Un monde pour Stella : et l’Homme dans tout ça ?

UnMondePourStellaMa première rencontre avec Un monde pour Stella remonte à 2012. Je rencontre pour la première fois Gilles Boyer, dont j’ai adoré les deux premiers romans écrits en duo avec Edouard Philippe : l’Heure de Vérité (2007) et Dans l’Ombre (2011).

Assis à une table de ce café parisien, il tapote sur son Mac. Il travaille à ce nouvel ouvrage, seul cette fois. D’emblée, il m’annonce que ce sera très différent. Ce roman, c’est Un monde pour Stella.

2014. Gilles Boyer m’a promis qu’après les municipales, lui et Edouard Philippe se remettront à écrire la suite des aventures de Winston qu’il avoue constituer une trilogie. Mais le 20 août, je comprends qu’il n’en sera rien à l’instant même où Alain Juppé déclare sa candidature à la primaire de la droite et du centre. Eh merde, Winston prend 7 ans en pleine face. Et pourtant dès le déjeuner, je fais comme tous les juppéistes un peu éclairés : je participe aux Auditeurs ont la parole, sur RTL, pour dire tout le bien que je pense de la décision de Juppé. Je parle encore un peu à Gilles ou Edouard de Winston mais pour rire : en réalité, on est déjà tous au travail pour la campagne.

2015. A la fin de l’été, les infos se font plus précises sur la sortie d’Un monde pour Stella. Ce sera le 7 octobre. La veille, tout ce que Gilles compte d’amis et de juppéistes plus ou moins sincères se presse dans la librairie Gallimard pour booster les ventes, lécher le cul du directeur de campagne du peut-être futur président, le soutenir et le féliciter. J’en suis mais je ne m’éternise pas : un parasite me fait fuir et puis je n’ai pas encore lu l’ouvrage.

A ce stade, je ne peux pas décemment lui dire quoi que ce soit, donc autant me taire. J’ai besoin de le lire pour savoir si je vais aimer. Et ça n’est pas gagné : je ne connais rien à l’environnement, qui se résume pour moi à trier péniblement mes déchets que d’autres jetteront au milieu de l’océan pour former un continent de plastique. Je ne m’en fiche pas, mais je me sens impuissante, ce qui m’éloigne de ce sujet.

8 octobre 2015, 12h. Installée dans la salle d’attente du médecin, j’attends mon tour. Il y a quelques minutes, en ouvrant la boîte aux lettres, j’y ai trouvé Un monde pour Stella. Je l’ai serré bien fort, sachant que j’allais entamer la lecture dès les instants suivants. Il est temps.

Qu’est ce qui pourrait sauver la Terre ? Voilà une question que l’Homme prétend se poser depuis un paquet d’années sans pour autant concrétiser les idées qui ont pu émerger. Cette fois, les politiques ont décidé d’unir leurs efforts pour changer le monde et c’est Esther qu’ils ont mandatée pour définir les actions à mener.

11 octobre 2015, 19h. Je viens de terminer Un monde pour Stella. D’abord circonspecte, j’ai dévoré ce bouquin. Chaque chapitre, chaque ligne, chaque pensée : telle une éponge, je m’en suis imprégnée. J’ai un temps pensé à lancer un mouvement apolitique visant à faire élire Gilles Boyer président du monde, puis j’ai ri : Un monde pour Stella n’est pas un livre-programme de prescriptions pour guérir la planète. C’est bien plus profond que cela.

Un monde pour Stella est une réflexion sur l’Homme et son environnement. Parasite pour la Terre qui l’a fait naître, l’Homme est au centre de toutes les questions environnementales. Il dispose de toutes les solutions écologiques, économiques et sociales, mais est-il capable de les mettre en œuvre ? A en payer le prix ? Et quel prix ? Le prix nécessaire ou le plus brutal ?

Cet ouvrage passionnant aborde toutes ces questions. Certains trouveront peut-être certaines explications scientifiques trop longues. Pas moi : étant véritablement documentées, elles ont permis à l’absolue néophyte que je suis de comprendre les enjeux pour mieux réfléchir à la vraie question centrale du livre : l’Homme, mis à nu, dans toute sa complexité mais aussi dans ce qu’il a de plus animal.

Un monde pour Stella : un livre à lire d’urgence et à réfléchir en même temps, histoire d’apprécier au mieux -ou pas- la Cop 21, qui se tiendra à Paris dans quelques semaines. Avec une idée en tête : si l’on n’y prenait garde, cette histoire pourrait être la nôtre.

Bal tragique à la Concorde

Dimanche 14 juillet, 11h20. Le défilé s’achève. Place de la Concorde, les personnalités qui ont pris place dans la tribune officielle regardent avec intérêt s’approcher la vague des vingt-quatre hélicoptères anti-chars qu font l’orgueil du ministre de la Défense. Ballet parfaitement réglé, évolution impeccable. Soudain…

L’un des pilotes semble perdre le contrôle de sa machine, et les spectateurs, horrifiés, voient les trois appareils de tête, étroitement imbriqués, tomber droit sur le terre-plein, à l’entrée de la place. En quelques secondes tout s’embrase. De la tribune, où se trouvaient le Président, les Présidents des deux Assemblées et la presque totalité du Gouvernement, il ne reste plus rien.

Sous le pseudonyme Senatus Populusque Romanus – le sigle S.P.Q.R étant le symbole de la République Romaine, ce qui est loin d’être un hasard – les auteurs ont écrit une fiction haletante dans les coulisses de la République. Un monde qu’ils ne connaissent que trop bien –d’où leur anonymat- et dont ils décrivent avec passion les forces et les faiblesses. Quasiment introuvable aujourd’hui, sauf d’occasion, ce livre de 1985 est une véritable pépite pour quiconque s’intéresse à la politique et à nos institutions.

