Villepin se rêve champion de France*

Villepin. Depuis deux ans, l’ancien Premier ministre souffle le chaud et le froid sur une éventuelle candidature à la présidentielle.

Il a d’abord fondé un Club, pour réunir ses sympathisants, puis un parti, République Solidaire, avant de le quitter quelques jours après sa relaxe définitive dans l’affaire Clearstream, laissant ses troupes esseulées. Avant d’annoncer ce dimanche sa candidature, prenant tous les pronostiqueurs à rebours.

Villepin. Le flamboyant. L’ancien international en fin de carrière tentant de mener son équipe en finale de la Coupe de France, mais n’offrant plus assez de résultats pour que quiconque parie un kopeck dessus. Que la phase de qualifications fut longue et pleine de contre performances ! Des succès, il y en a eu, mais ils remontent à loin, et depuis le 19 juin, République Solidaire s’était enfoncée, traversant une longue période sans victoires, entre matchs nuls et défaites.

Car le club de Villepin, bien qu’étant passé pro avec République Solidaire, n’a pas tous les atouts, et frisait la descente en Ligue 2. Déjà, son équipe est composée de jeunes pousses, dont la plupart viennent de la politique de salons, et n’ont même pas joué en CFA. Faute de temps de jeu suffisant, cette équipe est difficile à motiver et à mener pour le libéro de République Solidaire, qui joue souvent seul contre tous.

Alors que plus personne n’attendait un résultat, le numéro 10 a fini par marquer. Il aura fallu attendre les arrêts de jeu et une faute peu évidente du camp adverse pour obtenir un coup franc idéalement placé, dans la ligne des 16 mètres, sous les caméras de TF1. Du pied droit, l’ancien Premier Ministre a envoyé un véritable boulet de canon dans les cages de Nicolas Sarkozy, qui n’a rien pu faire face à la puissance de ce tir. Le mur, lui, en est resté pantois. Contre toute attente, Villepin a marqué des points, se qualifiant les 1/8ème de finale de cette Coupe de France de la politique.

Jusqu’où ira-t-il ? En quart, en déposant sa candidature au Conseil Constitutionnel ? En demi, en se présentant au 1er tour ? En finale, en se qualifiant pour le second tour ? Peu importe, il rêve de ce soir de mai 2012 où, devant la foule des supporters réunis place de la Concorde (ou ailleurs), il brandira sa Coupe de France. Et en attendant, il se motive, seul, dans les vestiaires. Les ultras sont encore là, même si on se prend parfois à rêver d’un plan Leproux tant le comportement de certains vis-à-vis des médias est indécent.

Moins nombreux, mais comme toujours lorsqu’un club obtient des résultats, les supporters reviennent au stade. Les adhésions devraient donc reprendre ces jours prochains. Notamment si l’équipe se renforce, et s’entoure de bons joueurs… Reste que comme en foot, Villepin devra en effet s’entourer de professionnels, s’il veut rêver plus haut que simplement tenter l’aventure du Petit Poucet. Un frémissement dans les sondages pourrait lui permettre d’espérer. D’autant que tout le monde aime suivre les petits clubs dès lors qu’ils ont un parcours gagnant : éternel mythe de David contre Goliath… Encore faut-il marquer.

Il faudra aussi recruter un bon coach, capable de fédérer l’équipe, et de mener le club à la victoire. Les recrutements à venir après la trêve d’hiver, du directeur de campagne au mandataire financier en passant par le reste de l’effectif et leur positionnement dans l’organigramme, donneront le ton qui permettra d’affiner la stratégie de campagne, et de donner au groupe la confiance pour gagner les matchs à venir.

Se pose alors la question des moyens. Si les signatures manquent aujourd’hui, il serait étonnant que déclaré candidat, il ne parvienne pas à les obtenir. Et il a jusqu’à la date limite de dépôt des candidatures près le Conseil Constitutionnel pour les déposer, en mars. C’est dire s’il a le temps de les récupérer. Le principal souci réside donc dans l’argent. Comment financer une campagne ? Comment obtenir un prêt bancaire sans l’assurance d’atteindre le score de 5% qui seul permet le remboursement des comptes de campagne, faute de disposer de sondages suffisamment hauts ?

