Noir et blanc

J’ai souvent raconté ici mes déboires avec les recruteurs. Leur manière de se focaliser sur le négatif, sur les clichés usuels, voire sur leur comportement à la limite de l’indécence.

J’en ai encore eu un exemple hier. Mais aujourd’hui, ce fut tout le contraire. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, je vais vous conter les deux histoires en mode photographie, l’une étant l’exact négatif de l’autre.

Il y a deux jours, je vois sur le net une annonce pour un syndicat professionnel. C’est exactement le type de structure auquel je peux convenir, je candidate donc immédiatement. Hier, je suis rappelée par ce qui s’apparente plus à un télé-conseiller lisant un argumentaire pré-établie qu’à un véritable professionnel. Les questions ne portent jamais sur mes compétences ou mes expériences, mais uniquement sur le type de contrat pour chacun des jobs occupés. Première question : « Vous avez souvent changé de structure DONC vous êtes instable ». Me prend l’envie de répondre : « non connasse, j’ai su saisir des opportunités et si tu me laissais l’occasion d’en placer une ET que tu branchais ce qu’il te reste de neurones, tu pourrais t’en rendre compte aisément ». Je m’arrête à : « j’ai su saisir les opportunités qui se présentaient afin de progresser dans mon métier ». Gling ! Mauvaise réponse ! Ou non prévue sur la fiche…

Question suivante : « Mais là vous êtes partie parce qu’on vous a virée ». Réponse : « non, c’était un choix parfaitement mesuré de ma part et que je peux vous justifier». Nouvelle question affirmation : « Enfin il faut être stupide pour avoir quitté un poste comme chez Sony ! ». Sympa le jugement de valeur sur mes choix avant même de m’avoir laissé parler. Surtout que non, ça n’avait rien de débile : j’étais dans un poste pépère, sur des rails, tout était super, j’adorais ma boss qui me le rendait bien… et on m’a proposé un challenge : mettre en place un poste de A à Z, créer tous les process, et devenir une assistante réellement pro-active. Débile d’accepter à l’âge de 30 ans ? Non, simple opportunité d’évoluer. Un vrai choix, totalement assumé.

L’entretien se poursuit. Arrive enfin le moment où j’ai été virée. Mais où nous avons transigé, étant donné que la raison de mon départ était purement politique. Croyez moi ou non, elle ne savait pas ce que signifiait transiger… Manifestement déçue de n’avoir pas réussi à me coincer, elle a stoppé l’entretien avant même d’avoir remonté tout mon parcours. Et m’a quitté avec le sempiternel : « on vous rappellera ». Ce qui n’est autre que l’équivalent dans le domaine de la recherche d’emploi du célèbre « Je vous demande de vous arrêter ». Elle ne rappellera jamais, et c’est tant mieux : nulle envie de grossir le fichier d’un cabinet qui manifestement, ne saura pas vendre mes qualités…. Puisqu’elles ne l’ont à aucun moment intéressé.

Aujourd’hui, je rencontre un autre cabinet de recrutement. Que je connais déjà pour y avoir été reçu il y a 3 ans. J’en avais gardé un bon souvenir : consultants sympathiques, professionnels, sérieux, focalisés sur les qualités, respect du candidat et de la législation sur le recrutement (oui, le chercheur d’emploi à des droits, mais on s’assoit souvent dessus pour ne pas se griller sauf quand on tombe sur des gens vraiment irrespectueux et là on s’autorise à jouer un peu)… C’est donc totalement sereine que je me rends à cet entretien. Et mes impressions d’il y a 3 ans se confirment. Le chargé de recrutement connaît parfaitement le secteur pour lequel il recrute, ce qui m’évite les clichés stupides auxquels je suis habituée. Le bonheur. Virée pour raison politique puis transaction ? Ca lui parle. Changements réguliers de postes en raison du métier et d’une évolution évidente dans ce secteur ? Il le comprend de suite. Et surtout, il s’intéresse à mes compétences.

