La Nazionale à la croisée des chemins

10377076_10152222785008831_8811631101051590216_nMardi 24 juin. L’Italie est éliminée de la Coupe du monde, dans les conditions que vous savez.

Oh, je ne vais pas vous expliquer que l’Italie a bien joué : vous savez que c’est faux. En revanche, il existe des raisons pour lesquelles l’Italie a mal joué.

Du côté de l’organisation du Mondial, par exemple. Parce que sur cette Coupe du monde, l’Italie a tout connu :

  • Un changement de règlement en cours de route : apparition deux jours avant d’un tirage au sort pour désigner quel pays européens parmi les 9 qualifiés pour le mondial allait aller en chapeau 2, alors que la France, pays le plus mal positionné au classement FIFA avant les barrages, aurait dû y aller. Vous connaissez la suite : c’est l’Italie qui s’est retrouvé en chapeau 2.
  • Le tirage au sort du Mondial : qui dit Chapeau 2, dit grosses équipes à affronter. Et c’est ainsi que l’Italie s’est retrouvée dans le groupe de la mort. Wonderful.
  • La localisation des matchs : l’Italie a joué son premier match à Manaus, en Amazonie, par 30° et 90% d’humidité. Soit 37° de ressenti pour les joueurs, selon le médecin de la Nazionale. Les deux suivants, à Recife et Natal, dans des régions chaudes.
  • L’heure des matchs : si le match en Amazonie a bien été joué à 19h heure locale, les suivants ont été joués à 13h. En plein cagnard. L’Italie est l’équipe qui a joué sous la plus haute température moyenne durant cette phase de poule.
  • Un arbitrage local sur le dernier match : beaucoup de fautes uruguayennes ont été oubliées. Ensuite oui, Marchisio a fait une faute. Mais si l’arbitre sort un joueur pour un tacle dangereux lorsqu’il joue le ballon, comment peut-il laisser en jeu un joueur qui mord son adversaire sans se préoccuper du ballon ?

Italy v Uruguay: Group D - 2014 FIFA World Cup BrazilEvidemment personne ne peut affirmer que l’Italie aurait réussi à marquer dans le temps restant, vu son manque de réalisme face au but et son incapacité à cadrer.

Il est probable que cela n’aurait rien changé. Reste que les uruguayens étaient complètement cramés, que l’Italie a tenté jusqu’au bout mais sans avoir l’opportunité de se tester à 10 contre 10. A l’heure où j’écris ce texte, aucune sanction n’a été prise à l’encontre de Luis Suarez, même si une conférence de presse de la FIFA doit se tenir en fin de journée. [Suarez sera finalement sanctionné lourdement, en étant interdit de toute activité liée au football pendant 4 mois].

Ces conditions expliquent que malgré une bonne préparation physique, les organismes n’aient pas réussi à s’acclimater. Et qu’on se comprenne bien, l’Italie n’est pas la seule concernée : l’Angleterre a souffert lors de son premier match à Manaus (nombreuses crampes). Si l’on regarde les qualifiés des groupes A et B, 6 équipes d’Amérique Centrale et du Sud se sont qualifiées pour les 1/8ème de finale, sur 8 places disponibles.

dieu (2)L’Italie ayant beaucoup donné sur son premier match, dans les pires conditions, les organismes n’ont pas pu récupérer à temps pour les deux matchs suivants… joués en plein cagnard.

Si vous avez regardé les matchs de l’Italie, vous n’avez pas pu manquer que l’équipe a muté en un groupe de zombies dès le second match. Méconnaissable. Trop fatiguée, elle n’a pas été en mesure de déployer son jeu. Force est de constater que sur cette phase de poule, le climat aura été la clé. Et sur ce point, l’organisation aura laissé la place à d’énormes disparités.

 

Une élimination sous haute tension

A l’issue du match, la Nazionale a tremblé. Abete, président de la FIGC, a immédiatement démissionné, tout comme le sélectionneur Cesare Prandelli. Mais surtout, deux joueurs se sont exprimés. Pas n’importe lesquels : deux champions du monde.

Bq6sUGaCMAAkkhlTout d’abord le capitaine Gigi Buffon, au micro de Sky Italia : « On entend souvent dire qu’il faut du changement, que Buffon, Pirlo, De  Rossi, Chiellini et Barzagli sont vieux, mais la vérité c’est que quand il faut  pousser le chariot, ceux-là sont toujours au premier rang. Il faut les respecter un peu plus, pas pour ce qu’ils ont été mais pour ce  qu’ils représentent encore. Sur le terrain, le « il faut faire », le  « pourrait faire » ou le « il fera peut-être » ne suffisent pas ». 

Daniele-De-Rossi_full_diapos_largeInterrogé par la Rai, Daniele de Rossi a renchéri, en validant « chaque virgule du concept exprimé par Gigi Buffon » : « C’est vrai que nous incarnons l’état d’esprit juste et il est  aussi vrai que nous donnons toujours tout. Il y avait certainement des paramètres qui ont influencé le résultat, comme la chaleur ou l’arbitrage, mais il ne faut pas s’accrocher à ça. Nous devons oublier. Non, je me corrige : on doit se souvenir de tout et nous reconstruire avec des vrais hommes, pas avec des starlettes, la Nazionale n’en a pas besoin. »

Pris dans la tourmente de l’élimination et des démissions, les observateurs ont d’abord conclu à une série de tacles appuyés sur Mario Balotelli. Il faut dire que SuperMario n’a rien fait pour arranger les choses. Selon les infos qui commencent à sortir, et qui ne seront probablement jamais confirmées, il y aurait eu une altercation entre Prandelli et Balotelli à la mi-temps. Le jeune attaquant aurait marmonné des propos peu acceptables, critiquant « les sénateurs ». Un comportement qui a poussé Bonucci à le virer manu militari du vestiaire, lui disant clairement : « Idiot, sors d’ici et tais-toi ».