Evidemment il y a une autre tactique, loin de l’habituel 4-4-2, utilisée par beaucoup de petits partis.  Il s’agit de faire alors campagne sans dépasser le montant minimal partagé entre tous les candidats à la présidentielle, qui était de l’ordre de 800 000 euros en 2007. Ce montant dépendra du nombre de candidats déposant leur candidature officielle, et du total alloué par décret : deux informations impossibles à connaître maintenant. Un pari.

C’est vers cette stratégie que semble s’orienter Villepin, quand il annonce ce soir ne pas avoir de moyens, compter sur les français pour l’aider, et sur le sens civique des médias. Reste à voir si cette tactique de jeu permettra au Petit Poucet de s’imposer face aux mastodontes, au point de souffler aux deux grands clubs l’éternel clasico UMP-PS, ou s’il s’inclinera lors des tours à venir de cette Coupe de France de la politique. Reste à espérer qu’il ne marquera pas contre son camp… mais qui sait : et s’il marquait le but en or ?

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Ca sent le sapin pour Villepin !*

Quel surréaliste exercice d’équilibriste que celui auquel s’est livré Dominique de Villepin hier, au micro de BFM TV !

Trop content d’apparaître une nouvelle fois dans les médias –le président de République Solidaire, Jean-Pierre Grand, ne s’est-il pas ému récemment dans l’hémicycle de ne l’avoir point vu suffisamment sur les grandes chaînes-, l’ancien Premier ministre et ancien président de République Solidaire, feu aspirant à concourir pour la présidentielle, a tenté de répondre sur sa vraie-fausse candidature. Car ses petites rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, plus ou moins discrètes, avaient finies par fuiter… et inquiéter au sein de ses maigres troupes, déjà bien clairsemées depuis l’annonce du projet, qui avait provoqué le départ de nombreux militants non convaincus, puis ses tergiversations sur le fait de se présenter ou non, et enfin l’incapacité de République Solidaire à prendre son envol. Alors, ira ou n’ira pas ? Décryptage.

A propos des militants, qui trépignent d’impatience au sujet de ses tergiversations sur sa candidature, Dominique de Villepin se montre légèrement méprisant : « ils n’auront pas beaucoup à attendre ». Réponse étonnante dans la bouche de celui qui les fait lanterner –sans mauvais jeu de mots- depuis plusieurs mois. Reste qu’une fois de plus Dominique de Villepin leur met les warnings sur sa très hypothétique candidature, en appelant une nouvelle fois à un gouvernement d’union nationale, seule réponse selon lui à la crise, assénant le coup de massue finale : « C’est la voie que j’ai choisie ». D’ailleurs, il le clame haut et fort : « il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’ambition personnelle ». Hum, qu’est-ce alors que la présidentielle ? C’est bien une ambition personnelle que celle de diriger la France, et d’apporter des réponses concrètes à travers l’application d’un programme… dont d’ailleurs il dispose depuis le 14 avril dernier ?

L’argument tendant à dire qu’il est plus simple de rassembler sans que ce soit autour de sa personne est surprenant. Rassembler autour de qui alors ? Notre Constitution prévoit bien un président de la République, et c’est bien l’enjeu de cette élection. Ensuite, cet homme ou cette femme, élu par le peuple, dispose de la légitimité pour désigner un Premier Ministre, qui nomme son gouvernement. A force de tourner autour du pot sans vouloir annoncer son retrait de la course, Villepin semble se perdre dans les méandres de la Vème République qu’il affectionne tant, et oublier que seul le président de la République dispose de la légitimité que lui donne l’élection au suffrage universel. Qu’en conséquence, il ne peut y avoir deal au préalable sans mettre à mal ces institutions. Cet argument est donc nul et non avenu : il faut bien désigner un président, et donc, miser sur un candidat parmi ceux qui se présentent. Ou se retirer purement et simplement, s’il ne veut prendre part à la mère des batailles électorales.

