République Solidaire ou la tentation des banlieues

Aujourd’hui, Anna Cabana signe un excellent article dans Le Point sur Villepin et les banlieues. En bonne connaisseuse du personnage, Anna brosse un portrait très juste de la tentation de Villepin vers une population délaissée par la classe politique.

Si en 2007 Sarkozy prônait un Plan Marshall des banlieues, force est de constater qu’il n’a jamais été mis en place. Comme les précédents ministres de la Ville et autres secrétaires d’Etat à l’égalité des chances, la Sarkozie n’est pas parvenue à faire quoi que ce soit pour les « quartiers ». En marge, tout au long de l’année, à Draveil, à Bondy, puis à Mantes-la-Jolie, Dominique de Villepin a été reçu en héros, se démarquant au passage de l’actuel locataire de l’Elysée. Un positionnement bien tentant…

Dès lors, Dominique de Villepin n’a eu cesse que de se positionner sur ce créneau, prenant la défense des palestiniens contre Israël, qu’il accuse, bien au delà des lignes jadis empruntées. Comme s’il lui fallait prouver qu’il était, lui, le natif de Rabat, le candidat naturel de cette frange de la population. En témoigne la composition de sa tribune de témoins, lors du meeting fondateur de République Solidaire, le 19 juin dernier à Paris. Si l’organisation avait veillé à disposer d’un patchwork de la société française, la meneuse de revue était Bouchera Azzouz, présidente de Ni Putes Ni Soumises. Celle ci se livra à un véritable plaidoyer pro-quartiers, allant même jusqu’à déclarer : « Nous sommes l’élite de la Nation ». Une déclaration qui fit tousser dans les rangs…

Dépassant le ton feutré de la diplomatie sur le conflit israelo-palestinien, Villepin a pourtant failli se brûler les ailes, lorsqu’il envisagea de débattre avec Tariq Ramadan. Un débat risqué, et déjà tenté par Nicolas Sarkozy en 2003. On trouve mieux pour se démarquer… A moins de chercher à tout prix à récupérer ces voix ?

Encore faudrait-il que ces populations votent… Entre l’abstention et le vote à gauche, il serait étonnant que Villepin « se fasse élire par les banlieues » comme aimerait à le répéter, selon Le Point, Brigitte Girardin à son poulain. D’ailleurs, quelle expérience a Brigitte Girardin du terrain électoral ? Diplomate puis ministre, elle n’a jamais pris part au moindre scrutin, ni à l’organisation interne d’un parti. Si le sang neuf est toujours vivifiant, peut être faut il tout de même rester vigilant, et ne pas jouer avec un feu que l’on ne saurait maîtriser.

Et les conséquences peuvent vite se faire sentir. La frange droite de République Solidaire ne goûte guère la primeur systématiquement donnée à la diversité dans le mouvement politique, sans réelle prime aux compétences. L’affichage, la communication, cette vieille ficelle qui usa Sarkozy.

A trop chercher le bulletin, Dominique de Villepin risque de faire un pari qui l’enferme à gauche, ce avant même que la primaire socialiste ait débuté. Et de réduire dangereusement son espace politique… qui reste, quels que soient ses calculs, à la gauche de Sarkozy, mais à la droite du Modem. Soit sur le terrain de l’UMP, entre Chirac et Juppé. Et sur cette partie de l’électorat, Villepin est très loin de convaincre…

A lui de cesser les effets d’optique, et de se mettre au travail. Avec un vrai projet, qui n’oppose pas les banlieues au reste de la population. Mais qui ose rassembler par et pour la France…

Kärcher ou pas ?

Hier, lors de son méga show à Bercy, Nicolas Sarkzy est revenu sur sa célèbre formule utilisant le mot Karcher. Pour persister et signer : «Je ne regrette rien. Je ne regrette pas d’avoir stigmatisé celui qui est capable de tuer un petit garçon le jour de la fête des pères».

