Chacun cherche sa droite

17 juin 2012. Les urnes ont parlé. La gauche a remporté ces élections législatives, dans la foulée de l’élection présidentielle. La droite, elle, a perdu. Lapalissade me direz-vous.

Non, elle a juste perdu. Elle n’a pas pris une énorme claque, puisqu’elle dispose de 226 députés (droite parlementaire). Le meilleur marqueur en est incontestablement le seul levier qu’il manque à la gauche : celle-ci ne dispose pas de la majorité des 3/5ème au Parlement, et ne pourra donc pas modifier la Constitution seule.

Pourtant, des claques, il y en a eu. Et des deux côtés. Les parachutés Ségolène (Royal) et Jack (Lang) ont échoué aux portes du palais Bourbon, obligeant la gauche à bannir le local ayant osé se maintenir en dissidence et dans le même temps, à revoir son casting pour le perchoir. A droite, les grandes gueules du sarkozysme ont trépassé : Nadine (Morano), Fredo (Lefebvre), Valérie (Rosso Debord), mais aussi Guéant, Vanneste, Garraud, Peltier.

Quelle meilleure situation la droite aurait-elle pu rêver au soir du 17 juin ? D’un côté, le PS doit gérer les suites d’une rocambolesque histoire personnelle mêlant fesses et twitter –le tweet vengeur de Valérie Trieweiler, première dame, encourageant l’opposant à l’ex du président, laquelle a perdu, quel vaudeville !- et de l’autre, la droite se retrouve débarrassée de certains personnages hauts en couleurs qui ont souvent porté atteinte à sa crédibilité. Voire à son pacte fondateur. A ses valeurs. Un sujet sur lequel l’UMP doit se pencher.

Hasard ou coïncidence, le calendrier l’impose. En effet, en novembre prochain, l’UMP réunira en congrès l’ensemble de ses adhérents pour se doter d’un nouveau chef de file, pour un mandat de 3 ans renouvelable. Voter pour un président, c’est bien, mais pour quelle vision de l’UMP ? Quelle philosophie ? Quelles valeurs ?

Avant de se choisir un chef, l’UMP doit se repositionner. Non pas, comme l’imaginent un peu simplement certains, en se mettant dans la roue du sarkozysme ou au contraire en se différenciant par la volonté de créer son propre courant, mais en s’interrogeant sur le sens de l’Union. Qu’est ce qui unit la droite parlementaire ? Quels en sont les contours ? Quelles en sont les frontières infranchissables ?

Autant de questions qui ont été mises en exergue par les deux scrutins qui viennent de se dérouler : la présidentielle, avec le rejet de la stratégie de dérive droitière de Nicolas Sarkozy, et la législative, avec l’échec des tenants de cette stratégie (à l’exception notable de certains ténors de la droite populaire, bien implantés dans le sud Est de la France).

Si l’échec de la droite aux législatives était prévisible, il aura au moins permis à l’UMP de gagner un temps précieux dans cette réflexion, car personne ne pourra contester ce bilan et la nécessité absolue d’en tirer les conséquences rapidement afin d’être opérationnels sur les nombreux scrutins de 2014. Désormais, il appartient aux ténors de se réunir, et de décider ensemble de la meilleure manière de se rassembler.

Mon petit doigt me dit depuis longtemps que ce n’est pas en se lançant dès la rentrée dans un affrontement sanguinaire entre Fillon et Copé –tous deux comptables de la stratégie qui a échoué- que l’on retrouvera un climat d’union. Leurs dérives guerrières ont parfois coûté des circonscriptions, et l’état de la fédération de Paris, en lambeaux, ne témoigne pas de leur grande capacité à diriger un parti dans le respect de l’Union. Mieux vaudrait qu’ils se refassent une virginité durant les trois prochaines années, avant de s’affronter –parmi d’autres- au sein d’une primaire qui ne fait plus guère de doutes.

