Dimanche 11 juillet, finale de la coupe du monde… et de la législative partielle à Rambouillet. A ma gauche, Anny Poursinoff, qui porte les couleurs d’Europe Ecologie. A ma droite, Jean-Frédéric Poisson, député sortant UMP, invalidé lors de la législative partielle en 2009 en raison du trop faible écart de voix entre lui et l’autre candidate lors du scrutin précédent : 1 voix.
Décor : la 10ème circonscription des Yvelines, autour de Rambouillet, est le fief historique de Christine Boutin, dont Jean-Frédéric Poisson était le suppléant. Terre de droite, cette circonscription semblait acquise à la droite, où Christine Boutin avait été réélue avec 58% des voix en juin 2007. Las, l’ouragan de la Sarkozie a tout balayé sur son passage.
Tout a commencé en septembre 2009. Christine Boutin, après avoir quitté le gouvernement, décide de ne pas reprendre son siège de député. Une élection partielle est donc organisée, avec les mêmes protagonistes. Et là surprise : Jean-Frédéric Poisson remporte l’élection à 5 voix d’écart seulement… écart qui sera ramené à une seule voix par le Conseil Constitutionnel, entraînant l’invalidation du scrutin en mai dernier.
A l’époque, déjà, Nicolas Sarkozy n’est plus une locomotive pour ses troupes. En ce mois de septembre 2009, sa côte est en baisse de 6 points dans les sondages, à 39%. Officiellement, la raison de ce score très juste est locale. Certains électeurs auraient été dérangés par le projet de circuit automobile à Flins. Hum… C’est surtout un moyen pour Christine Boutin de détourner les observateurs des raisons de l’échec, tout en faisant porter le chapeau à Pierre Bédier, contre lequel elle ne décolère pas depuis qu’il l’a faite échouer dans sa succession au conseil général des Yvelines quelques mois plus tôt.
Mais à ce moment là, personne n’imagine que Jean-Frédéric Poisson ne restera pas au Palais Bourbon. A l’issue des résultats, les Verts posent naturellement un recours. Certes, il est à ce moment là évident que le risque de voir le scrutin invalidé est réel. Le 20 mai 2010, le Conseil Constitutionnel rend sa décision : les scrutins des 20 et 27 septembre 2009 sont annulés. Il faudra revoter…
Ironie de l’histoire, cette nouvelle tombe jour pour jour un an après la décision de la Cour de Cassation dans l’affaire Delfau, dans laquelle Pierre Bédier est condamné à six ans d’inégibilité. Un an jour pour jour après ce que les motards de la République ait porté moins de deux heures après le verdict l’enveloppe à celui qui est encore, à ce moment là, président du Conseil général des Yvelines. Ce qui n’arrive jamais. Un an jour pour jour après ce que Dame Christine ait tenté le putsch sur le département.
Cette très mauvaise nouvelle pour l’UMP arrive dans un contexte national particulièrement délétère. Il est évident que la partie sera difficile, et nombreux sont ceux qui pronostiquent déjà la défaite de Poisson. Pour l’Elysée, il est temps de réagir, et de protéger le Président afin que la perte de la circonscription ne lui soit pas imputable.
Et par le plus grand des hasard, dans son édition du 9 juin 2010, le Canard Enchaîné révèle que Christine Boutin touchait 9500 euros en tant que chargé de mission au cabinet d’Eric Woerth, somme énorme pour une simple chargée de mission… qu’elle cumulait de plus avec sa retraite parlementaire et ses indemnités d’élue au conseil général des Yvelines.
Peu de gens ont alors noté que le document du Canard Enchaîné sortait directement… du cabinet d’Eric Woerth, le chouchou de Sarko. Ou comment allumer un contre feu pour ne pas porter l’échec annoncé de cette législative partielle pour celui qui se fait fort depuis 2007 de gagner les partielles !!!
Le piège tendu par Sarko à Dame Christine aurait pu fonctionner. C’était stratégiquement bien joué. Hélas pour l’actuel locataire de l’Elysée, la machine s’est grippée. Les affaires se sont enchaînées, noyant l’affaire Boutin au milieu de neuf ministres et secrétaires d’Etat indélicats, usant des avantages que leur octroyait la République parfois jusqu’à l’excès : il ne s’agissait plus du cas isolé de Dame Christine, mais d’un état d’esprit au sein du gouvernement du très bling bling Sarkozy. Jusqu’à la pire de s affaires : le Woerthgate.
Dimanche 11 juillet, les électeurs de la 10ème circonscription des Yvelines ont décidé. C’est Anny Poursinoff, d’Europe Ecologie, qu’ils ont choisi d’emmener aux marches du Palais Bourbon. Cette fois, c’est un écart de plus de 1000 voix qui sépare les deux candidats, avec une participation très faible, mais cependant en hausse de plus de 3 points par rapport au scrutin de septembre 2009.
A avoir joué avec le feu, Nicolas Sarkozy s’est brûlé. L’argument qu’il avait anticipé pour expliquer cet échec annoncé s’est retourné contre lui. Certes, dans un contexte comparable de démobilisation de l’électorat. Sauf que cette fois, ce sont les électeurs de droite, ceux là même qui avait réélu Christine Boutin sur le confortable score de 58% en 2007, qui ont boudé les urnes.
Signifiant par la même à Nicolas Sarkozy ses propres échecs, et la rupture de la connexion avec le peuple… Fusse-t-il d’un fief de droite. Echec au Roi.