Alors que Xavier Jaglin, responsable départemental de l’Orne de République Solidaire, l’a incité dans le reportage d’ambiance réalisé par BFM TV à suivre François Bayrou, Villepin répond : « le ralliement n’est pas dans ma nature ». Curieuse position pour quelqu’un qui appelle au rassemblement… Certes, il répond assez clairement : « Le rassemblement, c’est moi ». Mais y croit-il vraiment ? A l’heure où il annonce savoir déjà quelle sera sa décision, comment peut-il laisser entendre qu’il disposerait d’un poids politique suffisant pour que les autres se rallient à lui ? La réponse ne se fait pas attendre : « Je ne me considère pas comme indispensable à ce rassemblement ».

Finalement, l’ancien Premier Ministre ne semble plus défendre dans cette campagne qu’une idée, sans vraiment envisager d’en être le leader. Ce qui fleure bon, in fine, le ralliement… D’ailleurs il reconnaît lui-même, à propos de sa visite à la Lanterne, avoir « fait passer un message politique à Nicolas Sarkozy », à savoir « que le temps de l’union nationale était venu et qu’il avait tout intérêt à changer la donne politique ». Bizarrement, il n’a pas annoncé avoir rencontré d’autres candidats pour tenir le même discours… Le vocabulaire employé, celui de l’appel à « l’Union » le laisse également penser, tant ce fut le concept initial de l’UMP de Juppé, sous l’impulsion de Jacques Chirac, parti de l’actuel locataire de l’Elysée.

Mais cette idée d’union, comment y croire dans la bouche de celui qui entendait représenter une alternative, dans cette bataille qu’est la présidentielle, qui par essence n’est pas une élection sur laquelle peut se produire une union… à moins de ne penser en terme de bipartisme ? Pourquoi brouiller aujourd’hui les cartes sur ce sujet ? Qu’en tirer, si ce n’est qu’un peu de temps gagné avant le retrait, au mépris de l’illisibilité ? Cette élection, justement, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple, selon l’esprit qu’a souhaité insuffler De Gaulle à la Vème République et dont Villepin s’est si longtemps réclamé ?

C’était avant, quand le flamboyant Villepin pouvait y croire, porté par une équipe de fidèles prêts à tout pour l’en convaincre, exaltés par des sondages flatteurs, aux alentours de 10%. C’était avant, quand les technocrates n’avaient pas mené RS dans le mur. C’était les sondages oscillants entre 1 et 2%. C’était avant le constat d’échec de République Solidaire, très pauvre en militants et donc en finances, le parti étant trop jeune et trop dépourvu de parlementaires pour disposer de l’aide publique d’Etat. En effet, contrairement à la publicité faite par le parti, RS n’a jamais compté les 25000 adhérents revendiqués, dont le mode de calcul provient des adhésions cumulées avec les inscrits du réseau social, sans tenir aucun compte de l’activité de ceux-ci ni des nombreux démissionnaires parmi les adhérents. C’était avant de claquer la porte de cette structure amateur sans ressources et incapable de mener campagne, faute d’avoir su se professionnaliser.

Bien qu’il aime se livrer à l’analyse politique sur l’action des autres, regrettant que « Les hommes politiques ont perdu le goût de la décision parce que la communication a mangé cette capacité de décision », il n’en reste pas moins saltimbanque du  grand cirque politique, en refusant de livrer une réponse qu’il distille pourtant en pointillés. Qu’il est bon de courir encore un peu les médias avant que les projecteurs ne s’éteignent ! Mais pas seulement. Car le temps passe, et l’enjeu, pour Villepin, est d’importance. Et les jours qui viennent –et qui le sépare de l’Annonce- seront capitaux pour rentabiliser ces deux années d’engagement. Villepin devra tenter de faire passer les idées que contenait son programme, ainsi que cette idée d’union nationale, qui ferait un joli parachute. Pour que tout cela n’ait pas été en vain.