Nombreuses sont les voix de droite, depuis ce matin, à sortir du bois pour défendre la primauté de la reconstruction sur la prochaine présidentielle : Baroin, Le Maire, Juppé, Raffarin, … Quoi qu’en pense encore le petit milieu politico-médiatique, en retard d’un temps faute de disposer du recul nécessaire, il devient de moins en moins probable que les deux aspirants compétiteurs Fillon et Copé, que chacun voyait s’affronter il y a quelques jours encore, ne soient les bons chevaux pour mettre en place la reconstruction de la droite.

Ci-gît l’UMP…

Pendant la primaire, Martine Aubry qualifiait François Hollande de gauche molle… et bien je n’hésiterai pas à qualifier l’UMP de droite folle.

L’après-primaire est en effet vécu de manière totalement disproportionnée à droite. En la matière, l’UMP n’a pas manqué de faire quelques jolies sorties de route.

Face à cette attitude responsable, encore une fois la droite me fait honte. Tout a commencé pendant la primaire. Le parti majoritaire n’envisageait pas de voir l’opposition intéresser les médias, fascinés par cette nouveauté. L’UMP a donc commencé à aboyer, notamment par la voix des habituels débiteurs d’éléments de langages préfabriqués à l’Elysée : Copé et Morano. Dans le même temps, le secrétaire général de l’UMP, obnubilé par le PS, s’est mis en tête d’organiser la riposte.

Ainsi durant les trois débats de la primaire, les jeunes de l’UMP étaient invités à se retrouver au siège du parti, au 55 rue La Boétie, pour… tweeter ensemble sur les débats, en direct de l’UMP. Que doit-on penser d’un parti qui ne se positionne pas sur des valeurs, pour un projet, mais contre celui du voisin ? C’est un peu court… Et négatif. Me revient à ce moment là en tête un tract que les jeunes pop avaient réalisé en 2004 contre les extrêmes de droite comme de gauche. Avec cette accroche : « Ils veulent tout détruire. Nous, nous voulons tout construire ». Les Jeunes Pop de 2011 semblent avoir rejoint le côté obscur de la force, celui qui détruit mais sans rien proposer. Adieu les idées.

Au soir du second tour, le parti majoritaire en remet une couche, allant de plateau télé en plateau télé pour beugler les mêmes phrases compilées sur les petites fiches préparées à cet effet. C’est étonnant cette incapacité à s’approprier des éléments de langage pour les exprimer avec ses propres mots… Parfois je m’interroge sur le niveau des politiques qui se sont prêtés ces derniers jours à l’exercice : simple fainéantise ou réelle incapacité ?

Ainsi Pécresse, sur le plateau d’I-télé, débite bêtement les éléments de langage avec lesquels on l’a droguée, et évoque justement les divisions de la gauche, notamment sur l’aspect programmatique. D’une part, elle ne semble pas bien avoir compris le principe de la primaire. Qui figure pourtant dans les statuts de l’UMP et que son parti a déjà expérimenté, notamment aux municipales à Paris en 2008.

Comme le rappelle très justement l’excellente Cécile Renson, lorsque le processus fut lancé, Nicolas Sarkozy disait alors : « Paris donne l’exemple, mais ce n’est qu’un début ». « Ce que j’ai voulu pour Paris, je le veux tout autant pour l’échéance présidentielle ». Et maintenant la primaire serait un mauvais système ? Toujours ce manque de cohérence sur la durée… D’autre part, Pécresse oublie les divisions de la droite, qui sont telles qu’une partie s’est déplacée pour voter avec conviction à la primaire, faute de se reconnaître dans le soi disant candidat naturel de Tribord !

Mais le pire était encore à venir, avec la tenue annoncée sur tous les plateaux d’une convention de l’UMP destinée à démonter le projet socialiste. Une fois de plus –et malgré le hashtag trompeur de #Projet2012, à moins que le projet de l’UMP ne soit celui du PS !-, l’objectif n’était pas de faire des propositions, mais bien de taper sur celles des voisins. Ou quand l’UMP a un petit problème d’autonomie dans la construction –hypothétique à ce stade- de son projet… Hélas, lors de cette convention, j’ai simplement vu la droite la plus bête du monde céder à la facilité.

