Hollande, et après ?

56-44. Ce n’est pas le score du match de rugby d’hier (on est en finale, on est en finale, on est, on est, on est en finale), mais grosso modo celui de la primaire socialiste.

Après un ultime affrontement dans les urnes, François Hollande l’a emporté assez largement sur Martine Aubry, avec un score de 56,57% pour le corrézien contre 43,43% pour la Lilloise. C’est donc François Hollande qui portera donc les couleurs socialistes à la présidentielle, au printemps prochain.

Immédiatement, la boîte à images se met en route, et le PS réussit bien à faire passer son message d’unité. Dès sa première prise de parole, Aubry fait le geste. Sur le perron de Solférino, les deux candidats se donnent la main, ceux du premier tour les rejoignent pour la photo : l’adversité est loin, tous derrière Hollande et peu importe qu’il fut surnommé Flamby ou taxé de représenter la gauche molle. L’heure est au rassemblement au sein du parti socialiste, condition sine qua non pour espérer l’emporter en 2012.

Car la gauche a choisi Hollande, avec une confortable avance. Celui qui, il y a quelques mois encore, subissait en interne au PS un Tout sauf Hollande, de la part d’une frange de la rue de Solférino. Et pourtant. Dès le premier tour, le mystérieux corps électoral de cette primaire l’a placé en tête, avec 9 points d’avance. Les sondages lui en donnaient 10. Avouez que c’est kif-kif.

Restait alors à confirmer cette dynamique. Un à un, tous les battus du premier tour l’ont rejoint, laissant Martine bien seule pour mener la dernière bataille. Mais c’était logique : il fallait se rassembler sur le gagnant, pour lui donner la plus grande légitimité possible. Martine n’a certes pas démérité, mais François l’a largement emporté.

Reste maintenant à transformer l’essai, et ce ne sera pas facile. Ce qui m’a frappée, hier, c’est le non vote des quartiers.  Les banlieues ont boudé la primaire, malgré les déplacements des candidats. Ainsi selon les chiffres compilés par le Parisien, au premier tour, si Paris compte 13,7% de votants sur l’ensemble des électeurs inscrits, avec des pointes à 18,4% dans le 11ème ou 19,5% dans le 3ème, la participation peine à atteindre les 5% en Seine-Saint-Denis, et 5,67% dans le Val D’Oise. Avec un record à 2,37% à Garges-les-Gonesse. Dans le même temps, la moyenne nationale est de 6,14%.

Lorsqu’on regarde où ce sont portés les votes exprimés dans ces quartiers, les résultats ne sont guère marqués. Ainsi, si le score de Ségolène Royal est légèrement supérieur, celui d’Arnaud Montebourg est en général inférieur, ce qui ne donne pas plus de poids, in fine, à la gauche de gauche. Bref, les banlieues n’ont pas vu dans la primaire un espoir dans le fait de choisir le candidat de gauche.

Je ne crois évidemment pas à la théorie avancée par certains selon laquelle ce chiffre s’expliquerait par l’impossibilité pour les étrangers membres du PS de voter. D’une part c’est faux, ils pouvaient se rendre aux urnes et présenter leur carte du PS. D’autre part, cela ne change rien en terme de pourcentage du corps électoral ayant participé au primaire : à ce que je sache, s’ils sont étrangers, ils ne vont pas plus voter au printemps prochain. La question n’est donc pas là, et sert juste à instrumentaliser ce non vote pour plaider la cause du vote des étrangers. Grosse ficelle.

Reste que la question du vote des banlieues, traditionnellement porté à gauche, se pose. S’abstiendront-elles, ou hésiteront-elles entre les candidats classiques et les extrêmes, de droite comme de gauche ? François Hollande tient là l’un de ses défis majeurs : parvenir à parler à cette population mais surtout, à être entendu.