Pour une fois, on ne me regarde pas comme une bête curieuse. Pour une fois, j’ai une vraie chance de me présenter sous mon meilleur jour. Pour une fois, il me reçoit pour une annonce qui colle parfaitement à mon profil. Parce qu’au lieu de recevoir des candidats à la chaîne pour tenter de justifier de son rendement, ce cabinet raisonne qualité et non quantité. Soucieux d’apporter la meilleure réponse à la demande de ses clients, il sélectionne des profils qui correspondent, sans s’embarrasser de recevoir  des tonnes de candidats pour prétendre avoir bossé. Il bosse, mais intelligemment. Il prépare ses entretiens en amont, en ne recevant que les candidats qui peuvent coller, pour valider que ceux-ci correspondent… et que l’offre peut leur plaire.

Conséquence, ma candidature sera présentée au client. Restera la troisième mi-temps : convenir, face à d’autres candidats qui ont eux-mêmes un excellent profil. Ce sera l’habituel dernier round, celui où ça ne se joue plus sur les compétences, mais sur le feeling avec le client. Conformément à la règle du jeu. Mais dans l’intervalle, le cabinet aura parfaitement fait son job. Heureuse de savoir, après mes multiples déboires, qu’il en reste encore sur le marché.

Recherche mouton à 12 pattes. Cerveaux s’abstenir.

Depuis 3 mois, j’ai posé 27 candidatures, toutes ciblées, qui m’ont permis de recevoir 20 accusés de réception, et de décrocher 10 entretiens.

Déjà, il est inadmissible de ne pas avoir d’accusé de réception : chère entreprise, si je candidate chez toi, c’est que je m’intéresse à toi. La moindre des politesses, c’est de me répondre. Parce qu’on doit avoir le courage de mettre un râteau… Allez, un peu de courage. Quant au service RH, fais ton job, t’es payé pour. Ou recrute pour faire face à la masse. Nan mais !

Ensuite, vous me direz que j’affiche un beau rapport candidatures/entretiens, et que « c’est bien ». Peut être, mais pas suffisant. Ca ne paye pas le loyer, de choper des entretiens. Et au nombre que j’ai passé, ça ne m’entraîne plus : je sais me présenter en 2 ou en 20 minutes suivant le format choisi, en français et en anglais, et je suis souriante et dynamique. A chaque fois j’y crois. Quant aux taux affiché, ça n’est ni plus ni moins la preuve que je cible correctement mes candidatures.

Mais je joue au loto, et encore, même pas. Car dans ce jeu, les règles sont biaisées. Si je cherche un job, le recruteur ne me reçoit pas nécessairement pour évaluer l’adéquation entre l’offre et la demande. Les cabinets de recrutement, par exemple, ont parfois d’autres objectifs. D’une part, avoir reçu suffisamment de candidats pour le poste. Recevoir quelqu’un qui ne colle pas-mais-à-qui-on-peut-laisser-penser-que-si permet de prétendre avoir reçu plein de monde et choisi le meilleur. Foutaises ! Mais quand vous êtes bons, ça permet aussi d’étalonner. En d’autres termes, je sers souvent de faire-valoir. Mazel tov !

L’entretien du jour entrait dans cette catégorie. La consultante m’a reçu en 14 minutes chrono, pour me dire très rapidement que je ne convenais pas pour le poste, au motif que j’étais trop compétente. Si, si, je vous assure, c’est ce qu’elle m’a dit. Avant d’ajouter : « Vous, vous êtes pour les postes où il faut savoir tout faire, il vous faut de l’occupation ». Parce que tu cherches une assistante qui passe sa journée à réajuster son make-up ??? Elle a cru bon de préciser : « Vous n’êtes pas faites pour juste suivre des process ». Euh non, mais juste pour info, je sais AUSSI les suivre…

Mon principal problème dans ma recherche d’emploi ? J’ai un cerveau. Je n’ai pas compris que les recruteurs cherchaient le mouton à 12 pattes. C’est à dire un mouton. On me reproche d’être capable de plus que de suivre des process. On me reproche d’être polyvalente. De savoir anticiper. D’être force de proposition. Ni plus ni moins que l’alliance de mon intelligence et de mon expérience.