Le problème, justement, c’est que la formule employée a stigmatisé tous les habitants de la cité des 4000, et par extension, des cités. Il faut bien comprendre que ces banlieues ont mauvaise presse, et que plus on les stigmatise, plus il est difficile pour leurs habitants de trouver du travail, plus ils risquent de s’enfoncer dans la délinquance pour survivre.

Une de mes amies, autrefois parisienne, habite désormais à Mantes la Jolie, depuis la mutation de son mari à l’hôpital local. Brillante, titulaire de bons diplômes, et expérimentée, elle a toutefois deux handicaps : un nom à consonance maghrébine, et une adresse à Mantes la Jolie. Malgré ses qualités, elle n’a trouvé de travail que dans l’administration. Le Karcher et la racaille, elle les a bien senti passer.

Vouloir être franc et dire clairement les choses est un objectif que l’on ne peut pas reprocher à un homme politique. Ne pas savoir reconnaître ses erreurs lorsqu’il en fait est en revanche hautement critiquable…

Racaille, Karcher : boomerang fantasmagorique dans les urnes

Dimanche 23 avril. La France place Sarkozy en tête des candidats à la présidentielle, et le qualifie haut la main pour le second tour. C’est l’image que vous avez tous retenu, à 20 heures.

Dimanche 23 avril. Dans les banlieues, le vote Royal a été massif, et relève de l’expression du Tout Sauf Sarkozy. C’est le résultat le moins commenté de cet entre-deux tours. Et pourtant.

Aujourd’hui, Claude Guéant, directeur de campagne du candidat UMP, dénonce, après Nicolas Sarkozy lui-même hier soir, la diabolisation dont a été victime son candidat. Mais a-t-il vraiment été diabolisé ?

Le vote anti-Sarko dans les banlieues exprime la peur des habitants des cités face à un Etat policier qu’ils craignent. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas tous des racailles, et qu’ils ont peur des amalgames. A raison ou à tort ? Un peu les deux, évidemment.

D’un côté, il est certain que la communication de Nicolas Sarkozy à destination de certains électeurs en a fait fuir d’autres, ceux là même qui se sont sentis stigmatisés par les termes de racailles ou karcher.

En outre, une proportion infime de garants de l’autorité se sont crus autorisés à quelques excès d’autoritarisme. Ces « incivilités inversées » sont très mal perçues par la population. Il ne faut jamais perdre de vue que le comportement néfaste d’un seul nuit à la réputation du groupe… et même à son ministre.

Ces éléments combinés alimentent alors les fantasmes de cette partie de la population. Dans les cités, la peur de Nicolas Sarkozy a été alimentée par les rumeurs les plus folles. Les populations étrangères ont craint d’être renvoyées chez elle, alors qu’il n’est absolument pas question de retirer les cartes de séjour de ceux qui en ont. Les hommes ont dit aux femmes que si Nicolas Sarkozy passaient, elles ne pourraient plus sortir dans la rue : d’où peut venir une rumeur si surréaliste ?

Ce Tout Sauf Sarko des banlieues tranche avec les résultats de dimanche soir. Si il est élu le 6 mai, Nicolas Sarkozy devra s’atteler à gagner la confiance de ces jeunes, en faisant un effort de pédagogie sur la politique qu’il entreprend de mener.

Racaille et Kärcher sont des termes simples et compréhensibles par tous, certes, mais ils ne constituent pas une bonne métaphore de ses propositions : plutôt une belle canne à pêche à électeurs du FN…. C’est cette ambivalence qu’il a payé dans les urnes de banlieues.

Aussi, si Nicolas Sarkozy  remporte l’élection, il aura immédiatement à faire face à un nouveau défi : celui de redresser la barre en rassurant le peuple et d’endosser pleinement le rôle de président de tous les français.

Pour ou contre Sarkozy ?

Le Figaro nous explique gentiment ce matin que 2/3 des électeurs de Nicolas Sarkozy ont voté pour lui par adhésion, contre une courte majorité des électeurs de François Bayrou, et un tiers seulement des électeurs de Ségolène Royal.