Avouons qu’il est tout à fait en mesure d’apporter à un gouvernement, de par son expérience. Un peu comme Juppé l’a fait dans le gouvernement Sarkozy. Ce qui lui laisse tout de même une porte ouverte pour se recaser. D’autant que ses relations avec l’actuel locataire de l’Elysée se sont pacifiées, et il ne perd plus une occasion de s’en expliquer. Et de l’encenser. Ne disait-il par hier, que « Sarkozy s’est bonifié. Il est comme la mouette en haut de la vague » ? Les militants qui ont défendu sa candidature pour bénéficier d’une alternative apprécieront. Et courront se jeter sur d’autres candidats plus à même de l’incarner.

S’il ne se vend pas pour un plat de lentilles –ce qu’on saura lorsqu’il annoncera sa décision-, reste alors une autre hypothèse, celle de l’abandon en rase campagne, pour faire autre chose. La porte de sortie, par le bas, après tout ce foin depuis 2 ans : tout plaquer, comme il le fit en 2007. Finalement peu importe. Au-delà de son destin personnel, Villepin n’a laissé aucune place au suspense, en donnant déjà tous les éléments de réponse : il ne sera pas candidat. Reste à l’annoncer, mi-décembre, avec un joli nœud sur le paquet. Voilà le cadeau de Noël qu’il offrira à ceux qui se sont engagés depuis deux ans à ses côtés : l’enterrement de sa candidature, directement dans le sapin.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

La campagne par le vide*

En cette fin d’automne, la campagne présidentielle semble geler. Les commentateurs commentent, les politiques s’écharpent, mais sur quelle base ?

Jusqu’ici, peu de candidats ont présenté leur programme, et notamment pas les deux grands candidats que chacun voit –un peu trop tôt- s’affronter au second tour.

D’un côté, l’UMP n’a pas peaufiné le sien, et annonce déjà que le candidat sera libre de l’utiliser partiellement ou totalement. En effet, si le parti majoritaire se réunit régulièrement à l’occasion de conventions thématiques destinées à préparer le programme, il s’agit en réalité de propositions qui seront soumises à Nicolas Sarkozy… qui pourra s’en affranchir. Seule nécessité pour lui, voir sa candidature ratifiée par le Congrès de l’UMP, en vertu de l’article XX des statuts.

Etant entendu qu’il ne s’agit pas d’une investiture. Parce qu’à droite, on aime jouer sur les mots. C’est cet événement qui lancera la campagne, probablement en février… même si le président hésite encore sur la date. La rumeur court même qu’il pourrait se laisser tenter pour faire cette grande fiesta le jour de son anniversaire. Hum… peu crédible : ses conseillers devraient tout de même finir par lui faire remarquer que cela personnaliserait un peu trop la chose, et que son image en sortirait passablement écornée.

De l’autre, le PS a déjà voté un programme… que le candidat a annoncé qu’il modifierait pour tenir compte de la situation économique, qui ne cesse de varier. Le programme voté par en Congrès n’est déjà plus qu’un vieux souvenir, et il y a fort à parier qu’il sera fortement taillé à la serpe. Sans que l’on sache exactement sur quoi. François Hollande a déjà annoncé qu’il présenterait cette version upgradée de ses propositions en janvier. Sans préciser s’il pensait au début, au milieu ou à la fin du mois. Reste que pour l’instant, nada.

D’ici là… et bien tout le monde parle dans le vide. Tous les jours, les politiques s’envoient vannes sur vannes à la figure, que ce soient sur les plateaux télévisés ou dans les hémicycles, en critiquant le programme de leurs adversaires… un programme, qui, donc, n’existe pas encore. Et personne ne le note. D’abord, le petit monde médiatique s’alimente de ces piques de pure politique politicienne, à grands renforts d’émissions prétendument politiques, alors même qu’elles ne sont que politiciennes.

