La Nazionale à la croisée des chemins

10377076_10152222785008831_8811631101051590216_nMardi 24 juin. L’Italie est éliminée de la Coupe du monde, dans les conditions que vous savez.

Oh, je ne vais pas vous expliquer que l’Italie a bien joué : vous savez que c’est faux. En revanche, il existe des raisons pour lesquelles l’Italie a mal joué.

Du côté de l’organisation du Mondial, par exemple. Parce que sur cette Coupe du monde, l’Italie a tout connu :

  • Un changement de règlement en cours de route : apparition deux jours avant d’un tirage au sort pour désigner quel pays européens parmi les 9 qualifiés pour le mondial allait aller en chapeau 2, alors que la France, pays le plus mal positionné au classement FIFA avant les barrages, aurait dû y aller. Vous connaissez la suite : c’est l’Italie qui s’est retrouvé en chapeau 2.
  • Le tirage au sort du Mondial : qui dit Chapeau 2, dit grosses équipes à affronter. Et c’est ainsi que l’Italie s’est retrouvée dans le groupe de la mort. Wonderful.
  • La localisation des matchs : l’Italie a joué son premier match à Manaus, en Amazonie, par 30° et 90% d’humidité. Soit 37° de ressenti pour les joueurs, selon le médecin de la Nazionale. Les deux suivants, à Recife et Natal, dans des régions chaudes.
  • L’heure des matchs : si le match en Amazonie a bien été joué à 19h heure locale, les suivants ont été joués à 13h. En plein cagnard. L’Italie est l’équipe qui a joué sous la plus haute température moyenne durant cette phase de poule.
  • Un arbitrage local sur le dernier match : beaucoup de fautes uruguayennes ont été oubliées. Ensuite oui, Marchisio a fait une faute. Mais si l’arbitre sort un joueur pour un tacle dangereux lorsqu’il joue le ballon, comment peut-il laisser en jeu un joueur qui mord son adversaire sans se préoccuper du ballon ?

Italy v Uruguay: Group D - 2014 FIFA World Cup BrazilEvidemment personne ne peut affirmer que l’Italie aurait réussi à marquer dans le temps restant, vu son manque de réalisme face au but et son incapacité à cadrer.

Il est probable que cela n’aurait rien changé. Reste que les uruguayens étaient complètement cramés, que l’Italie a tenté jusqu’au bout mais sans avoir l’opportunité de se tester à 10 contre 10. A l’heure où j’écris ce texte, aucune sanction n’a été prise à l’encontre de Luis Suarez, même si une conférence de presse de la FIFA doit se tenir en fin de journée. [Suarez sera finalement sanctionné lourdement, en étant interdit de toute activité liée au football pendant 4 mois].

Ces conditions expliquent que malgré une bonne préparation physique, les organismes n’aient pas réussi à s’acclimater. Et qu’on se comprenne bien, l’Italie n’est pas la seule concernée : l’Angleterre a souffert lors de son premier match à Manaus (nombreuses crampes). Si l’on regarde les qualifiés des groupes A et B, 6 équipes d’Amérique Centrale et du Sud se sont qualifiées pour les 1/8ème de finale, sur 8 places disponibles.

dieu (2)L’Italie ayant beaucoup donné sur son premier match, dans les pires conditions, les organismes n’ont pas pu récupérer à temps pour les deux matchs suivants… joués en plein cagnard.

Si vous avez regardé les matchs de l’Italie, vous n’avez pas pu manquer que l’équipe a muté en un groupe de zombies dès le second match. Méconnaissable. Trop fatiguée, elle n’a pas été en mesure de déployer son jeu. Force est de constater que sur cette phase de poule, le climat aura été la clé. Et sur ce point, l’organisation aura laissé la place à d’énormes disparités.

 

Une élimination sous haute tension

A l’issue du match, la Nazionale a tremblé. Abete, président de la FIGC, a immédiatement démissionné, tout comme le sélectionneur Cesare Prandelli. Mais surtout, deux joueurs se sont exprimés. Pas n’importe lesquels : deux champions du monde.

