Grèce : La guerre de Troie n’aura pas lieu

Après avoir fait trembler la planète, et notamment les pays membres de la Zone Euro, le Premier ministre Papandréou, qui n’a plus de majorité, a finalement rétropédalé.

Son projet de référendum a été enterré par le ministre des Finances ce matin, et il souhaite former un gouvernement de coalition dont l’objectif prioritaire serait d’appliquer le plan de sauvetage décidé la semaine dernière. Du coup, Papandreou s’est mis en balance au Parlement.

Les parlementaires grecs lui ont finalement accordé la confiance par 153 voix sur 300 à Papandreou cette nuit. Pour autant, il ne devrait pas participer au prochain gouvernement d’union nationale qu’il va former, et être éliminé dès cette semaine de cette version grecque de Koh Lanta. Reste que le gilet plan de sauvetage sera adopté, et les réformes impopulaires qui vont avec, sans attendre l’avis un peu tardif du bon peuple grec. Parce que non, personne n’est contre le référendum, le problème c’est qu’il aurait fallu le faire beaucoup plus tôt, et que maintenant ce n’est pas le bon moment. Dixit le monde entier. Et les grecs, allez vous faire voir… chez les grecs.

Sérieusement, les peuples, exprimez-vous quand ça arrange tout le monde, et pas juste quand votre Premier ministre décide tout à coup de vous donner la parole sur votre propre avenir… Si selon Nicolas Sarkozy, donner la parole au peuple est toujours légitime, il ne faut pas oublier de lire les petites lignes au bas du contrat. Qui précisent tous les cas dans lesquels le référendum n’est pas une bonne idée. Fichus grecs qui se la jouent perso et manquent de solidarité avec le reste de la Zone Euro !

Quels goujats ! Enfin voyons, on n’a pas idée non plus de s’inviter comme cela au G20 alors que le monde doit parler de sujets sérieux qui eux, sont passés à la trappe, empêchant ainsi Nicolas Sarkozy de disposer du bilan dont il rêvait à l’issue de cette année de présidence française pour donner un petit coup de pouce à sa campagne électorale en se présentant comme le sauveur du monde, faute de disposer d’un bilan satisfaisant en matière de politique intérieure. Ou comment Sarko s’est trouvé obligé d’appeler à la rescousse le G.I. Obama, pour faire l’éloge de son leadership. Navrant.

Papandreou a fauté, il a pris sa fessée. Reste que si nous étions à la place des grecs, nous aurions été les premiers à hurler et à réclamer que l’on respecte notre souveraineté. C’est incroyable de voir nos dirigeants faire preuve d’autant d’hypocrisie. Oui, le référendum aurait fait trembler l’Europe et le monde. Oui, le résultat n’aurait pas été acquis. Oui, cela aurait posé problème par rapport à l’urgence de la situation. Oui, il aurait fallu organiser un référendum plus tôt. Ces raisons supplantent-elles le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ?

Peu importe, les grecs ont plié, et le monde est sauvé. Ou presque. Parce que si la plan d’aide à la Grèce va être mis en œuvre, c’est maintenant l’Italie qui montre de sérieux signes de faiblesse. Non seulement les finances vont très mal, mais en plus, Berlusconi perd de plus en plus de soutiens au sein de sa majorité. Le vote du Budget, prévu mardi, pourrait mener à la chute du Cavaliere. L’Italie s’est donc pris un carton jaune, en étant placée sous la surveillance du FMI.

Et là, on ne parle pas des mêmes montants, la dette de l’Italie étant nettement supérieure. Et on n’a pas bouclé le financement du FSFE, et l’épineuse question de l’arrivée des chinois. Bref, après la feta, la pizza, et on continue de nager dans l’huile d’olive… Le bouffe méditerranéenne, censée être le meilleur des régimes, c’est plus ce que c’était. Faudra bien se mettre à la diète…

SarkoShow, Acte I : J’ai sauvé l’Europe et dans quelques jours je vais sauver le monde

Les deux sommets européens passés, ayant accouchés dans la douleur d’un accord arraché au forceps –pour faire comme Carla ?- il reste maintenant le G20, les 3 et 4 novembre prochain à Cannes.