Comme prévu, ce fut un florilège de petites phrases, d’attaques gratuites, de manipulation mentale à base de chiffrage du programme du PS erroné –les nouvelles mesures ont été comptabilisés, pas celles supprimées et de surcroît, le mode de calcul n’a pas été communiqué, et même le Premier Ministre reconnaît que les prévisions de croissance sont impossibles à réaliser, ce qui rend caduque tout chiffrage de projet-, sous le haut patronage de quelques ministres priés de venir communier, d’élus, et de secrétaires nationaux que personne ne connaît. Certes, du monde s’est bousculé à la tribune pour afficher son appartenance à l’UMP. Mais toujours pas l’ombre d’une idée.

Tout ça pour ça. Tant de foin au sujet du temps de parole accordé au PS –parce que c’était l’actualité- pour finalement ne rien proposer d’autres qu’attaques sans fond et autres quolibets type affichés en A3 sur les pancartes de fortune distribuées à l’entrée. Ou l’incohérence mise en scène et reprise par toutes les télés.

Si les intervenants sont venus nombreux –souvent des seconds couteaux poussés par le souci de décrocher leur investiture- ils n’ont pas su développer autre chose que des phrases toutes faites. Copé a présenté un discours d’une violence rare, que rien ne justifiait. Lancar a exposé un argument contre les emplois jeunes… qui pourrait être utilisé pour défendre le contrat de génération d’Hollande ! Les plus hardis ont évoqué la politique gouvernementale, se livrant à un exercice de bilan, et non de campagne. A ce jeu Baroin et Le Maire se sont montré bien au dessus du lot… hélas totalement hors sujet. Mais était-ce vraiment un hasard ?

Comment le parti majoritaire peut-il imaginer parvenir à rassembler la droite sur un mouvement négatif, fusse ce contre ses opposants ? Une campagne, c’est un élan, quelque chose de positif, qui entend apporter un avenir meilleur à nos concitoyens. Aussi comment, par cette action de dénigrement, espère-t-il  réunir la droite, déjà bien dispersée ? Comment fédérer, avec ce triste spectacle qui a omis l’essentiel, à savoir les idées ? Si la sécheresse mène la vie dure à nos paysans, il semblerait que l’UMP soit également en rade d’idée. Et l’agressivité ne constitue pas un programme : si les militants peuvent un instant se consoler en tapant sur le vainqueur de la veille –la primaire a donné une image favorable au PS- ça ne peut en aucun cas suffire pour rassembler la droite et les Français.

L’absence de plusieurs personnalités d’ampleur à droite semble confirmer la donne, même si Copé persiste à clamer que la majorité est rassemblée. Méthode Coué, certainement. En effet, si tous les premiers ministres ayant officié depuis les vingt dernières années étaient absents. Si Balladur ne se montre plus guère et que Villepin a quitté le parti majoritaire pour fonder (puis quitter) le sien et annonce au même moment lors d’une intervention à l’Université Paris Dauphine que son « engagement à participer à la présidentielle de 2012 est total », reste tout de même Fillon, l’actuel locataire de Matignon, Juppé et Raffarin. Pas un d’entre eux n’a fait le déplacement : les éminents fuiraient-ils l’UMP ? La question mérite largement d’être posée.

Raffarin, d’abord, qui depuis quelques temps, a pris ses distances avec le parti majoritaire, lassé par les sorties de route des perroquets sans envergure. Alain Juppé, quant à lui, persiste à tenir son rôle de numéro 2 du gouvernement, en soutenant Nicolas Sarkozy. Mais en appliquant le service minimum. S’il déclare officiellement soutenir Nicolas Sarkozy de toutes ses forces, il faut tout de même lire les petites lignes tout en bas du contrat : le meilleur d’entre nous ne vas tout de même pas jusqu’à participer à ce show grand-guinolesque. Faut pas déconner.