Bq6sUGaCMAAkkhlTout d’abord le capitaine Gigi Buffon, au micro de Sky Italia : « On entend souvent dire qu’il faut du changement, que Buffon, Pirlo, De  Rossi, Chiellini et Barzagli sont vieux, mais la vérité c’est que quand il faut  pousser le chariot, ceux-là sont toujours au premier rang. Il faut les respecter un peu plus, pas pour ce qu’ils ont été mais pour ce  qu’ils représentent encore. Sur le terrain, le « il faut faire », le  « pourrait faire » ou le « il fera peut-être » ne suffisent pas ». 

Daniele-De-Rossi_full_diapos_largeInterrogé par la Rai, Daniele de Rossi a renchéri, en validant « chaque virgule du concept exprimé par Gigi Buffon » : « C’est vrai que nous incarnons l’état d’esprit juste et il est  aussi vrai que nous donnons toujours tout. Il y avait certainement des paramètres qui ont influencé le résultat, comme la chaleur ou l’arbitrage, mais il ne faut pas s’accrocher à ça. Nous devons oublier. Non, je me corrige : on doit se souvenir de tout et nous reconstruire avec des vrais hommes, pas avec des starlettes, la Nazionale n’en a pas besoin. »

Pris dans la tourmente de l’élimination et des démissions, les observateurs ont d’abord conclu à une série de tacles appuyés sur Mario Balotelli. Il faut dire que SuperMario n’a rien fait pour arranger les choses. Selon les infos qui commencent à sortir, et qui ne seront probablement jamais confirmées, il y aurait eu une altercation entre Prandelli et Balotelli à la mi-temps. Le jeune attaquant aurait marmonné des propos peu acceptables, critiquant « les sénateurs ». Un comportement qui a poussé Bonucci à le virer manu militari du vestiaire, lui disant clairement : « Idiot, sors d’ici et tais-toi ».

Le jeune joueur n’aurait-il pas supporté que l’entraineur choisisse de le remplacer par Parolo ? Pourtant Prandelli avait toutes les raisons de le sortir : Balotelli avait bien trop décroché tout au long de la première période et les uruguayens semblaient bien décider à le faire craquer, ce qui lui avait déjà valu un carton jaune. Le comportement du joueur, à ce moment critique du match, aura donc été de creuser la fracture dans un groupe déjà épuisé.

Bq65DDECUAA3kHtPire, à l’issue de la partie, alors que toute l’équipe attendait sagement au vestiaire le retour de Pirlo, retenu par le contrôle anti-dopage, pour écouter son discours de départ puisqu’il avait annoncé prendre sa retraite internationale à l’issue du mondial, SuperMario s’est désolidarisé du reste du groupe, rejoignant seul le bus.

BrDQkYGCEAAHeudMoins de 24h après, les joueurs étaient dans l’avion. Mais avant qu’ils ne se posent à Milan, ce jeudi 26 juin, il s’était passé beaucoup de choses. Qui ont abouti à cette déclaration de Pirlo, dès sa descente d’avion : « Per ora lascio l’azzurro. Ma se il nuovo CT mi chiedesse disponibilità, tornerei volentieri // Pour l’heure, je quitte le maillot azzuro. Mais si le nouveau sélectionneur requiert ma disponibilité, je reviendrais volontiers ». Au conditionnel. Tout ça à quelques instants de cette longue accolade avec Cesare Prandelli.

 

Quel avenir pour la Nazionale ?

Rien n’est dû au hasard. Ni le changement de pied de Pirlo –qui annonçait sa retraite depuis plus d’un an- ni les mots précis qu’il a choisis. A mon sens, c’est une décision collective. Qui part de la défaite. Qui passe par les mots de Gigi et DDR. Et qui s’achève sur cette annonce de Pirlo. Décryptage.

10336729_764133860311209_8920640719228600202_nTout commence avec la prise de paroles des deux champions du monde 2006. A tout seigneur tout honneur, c’est Gigi qui a posé les bases : sur ce mondial, ce sont les aînés qui ont répondu présents. Les jeunes joueurs n’ont pas su se transcender pour aller chercher cette victoire.