Car le danger bleu Marine guette… Non pas spécifiquement en banlieue, mais partout. Or la question sera bien de se qualifier au second tour. A l’heure actuelle, de nombreux candidats jouent la carte facile de l’anti-Européanisme, taclant l’Europe et l’Euro à tout bout de champ, en faisant croire à la population que sans l’Euro ni l’Europe, la vie serait plus belle. Qu’importe les conséquences réelles qu’engendrerait la sortie de l’Euro, ou la complexité d’en sortir : ceux qui tiennent ce discours n’ont aucune chance de gouverner.

Et c’est bien là que le bât blesse : c’est justement parce que personne ne peut juger sur pièce que les extrêmes ont recours aux idées populistes. Reste que ceux qui les auront cru conserveront l’impression de ne pas être entendus. Avec plus ou moins de rancœur et d’agressivité. Surprenant cependant que personne ne s’étonne de trouver dans ce pêle-mêle les souverainistes de Dupont Aignant ou la gauche du PS de Montebourg aux côtés des extrêmes de droite et de gauche, de Marine Le Pen à Mélenchon et Poutou. Tout de même, tout le monde n’a pas la géolocalisation politique contrariée !

Que les petits candidats se mettent à racoler ainsi risque de mettre sérieusement en danger le candidat du PS, tout comme celui de l’UMP. La souffrance de la population finit par détourner une partie de l’électorat sur les bords, que ce soit d’une tendance ou de l’échiquier. En ce sens, le premier tour pourra être serré.

EELV sera tout aussi démago que Mélenchon, et offrira une solution toute aussi radicale, mais plus acceptable aux bobos en raison d’une image plus hippie chic, là où Hollande sera tenu d’éviter les fausses promesses pour ne pas décevoir s’il l’emporte, et garder un discours audible au regard de la situation intérieure, mais aussi de la France en Europe et dans le monde. Ce que n’ont pas nécessairement à faire les petits candidats… On l’oublie trop souvent, mais c’est aussi le jeu du premier tour.

Reste qu’Hollande devra faire face a minima à Poutou (NPA), Mélenchon (PC/Front de Gauche) et Joly (EELV), faute d’avoir pour l’instant des nouvelles de Schivardi (et son moins de 1%) et Chevènement (ira, n’ira pas ?). Autant de candidats qui feront mathématiquement baisser son score, quitte à le faire passer en troisième position.

Cette division des voix sera moins importante à droite, où le candidat Sarkozy affrontera a minima Marine Le Pen (FN). Et peut être Dupont Aignan (DLR), Boutin (FRS) et Miguet. Difficile en effet de comptabiliser Bayrou le centriste dans les voix de droite, le Modem étant désormais quasiment autant de droite que de gauche en matière de répartition des voix (à peu près 60 à droite/40 à gauche en 2007).

Ne nous y trompons pas, 2012 ne sera pas 2002. Mais plusieurs éléments sont à noter. Tout d’abord, comme je l’ai déjà expliqué, il y aura du mouvement dans l’électorat de droite. Le rejet de Nicolas Sarkozy est bien plus fort que l’UMP ne veut le faire croire, et le premier symptôme en est la désaffection pour le soi-disant candidat naturel au sein même des militants et des élus. Les prises de positions en ce sens se sont multipliées, et traduisent un vrai malaise. Second symptôme, la participation d’une partie de l’électorat de la droite et du centre à la primaire du PS : à l’exception des quelques fanatiques de Sarko qui ont bêtement voulu fausser le scrutin, ceux là sont prêts à franchir le Rubicon au second tour.

Reste, une fois encore, la question du premier tour. A droite, le rejet de Sarkozy se répartira en cinq tendances : abstention pure et simple, vote au centre, vote vers un petit candidat, vote FN, et vote à gauche. Parmi ces choix, les plus gros mouvements seront sur le vote au centre et le vote FN. A moins d’un trop fort risque FN qui pousserait les anti-Sarkozy porté sur le centre à voter utile dès le premier tour.