Et que dire de Fillon ? Le Premier Ministre semble avoir définitivement jeté l’éponge. Candidat aux législatives puis municipales déjà annoncé à Paris, il a en effet donné un signe tangible du peu d’espoir qu’il porte en la droite pour 2012 : en additionnant son statut de Premier Ministre, la circonscription très favorable dans laquelle il envisage de se présenter (la 2ème, qui comprend une partie du 5ème, du du 6ème et du 7ème arrondissement), la Fédération de Paris dans laquelle il a placé ses collaborateurs depuis longtemps, et l’élan censé être donné par la présidentielle, il devrait être élu les doigts dans le nez. Alors pourquoi partir si tôt ? La confiance règne…

Puisque le PS était l’objet de cette convention, je ne saurai que conseiller à l’UMP de s’inspirer de son irritante chanson, et d’envisager sérieusement de tourner la page de Sarkozy… l’homme qui a mis l’UMP en état de mort clinique, puisqu’elle nous a montré aujourd’hui disposer d’un encéphalogramme plat. En ce sens, c’est le fond bleu –pour la droite- dans lequel se sont noyés les intervenants qui était le mieux pensé.

J’y ai vu l’océan glacé, et la majorité rester vaillamment sur le Titanic, prise au piège du mastodonte, avec un Copé chef d’orchestre jouant jusqu’à ce que mort s’ensuive… ce qui ne manquera pas d’arriver. Que ce soit au printemps prochain –et le plus tôt sera le mieux- ou dans cinq ans. Pendant que quelques uns, ont déjà pris les canaux de sauvetage, faisant l’impasse sur 2012, pour mieux œuvrer à la reconstruction de la droite.

Quant au capitaine, il reste dans sa cabine, maintenant droit le cap sur l’iceberg. Plus personne n’en doute : si sur un malentendu, il parvient à survivre en tant que président, ce sera de toutes façons au prix de la mort de l’UMP. Copé l’a déjà enterrée. RIP.

Les Fauves

Ce dimanche, France 2 diffusait enfin, après une première déprogrammation en mai, Les Fauves, le documentaire de Patrick Rothman consacré aux relations entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin.

Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Leur rencontre comme leur affrontement date de la campagne de 1993. Nicolas Sarkozy, alors membre du premier cercle de Jacques Chirac, dirigeait la cellule présidentielle de celui-ci depuis le printemps lorsqu’à l’automne, il décida de rejoindre le staff d’Edouard Balladur…

D’ailleurs tout le monde confirme dans ce documentaire le rôle prépondérant que tenait Nicolas Sarkozy dans cette campagne : cela aura probablement intéressé aussi le juge Van Ruymbeke ! Mais revenons à nos moutons, et au choix que fait alors le ministre du Budget en soutenant le Premier Ministre Balladur : une véritable trahison de la part de celui qui était si proche de Jacques Chirac. Qui déclenche l’arrivée dans le dispositif chiraquien de Villepin, alors directeur de cabinet d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et meilleur d’entre nous.

L’affrontement de deux candidats à travers ces deux hommes. Tout au long de leurs carrières respectives, ils ne feront que se recroiser, se jauger, se juger…  sans jamais vraiment se détacher de cette campagne de 1995, véritable déchirure de la droite qui n’est pas encore totalement soignée. A partir d’images d’archives et de témoignages de politiques – François Baroin, Xavier Darcos, Jean-François Copé, Michèle Alliot-Marie, Jean-Pierre Raffarin-, Les Fauves retrace cette époque où se trouvent les racines du mal qui ronge encore la droite aujourd’hui : la guerre n’a jamais vraiment cessé entre balladuriens-sarkozystes et chiraquiens.

Ce documentaire n’apprendra rien à ceux qui ont vécu cette histoire, aucune information ne vienant s’ajouter aux faits déjà connus. Cependant, ceux qui n’appartiennent pas à l’un ou l’autre des états majors en apprendront beaucoup sur ces vingt dernières années de vie politique à droite. Et notamment sur le véritable caractère de Nicolas Sarkozy, homme politique brillant mais horriblement teigneux et revanchard… et qui trahit par deux fois : en 1993, en rejoignant Balladur, et en 2006, en sabotant le CPE de Villepin en allant négocier avec Bruno Julliard, président du syndicat étudiant UNEF.