Mon job, c’est être collaboratrice. Ce peut être chargée de mission ou assistante de direction, mais je suis un bras droit. L’épaule du Boss. Celle qui est là pour exécuter l’intendance afin qu’il puisse se concentrer sur mon job. Celle qui lui facilite la vie. Et ce job, dans sa version wonderful, inclut l’anticipation. Il ne s’agit effectivement pas juste de suivre le guide des procédures, mais d’être capable de l’appliquer dans tous les contextes. Même en dehors de la fiche de poste. Ca s’appelle l’adaptabilité.

J’ai de forts atouts : je suis agréable, dynamique, compétente, bosseuse, et je dispose d’excellentes références pour confirmer tout cela. Beaucoup d’entres elles aimeraient d’ailleurs retravailler avec moi si leurs structures respectives disposaient d’opportunités. Ce qui n’est hélas pas le cas. Et certaines, parmi elles, suivent de près mes candidatures, et font tout pour m’aider.

Merci à ces soutiens, particulièrement H et R, qui me sont précieux. Mais eux ont bossé avec moi. Ils savent qu’ils peuvent me demander n’importe quoi, que ce sera toujours fait et bien souvent avant même qu’ils ne le demandent. Ils savent aussi ma loyauté, et sont mes meilleurs avocats pour expliquer qu’on peut toujours compter sur moi. Hélas, personne ne les appelle pour vérifier… Damnit.

Alors, c’est grave docteur ?  Je vais vous faire une confidence : je ne suis pas désolé d’avoir un cerveau, et quelque habileté à m’en servir. Et très fière de ne pas être un mouton ! Si -et seulement si, comme on apprenait en cours de maths- vous connaissez quelqu’un qui recherche une collaboratrice dans mon style, je serai ravie de rencontrer cette perle de Boss-To-Be. Au futur proche, pas au conditionnel. Si vous voulez un aperçu de mon cursus, vous pouvez toujours visiter mon Twitt CV. A votre disposition !

Entretien auprès d’un cabinet de recrutement

Cet après-midi, je rencontre un cabinet de recrutement dans le secteur public et para-public. Voici le récit de cette aventure…

H-6. Après un coucher tardif, je suis réveillée par le voisinage. Une petite douche et un café serré plus tard, il me reste 6h pour me préparer.

H-5. Mon tailleur est prêt, ma chemise finement repassée, le choix des chaussures et du collier est fait. J’ai également trouvé un sac pour transporter les documents nécessaires à l’entretien, ni trop voyant, ni trop bourge, ni trop décontracté… Le sac idéal.

H-3. Dernier petit coup de fil au frangin, entrecoupé par un appel sur le portable : j’ai décroché un autre entretien pour mardi prochain, sur un poste d’assistante parlementaire ! Un poste qui m’intéresse grandement et pour lequel je suis extrêmement motivée. Voilà qui me met en bonne condition.

H-2. Là, je suis tendue comme une arbalète. A cause des questions bizarres qu’on pourrait me poser. Comme d’habitude. J’ai faim mais le ventre noué, donc je me rabats sur un paquet de mini-Lu pocket, en misant sur le sucre, et j’en glisse en paquet dans mon sac pour l’après entretien.

Dans une grosse demi-heure, je serai à l’arrêt du bus. J’ai naturellement « prévu large » pour les transports, en veillant toutefois à ne pas arriver trop en avance non plus. Si c’est le cas, je devrai aller dans un café et en fait, ça me stresse encore plus. Je fume nerveusement une dernière clope, avant de démarrer la phase habillage/maquillage/coiffure, histoire d’être nickel. En priant pour ne pas mourir de chaud dans les transports !

H-1,5. Les choses se sont furieusement accélérées. Alors que j’allais entamer la phase « ravalage de façade », le livreur d’UPS m’a appelée car il ne trouvait pas mon immeuble. Il a fallu le guider et quelques minutes plus tard, je recevai mon tout nouveau robot pâtissier. L’opération de préparation s’est bien déroulée et pour une fois, je n’ai pas eu de souci pour mettre mon mascara : pas de débordement, pas de pâtés… Je m’améliore ! Après avoir checké une nouvelle fois le contenu de mon sac, je suis fin prête pour la phase 2 de la grande aventure. Dans 10 minutes, top départ !