A gauche, ceux qui ne sont pas d’emblée convaincus par Hollande auront également plusieurs choix : vote sur un candidat plus marqué (Mélenchon ou EELV), vote extrémiste (NPA ou FN), abstention. Et ne nous y trompons pas, le programme économique de Marine Le Pen vise bien l’électorat de gauche : appeler à la nationalisation (des banques) n’a jamais fait bander la droite…

La question reste donc définitivement celle du poids du FN conjugué à celui de l’abstention, pour espérer figurer au second tour. La candidature centriste de Bayrou pourrait réunir une partie de la droite, dépourvue de candidat depuis le retrait de Borloo et l’improbable candidature Villepin, mais il reste peu probable qu’il parvienne à réitérer son score de 2007 : l’essai n’a pas été transformé, et le Modem n’est pas apparu suffisamment crédible depuis 4 ans pour porter un espoir de société qui séduirait au-delà d’une base certes élargie par rapport à ses scores régionaux, mais trop faible pour parvenir à se qualifier.

C’est donc bien l’abstention et le vote FN qui seront les arbitres du 22 avril prochain. Soit les votants auront suffisamment répartis leurs votes sur l’ensemble de l’offre politique, et dans ce cas les candidats UMP et PS se qualifieront. Soit l’abstention sera plus élevée et le vote FN plus important que l’on ne l’imagine, et dans ce cas, le candidat de droite comme celui de gauche risquent de ne pas se qualifier. Et d’offrir un non-choix au second tour.

Paradoxalement, le second tour semble plus clair en cas d’affrontement Hollande-Sarkozy. Le rejet de l’actuel président est tel que même s’il est aussi bon candidat qu’il est mauvais président, et reste capable de l’emporter sur le fil, Hollande devrait emporter les voix de la gauche jusque sur une partie de la droite, cette tendance est confirmée par la participation de certains d’entre eux dès la primaire, six mois avant l’élection. Et ce transfert sur la gauche est facilité par le choix d’Hollande, plus centriste que Martine Aubry, rédhibitoire pour une partie plus large de la droite qu’Hollande en raison de son sectarisme et surtout des 35 heures.

En réalité, seule l’abstention de gauche et des extrêmes pourrait faire basculer le rapport de force au profit de Sarkozy, qui aura du mal à remonter de son score de premier tour jusqu’à dépasser la barre fatidique des 50% des suffrages exprimés, condition sine qua non pour gagner. Reste que pour l’emporter au soir du 6 mai, il faut se qualifier le 22 avril. Après avoir rassemblé derrière lui le parti socialiste, le corrézien doit veiller à ne pas se faire déborder sur sa gauche. Voilà le vrai défi qui attend François Hollande pour les six mois qui viennent.

Sénatoriales 2011 : la Chambre Haute bascule à gauche !

En ce dimanche, 71 890 grands électeurs étaient appelés aux urnes pour renouveler les sièges de la série 1 du Sénat -150 en métropole, 14 dans les collectivités situées outre-mer et 6 représentent les Français établis hors de France- et répartir les 5 nouveaux sièges liés aux évolutions démographiques en Isère, Maine-et-Loire, Oise, Réunion, Nouvelle-Calédonie.

Sur ces sièges, 58 étaient élus au scrutin majoritaire à deux tours –pour les circonscriptions disposant de 1 à 3 sièges à répartir- et 112 à la proportionnelle –pour les circonscriptions dotées de 4 sièges et plus à répartir. A noter que le Sénat, en application de la réforme de 2003, se renouvelle pour la première fois par moitié –et non plus par tiers-, compte désormais 348 sièges –et non plus 343- et l’âge minimum pour être élu est abaissé à 24 ans au lieu de 30 ans auparavant.

La gauche ayant remporté toutes les élections intermédiaires –municipales, cantonales, régionales- et étant majoritaire dans les collectivités territoriales et leurs exécutifs, réservoir des grands électeurs et/ou d’influence sur ces grands électeurs, chacun sait que le Sénat peut basculer à gauche.