Le jeune joueur n’aurait-il pas supporté que l’entraineur choisisse de le remplacer par Parolo ? Pourtant Prandelli avait toutes les raisons de le sortir : Balotelli avait bien trop décroché tout au long de la première période et les uruguayens semblaient bien décider à le faire craquer, ce qui lui avait déjà valu un carton jaune. Le comportement du joueur, à ce moment critique du match, aura donc été de creuser la fracture dans un groupe déjà épuisé.

Bq65DDECUAA3kHtPire, à l’issue de la partie, alors que toute l’équipe attendait sagement au vestiaire le retour de Pirlo, retenu par le contrôle anti-dopage, pour écouter son discours de départ puisqu’il avait annoncé prendre sa retraite internationale à l’issue du mondial, SuperMario s’est désolidarisé du reste du groupe, rejoignant seul le bus.

BrDQkYGCEAAHeudMoins de 24h après, les joueurs étaient dans l’avion. Mais avant qu’ils ne se posent à Milan, ce jeudi 26 juin, il s’était passé beaucoup de choses. Qui ont abouti à cette déclaration de Pirlo, dès sa descente d’avion : « Per ora lascio l’azzurro. Ma se il nuovo CT mi chiedesse disponibilità, tornerei volentieri // Pour l’heure, je quitte le maillot azzuro. Mais si le nouveau sélectionneur requiert ma disponibilité, je reviendrais volontiers ». Au conditionnel. Tout ça à quelques instants de cette longue accolade avec Cesare Prandelli.

 

Quel avenir pour la Nazionale ?

Rien n’est dû au hasard. Ni le changement de pied de Pirlo –qui annonçait sa retraite depuis plus d’un an- ni les mots précis qu’il a choisis. A mon sens, c’est une décision collective. Qui part de la défaite. Qui passe par les mots de Gigi et DDR. Et qui s’achève sur cette annonce de Pirlo. Décryptage.

10336729_764133860311209_8920640719228600202_nTout commence avec la prise de paroles des deux champions du monde 2006. A tout seigneur tout honneur, c’est Gigi qui a posé les bases : sur ce mondial, ce sont les aînés qui ont répondu présents. Les jeunes joueurs n’ont pas su se transcender pour aller chercher cette victoire.

Daniele de Rossi s’est chargé d’apporter les précisions nécessaires : l’équipe nationale italienne fonctionne selon un état d’esprit, dont les anciens sont les garants. Et pour le moment, certains chez les jeunes ne semblent pas avoir bien compris l’essence de la Nazionale : le talent ne suffit pas, il faut également de l’abnégation.

mVcmO2S2Pour comprendre la réaction des anciens, il faut se souvenir de ce qui est écrit à l’intérieur du maillot de la Nazionale : En Italie, le Bleu est plus qu’une couleur. Le Bleu est un mode de vie, qui se transmet de génération en génération. Il représente une tradition faite d’espérance, de victoires et d’étoiles conquises. En Italie, le Bleu veut dire être toujours prêts à rêver de plus. Ce maillot signifie cela. Il est fait pour rêver. FORZA AZZURRI. Telles sont les valeurs de la Nazionale di Calcio, que Balotelli et ses jeunes coéquipiers sont supposés comprendre, intégrer, et incarner sur le terrain comme dans leurs comportements. Ce qui n’a manifestement pas été le cas, et ce à la pause du match le plus important pour eux.

Ca ne peut pas passer, pour les anciens. Pas parce qu’ils sont mis en cause, mais parce que les valeurs de la Nazionale ont été bafouées. Ils le savent : s’ils en restent là, l’Italie perdra cette force qui est la sienne et qui bien souvent, lui a permis de se sortir de situations inextricables. Il y a le feu à Casa Azzurri. Les deux hommes ne vont donc pas s’arrêter là.

Bq6leC4CUAA-BQZIls vont entraîner avec eux le troisième champion du monde : Pirlo. Le meilleur joueur de l’équipe. Une idole. Un leader silencieux. Celui que tout le monde écoute lorsqu’il prend la parole. Or celui-là annonce depuis un an qu’après cette compétition, il prendra sa retraite internationale. Il ne fait aucun doute que pour Buffon et De Rossi, il y a eu urgence à le convaincre de rester.

Comment s’y sont-ils pris ? Je l’ignore, mais ces hommes vivent ensemble en sélection depuis l’âge de 15 ans. Ils se connaissent, s’estiment et se respectent. Buffon et Pirlo ont toujours été proches. Pirlo fut même l’un des rares footballeurs à avoir été invité au mariage de Buffon en 2011.

Mais DDR est le meilleur ami de Pirlo dans la sélection italienne actuelle. C’est également son compagnon de chambrée depuis le départ d’Alessandro Nesta. Ils sont même partis en vacances ensemble l’été dernier. Cette amitié remonte à 2006. Après que DDR ait pris un carton rouge pendant la Coupe du Monde, Pirlo ne l’avait pas blâmé. Au contraire, il l’avait soutenu, l’invitant même à dîner dans sa famille. C’est dire si entre eux, il y a plus qu’une histoire de ballon.