Véritable négatif de La Conquête, le film sorti en mai qui évoque l’ascension de Nicolas Sarkozy sous un angle plutôt positif, Les Fauves ne passe rien à l’actuel locataire de l’Elysée… qui apparaît tel qu’il est : calculateur, et plein de rancœur. Là où au contraire, Villepin est apte à passer par delà leurs affrontements, le remettant même en selle pour réintégrer les cercles chiraquiens à l’aube de 2002. Non seulement Sarko est rancunier, mais il entend aussi tuer politiquement ceux qu’il accuse de ses malheurs, et Villepin le premier. Comme avec l’affaire Clearstream, derrière laquelle il voit une manipulation de Villepin. La justice tranchera : Villepin sera relaxé deux fois, en première instance comme en appel.

Alors Sarkozy est-il capable de jugement ou sacrifierait-il père et mère pour être président ? C’est bien la question qui se pose après la vision de ce documentaire. Coléreux, impétueux, irrespectueux, ne reculant devant aucune trahison pour faire avancer sa carrière, l’actuel président n’en ressort pas grandi. Les Fauvesun documentaire à voir et revoir, pour voter en conscience lors des présidentielles de 2012.

#UEMedef11 : Day One

Au terme de cette première journée, et à l’heure de vous en livrer le compte rendu, un sentiment domine : les échanges furent riches et intéressants, et à part quelques exceptions sur lesquelles je reviendrai, à la hauteur de ce que j’attendais.

Premier bon point pour le Medef, l’accueil irréprochable. Dès notre arrivée sur le site, nous avons récupéré nos badges rapidement, puis découvert l’espace dédié aux blogueurs : connexion réseau à dispo, infos réactualisées en permanence, retransmission des plénières, prises pour recharger nos multiples appareils –merci l’infrastructure HEC-, mais aussi boissons et bouffe, histoire de ne pas avoir à courir après le sandwich. Ca peut sembler trivial, mais ce petit détail nous permet de pouvoir travailler sans nous soucier de l’intendance. Autre bonne surprise, la presse est à disposition : Le Parisien, La Tribune, Les pages Saumon du Figaro, et… Libé ! Ce dernier titre ayant involontairement partipé au faux-bond de dernière minute d’Eric Woerth à cette université d’été.

Le cadre, ensuite. Alors là, pour avoir participé à l’organisation de trois grosses universités d’été –celles de l’UMP-, j’ai un bon aperçu de la configuration d’un site et de son optimisation. Et je dois bien l’avouer, la plénière m’a bluffée. Loin du traditionnel chapiteau, l’arrière scène est transparente, assurant ainsi à la salle une grande luminosité. A la fois classe et agréable. Du coup, on a envie d’y prendre racine…

A vrai dire, le seul truc que je n’ai pas aimé dans cette ambiance pourtant sympa, c’est cette fâcheuse habitude qu’ont les participants de nouer le Tshirt officiel, qui leur est remis en cadeau, sur leurs épaules. Soooo cliché ! Quitte à afficher un look de droite, je préfère largement le chèche rouge qui sert de signe de reconnaissance aux organisateurs. Voilà pour l’incontournable séquence Fashion Police.

Passé ces considérations pratiques et esthétiques, attachons nous au fond. Fidèle à sa réputation, et en dépit d’intitulé de tables rondes parfois surprenants –je VEUX faire partie de l’équipe de brainstorming ! -, le niveau était au rendez-vous. Tant mieux pour  Medef, qui affiche clairement ses intentions : pour Laurence Parisot, il s’agit de préparer cette « rencontre importante de début novembre entre la communauté Business et les chefs d’Etat » par ce B20, préalable au G20 qui se tiendra début novembre sous présidence française. Elle marque ainsi sa volonté de tenir un rôle politique et de s’affirmer clairement. D’ailleurs, et c’est une nouveauté cette année, cette université d’été sort, dans les problématiques choisies, de son habituelle neutralité : le Medef s’assume, dans l’optique évidente de la campagne présidentielle. Ca tombe bien, je suis là pour ça aussi. Et comme en politique on adore ça, je vous ai compilé un petit best-of des phrases les plus croustillantes de la journée.