Mais ce n’est pas le seul élément qui place la gauche dans une conjoncture favorable : le renouvellement par moitié facilite mathématiquement les mouvements de siège, et le mécontentement des élus face à la politique gouvernementale –régression des services publics en zones rurales et réforme des collectivités territoriales en tête- ou encore la multiplication des listes à droite et au centre sont autant d’éléments qui pourraient favoriser la bascule, et donner quelques menus pouvoirs à la gauche même si ce basculement serait avant tout symbolique, pour une assemblée pourtant plus souvent en opposition avec le pouvoir qu’on ne semble s’en rappeler.

Ce qui n’est pas du goût de Claude Guéant. Histoire de complexifier un peu l’analyse du scrutin –et de prévoir des éléments de langage attentistes ?- le Ministre de l’Intérieur prévoit dans un premier temps de ne pas publier les étiquettes des candidats. Ce afin de laisser planer le plus longtemps possible le doute, notamment en raison des dénominations floues de certaines listes, particulièrement en Outre Mer. Mais le ministre de l’Intérieur les a finalement retrouvées. Et sur le site du Sénat comme ailleurs, chacun peut retrouver ses petits.

Reste que pour l’heure, la prudence est de mise. Etablir des pronostics est extrêmement complexe, tant le poids local et la personnalité jouent sur cette élection. Seule certitude : pour l’emporter, la gauche doit remporter 23 sièges. Dès 15h25, Le Monde annonce que selon les experts des groupes électoraux au Sénat, a gauche disposerait d’une avance de 4 à 5 sièges. A 16h45, Twitter bruisse de rumeurs, autant qu’au Sénat : Christophe Borgel, Secrétaire National aux Élections du Parti Socialiste, afficherait un vaste sourire, annonciateur de résultats favorables à la gauche même si pour l’instant, les résultats se font attendre. Les premiers résultats sont en effet annonciateur d’une forte poussée de la gauche. Reste à savoir avec combien de sièges d’avances…

A 18h, tout le monde est maintenant certain que la gauche a remporté ces élections. Du moins dans l’esprit. Tellement que Martine Aubry fait son entrée au Sénat, où elle s’entretient avec Jean-Pierre Bel, chef de file du groupe socialiste. Parce que sur le fond –le nombre de sièges en tenant compte des étiquettes- l’heure est encore à la prudence. Ainsi Jean-Pierre Bel, président du groupe PS au Sénat, déclare sur Public Sénat : « Le verdict, ce n’est pas à la moitié du chemin,  c’est au bout du chemin. Donc tout est possible » mais « il faut être  assez prudent. La droite a d’ores  et déjà perdu puisqu’elle a perdu beaucoup de sièges, donc nous avons  tout à gagner et peut-être la cerise sur le gâteau » avec la majorité  dans la Haute assemblée, a-t-il ajouté.

Les résultats continuent de tomber. Du côté de la majorité, les listes dissidentes font leur lot de victimes. A Paris, Pierre Charon coûte son siège à Daniel Georges Courtois, fidèle de François Fillon.  Hum, le parachutage du Premier Ministre pour 2014 commence fort mal… Mais surtout dans les Hauts de Seine, le dissident Jacques Gautier empêche Isabelle Balkany de rejoindre le Palais du Luxembourg.

Et c’est un vote sanction contre la Sarkozie, au-delà de l’ancienne élue locale : après son échec aux cantonales en mars dernier, les grands électeurs alto-séquanais n’auront pas voulu donner de lot de consolation à l’épouse de Patrick Balkany et mauvaise fée de Jean Sarkozy, Prince du département. C’est pour elle un double signe très fort de la part des électeurs –en mars- et grands électeurs –ce dimanche- de leur volonté de ne plus laisser les Hauts de Seine être dirigés telle une monarchie. Un avertissement direct au locataire de l’Elysée.

A 19h16, dans une conférence de presse, Jean-Pierre Bel annonce : « Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le Sénat va connaître une alternance. La Gauche pourrait remporter 24, 25, 26 sièges supplémentaires ». Rappelons qu’elle devait en gagner 23 de plus -en net- pour remporter l’élection. C’est donc plié : le Palais du Luxembourg passe à babord.