Daniele de Rossi s’est chargé d’apporter les précisions nécessaires : l’équipe nationale italienne fonctionne selon un état d’esprit, dont les anciens sont les garants. Et pour le moment, certains chez les jeunes ne semblent pas avoir bien compris l’essence de la Nazionale : le talent ne suffit pas, il faut également de l’abnégation.

mVcmO2S2Pour comprendre la réaction des anciens, il faut se souvenir de ce qui est écrit à l’intérieur du maillot de la Nazionale : En Italie, le Bleu est plus qu’une couleur. Le Bleu est un mode de vie, qui se transmet de génération en génération. Il représente une tradition faite d’espérance, de victoires et d’étoiles conquises. En Italie, le Bleu veut dire être toujours prêts à rêver de plus. Ce maillot signifie cela. Il est fait pour rêver. FORZA AZZURRI. Telles sont les valeurs de la Nazionale di Calcio, que Balotelli et ses jeunes coéquipiers sont supposés comprendre, intégrer, et incarner sur le terrain comme dans leurs comportements. Ce qui n’a manifestement pas été le cas, et ce à la pause du match le plus important pour eux.

Ca ne peut pas passer, pour les anciens. Pas parce qu’ils sont mis en cause, mais parce que les valeurs de la Nazionale ont été bafouées. Ils le savent : s’ils en restent là, l’Italie perdra cette force qui est la sienne et qui bien souvent, lui a permis de se sortir de situations inextricables. Il y a le feu à Casa Azzurri. Les deux hommes ne vont donc pas s’arrêter là.

Bq6leC4CUAA-BQZIls vont entraîner avec eux le troisième champion du monde : Pirlo. Le meilleur joueur de l’équipe. Une idole. Un leader silencieux. Celui que tout le monde écoute lorsqu’il prend la parole. Or celui-là annonce depuis un an qu’après cette compétition, il prendra sa retraite internationale. Il ne fait aucun doute que pour Buffon et De Rossi, il y a eu urgence à le convaincre de rester.

Comment s’y sont-ils pris ? Je l’ignore, mais ces hommes vivent ensemble en sélection depuis l’âge de 15 ans. Ils se connaissent, s’estiment et se respectent. Buffon et Pirlo ont toujours été proches. Pirlo fut même l’un des rares footballeurs à avoir été invité au mariage de Buffon en 2011.

Mais DDR est le meilleur ami de Pirlo dans la sélection italienne actuelle. C’est également son compagnon de chambrée depuis le départ d’Alessandro Nesta. Ils sont même partis en vacances ensemble l’été dernier. Cette amitié remonte à 2006. Après que DDR ait pris un carton rouge pendant la Coupe du Monde, Pirlo ne l’avait pas blâmé. Au contraire, il l’avait soutenu, l’invitant même à dîner dans sa famille. C’est dire si entre eux, il y a plus qu’une histoire de ballon.

Bq6zA8vCYAEkWeB.jpg largeLes trois champions du monde unis, il fallait trouver un moyen de l’annoncer. C’est donc Pirlo qui, dès la sortie de l’avion, a annoncé qu’il pourrait continuer l’aventure, si on lui demandait. Alors que Prandelli a démissionné, un nouveau sélectionneur va être nommé. Qui ? C’est bien la question que pose entre les lignes le groupe des champions du monde 2006 : qui sera choisi pour diriger l’équipe nationale d’Italie, sous-entendu, dans quel état d’esprit ?

Nombreux sont les noms cités. Mais parmi eux, figure un homme que visent directement les propos d’Andrea Pirlo : Massimiliano Allegri. L’ex-entraîneur du Milan AC, finalement viré en janvier dernier, est celui qui a commis l’impair de faire partir Pirlo du Milan AC, où le joueur avait passé 10 ans.

Manquant totalement de clairvoyance, Allegri n’a pas souhaité reconduire Pirlo à son poste de numéro 6 devant la défense, estimant qu’il était trop vieux pour ce poste. Il a convaincu Gallieni de lui proposer d’être milieu gauche, une insulte pour Pirlo. Et c’est ainsi qu’Il Maestro, en fin de contrat au Milan, est parti gratuitement à la Juve. Où il a remporté les trois championnats suivants, démontrant malgré quelques blessures combien il est essentiel, et à quel point il tient la forme.