Mais encore pire, les politiques eux-mêmes en viennent à utiliser le temps de débat parlementaire pour se livrer à des attaques sur ces programmes fantômes, pendant les séances de Questions au Gouvernement, bien sûr, mais aussi, pendant les séances d’études des textes. Il n’est en effet plus rare de voir ministres et députés s’invectiver sur les échéances électorales et leurs prétendus aspect programmatiques, le PLF et le PLFSS en ont été le terrain. Dangereuse déviance, qui ne grandit pas le politique.

C’est le temps de la fausse campagne. Des parasites sur les plateaux, qui cherchent la sélection pour le Prix de l’Humour politique et/ou un poste dans un hypothétique futur gouvernement. Reste que tout ceci n’est fondé sur rien. Non, il n’y a pas de programme socialiste à l’heure où j’écris ces lignes, pas plus que de programme de Sarkozy.

Il y a des supputations, beaucoup de mauvaise foi, et des papillons de lumière chargés d’occuper le terrain médiatique par ce dans quoi il excelle : le vide. Et un système politico-médiatique qui s’autonourrit, sous prétexte que la présidentielle est le sujet majeur de 2012, oubliant trop souvent de s’interroger sur l’absence de contenu.

Jusqu’au milieu de l’hiver, et tant que les grands candidats ne seront pas déclarés, il en sera ainsi. Nos journées seront rythmées par les numéros que se livreront ces artistes de cirque : qui un funambule, qui un dresseur d’éléphants, qui un cracheur de feu. Ou comment les politiques et les médias ont ressuscité La Piste aux Etoiles.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Epanadiplose présidentielle

Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy est élu président de la République. Heureux de sa victoire, il choisit de faire la fête avec ses proches au Fouquet’s, restaurant bien connu des Champs Elysées, à la carte onéreuse nécessitant de dégainer sa platinium.

Dès les premiers jours de son mandat, l’attitude très bling-bling du président Sarkozy fait grincer les dents. Fouquet’s, Rolex au poignet, vacances sur le yacht de son ami Bolloré… Le président, qui a muté hier en père de l’austérité, n’a jamais réussi à se décoller de cette image de nanti de la République.

Déjà, l’annonce hier dans le plan de rigueur du simple gel du salaire du président n’a pas été bien perçu par ceux qui ont encore en tête qu’il avait augmenté son traitement dès son arrivée au pouvoir. Mais voilà, cette nouvelle polémique autour du G20 menace de mettre son plan de communication par terre, en questionnant le président sur le montant de ce déplacement.

Le sommet durant deux jours, et Nicolas Sarkozy étant arrivé la veille pour sermonner le Premier ministre grec, il a du passer deux nuits à Cannes. Son choix s’est porté sur le Majestic, un établissement du groupe Barrière qui offre l’avantage d’être idéalement situé sur la Croisette, face au Palais des Festivals. Or c’est un palace 5 étoiles, et la facture est en général à la hauteur de ses prestations : élevée.

Aussi, la polémique enfle : le président a-t-il occupé la suite présidentielle Majestic Barrière –sinon, qui d’autre en sa présence en les murs ?- et si oui, l’Elysée l’a-t-elle payée plein pot – 37000 euros la suite- comme l’évoque le tabloïd anglais The Sun, ou obtenu une petite ristourne de la part de ses amis du groupe Barrière ? Ou tout simplement occupé une chambre de moindre facture ?

Reste que la polémique enflamme presse et web et se répand comme une traînée de poudre, ce qui fait désordre en cette période de vaches maigres, et au lendemain de l’annonce du second plan de rigueur en deux mois.

Si l’on en croit Franck Louvrier, en charge de la communication à l’Elysée, a tenu à démentir avec rigueur vigueur : « Faux, c’est dix fois moins », a-t-il assuré au Monde. Soit autour de 3.500 euros la nuitée. Le président étant proche du groupe Barrière, -et client récurrent de ses établissements,ce groupe hôtelier est notamment propriétaire du fameux Fouquet’s-, il est tout à fait possible que l’Elysée ait négocié les tarifs hôteliers des personnels déplacés dans le cadre du G20.