Du high level, donc, il y en aura tout au long de ces 3 jours, et ça a démarré sur les chapeaux de roues, avec l’intervention d’Herman Van Rompuy, président du Conseil Européen. Cet éminent économiste, qui, comme l’a rappelé en introduction Laurence Parisot, fait partie des rares ministres des Finances à avoir réussi à réduire le déficit de son pays lorsqu’il était en poste, a livré sa vision du rôle que doit tenir l’Europe dans la gouvernance économique mondiale. Soyons honnêtes, ça n’est pas tous les jours qu’on voit le président du Conseil Européen, du coup, on en attend beaucoup. Il fut tout simplement captivant. Du coup, j’en viendrais presque à pardonner à Laurence Parisot sa boulette sur Twitter… mais en fait non, j’en ai quand même fait un papier. Parce que Saperlipopette !

J’ai choisi d’assister ensuite à une table ronde Témoignages intitulée Plus forts après la crise… qui m’a nettement moins emballée. J’avoue l’avoir choisie pour de mauvaises raisons. Cette table ronde promettait un plateau ravageur, en programmant sur le même plateau Frédéric Lefèbvre, Nadine Morano, et Eric Woerth. Le super méga combo.

Malheureusement, Woerth a annulé sa participation, en dernière minute. Restaient les deux lascars, Lefèbvre et Morano. Ils furent… tels qu’on les connaît, c’est-à-dire des perroquets d’une autopromo gouvernementale, option SAV intégrée. Sans véritable recul, sans profondeur, de simples transmetteurs d’un argumentaire entendu 100 fois sur leur politique magnifique. Valeur ajoutée, zéro.

Lors de cette table ronde, il n’aura cessé de tenter de se faire aimer par les entrepreneurs, tel  un paon en pleine parade amoureuse. Sauf que je suis blogueuse, pas anthropologue. Hors sujet. Finalement, en loupant ce grand O devant les patrons, Frédéric Lefèbvre reste le porte parole de l’UMP qu’il fut, mal engoncé dans le trop grand costume pourtant pas bien large de sous ministre.

C’est d’un triste, de voir quelqu’un qui a atteint son seuil de compétences…  Et surtout de constater que le secrétaire d’Etat en charge de tous les dossiers intéressant les entreprises soit si peu intéressant. A croire que son titre est plus long que sa pensée… Du coup, furieuse envie de divaguer. De demander à Lefebvre si son costume est de chez Zadig et Voltaire, parce que franchement, que dire d’autre ? Désolé, mais je ne vois rien à la hauteur d’Herman Van Rampuy. Et je ne me déplace pas à Jouy en Josas pour voir une rediff de Ma politique à moi que j’ai enfin mon Sarko elle est trop bien.

Allez, à la hauteur de leur vide intersidéral, je vous livre une petite info Coulisses : avant la table ronde, Lefebvre et Morano se sont joyeusement évités, pas salués, ni même regardés. Y’aurait-il de l’eau dans le gaz ? Du rififi au gouvernement ? Je ne peux l’affirmer d’autant que j’ai quitté cette table ronde avant la fin, ravagée par l’ennui qu’ils me prodiguaient, et donc pas vu s’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants, ou tout autre happy end digne des contes de fées ou autres blockbusters hollywodiens. D’ailleurs, pardon aux autres intervenants qui eux, avaient peut être des choses à dire. Mais contrairement à mes voisins Georgette et Marcel, qui ont osé piquer un petit somme pendant l’intervention d’Herman Van Rampuy, quand les deux lascars m’ont saoulée, j’ai quitté la salle.

J’ai alors rejoint quelques camarades blogueurs pour participer à un atelier sur le Club Ambition Sport, une structure proposée aux entreprises dans l’optique des Jeux Olympiques de 2012. Puis j’ai rejoint la plénière pour participer au dernier plateau, consacré à la gouvernance mondiale. Et quel plateau ! François Baroin, Pascal Lamy, Laurent Fabius, Jacques Attali, et j’en passe ! Que du beau monde, pour des interventions de très haut niveau. Ayant du quitter cette table ronde prématurément, c’est en replay, grâce à Medef TV, que je suivrai en différé cette table ronde. Mon compte rendu sera donc… pour plus tard !