Dernier temps fort de la présidence française, mais aussi gros risque pour Nicolas Sarkozy. Le programme est ambitieux, notamment en ce qui concerne la régulation mondiale et la réciprocité. Autant dire que si la montagne accouche d’une souris, ce sera un sacré handicap pour Sarkozy, qui joue depuis la crise de 2008 sur son image de sauveur, sans avoir réellement de bilan pérenne en la matière. Des rustines ont été posées, certes, mais elles ne tiennent déjà plus. C’est dire s’il joue gros.

D’entrée, Yves Calvi demande si nous sommes sortis de la crise ou si nous colmatons la brèche. Selon le président, « ni l’un ni l’autre ». Et repart sur un long historique partant de la crise de 1929, pour finalement arriver à la crise depuis 2008 : « Lorsque les américains ont décidé de laisser tomber Lehman Brothers cela a entraîné une catastrophe dans le monde entier ». Donc c’est la faute des Ricains. Ouais, mais si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie, à parler de je-ne-sais-quoi, à saluer je-ne-sais-qui… puis il enchaîne, en disant que nous –les européens- ont a essayé d’éviter ça. Bref, on a sauvé le monde, parce que sinon on allait tous mourir : mode Superman enclenché. Enfin presque : « nous sommes face à une crise de la dette colossale qu’il s’agit de régler ». Parce qu’avant Lehman Brothers, y’avait pas de problème de la dette peut être ?

Revenons à l’accord de cette nuit. Pour le président, déclarer la Grèce en faillite aurait entraîné la totalité de la zone Euro. Donc « Les Grecs font des efforts mais comme ils ne pouvaient pas rembourser 200 milliards d’euros nous avons demandé aux banques d’effacer 50 % de leurs créances. » Hum… amusant lorsque l’on sait que quand DSK avait évoqué cette hypothèse, Fillon l’avait traité d’irresponsable. Doit on comprendre que notre bon mètre serait irresponsable ? Ou qu’il a baissé son slip de Superman ? Au passage, ça n’est pas 50% de la dette grecque qui est effacée, mais 50% de sa dette privée. Elle doit quand même encore un paquet aux Etats et institutions internationales (Etats, FMI, FESF, BCE) mais bizarrement Sarko n’en pipe mot.

Jusque là, on a surtout compris qu’on n’a pas sauvé la Grèce, mais surtout les banques. Et le vilain Yves Calvi ose poser justement cette question là. Et je vous le donne en mille, Sarko botte en touche, en donnant un bon coup de bâton aux grecs, qui ne sont pas blanc-blanc… Et n’y va pas par quatre chemin : « La Grèce est rentrée dans l’euro avec des chiffres qui étaient faux et elle n’était pas prête, son économie n’était pas prête à rentrer dans la zone euro et nous en avons payé les conséquences ces derniers mois ». Mais n’oubliez pas, c’est le candidat qui vous parle… Il n’hésite donc pas à rajouter qu’elle est entrée dans la zone Euro en 2001, et qu’il n’était pas aux affaires. Ca n’est pas sa faute à lui : mode Lolita enclenché. Au passage, Jospin, Chirac, bandes de gens qui soutenez Hollande de plein gré ou par humour corrézien, suivez mon regard…

Sarko passe ensuite sur le douloureux passé entre la France et l’Allemangne. Décidément ce soir on voyage dans le temps. Après le XXème siècle et sa crise de 1929, nous voilà reparti jusqu’en 1870, puis les deux guerres mondiales. C’est un bon moyen pour les élèves de 3ème de réviser rapidement et à moindre frais leur BEPC. Autant rentabiliser le cours magistral de notre cher nain Prof. Sauf que pas trop quand même, vu que pour Sarko, nous avons eu trois guerres avec l’Allemagne dans le même siècle. Aïe Aïe Aïe… D’ailleurs le voilà qui verse dans le mélo : « Puis des hommes ont dit on va ensemble construire la paix… ».