Reste qu’au moment de l’annonce du plan de rigueur, ce choix hôtelier finit par se retourner contre le président bling-bling. Et son image en prend un sacré coup. D’ailleurs, saviez-vous que le Majestic compte en ses murs le Fouquet’s Cannes ? Ca ne s’invente pas.

2012 : quelle stratégie pour les blogueurs ?

Ce soir, en checkant mes DM, je suis tombée sur une alerte de Ménilmuche sur la question qui agite les blogueurs politiques en ce moment : comment bloguer la campagne ?

Son billet relaie l’appel de Jegoun, lui-même consécutif à un article de Marc Vasseur sur le même sujet. En débat : faut-il ou non créer un blog collaboratif pour couvrir la campagne ?

Marc Vasseur aimerait que se constitue une plateforme commune, qui permettrait de proposer des angles différents et des positions plus créatives et moins militantes, allant au-delà des clivages partisans.  Il doute cependant que la blogosphère soit capable de se transcender et de faire campagne commune, au-delà du simple commentaire de la petite phrase du jour, et craint le rôle prépondérant que risquent de tenir les médias sur la toile.

Cet écueil existe, certes, mais ce n’est pas le seul. Nicolas Jegoun, de son côté, note le côté fleur au fusil d’une telle démarche… en reprenant des exemples qui lui sont personnels et qui démontrent le peu d’implications des blogueurs dès qu’il s’agit d’être collectifs. Mais surtout, il pointe l’absence de pouvoir des blogueurs, qui quoi qu’il arrive, ne feront pas la campagne : « Même si les blogs politiques étaient lus par 100 000 personnes (par ailleurs toutes politisées et sensibilisés), il resterait au bas mot 44 900 000 électeurs qui ne lisent pas les blogs, soit 99,8%… Même si nous étions lus par 2 millions de personnes, ça ne ferait que 95% de la population électorale ».

Aussi, pour lui, une telle initiative risque d’être chronophage, et de nécessiter une dépense d’énergie et de moyens qu’il sera compliqué de rentabiliser. Voilà pourquoi il lance un appel aux blogueurs :  « Participez aux actions que ne manqueront pas de proposer certains sites de presse à l’occasion des Présidentielles, exigez d’avoir vos billets repris en tant que tels et non pas par un papier écrit par un professionnel et faites des liens vers les billets des copains pour étayer vos propos ». Avec un objectif : que les blogueurs alimentent les sites des médias les plus lus, pour permettre à ces sites de disposer d’un contenu qu’ils sont incapables de produire, et en faire la référence.

Mon expérience de blogueuse politique est très différente de ces trois blogueurs : ils sont tenanciers de blogs installés depuis plusieurs années, et font partie des Left Blogs. Blogueuse de droite, ayant tenu plusieurs blogs pour finalement réunir ici l’ensemble de mes écrits, je suis à leur opposé. Et pourtant, je m’interroge comme eux sur cette campagne. D’autant plus lorsque je vois l’attitude de certains militants, qui persistent à penser que bloguer consiste à copier/coller un argumentaire fourni clef en main par leur parti.

A priori, l’idée de Marc Vasseur peut sembler intéressante. Reste que comme Jegoun, j’ai des doutes sur la faisabilité. J’ai été sollicitée pour participer à deux plateformes collaboratives –Politiko et Le Comptoir, deux blogs que j’apprécie- et à chaque fois, je me suis heurtée aux limites d’un blog créé par d’autres. Pour Politiko, j’ai finalement peu de sujets qui respectent la ligne du site, à savoir titrer sous forme de question. Résultat, je ne publie quasiment jamais chez eux. Pour Le Comptoir, je n’ai tout simplement jamais trouvé de sujet qui puisse correspondre. Parce que le propre du blogueur, c’est la liberté. De ton, de contenu, mais aussi de ligne éditoriale.