Bq6zA8vCYAEkWeB.jpg largeLes trois champions du monde unis, il fallait trouver un moyen de l’annoncer. C’est donc Pirlo qui, dès la sortie de l’avion, a annoncé qu’il pourrait continuer l’aventure, si on lui demandait. Alors que Prandelli a démissionné, un nouveau sélectionneur va être nommé. Qui ? C’est bien la question que pose entre les lignes le groupe des champions du monde 2006 : qui sera choisi pour diriger l’équipe nationale d’Italie, sous-entendu, dans quel état d’esprit ?

Nombreux sont les noms cités. Mais parmi eux, figure un homme que visent directement les propos d’Andrea Pirlo : Massimiliano Allegri. L’ex-entraîneur du Milan AC, finalement viré en janvier dernier, est celui qui a commis l’impair de faire partir Pirlo du Milan AC, où le joueur avait passé 10 ans.

Manquant totalement de clairvoyance, Allegri n’a pas souhaité reconduire Pirlo à son poste de numéro 6 devant la défense, estimant qu’il était trop vieux pour ce poste. Il a convaincu Gallieni de lui proposer d’être milieu gauche, une insulte pour Pirlo. Et c’est ainsi qu’Il Maestro, en fin de contrat au Milan, est parti gratuitement à la Juve. Où il a remporté les trois championnats suivants, démontrant malgré quelques blessures combien il est essentiel, et à quel point il tient la forme.

L’Italie entière se moque encore de la bêtise d’Allegri. Autant dire qu’après cette phrase apparemment anodine de Pirlo, il ne figure plus parmi les favoris. N’y allons pas par quatre chemins : le groupe des « sénateurs » fait clairement pression sur la fédération pour choisir un homme à la hauteur de la situation. Un homme qui saura faire le ménage au sein de la Nazionale, prendre les décisions qui s’impose (virer définitivement Balotelli ?) et garantir le respect du maillot au sein du groupe. Ils ont pris leur responsabilités. Je ne peux que les en remercier.

Conte-scudettoPersonnellement, j’ai un rêve : que le conseil fédéral de la FIGC propose le poste à Antonio Conte, homme de poigne très respecté par ses joueurs, qu’il l’accepte, et que Prandelli prenne sa place à la Juve. Oui, je rêve d’un échange de bons procédés.

Parce qu’auréolé de trois scudetti successifs, dont le dernier à plus de 100 points, tout en menant son équipe d’une main de fer, Conte serait vraiment l’homme de la situation. On peut toujours rêver : qui sait ? Sinon, Maître Fabio Capello pourrait être rapidement disponible, après ce mondial avec la Russie. Ancelotti, lui, est sous contrat avec le Real. Alors Mister Conte ? Lasciate mi sognare…

Il Numero Uno est un homme comme les autres

Numero1Emue. Ce livre m’a émue.

Admiratrice du plus grand gardien du monde, j’avais acheté Il Numéro Uno pendant l’Euro 2012, alors que j’avais commencé à apprendre très doucement l’italien. Comme motivation. Comme un but. Je me disais que le jour où je parviendrais à le lire, je serais très fière de moi.

Jusque-là, je m’intéressais au sportif. Ce gardien incroyable, reconnu comme le meilleur du monde, a la longévité exceptionnelle et au palmarès fort riche. Celui-là même qui, un soir de juillet 2006, arrêta d’une claquette sortie de nulle part la tête de Zidane que tout le monde voyait au fond. Un athlète hors norme devenu au fil du temps un symbole de l’Italie.

Mon italien progressant, j’ai découvert peu à peu ses écrits. Ces mots jetés en pâture sur son mur Facebook, depuis rassemblées sur son site internet. Ces paroles fortes, destinés à galvaniser les supporters ou à rendre hommage, ou encore à évoquer tel ou tel match. Certains de ces textes m’ont marquée.

Celui sur Auschwitz, bien loin de l’image du « nazista » qu’avait pu en faire la presse au début des années 2000. Non que ce texte soit brillant d’un point de vue artistique. Mais il a touché juste parce que j’ai à peu près les mêmes souvenirs que Buffon. Ceux de l’Euro 2012, dont celui du lendemain de la qualification pour la phase finale,  évoquant le fait de se battre toujours jusqu’au bout, de tout donner, mais aussi l’Italie, son Italie fantasmée. Ou encore son message poignant au lendemain de la finale perdue, fixant rendez-vous pour le Mondial 2014 qu’il annonçait entendre jouer, et remerciant ses coéquipiers.

Qu’on se comprenne bien : Buffon n’est pas un auteur. Buffon est un leader. Un homme capable d’entraîner des gens derrière lui par la seule force de ses propos. Un capitaine. Celui de la Juventus. Et de l’équipe d’Italie.

Depuis l’été 2012, j’ai tenté de nombreuses fois de lire cette biographie, avant de chaque fois la délaisser faute d’avoir le niveau de langue suffisant.  Au printemps 2013, j’ai pourtant lu sans grande difficultés la biographie d’Andrea Pirlo. Mais je bloquais toujours sur celle de Buffon. Jusqu’à Noël, où je m’en suis lancé le défi : je voulais savoir qui se cachait derrière celui pour qui j’avais ardemment agité uno striscione dans le stade de San Siro pendant Italie-Allemagne. Qui était l’homme derrière le footballeur ? Il était temps que je sache.

Que d’émotions… Dès le premier chapitre, Buffon se livre. Et fait une révélation importante : de fin 2003 à mi-2004, pendant six mois, il a souffert de dépression. Lui, le champion du monde adulé par tout un pays et bien au-delà des frontières de l’Italie, a connu cette maladie invisible tant décriée par ceux qui ne l’ont pas vécue. Derrière le génie, il y a donc bien un homme.  Lui s’en est sorti, ce ne sera hélas pas le cas de son collègue allemand Robert Enke, grand espoir du foot allemand, qui se jettera sous un train en 2009. Un épisode qui marquera beaucoup Buffon et l’incitera à revenir sur sa propre dépression.