En un instant, la France voit son exécutif décapité. Le 14 juillet. La mort du président en écho à celle de Louis XVI, sur cette même place de la Concorde, le jour de la fête nationale… Le choc est rude, la symbolique édifiante, mais très vite, une question se pose : qui pour gouverner ? Si la Constitution est solide et compte un vaste ordre protocolaire, elle reste néanmoins muette sur pareil cas. Dès lors, comment le pays peut-il fonctionner ?

L’avenir de la France dépend d’un homme, Pierre Marin Bernay.  Officier de permanence à l’Etat Major de l’Elysée, c’est à lui que revient de gérer la crise. Et quelle crise… Pour la résoudre, il lui faudra conserver son sang-froid, et savoir décider. D’abord pour la sécurité publique –afin d’éviter que le pays ne sombre dans le chaos-, et la sécurité intérieure. Mais aussi pour assurer la continuité de la République, au moment où elle est la plus exposée. Car le temps presse… Question de légitimité.

Ce thriller constitutionnel vous emmènera dans les méandres de notre loi fondamentale. Au fil des pages, vous reconnaîtrez naturellement les protagonistes. Des anarchistes aux extrémistes, des convoitises étrangères à celles de la classe politique, vous sentirez le goût du pouvoir. Jusqu’à la solution finale, cohérente avec l’esprit de nos institutions. Au terme de ce voyage au cœur de notre République, une chose est certaine : lorsque vous refermerez cet ouvrage, vous ne verrez plus jamais le défilé du 14 juillet de la même manière.

Dans l’Ombre : lumière sur les apparatchiks

Ces tweets de @ophparis m’avaient intriguée. Quel livre pouvait ainsi recenser nos impressions de jeunes aspirants politiques ? Qui pouvait avoir décrit si justement ce que des personnes aussi différentes qu’Ophélie et moi pouvions connaître ? Google étant mon ami, j’ai assez vite trouvé l’objet du délit : Dans l’ombre, un roman noir se déroulant dans les coulisses d’une présidentielle, écrit par Gilles Boyer et Edouard Philippe.

Je ne connais Gilles Boyer, conseiller d’Alain Juppé, que de nom. En revanche je connais nettement mieux Edouard Philippe, maire du Havre : il fut pendant 2 ans directeur général d’un grand parti politique… au moment même où j’y étais permanente. Hum, un livre se déroulant dans les coulisses du monde politique et écrit par mon ancien patron, réputé pour être particulièrement exigeant et ne pas faire de concessions inutiles… Je devais absolument trouver ce bouquin au plus vite. Un clic et un colissimo plus tard, ce petit bijou était là, prêt à se faire dévorer.

Dans l’ombre. D’un politique bien sûr. Du Patron. Le narrateur est un apparatchik. Le premier des conseillers. Celui avec lequel le Patron aime confronter ses idées, son double, celui qui ne le quitte jamais. Son ombre, évidemment. Ce chef d’orchestre qui encadre le Premier Cercle. Cet homme de l’ombre inconnu au grand public, craint du monde politique, indispensable à tout prétendant aux plus hautes fonctions : « Dans mon monde, les politiques et les apparatchiks vivent ensemble. Ni les uns ni les autres ne peuvent survivre seuls. Tous ceux qui se trompent sur la partie du monde à laquelle ils appartiennent sont des désastres vivants ». Défile instantanément dans ma tête la liste de ceux qui correspondent à la dernière partie de la phrase.

Dans l’ombre se veut un roman noir, et narre avec brio l’enquête politico-policière menée par le Narrateur pour découvrir qui a truqué la primaire remportée de justesse par le Patron. La rumeur, ce terrible poison qui en vient à générer les pires soupçons dans ce monde où tout est possible. Jusqu’à la question fatidique : et si c’était le Patron ? A qui faire confiance ? Si l’intrigue se tient et est brillamment écrite, tenant le lecteur en haleine jusqu’à son terme, le véritable talent des auteurs est ailleurs. La grande réussite de ce livre se trouve dans sa peinture de l’univers politique. Dans ce portrait féroce mais terriblement juste qu’il livre de ce théâtre où chacun a sa place, son rôle, ou du moins le croit… « Dans mon monde, on trouve beaucoup de gens qui sont là pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec leur talent politique : des femmes parce qu’il en faut, des veules parce qu’il y en a, des flatteurs parce qu’ils ne représentent rien, en politique, c’est souvent moins dangereux que quelque chose. »

Pour ceux qui gravitent autour de la sphère politique, Dans l’ombre oblige en effet un aller-retour constant entre le roman et la réalité. Comme dans la série The West Wing, adulée par tous les collaborateurs politiques de la terre, chaque page de ce roman remémore à chacun, de la petite main aux éminences grises, en passant par les journalistes et les Barons, des anecdotes vécues. Pas forcément les mêmes, mais si proches. Souvent drôles grâce au style désopilant des auteurs. Trop souvent vraies grâce à leur connaissance intime de ce monde. Ce qui en fait le livre que chaque personne souhaitant évoluer dans ce milieu se doit d’avoir lu. Rien de moins. Quitte à prendre quelques claques salvatrices pour les moins expérimentés. Et naturellement, à se trouver dans le livre…

En somme, Dans l’ombre réussit le cocktail parfait : un bon polar, une bonne dose d’humour, et une plongée dans le monde politique dont vous ne sortirez pas indemnes. Qu’attendez-vous pour vous ruer sur cette merveille ?