L’Italie entière se moque encore de la bêtise d’Allegri. Autant dire qu’après cette phrase apparemment anodine de Pirlo, il ne figure plus parmi les favoris. N’y allons pas par quatre chemins : le groupe des « sénateurs » fait clairement pression sur la fédération pour choisir un homme à la hauteur de la situation. Un homme qui saura faire le ménage au sein de la Nazionale, prendre les décisions qui s’impose (virer définitivement Balotelli ?) et garantir le respect du maillot au sein du groupe. Ils ont pris leur responsabilités. Je ne peux que les en remercier.

Conte-scudettoPersonnellement, j’ai un rêve : que le conseil fédéral de la FIGC propose le poste à Antonio Conte, homme de poigne très respecté par ses joueurs, qu’il l’accepte, et que Prandelli prenne sa place à la Juve. Oui, je rêve d’un échange de bons procédés.

Parce qu’auréolé de trois scudetti successifs, dont le dernier à plus de 100 points, tout en menant son équipe d’une main de fer, Conte serait vraiment l’homme de la situation. On peut toujours rêver : qui sait ? Sinon, Maître Fabio Capello pourrait être rapidement disponible, après ce mondial avec la Russie. Ancelotti, lui, est sous contrat avec le Real. Alors Mister Conte ? Lasciate mi sognare…

5 réflexions au sujet de « La Nazionale à la croisée des chemins »

  1. Trop facile de se cacher derriere ces chose superficielle, l’Italie se devait de passer si elle etait une grande nation. Groupe difficile certe mais l’Italie a meme perdu face au Costa Rica pourtant pas un grand nom. Quand a Dieu Suarez l’arbitre ne peut pas voir sans video. Article trop chauvin et puis tu parles pas de foot…

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    • Si tu veux que l’on parle de foot, rendez toi sur la page spécialement consacrée à la Coupe du Monde sur le blog. J’ai passé un certain temps à produire un contenu très riche footballistiquement parlant, assez énorme pour quelqu’un dont ça n’est pas le métier, aussi je ne retiendrai pas ton argument.

      Cet article que tu commentes porte sur l’avenir de la Nazionale. Dommage que tu ne l’aies pas lu car si tu l’avais fait, tu aurais vu qu’il commence par expliquer que l’Italie n’a pas bien joué. Il est donc malhonnête de prétendre que je ne l’évoque pas. C’est bien de troller mais à un moment donné, il faut savoir lire et savoir lire n’est pas suivre un texte des yeux en déchiffrant des lettres, mais être capable de comprendre ce qui est écrit.

      Par ailleurs, j’avoue que j’apprécie énormément que tu parles de chauvinisme… c’est un vrai compliment, pour la française que je suis. Eh oui. En psychologie, on dit souvent que les gens reprochent aux autres ce qu’ils font eux-mêmes. En lisant ton message, il n’y a pas à douter de ton manque d’objectivité flagrant à l’égard de cet article, que tu as lu sous le prisme de ton idole alors que là n’est pas le sujet. Dès lors, ton avis sur l’Italie ne peut avoir d’importance.

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  2. Merci pour cet article très intéressant ! (Je dois avoir l’air de passer ma vie à remercier…) Et agréable à lire.
    J’en profite aussi pour te remercier à nouveau pour la série “La Coupe du Monde pour les Nuls”. J’ai tout lu, au fur et à mesure, alors qu’à la base j’étais plutôt dans le groupe des gens qui “détestent” le foot (confiteor). L’attitude de Floriana m’avait déjà fait réviser mon jugement (#fanclub). Tes textes (en particulier celui-ci et le dernier numéro de la Coupe du Monde pour les Nuls) me font comprendre la vraie passion qui vous anime… Tes analyses sont vraiment riches et intéressantes (j’imagine que ça l’est encore plus quand on a une vraie culture de tout ça).

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