De ses très jeunes années chez ses oncles et tantes dans le Friul à sa vie familiale à Marina di Carrara, de ses débuts à Parma à son arrivée à la Juventus, de ses dimanches avec les ultras au soir du 9 juillet 2006, de sa rencontre avec Alena Seredova à sa paternité, Gianluigi Buffon se raconte avec un unique fil conducteur : les valeurs qui l’ont aidé à se construire et qu’il entend transmettre à son tour.

Oh bien sûr, l’homme n’est pas sans failles, et il a quelques bêtises à son actif. Comme avoir commencé à fumer à 14 ans, obtenu un faux bac, et été menacé d’une plainte finalement retirée pour avoir pissé sur une voiture alors qu’il était ado. Il traîne également derrière lui une réputation quelque peu sulfureuse, étant régulièrement accusé de sympathiser avec l’extrême droite.

Hum. Il s’en défend extrêmement bien lui-même. Non, tous les jeunes italiens ne savent pas ce que signifie « Boi chi molla » et non, tout le monde ne sait pas que le numéro 88 est considéré comme le symbole du « Heil Hitler ». Moi-même je ne le savais pas. Pourquoi un joueur de foot qui n’a pas son bac le saurait mieux que moi ? Parce qu’il est célèbre ? Au lieu de préjuger de ses opinons politiques, le mieux est encore d’aller directement à la source, et de lire, par exemple, cette lettre à Mario Monti.

Le même gamin, pourtant séparé très tôt de sa famille –et donc soumis à toutes les tentations-, a refusé de gober de l’ecstasy, et dès ses 13 ans, a trouvé injuste le sort « de série B » réservé aux équipes africaines pendant le mondiale. Fan du gardien camerounais Thomas N’Kono et admiratif de Nelson Mandela, avouez qu’on fait plus raciste. Mais là où Gigi Buffon est vraiment touchant, c’est dans sa sincérité à faire son introspection. Comme lorsqu’il regrette de ne pas avoir son bac et souhaiter l’obtenir, pour montrer à ses enfants l’importance d’avoir un diplôme.

Les amoureux du foot aimeront lire ses dimanches dans la curva ou ses anecdotes sur la coupe du monde et son compagnon de chambrée Gattuso, ou encore tout savoir de la Juve et de comment il vécut la descente en Serie B. Ses détracteurs utiliseront le livre pour pointer ses faiblesses, comme son amour du jeu qui le mêla trop souvent au scandale des paris truqués, ou son ambition débordante qui le fit parfois manquer d’humilité. Moi, je préfère retenir l’homme qui sait reconnaître ses erreurs, certains excès, et retenir les leçons pour devenir mature et se construire en homme, mari et père. Tout en restant le meilleur gardien du monde.

Après avoir lu ce livre, je suis surtout fière de lui. Fière de la manière dont ce petit garçon de Carrara s’est construit pour devenir non seulement le plus grand gardien du monde, mais surtout pour grandir et passer de l’insouciance de l’adolescence aux responsabilités d’homme. Fière que le capitaine de la Juventus et de l’Italie, ce soit lui.

Hollande, lâche nous les crampons !

013 (23)Une fois encore, la taxe crampons met le foot français à feu et à sang : le spectre d’une grève plane sur la Ligue 1, les clubs ayant déposé un préavis de grève pour la 15ème journée.

Dès mars 2012, et l’idée d’appliquer une taxe à 75% sur les très hauts revenus aux joueurs de foot, je vous évoquais les conséquences que pourraient subir les clubs si la taxe crampon venait à entrer en vigueur. Si la loi n’a pas encore été promulguée, on s’en approche, les articles relatifs de la LOLF ayant déjà été adoptés. Décryptage en 5 questions.

Pourquoi les joueurs veulent faire grève ?

Ce ne sont pas les joueurs qui veulent faire grève, mais les clubs. Ce sont en effet les clubs qui paient les impôts des joueurs, les contrats étant négociés nets d’impôts. C’est une simple ligne budgétaire dans l’énorme chapitre qu’est la masse salariale, premier poste de dépense de bien des clubs. La taxe à 75% constitue un alourdissement important des charges de personnel.

La question à se poser, c’est de savoir si ce surcoût est soutenable ou non pour les clubs. Quand on voit le déficit cumulé des clubs à 108 millions d’euros la saison dernière, on peut se demander comment ils pourront assumer 44 millions d’euros de dettes en plus. Personne ne peut nier que mathématiquement, ça les enfonce.

L’autre question qui mérite que l’on s’y intéresse, c’est de savoir si cette taxe est opportune et bien ficelée. Et là, le bât blesse. D’une part, cette taxe ne va toucher que très peu de personnes en France. Il s’agit d’une mesure symbolique visant à démontrer aux français que les plus riches seront les plus taxés.

Chacun peut penser ce qu’il veut de cette idéologie, là n’est pas le fond du problème. Ce qui coince, c’est qu’en pratique, ce joli marketing estampillé « Les plus riches paieront le plus » ne sera absolument pas mis en œuvre. En effet, le gouvernement, qui a entendu les craintes des clubs quant à leurs finances, a estimé important d’éviter que la Ligue 1 ne pâtisse trop de la taxe… et a plafonné la taxe crampons à 5% du chiffre d’affaires des clubs.