Comment terminer sans évoquer mon réel plaisir de revoir Steph, chef cab de Laurence Parisot, bien connu dans une vie antérieure, et Raph, du Pôle Adhérents du Medef, et ami de longue date. Demain, vous découvrirez encore de nombreux articles sur les ateliers et les coulisses… et notamment les pots et soirées. En attendant, un petit cadeau Bonux : je vous ai préparé un petit florilège des meilleures phrases de cette journée. A savourer !

Faut-il organiser un débat sur la laïcité ? *

« Liberté, égalité, laïcité », pouvait on lire dans Le Monde [1], en titre d’une tribune d’Alain Juppé en faveur d’une loi contre le port de signes ostentatoires à l’école… le 29 octobre 2003. Il y a 8 ans, celui qui était alors président de l’UMP prenait la parole dans la presse, pour donner une suite au débat engagé par Dialogue et Initiatives, le club de réflexion de Jean-Pierre Raffarin, sous la houlette de François Baroin.

Ca n’était pas tout à fait un hasard si Alain Juppé avait alors choisi de parodier la devise nationale. L’objet était alors, il y a 8 ans, de réaffirmer l’attachement du gouvernement –et de l’UMP de l’époque- au principe de laïcité à la française. Et de rappeler qu’aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de la République française, la laïcité est inscrite dans ses gênes.

Genèse du principe de laïcité

1789 a vu à la fois la disparition des ordres, dont l’emblématique clergé, la laïcisation de la royauté avec la perte de la notion de « charge divine », l’apparition du contrat civil de mariage, ect… La Révolution a voulu effacer les jougs de l’Ancien Régime et parmi eux, le poids oppressant de l’Eglise. Le principe de laïcité se veut alors le garant de la notion d’égalité : égalité entre les religions, égalité entre les opinions, …

Tout au long du XIXème et du XXème siècles, la France, fille aînée de l’Eglise, oeuvre à résoudre son complexe d’Oedipe, tournant chaque jour un peu plus le dos à sa mère l’Eglise. En matérialisant le principe de laïcité dans la société, notamment à l’école par le biais des lois Ferry, puis au coeur même de l’appareil d’Etat par la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, la République, a finalement réussi à s’affirmer dans le principe de laïcité voulu par ses pères révolutionnaires.

Cet équilibre, fragile, n’a pourtant jamais cessé d’être remis en question. On a vu la résistance de la chrétienté au XIXème siècle marquée par le retour de l’Empire et son florilège de faits religieux, dont le retour du sacre,  tout comme au XXème siècle, l’exemple le plus significatif étant le vote des lois dites « anti-laïques ». Que l’Islam, le judaïsme ou d’autres religions questionnent aujourd’hui ce principe n’a rien de surprenant, et n’est pas critiquable en soi.

Une valeur républicaine juridiquement réaffirmée

Aujourd’hui, la laïcité est toujours une des valeurs fondamentales de notre République, et est réaffirmé comme une valeur républicaine dans son inscription à l’article premier de notre Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »

Cette définition pose clairement sa vocation : protéger les citoyens en réaffirmant leur liberté de conscience, en leur offrant la garantie de pouvoir croire et de pouvoir ne pas croire. C’est pour chacun la garantie que ses convictions seront respectées, mais aussi que celles des autres ne lui seront jamais imposées. C’est donc un double gage de liberté et d’égalité.

Evolution des mentalités

Avoir des principes ne dispense pas de reconnaître la réalité du terrain. Les nouveaux questionnements sur la laïcité sont apparus ces dernières années avec la résurgence de certains communautarismes. Le principe républicain d’universalisme s’est peu à peu dilué dans l’échec des politiques d’intégration, faute de se transmettre à l’ensemble des citoyens. La République ne tenant pas les promesses faites aux populations immigrées, certaines se sont enfermées peu à peu sur leur communautés, dont la religion est une des composantes de ce lien social, trouvant là le ciment que n’offrait plus la République.