Ensuite, les projets collectifs se passent toujours de la même manière. Chacun fait ce qu’il veut, et celui qui gère le site –pour assurer l’unité et la programmation- galère pour le remplir, soit parce qu’il devient un secrétaire de rédaction au service des autres, soit parce qu’il manque de contenu parce que personne n’a pensé à mettre son texte en ligne. C’est vite chiant.

Mais surtout, comme Jegoun, je ne crois pas à la mise en place d’un tel outil, qui coûterait cher, et qui n’aurait pas la renommée qu’on les grands médias sur lesquels vont naturellement cliquer les internautes. Aussi, ce serait un énième support underground dont nous nous refilerions l’adresse entre nous en ayant l’impression d’être les Jim Jarmusch ou Gregg Araki du web. Je me vois mal participer à un tel projet, pour des considérations techniques.

En effet, la rédaction d’un billet prend du temps, mais la gestion du blog ne s’arrête pas là. Il faut encore publier, c’est-à-dire rechercher les iconographies ou autres médias et les liens, puis relayer chaque billet sur les différents réseaux sociaux, histoire d’en assurer la promotion. En ce qui me concerne, cela double facilement le temps de travail par rapport au temps d’écriture. Du coup, toute publication supplémentaire d’un même article est à envisager avec attention.

Enfin, le propre du blogueur est d’écrire. Même si le mythe veut que le blogueur cherche à tout prix à devenir un influent [ndlr : un leader d’opinion qui parvient à convaincre par ses notes], la réalité est toute autre. Lorsque l’on ouvre un blog, c’est avant tout pour le plaisir de publier ses opinions, impressions, anecdotes, … Après, si certains prennent le melon, c’est une autre histoire. Reste qu’à l’ouverture, personne ne cherche vraiment à cartonner. Mais juste à s’exprimer, et apporter son regard sur notre société. Avec le temps, cette bouteille jetée dans l’océan du web s’organise, se thématise, trouve son noyau plus ou moins large de fidèles.

Si certains blogs de mode ou de cuisine sont extrêmement fréquentés, il faut se calmer en ce qui concerne la politique : personne n’est le roi du monde, et aucun d’entre nous n’explose le box-office (surtout pas moi), sinon ces questionnements sur notre positionnement dans la campagne ne seraient pas à l’ordre du jour. Du coup, un excellent billet peut disposer de faibles stats juste parce qu’il n’a pas été assez relayé. D’où l’importance de songer aux relais qui permettent de faire connaître une note. Et au-delà des réseaux sociaux et autres copains blogueurs -quand on en a, perso je ne fais partie d’aucune webring, faute d’être suffisamment connue de mes comparses- se trouve justement la publication sur d’autres supports… qui eux, jouissent d’une forte notoriété.

Forte de toutes ces considérations, je partage l’idée de Jegoun et incite à mon tour les blogueurs politiques à publier leurs écrits sur des supports dotés d’une forte visibilité. J’ai bien dit leurs écrits. Parce que récemment, un copain blogueur m’a raconté avoir été interrogé par une journaliste d’un de ces supports… qui ne comprenait rien à ce qu’il racontait. Il avait alors du tout réécrire tant le projet rédigé ne correspondait pas à sa pensée. Ca n’est pas acceptable. Pour ma part, j’ai publié aujourd’hui mon premier article sur l’un de ces supports, dans de bonnes conditions : les modifications du journaliste ont été à la marge et de l’ordre du secrétariat de rédaction. Nettement mieux.

Aussi, à condition d’être vigilants sur les règles de publication, cette option le meilleur choix qui s’offre à nous. Ces médias nous assure une visibilité que nous n’aurons jamais seuls, et donc un espace élargi pour commenter la campagne présidentielle. Dans le même temps, nous permettons à ces supports de disposer d’un contenu qu’ils n’auraient jamais sans nous, faute d’avoir notre regard si particulier sur le monde qui nous entoure : si un blogueur n’est pas un journaliste, n’oublions jamais qu’un journaliste n’est pas un blogueur. C’est donc un tandem donnant-donnant. Et potentiellement gagnant-gagnant.