Ce qui produit les effets suivants :
– Les clubs sans millionnaires ne seront pas taxés (rien ne change pour eux)
– Les clubs moyens ayant des millionnaires seront taxés à 75%
– Les gros clubs ayant souvent beaucoup de millionnaires seront taxés à 5% de leur chiffre d’affaire maxi

Taxecrampons*en milliers d’euros – Ce tableau a été réalisé par l’Express

Autrement dit, les gros clubs seront gagnants –Paris va payer 20 millions d’euros au lieu de 43- mais les clubs moyens devront payer plein pot. Autrement dit, si les gros clubs paieront plus en volume, ils paieront moins en pourcentage… Où se trouve la justice fiscale ???

Le foot est riche, pourquoi réclament-ils une niche fiscale ?

Le foot français n’est pas riche. Au contraire, il a perdu collectivement l’an dernier 108 millions d’euros. Et ce sera donc la première fois que des entreprises en déficit sont taxées. Pour un coût approchant les 44 millions d’euros. Que c’est judicieux !

Sur 20 clubs, 14 sont concernés. Les clubs non touchés sont Nantes, Evian, Sochaux, Reims, et Monaco. A part Monaco qui ne doit rien payer puisque son siège social n’est pas en France, que vous évoque sportivement les clubs cités ? Parlons en franchement : il s’agit de récents promus ou de clubs qui luttent pour le maintien.

Demander à des entreprises déficitaires de payer 5% de son chiffre d’affaires, c’est clairement une aberration, à moins de vouloir tuer ce secteur. Maintenant, il faut savoir pourquoi on en est là, et pourquoi un club de foot fait rarement des bénéfices. Et il reste bien souvent fragile, car il dépend financièrement encore bien trop souvent de son maintien en Ligue 1, c’est-à-dire des droits TV qui lui sont redistribués.

Pourquoi ? Parce qu’en France, on a accumulé un retard considérable, en n’autonomisant pas assez les clubs. Souvent subventionnés, et ne disposant pas de leurs propres stades, ils ont encore peu de moyens de diversifier leurs ressources. Depuis plusieurs années, de nombreux rapports ont été rédigés dans le même sens : pousser les clubs à disposer de leur propre stade, pour pouvoir diversifier leurs recettes.

Parmi les stades qui se construisent pour l’Euro, certains sont financés en PPP (partenariat public/privé), ce qui leur permettra de récupérer une partie des recettes, et un est en financement sur fonds propres : l’OL. Vous pensez sérieusement que quand l’OL a monté son financement, il était question d’avoir son budget propre impacté par la taxe crampons, rétroactive de surcroît ? Si l’on ajoute que l’OL est actuellement en danger du fait de la baisse de ses résultats sportifs, autant vous dire que le club de Jean-Michel Aulas n’est pas près de trouver un investisseur.

Parce que c’est bien l’autre partie du problème. En France, quasiment tous les clubs sont à vendre. Parce que pour être compétitif, il faut acheter des joueurs, et donc disposer de fonds. Parce qu’il faut se moderniser. Et vous croyez que c’est intéressant, pour les investisseurs, de venir dans un secteur qui rapporte en image de marque, mais dans un pays aussi instable fiscalement parlant ? Soyons clairs : même sans parler des investisseurs étrangers, M6 commence déjà à dire qu’ils vont refaire leurs calculs concernant leur investissement à Bordeaux…

Alors, que veut-on ?

Un football compétitif, avec des clubs qui peuvent prétendre être dans le top des clubs européens, et donc en Ligue des Champions ? Ou disposer d’un championnat de seconde zone, qui n’attirera plus les étoiles, et fera fuir les jeunes joueurs français formés en France dans les pays voisins, dès l’âge minimum requis ?

On peut faire ce choix. Mais il faut assumer la mort de la Ligue 1. Et appeler un chat, un chat.

Quant au PSG, qui avait anticipé la taxe crampons, il a du faire face à un autre problème : celui de faire valider son budget par l’UEFA. Parce que qui dit budget augmenté par cette charge, dit devoir trouver de quoi la payer, l’UEFA imposant aux clubs de ne pas dépenser plus qu’ils ne gagnent. Paris a donc du trouver les bons sponsors et renégocier les contrats qui arrivaient à échéance pour pouvoir s’offrir les services de top joueurs… tout en restant en accord avec le fair-play financier, qui entre en vigueur cette année. Même pour les riches, ce surcoût est compliqué !

Quand on voit les résultats actuels du PSG, qui marche sur l’eau, on ne peut qu’espérer que l’UEFA ne retoque pas son budget, sinon ça peut faire cher la taxe à 20 millions !

Mais il suffit de moins payer les joueurs !

En période de crise, il est difficile pour la population d’accepter que des footballeurs puissent gagner des sommes aussi importantes « juste pour taper dans une balle ». Je sais que j’aurais du mal à vous convaincre que si vous tapiez dans une balle, vous ne vaudriez pas un kopeck alors qu’eux, oui. Parce qu’il vous est insupportable d’entendre qu’ils ont un talent que vous n’avez pas…. Mais surtout, qu’il puisse se monnayer autant.

J’entends. J’entends que vous n’acceptez pas la loi de l’offre et de la demande, mais j’aimerais que vous alliez au bout, et que vous ayez le courage de faire la révolution pour changer de système au lieu de juste grommeler que c’est trop dégueulasse en me lisant depuis votre Ipad. Pardon si ça fait mal, mais c’est aussi, un peu, agaçant.

Revenons à nos moutons. Oui, il existe une spéculation autour des joueurs. Oui, on peut s’interroger quand un grand club européen, le Real Madrid, achète un joueur 100 millions d’euros. Cette bulle va finir par exploser et ça fera du dégât dans le monde du foot. C’est certain.