Or, faute d’une définition suffisamment lisible par l’ensemble de la population, le terme de laïcité a été galvaudé, chacun faisant dire à cette notion ce qu’il voulait y trouver. Ainsi on observe aujourd’hui un glissement sémantique qui revient à considérer la laïcité comme le garant de la libre expression des religions. Les partisans de cette nouvelle définition trouvent leur bonheur dans le modèle anglo-saxon, axé sur la liberté communautaire : chaque communauté peut s’exprimer librement et exprimer ses coutumes, au nom de la liberté d’expression. C’est une conception parfaitement concevable et qui n’a rien d’intégriste.

Juridiquement, adopter cette conception n’est pas possible actuellement, car la laïcité dispose d’un très fort degré de constitutionnalité dans la République française. Cette notion est le fruit d’un choix juridique, qui s’est mué au fil des siècles en un mode de vie dans notre société. Or cette définition n’est pas à géométrie variable ; c’était le sens du propos de Jacques Chirac lorsqu’il disait que « la laïcité n’est pas négociable ».

Comment repenser la laïcité ?

Ayons le courage d’avouer que cette redéfinition correspond à une évolution des mentalités, et  pose en réalité une seule question : la laïcité est-elle encore une valeur de notre République, et est-elle encore un principe prévalent sur l’appartenance religieuse ?

Le projet de laïcité de notre République, né il y a deux siècles, portait en lui une volonté d’ouverture vers tous les citoyens, dans un esprit de tolérance. C’était un pas de géant vers le pluralisme et le vivre ensemble, chacun étant respecté dans sa différence. Pour mieux s’en souvenir, il pourrait être bon aujourd’hui de repréciser ce concept, pour en faire apprécier toute la portée. C’est le rôle des groupes du travail qui n’ont eu cesse, depuis des années, de faire des propositions réglementaires en la matière, sans pour autant remettre en cause la loi de 1905.

L’une des pistes évoquée pourrait être la proposition faite en 2003 par François Baroin [2], et reprise par les autorités religieuses, de créer un Code de la laïcité. Mais au delà, pour toucher le citoyen, l’école doit transmettre cette valeur mais aussi l’ensemble des valeurs républicaines, et retrouver enfin son principe premier : former des citoyens respectueux de notre pacte républicain.

Ca n’est pas le projet de débat proposé par l’UMP de 2011. En axant non pas sur le principe de laïcité (comme en 2003) mais sur la validité de certaines pratiques au regard de notre principe de laïcité, principe lui-même remis en question par ce même débat, le parti majoritaire surfe sur un terrain glissant, et réunit toutes les conditions pour un dérapage.

Résultat, la majorité se fissure sur ce thème. Il est d’ailleurs très intéressant de noter que ce sont les chantres du débat de 2003, ce débat qui a réaffirmé notre attachement au principe de laïcité tel qu’il existe dans nos textes, qui refusent de participer à ce débat… et à sa remise en cause. En ce sens, Fillon et Baroin sont parfaitement cohérents avec leurs valeurs, et non dans une opposition interne à Sarkozy ou Copé.

La voix de la sagesse sera venue des six grandes religions, qui ont rédigé conjointement une tribune très inattendue le 30 mars 2011 [3] :« La laïcité est un des piliers de notre pacte républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements de notre vouloir vivre ensemble. Veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis. Il nous parait capital, pendant cette période pré-électorale, de bien garder sereinement le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation. »

Si même les grandes religions appellent à respecter notre principe de laïcité, c’est bien la preuve qu’il fonctionne. Ecoutons les, et n’entrons pas dans des débats risqués qui finiraient par dresser les uns contre les autres, ce qui serait très exactement l’opposé de notre pacte républicain. A bon entendeur…

[1] Liberté, égalité, laïcité, tribune d’Alain Juppé dans Le Monde, 29 octobre 2003
[2] Pour une nouvelle laïcité, rapport rédigé pour Dialogue & Initiatives, remis au Premier ministre
[3] Débat sur la laïcité ? Sérénité, attention et réflexion appliquées, recommandent les responsables de culte !, dans Le Parisien, 30 mars 2011

*Cet article a été écrit pour Politiko et publié à cette adresse.