Tous les résultats sur le site du Sénat en cliquant sur la carte

A cette heure, on sait donc que la Chambre Haute bascule à gauche, mais pas nécessairement sa présidence. En effet, certains élus divers gauche, qui siègent au sein du groupe RDSE, pourraient voter pour Gérard Larcher et constituer une majorité relative. Conséquence directe de ce vote très serré, l’Elysée devrait prévoir un remaniement. En effet, les remplaçants ne peuvent siéger avant un mois, et sont donc dans l’incapacité de voter pour l’élection du président…

Or la droite aura besoin de toutes ses voix… Jouanno et Longuet devront donc peut être passer la main. Ce qui ne sera pas le cas de Maurice Leroy : le ministre de la Ville a été battu dans le Loir-et-Cher. Hum, et si Sarko lui appliquait la jurisprudence Juppé, du nom du ministre battu aux législatives en 2007 et qui n’avait pas été reconduit au Gouvernement ? Ah non, c’était –comme son nom l’indique- juste pour Juppé. Depuis l’eau –et les élections, avec leurs cohortes de ministres battus- ont coulé sous les ponts.

Naturellement, la gauche a beau jeu de dire qu’elle a gagné et que donc le président doit être de gauche. Sauf que dans la réalité, rien n’est certain, et il devra se dégager une majorité à partir du vote pour la présidence. D’autant que ce vote se joue à bulletin secret… Histoire d’en rajouter à cette ambiance un peu particulière, une session extraordinaire est programmée cette semaine. Ainsi, les anciens sénateurs vont encore siéger cette semaine, tout en coexistant avec les nouveaux qui eux, procèderont à leur prise de fonction dès samedi. Etrange…

Autrement dit, et malgré la victoire numéraire, le suspense reste entier, tant pour la présidence –l’élection du président aura lieu le 1er octobre- que pour le rapport des forces politiques, qui sera connu le 4 octobre, avec la publication des groupes politiques. Sans oublier que dans ce jeu de chaises musicales, avec 24 députés candidats, se libèrent des circonscriptions législatives… ou pas, 5 des 13 députés élus au Sénat s’étant présentés parce que leur circonscription avait disparu dans le redécoupage.

Une chose est certaine : ces sénatoriales constituent  bien un avant-goût de 2012. Ainsi que le constate le Premier Ministre François Fillon : « Le moment de vérité aura lieu au printemps prochain. Ce soir, la bataille commence, et le résultat des sénatoriales nous dit l’énergie absolue qu’il nous faudra déployer ». Quoi qu’en dise la droite, qui cherche à relativiser, le score est clair au terme de cet acte I : Gauche 1 – Droite 0. Alerte rouge vif pour Sarko.

La règle dort…

Aujourd’hui, lors des #QAG –Questions au Gouvernement-, il a beaucoup été question des finances publics, de la crise, de l’équilibre budgétaire, avec en filigrane, le Projet de Loi de Finances Rectificatif (PLFR) qui est discuté depuis hier au Parlement.

Cette discussion n’a pas échappé aux internautes, ce qui nous a valu le petit clin d’œil ci contre de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. L’occasion pour moi de revenir sur le sujet, et de vous expliquer en termes simples de quoi il retourne.

Parce que tout l’été, on nous a bassiné avec la règle d’or. Déjà qu’on avait du mal avec le nombre d’or –si tu as fait maths ou art, tu sais de quoi je parle, -sinon, Wikipedia est ton ami– il a fallu qu’on nous sorte la règle d’or. Non, pas de trois. D’or. Une règle magique qui résoudrait tout –enfin déjà une partie- de nos soucis de finances publiques qui elles, sont dans le rouge.

Alors, que dit ce fameux texte qu’il faudrait absolument voter pour sauver le monde la France ?