Mais arrêtez de confondre transfert et rémunération. Gareth Bale n’a pas touché 100 millions d’euros dans sa poche, c’est le prix qu’un club (le Real) l’a acheté à un autre club (Tottenham). Tout comme Pastore n’a jamais touché 42 millions d’Euros.

Ensuite, sur la rémunération, oui, certains joueurs touchent des salaires vraiment très élevés. Oui, il y a des footeux qui touchent plus de 1 million d’euros par an. Ils sont environ 120.

Pourquoi de tels salaires ? Outre la bulle spéculative, qui va finir par éclater à la tête des clubs qui inscrivent à leur actif des joueurs pour des sommes déraisonnables, et ça arrivera le jour où un joueur très cher aura le malheur de devenir inapte au foot. Pourquoi pensez-vous que de nombreux clubs interdisent à leurs joueurs par contrat de faire du ski ou de l’équitation ? Imaginez que l’avion du Real Madrid se crashe. D’un coup, le club perd ses actifs. Et vlan, faillite. Vous pensez qu’un tel accident ne peut arriver ? C’est déjà arrivé. Au Torino. En 1949.

Les salaires ont augmenté à la suite du fameux arrêt Bosman. Je vous la fais courte : en gros, cet arrêt rappelle la libre circulation des personnes en Europe, et donc des footballeurs… qui sont libres d’aller se vendre où ils veulent là où avant, il y avait une limite de 3 étrangers par clubs, sans tenir compte de l’origine européenne éventuelle des joueurs.

Cet arrêt a ouvert les frontières du foot et la boîte de Pandore des transferts. Dès lors, la compétitivité des clubs s’est accrue, et le recrutement des joueurs a fait l’objet de batailles acharnées pour débaucher tel ou tel talent, les offres financières alléchantes étant un argument de poids dans les négociations, en plus de l’image du club.

Les tarifs, pour les fuori classe, atteignent des sommes record, notamment en matière de transfert… mais cela ne se traduit pas nécessairement en salaire. D’ailleurs en France, les salaires de joueurs sont plutôt à la baisse : tout le monde n’est pas Ibrahimovic, même si Madame Michu a du mal à se le rentrer dans le crâne.

Enfin, pour terminer, il y a le droit. Les joueurs de foot sont en CDD. On ne peut pas changer les contrats en cours de route et modifier leur rémunération… La seule solution, pour les payer moins, c’est de tous les vendre, et d’en prendre d’autres, à qui faire proposer des salaires moins élevés. En d’autres termes, de les licencier.

De licencier, donc, toute la Ligue 1.

Et de la remplacer par des joueurs aux tarifs moins élevés. Le football fonctionnant selon un système de cotation au mercato des joueurs selon leurs qualités sportives, on ne peut qu’en déduire que le championnat perdrait en qualité et en compétitivité.

Je trouve ça magnifique qu’un gouvernement socialiste puisse proposer un dispositif qui, pour être soutenable par les entreprises concernés, devrait mener à 100% de licenciements économiques dans le secteur concerné. Ah là, bravo. Mais bon ce sont des footeux ultra payés alors les grands principes… Qu’importe si le petit joueur de Valenciennes qui sera licencié pour voir son contrat réajusté n’est pas repris au passage, ce sera juste un dommage collatéral.

C’est un peu comme une délocalisation qui aurait lieu sur notre territoire : on met des gens au chômage –désolé mais si cela arrivait, tous ne retrouveraient pas un club…-, on baisse la qualité, mais on peut le faire parce que Madame Michu a décidé qu’ils gagnaient trop. On marche sur la tête !

La grève est-elle une bonne idée ?

Depuis que les joueurs de l’équipe de France ont eu la piteuse idée de ne pas descendre du bus pour s’entraîner en pleine coupe du monde, il est déconseillé d’accoler les mots grève et football. Le syndrôme de Knysna est encore très présent dans les esprits. Les footballeurs, à qui la population reproche en majorité de gagner trop d’argent, ne peuvent être compris quand ils refusent de travailler alors qu’ils touchent des fortunes.

De plus, il est totalement illisible pour la population de comprendre que ce ne sont pas les joueurs qui veulent faire grève, mais les clubs. Les gens ignorent que ce sont les clubs qui paient les impôts des joueurs et quelque part, tant mieux : on leur reprocherait ce que les gens voient comme un avantage, alors que c’est en réalité une manière de protéger les joueurs. Le football est international, et la seule manière de négocier sans se faire avoir, c’est de tous prendre la même base, à savoir le revenu net d’impôts, ceux-ci variant d’un pays à l’autre.

Enfin, faire grève pose deux problèmes majeurs : d’une part, il faudra rejouer cette journée, dans un calendrier déjà extrêmement serré en cette année pré Coupe du Monde. Ensuite, se priver d’une journée signifie se priver des recettes afférentes. Certes, la journée en question devra être rejouée, mais vu le calendrier, ce sera certainement en semaine. Ce qui attire moins de monde au stade.

D’ailleurs, les présidents de club y croient-ils vraiment ? On peut raisonnablement penser qu’il s’agit d’une simple menace destinée à faire pression sur le gouvernement et le président de la République, qui rencontrera les présidents de clubs de foot jeudi prochain, soit à un mois de l’échéance du préavis de grève.

Alors, bientôt la fin de la taxe crampons ?

Difficile à dire. Il aurait fallu que les équipes qui dirigent aujourd’hui la France travaillent le dossier avant de faire cette proposition fantasque en pleine présidentielle, et soient un peu moins obtues lorsque le monde du foot a tenté de leur expliquer. Hélas, c’est un peu tard.