H-1. En avance à l’arrêt de bus, j’ai attrapé un bus plus tôt, et je suis donc arrivée à la gare pour le train de H-1, soit très en avance. Je regarde les stations défiler et réalise tout à coup que ce train est direct entre Saint-Cloud et La Défense. En 15 minutes, je suis donc à cette dernière station.

H-40 minutes. Il ne m’a pas fallu plus de 5 minutes pour faire le trajet La Défense/Pont de Neuilly/Adresse de rendez-vous. Je me rends donc dans un charmant café, où je m’installe en terrasse… et je me connecte à Facebook.

H-5 minutes. Je rejoins le lieu de l’entretien et patiente dans un salon très cosy, doté d’une fontaine d’eau, et surtout climatisé. Un bon point !

H. Les deux chargés du recrutement me reçoivent chaleureusement, à l’heure, et me mettent en confiance. C’est parti ! L’entretien démarre par une présentation du cabinet de recrutement. Je suis dans la division public/parapublic d’une filiale d’un grand cabinet de recrutement. Cette division est jeune puisqu’elle n’a qu’un an.

H+15 minutes. L’entretien se poursuit par l’étude de mon parcours, et les recruteurs prennent des tonnes de notes. Chaque étape de mon parcours est disséquée, mais dans le bon sens du terme : mes hôtes cherchent à cerner les fonctions exactes occupées, les éventuelles fonctions de management, les compétences utilisées, et manifestement, la capacité d’adaptation. Aucune question piège ou déstabilisante.

H+30 minutes. Arrêt à la station Parti Politique. Je comprends immédiatement que le jeune loup de 25 ans qui est en face de moi est adhérent. Non pas par son look ou son état-civil, qui constituaient certes des indices mais pas des certitudes, mais tout simplement parce qu’il me demande d’un air passionné qui était président des Jeunes à mon époque. Et lorsque j’évoque mon poste, j’ose indiquer que mes successeurs se revendiquent chef de cabinet, en expliquant qu’à mon sens c’est très exagéré, mais qu’en revanche le qualificatif de chargé de mission est complètement à propos, il confirme. La suite m’indique qu’il connaît manifestement très bien le fonctionnement du Parti. Cette expérience semble un atout pour moi.

H+35 minutes. Le passage au cabinet du Maire achève le jeune homme : l’annonce du traitement de 1000 interventions par an le laisse pantois, et l’explication de texte du poste lui confirme que le chiffre n’est pas surfait. Entre les interrogations orales des élus, et l’absence totale de classement vertical, il comprend vite que traiter chaque dossier n’était pas une option… Encore un bon point, qui me permet d’expédier Ma Ville, et même d’oser la réelle explication sur mon départ, à savoir le dézinguage en règle par Journaliste… et donc de désamorcer la prise de référence.

H+45 minutes. L’entretien s’achève par un test sur mon niveau d’anglais. La question est simple : What did you do last week-end ? Hum, j’explique que je n’ai rien fait d’intéressant le week-end dernier et que j’aimerais plutôt parler du week-end à venir. Le recruteur se marre et accepte. Je détaille le parcours de folie prévu par Elise, plaçant évidemment qu’elle vient du Canada (international friends, ça le fait), et là une fois de plus, comme à chaque test d’anglais, on m’arrête. Tout ça parce que je sais aligner une dizaine de phrases sans m’arrêter pour chercher mon vocabulaire et sans fautes de grammaire ! J’ajoute, en clin d’oeil, que je maintiens mon niveau grâce aux films et séries US.

H+55 minutes. Après un tour d’horizon sur le type de poste recherché et les prétentions salariales, et quelques formalités administratives, l’entretien s’achève. Mon recruteur m’informe que mon profil les intéresse fortement et que je présente bien. Je suis donc inséré dans le pool de candidats de cette division, mais aussi du cabinetdans sa globalité. I’m so happy !