  • Création de lois cadres de programmation des finances publiques couvrant des périodes d’au moins trois ans, qui s’imposeront aux lois de finances (PLF) et lois de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) annuelles. Ainsi, si les budgets de l’Etat et/ou de la Sécurité Sociale ne respectent pas les objectifs inscrits dans la loi cadre, le Conseil Constitutionnel pourra les censurer.
  • Suppression du monopole tenus par les lois de finances et de financements de la sécurité sociale des mesures touchants aux prélèvements obligatoires (impôts et prélèvements sociaux). Le gouvernement a déjà, dans les faits, supprimé ce principe. Il entend juste le graver dans le marbre
  • Validation, en avril, par le Parlement, du programme de stabilité. Il s’agit d’un document envoyé chaque année à Bruxelles, et qui détaille la trajectoire du déficit public.

Histoire de rajouter une couche de crème pâtissière, c’est un autre texte, en l’occurrence une loi organique -dont la portée est moindre que la Constitution- qui définira le contenu des lois-cadres. Texte qui n’est évidemment pas bouclé. Autant vous dire qu’on n’est donc pas sorti de l’auberge.

Maintenant que vous avez lu ce chouette gloubiboulga et notamment le premier alinea, vous aurez remarqué que la règle d’or consiste… A ne fixer aucune limite. C’est la loi-cadre qui la fixera, et pour une durée d’au moins 3 ans. Autrement dit, il n’y a pas de règle d’or. Juste le principe qu’on peut éventuellement sur un malentendu décider que la loi-cadre pourra peut être mettre un chiffre qui obligerait alors à respecter un chiffre précis pour une durée limitée… et le changer en cas de besoin.

Ou comment inscrire dans la Constitution de bons principes, sans aucunement dater le retour à l’équilibre. Tu parles d’une ambition ! Vite, votons ! C’est ce qu’a fait le Sénat ce matin, et ce que fera l’Assemblée Nationale ce soir. Dé-li-re !

Histoire de vous y retrouver dans vos journaux TV & autres médias, voici un petit aperçu de ce qu’en pense la classe politique, qui s’étripe à longueur de micros sur le sujet :

  • La droite est pour à fond les ballons, au motif qu’il faut être responsable, et d’abord l’Allemagne l’a fait. Hum… Puisqu’en France on aime tant se comparer à l’Allemagne, voyons ce qu’on décidé nos amis d’Outre Rhin il y a déjà 2 ans :  dès 2009, l’Allemagne a inscrit dans sa Constitution l’obligation de ramener le déficit du budget fédéral à 0,35% du PIB en 2016. Nettement plus volontariste !
  • La gauche est contre, au motif que le gouvernement, qui a nettement creusé les déficits, est gonflé de présenter des règles qu’il n’appliquera pas lui-même, à travers ce texte d’un vide intersidéral, ce qui ressemble à s’y méprendre à une OPA de Sarko sur la présidentielle en mode  J’ai sauvé l’économie française, élysée moi ! 
  • Le centre est pour et contre… Pour le principe de la règle d’or, sans trouver ce texte Canada Dry assez ambitieux, puisqu’il ne fixe aucun chiffre ni aucune date de retour à l’équilibre.

Comme le disait Herman Von Rompuy, président du Conseil Européen, lors des universités d’été du Medef : « Le plus important c’est qu’on le fasse. Si la constitution peut aider à ce qu’on le fasse… Constitution ou pas, c’est qu’on arrive, comme le demande le pacte de stabilité, à un équilibre budgétaire. »

Selon  cet article paru aujourd’hui dans Challenges, Sarkozy prendrait sa décision fin septembre. Reste qu’organiser un coûteux congrès pour un texte inutile et si peu ambitieux, ça fait un peu cher le mille-feuille législatif !

Le mieux serait encore de suivre le conseil d’Herman Von Rompuy, au lieu de s’obstiner à faire empiler des textes plein de bons sentiments, et de tout simplement se fixer de réelles ambitions en matière de finances publiques : Constitution ou pas, le bon sens impose d’appliquer une véritable règle d’or !

Quel avenir pour le MD ?

François Bayrou lancera le Mouvement Démocrate demain, jeudi 10 mai, à l’issue du conseil national de l’UDF. Et tentera de transformer l’essai de son score à la présidentielle.