Le gouvernement est dans une séquence de désamour avec les français, à la suite de la piteuse gestion de l’Affaire Léonarda. Les français pourraient avoir du mal à comprendre que cette taxe ait été une priorité, et que le gouvernement y renonce.

D’un autre côté, il paraît compliqué de conserver une taxe aussi injuste, et de mettre en péril notre football. D’autant que c’est le président de la République qui a pris la main sur ce dossier : à deux ans de l’Euro, il semble compliqué d’adresser un doigt d’honneur au monde du foot français.

Encore un dilemme pour le président de la République, qui cette fois encore, ne pourra pas contenter tout le monde. Réponse le jeudi 31 octobre…

Le complexe de l’étoile

footPour sa dernière journée, l’Université d’été du Medef proposait un débat sur “Le sport, filière d’avenir”, auquel participait, entre autres, Bernard Lama, ancien gardien de l’équipe de France et champion du monde 1998.

Intelligent, censé et posé, Bernard Lama fait partie de ces footballeurs qui ont su faire fructifier leurs capacités intellectuelles parallèlement à leurs jolis muscles, et tirer quelque chose de leur expérience de sportif de haut niveau, notamment en matière de mental. Humble, il sait rappeler que « Le sportif de haut niveau, tous les jours il se remet en question, tous les jours il doit aller gagner sa place ».

Si c’est totalement vrai en club, où la compétition est acharnée, c’est nettement moins vrai dans l’équipe de France actuelle qui démontre le contraire en continuant de sélectionner et de titulariser un joueur en manque de réussite depuis près de 15 mois, Karim Benzema, et au sein de laquelle la plupart des cadres considèrent leur sélection comme acquise.

C’est là que pour moi, le bât blesse. Bernard Lama dépeint avec cœur et conviction ce qu’il a connu, à savoir son monde de 1998, avec ce formidable moment où tout un peuple a basculé dans l’allégresse lorsque la France a emporté la victoire finale et accroché sur son maillot sa première étoile. L’ennui, c’est qu’il est resté bloqué à cette date, sans réellement analyser ce qu’il s’est passé depuis.

Pour lui, « en 98 on gagne la coupe du monde et nous devenons les héros de la société, c’est là le problème ». Et pourtant non. Il n’y a pas de problèmes à être devenu des héros ou des modèles, certains joueurs étaient déjà des stars dans leurs clubs respectifs, d’autres le sont dans d’autres pays sans que leur sélection n’en pâtisse.

Le problème vient plutôt de l’exploitation de ce statut de héros par la sphère publicitaire, qui a peu à peu gangrené l’équipe de France et surtout profondément modifié le rapport des joueurs aux maillots. S’il restait naturel de faire fructifier leur statut de champion du monde, les héros de 1998 se sont gavés sur ce juteux marchés, ont passé beaucoup de temps à négocier des contrats et à user et abuser de la poule aux œufs d’or.

Tirant alors de forts revenus d’autres sources que leur métier et sport, leur rapport à l’équipe de France c’est profondément modifié. Devenus chers et demandés, la sélection nationale, peu rémunératrice en monnaie, est devenue une annexe moins attirante. Si entre 1998 et 2000 il était intéressant de tenter le doublé Coupe du monde / Euro, la période qui a suivi a été un vaste n’importe quoi. C’était tout juste si ce n’était pas à l’équipe de France d’être honorée d’avoir tel ou tel champion dans ses rangs.

La sanction prendra la forme d’une bonne douche froide lors de la Coupe du Monde 2002, qui verra les champions du monde en titre repartir la queue entre les jambes, dès le premier tour du mondial qu’elle quitte sans aucune victoire, affichant deux défaites et un match nul. 2004 ne sera pas vraiment plus brillant, la France quittant l’Euro en quart de finale face à la Grèce, qui remportera l’Euro, après une compétition qui ne restera pas dans les annales.

Mais le pire reste à venir. Le pire, qui intervient au meilleur moment : la finale de la Coupe du Monde 2006. C’est à ce moment, alors que la France pouvait accrocher sa seconde étoile, qu’elle est tombée dans un trou noir. Revenons sur ce match au cours duquel tout a basculé, créant un chaos dont aujourd’hui encore, sept ans après, l’équipe de France peine à se débarrasser.

Qu’on se comprenne bien : la France n’a pas perdu la Coupe du Monde 2006, l’Italie l’a gagnée. Contrairement à l’imaginaire collectif, qui cumule mauvaise foi et désamour des défaites avec le traumatisme du pétage de plomb de Zizou, l’Italie n’a volé personne. Ce serait même presque le contraire tant le pénalty qui offre à la France l’ouverture du score est généreux : Florent Malouda a effectué un superbe plongeon et sept ans après il est temps de le reconnaître, Materazzi n’a jamais touché Malouda. En outre, la France a été chanceuse puisque Zidane ose une panenka sur Buffon, mais c’est surtout la transversale qui marque.

La suite, vous la connaissez. Materazzi égalise au score, et on part pour de longues prolongations au cours desquelles les drames vont s’enchaîner : le claquage de Vieira, la tête de Zidane magnifiquement claquée par l’arrêt du siècle de Gigi Buffon, l’exclusion de Zidane pour coup de boule sur Materazzi, et enfin le tir au but de Trézéguet stoppé par la transversale (et non Buffon comme je l’avais précédemment écrit, victime de mon amour immodéré pour le grand Gigi) qui permet à l’Italie de remporter une quatrième étoile bien méritée.