A priori on pourrait se dire, à la lecture de ce commentaire, « tiens, Nicolas Sarkozy convainc ». Sauf que justement, c’est une lecture hasardeuse, car ça ne fait jamais que 20% des votants. Il reste donc à réunir un minimum de 30% d’électeurs non convaincus. Pas si simple !

Si Ségolène Royal, en dépit de son piètre programme, parvient à réunir 2/3 d’électeurs contre Sarkozy, il y a fort à parier que dimanche, ceux-ci feront de même. Quand à Bayrou, la moitié de ses électeurs, selon ces mêmes sondages, proviendrait également d’un vote Tout sauf Sarkozy. Si tel est la réalité, cela donnerait une réserve de voix supplémentaire à Ségolène Royal, qui disposerai ainsi des 36% de voix de gauche, ainsi que des 9% de Bayrou, soit 45%.

En théorie –et c’est bien le calcul du Figaro- Nicolas Sarkozy devrait l’emporter, avec 53 à 55% des voix. Si le combat paraît, sur le papier, bien engagé pour Sarkozy, n’oublions pas que la gauche et Bayrou ont parfaitement su mobiliser les anti-Sarko –et le vote des banlieues en faveur de Royal le démontre- ce que logiquement la gauche devrait reproduire au second tour.

Inversement, à droite, les électeurs qui n’ont pas voté « utile » dès le premier tour devraient, pour une partie, s’abstenir. En effet, il y a fort à parier qu’une partie des électeurs du FN, déçus du score de Le Pen, qui lui-même s’est estimé spolié de ses voix, ainsi que des électeurs de De Villiers, ne se déplacent même pas aux urnes… ce qui ferait alors artificiellement monter la gauche.

La gauche, y compris chez les extrêmes, ayant appelé à voter Royal pour faire barrage à Sarkozy, la clef du scrutin réside désormais chez les centristes et électeurs des autres candidats de droite. Sarko y dispose d’une bonne réserve de voix. Le seul risque, pour lui, réside finalement dans l’abstention, qui pourrait artificiellement faire monter la gauche.

La France d’après… le premier tour

Ce matin, chacun a la mine réjouie ou triste, selon que son candidat a gagné, perdu, fait un meilleur score que prévu ou s’est enfoncé dans les limbes de la vie politique française.

En regardant la soirée électorale, j’ai décerné mes « présidentielles d’Or » pour cette édition 2007.

Le truc le plus vomitif de la soirée ? Les UMP qui scandaient « Bayrou avec nous ». Bande d’opportunistes !

Le truc qui faisait le plus pitié ? Le vote Royal dans les banlieues, clairement anti-Sarko. Même pas pro-Ségo…

Le moment le plus émouvant ? La mort du PC, laminé à 2%, encore moins qu’en 2002 où il avait fait le très mauvais score de 3,5%. Décidément Marchais manque à la vie politique française…

L’image de la soirée ? Le Pen encore plus bouledogue que jamais, qui déclare qu’il y a eu un hold-up sur les voix du FN.

La pire prestation ? Ségolène Royal : mi-madonne, mi-marianne, elle a une fois de plus annôné son discours. Tout simplement insupportable.

Le politique à claquer ? Xavier Bertrand, qui croit malin de pavoiser sur le score de Sarkozy et sa supériorité par rapport au score de Chirac en 2002. Sauf que s’il n’y avait pas eu le séisme du 21 avril 2002, Sarko n’aurait jamais fait un tel score au premier tour en 2007. Et si il avait été le candidat de la droite en 2002, il y a fort à parier que les voix de droite qui se sont retrouvées chez Bayrou lui auraient été fatales…

Le plus beau grand écart ? Eric Besson, démissionnaire du PS, qui soutient Nicolas Sarkozy. Le TSS version Ségo

Le meilleur copier/coller ? Nicolas Sarkozy interviewé par France 2 depuis sa Vel Satis…

Le meilleur titre de presse ? Balle au centre, par 20 minutes

Pronostic pour dimanche ? Les électeurs du TSSS –Tout sauf Sarko et Ségo- devraient logiquement s’abstenir. La participation devrait donc être en baisse…