Alors , y aller ou pas ?

A titre personnel, je n’y crois pas. Les députés UDF sont déjà plus d’une vingtaine à avoir rejoint la majorité parlementaire : si tous sont réélus, ils pourront donc former un groupe à l’Assemblée nationale. Gilles de Robien, soutien historique de la majorité présidentielle, aurait toute légitimité à devenir leader de ce courant.

Ou de ce parti. En effet, on entend de plus en plus de voix s’exprimer pour la création d’un parti regroupant ces députés, voire reprendre l’UDF actuelle. Or, si cette hypothèse était avérée, ce serait alors la scission du centre entre UDF et MD.

Resterait-il un espace à François Bayrou ? Pas sûr… Les centristes de gauche qui n’ont pas cru en Ségolène ont tout intérêt à aller donner de la voix dans la énième tentative de reconstruction du PS, après sa troisième présidentielle perdue. Et les centristes de droite ont tout intérêt à travailler avec l’UMP pour espérer peser sur le programme du gouvernement.

Or François Bayrou est en mal de députés, et aura donc du mal à convertir le soutien obtenu à la présidentielle en un poids politique tangible. Aussi, si l’idée de rassemblement et de refondation de la vie politique prônée par François Bayrou était belle, elle n’en reste pas moins utopique, et risque d’être éphémère.

Z’avez signé votre papier ?

Si vous êtes député et centriste, vous avez intérêt quasiment tous pris le « contrat Sarkozy », une assurance-vie spéciale pour députés centristes, qui vous assurera l’entrée au Palais Bourbon pour les cinq années à venir.

Ce contrat vous promet :

  • d’être élu : vous n’aurez pas de député UMP en face de vous, et ce même si Sarkozy avait promis de tuer l’UDF et de mettre systématiquement un candidat UMP face à un candidat UDF ; c’était il y a longtemps, et tant pis si c’est parce que Juppé ne l’a pas fait en son temps que Sarkozy l’a autant méprisé, maintenant qu’il est confronté aux réalités tout change…

  • d’avoir un groupe à l’assemblée nationale : enfin si vous êtes au moins 20, ce qui est le cas, et ce même si l’objectif premier de Sarkozy quand il a pris l’UMP était de justement ne jamais avoir de groupe centriste face au groupe UMP

Bon, comme toutes les assurances, il faut lire les petites lignes tout en bas du contrat. Je les ai étudiée précisément pour vous :

  • contrôle de vos votes personnels : le papier que vous signez vous oblige à voter comme le groupe « majorité présidentielle » sur toutes les lois et bien évidemment le budget

  • groupe verrouillé et donc inutile : puisque vous devez voter comme le groupe majoritaire, vous ne faites qu’accorder du temps de parole supplémentaire au groupe UMP

Juste une question : pourquoi ne pas prendre votre carte directement à l’UMP ?

Ces engagements ne sont pas demandés à leurs membres, qui conserveront une plus grande autonomie que vous. Pour 25 euros par an et une quote part d’élu, vous gagnerez en autonomie.

En d’autres termes, l’identité de centriste vaut-elle mieux que votre mandat personnel et impératif, et donc que votre vote en conscience ? Ou en voulez vous à ce point à François Bayrou pour ainsi jouer le vrai-faux centriste godillot à qui l’on dit ce qu’il doit voter ?

Est-ce vraiment à cela que vous pensiez quand vous avez entendu Nicolas Sarkozy promettre qu’il ferait de la politique « autrement » ?

Etes vous fier d’être un (futur) élu de la Nation ou assouvissez-vous simplement votre fantasme de potiche ? Puis-je vous demander, tant qu’à faire, de me verser 10% de votre indemnité de parlementaire puisque manifestement vous êtes prêts à tout ?

Avez vous réfléchi une seconde au fait que vous pouviez refuser ce pacte démentiel, ne serait-ce que pour respecter votre mandat et vos électeurs, au lieu de baisser votre culotte de la manière la plus honteuse qui soit ?

Vous me faites mal à la France !