Quid de la France ? Elle a raté le coche, se laissant prendre au piège de la pression des grandes finales, et c’est LE joueur phare de l’équipe, la tête de gondole –dans tous les sens du terme- qui a craqué. Pire, elle s’est enfoncée dans la suffisance, sans jamais se remettre en question. Zidane a arrêté sa carrière sur ce match, et l’idole n’a jamais été réellement questionné ou critiqué pour ce geste mais au contraire, toujours excusé, la France préférant vilipender Marco Materazzi. Mais depuis quand on excuse les agresseurs et on condamne les victimes ? Parce que la France doit conserver le beau rôle ? Parce que le foot français ne peut assumer la réalité ?

Pourtant, il y aurait à redire sur la déchéance de l’icône de 1998. Sur ces 8 années qui séparent ce moment de grâce du 12 juillet 1998 de l’enfer du 9 juillet 2006. 8 années de Danone, Mc Do et autres sponsors. 8 années de starisation extrêmes. 8 années à exiger des sportifs des exhibitions alors que leur corps réclamait du repos. Car Zidane n’est pas l’unique fautif de ce craquage : les choix de gestion de l’équipe de France ont grandement contribué à gripper la machine. Comme ce match amical joué avant le mondial, au cours duquel il est aligné bien que blessé, en vertu d’un accord avec les sponsors. Alors qu’il a joué une saison complète et épuisante en club, et qu’il se prépare pour la coupe du monde.

Reconnaissons-le enfin : après 1998, le football français a pété les plombs, et s’est vu plus grand qu’il n’était. Au lieu de privilégier l’aspect sportif, il a eu envie de faire tourner la machine à cash, parfois à outrance. Les joueurs n’ont pas été en reste, puisqu’on laissait les sponsors les approcher. Tout ce petit monde a voulu faire fructifier le titre, jusqu’à l’overdose. Ce qui laissait peu de place au sport et amoindrissait les chances de renouveler l’exploit.

Peu à peu, les joueurs ont accordé moins d’importance à l’équipe de France. Cet esprit s’est répandu dans le groupe, touchant également les nouveaux entrants. La fierté de porter le maillot tricolore s’est effacée devant l’intérêt d’être sélectionné pour bénéficier de nouveaux revenus n’ayant rien à voir avec le foot. Ainsi gangrenée, l’équipe de France va connaître une période bien noire qui trouvera son apogée lors de la coupe du monde 2010.

Souvenez-vous, l’Afrique du Sud… Persuadés d’être des stars au-dessus de tout, les joueurs n’ont pas respecté leur entraîneur, et sont allés jusqu’à faire grève refusant de descendre du bus pour se rendre à l’entraînement. Implosion du foot français devant les caméras du monde entier. Ignominie. Honte.

Aujourd’hui encore, à part quelques auteurs de livres sur le football français –je vous invite à lire La décennie décadente du foot français de Bruno Godard et Jérôme Jessel- trop peu de monde relie le séisme de Knysna et les difficultés actuelles de discipline dans l’équipe de France à la très mauvaise gestion de l’après 1998 dont le cycle s’est achevé avec la défaite de 2006. Et ça n’est en rien la faute des joueurs : ces gamins se retrouvent en centre de formation à 13 ans, c’est là qu’on leur inculque les valeurs du foot français. Reste à voir lesquelles on choisit de leur transmettre !

Quand on persiste à se mettre des œillères et qu’on refuse de voir qu’on a transformé la FFF en poule aux œufs d’or –qu’on a fini par tuer- en oubliant de faire primer l’équipe sur le fric, on a transmis aux générations suivantes l’individualisme, leur laissant croire que la performance individuelle suffirait à leur ouvrir les portes de l’équipe nationale. Ce qui s’est passé. Aujourd’hui, nombre de joueurs scrutent leurs statistiques personnelles sans se projeter dans un système de jeu collectif en équipe nationale… alors qu’en club, s’ils agissent de la sorte, ils goûtent aux joies du banc.

Ca n’est donc pas un problème de footballeurs, sur lesquels on aime trop souvent taper avec beaucoup trop de facilité -alors que Benzema ou Ribéry, par exemple, réussissent en club-, mais bien de gestion humaine d’une équipe. Mais voilà en France, l’omerta règne sur le petit monde du foot français. Il est impossible d’oser remettre en question la gestion faite par la FFF. On se borne à changer les entraîneurs, pensant que cela résoudra tout. Mais comment l’entraîneur de l’équipe A pourrait résoudre une question qui relève de la politique footballistique en France, et donc du président de la FFF ?

Autant vous le dire clairement, rien ne changera. Benzema ne marquera pas plus de buts –venir en équipe de France suffit à assurer son statut d’international et la place est acquise, la compétition inexistante, comment le motiver et donc l’aider à marquer ? Pourtant il réussit en club !-, la génération 1987 commettra toujours des boulettes comportementales qui seront ultra commentées –elle a été éduquée comme ça !- et la FFF pensera toujours que si on ne va pas aussi loin qu’on le voudrait dans les compétitions internationales, c’est parce qu’on est tombés sur une équipe plus forte, même s’il est évident qu’on n’a pas forcément tout donné.

Voilà pourquoi la France n’est pas prête de décrocher sa deuxième étoile. Le football français retrouvera son vrai niveau lorsqu’il cessera de se comporter comme un ado, et acceptera de regarder la réalité en face. Il y verra des qualités, sur lesquelles il pourra capitaliser, et des défauts, qu’il pourra travailler à effacer. Le football français ne brillera que lorsqu’il fera sa mue, et deviendra un homme. D’ici là, le laisser se complaire dans un niveau très inférieur à ce qu’il pourrait réaliser n’est pas l’aider et encore moins l’aimer.