSG, faites votre introspection. Réfléchissez un peu sur ce que vous dites, et vous verrez rapidement que vous ne pouvez pas indéfiniment imposer des critères de supporters, dont d’ailleurs personne ne vous reconnaît aucune légitimité pour les déterminer.
Vous êtes ultras ? Très bien. Merci pour ce que vous faites.
Vous êtes abonnés depuis des lustres ? Très bien, merci pour ce que vous faites.
Vous êtes spécialistes du jeu ? Très bien.
Vous aimez le PSG ? Bravo, nous sommes frères.
Mais arrêtez de taper verbalement sur votre voisin parce qu’il n’a pas exactement la même manière que vous de vivre en rouge et bleu. Cessez votre trip de maman étouffante, on en a déjà une… Et ouvrez un peu votre esprit.
Soyez fiers qu’ensemble on vibre pour Paris.
Revenons à ce qui nous unit.
EN ROUGE ET BLEU ALLEZ !