Je me vois déjà, courant nue dans les prés, un bouquet de marguerites dans les mains, et un peace and love tatoué sur le sein gauche, hurlant « Angela, ich liebe dich » à tout bout de champ, c’est le cas de le dire. Ah ah. Bref, je rêve sur ce nouvel épisode des Feux de l’Amour version amitié franco-allemande, celui dans lequel Nicolas et Angela sont un peu en froid –Nicolas balance Angela et trouve leur couple moins francs que d’autres couples franco-allemands dans le passé- mais se décident finalement à signer un accord européen pour ne pas qu’on se foute de leur gueule au G20.

Et n’allez pas dire, odieux que vous êtes, que cet accord n’est pas brillant et qu’il met seulement l’Euro sous perfusion. Vous seriez alors d’odieux colporteurs de ragots, tel ce Jacques Sapir, économiste pro-démondialisation, qui publie ce soir dans Marianne son analyse sur ce qu’il appelle « le pire accord envisageable ».

Parce qu’il entraînera selon lui la baisse de l’indépendance de l’Eurpe en internet –poids décisif de l’Allemagne et non plus du couple franco-allemand- et en externe –entrée probable de la Chine dans le FESF ce qui au passage, annule de facto toute tentative de mesure protectionniste, et met à mal la négociation sur la réciprocité-, ne rassurant que temporairement les marchés qui comprendront que ce n’est pas suffisant et reprendront rapidement la spéculation.

Jacques Sapir, lui, préconisait plutôt l’auto-dissolution de la zone euro. Et Sarko n’a pas répondu à cette tendance là, pourtant croissante dans l’opinion, des extrêmes à Montebourg. Mine de rien, ça fait tout de même entre 15 et 20% de personnes qui sont lâchées dans la pampa sans avoir eu la moindre contre argumentation. Ou le danger de faire une primaire tout seul, sans contradiction. Bref, de toutes façons on va tous mourir. Ou comment Superman a baissé sa culotte, faute d’avoir les moyens de s’en acheter une propre.

Et Pernault (Ricard ?) refroidit encore un peu l’ambiance autant que le glaçon dans le Pastis (Ricard !) : « Combien ça coûte aux français ? ». Le mec monomaniaque. Depuis le lancement de l’émission Combien ça coûte en 1990 –eh oui, ça date !- JPP n’a jamais quitté son fond de commerce. Donc selon Sarko, « La France a prêté à la Grèce 11,5 milliards d’euros. Aujourd’hui ce prêt n’a rien coûté au contraire, cela a remporté des intérêts ».

Mouais mouais mouais. Donc ça ne nous aurait pas coûté d’argent, ça nous aurait même rapporté. Parce que la Grèce ne peut pas payer sa dette, mais elle peut payer ses intérêt. Comme nous, quoi. Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? Parce que dans la vraie vie, on a tout de même payé tout ça par le Plan de Rigueur de Fillon hein. Faudrait peut être voir à pas trop nous prendre pour des jambons… Parce que tous les buveurs de Coca s’en souviennent. Même si notre président s’appelle Ni-Cola(s). Ah ah.

Bon sinon, entre deux fautes de syntaxe qui nous rappellent que le président qui met en place un examen de français plus drastique pour les étrangers visant la naturalisation ne le réussirait sans doute pas lui-même, on apprend ça a coûté 100 milliards aux banques. Bah oui, 50% de 200 millions d’euros. Jusque là on sait encore compter… Les banques qui, d’ailleurs, étaient bien obligées de jouer le jeu, sinon elle faisait face à un défaut de paiement –de la Grèce- et boum, le monde explosait. Et on allait tous mourir. Sarko se rengorge d’ailleurs, pas à une contradiction près : « Le marché c’est la quintessence du court terme (…) mais je préfère avoir une bourse qui augmente et des marchés qui nous font confiance ».

Ainsi s’achève l’acte I et l’explication du sommet européen sur cette anaplodiplose : Sarko a sauvé le monde. Et fait des figures de style, à l’insu de son plein gré. Et si on passait à la France ?

#UEMedef11 : Le Pacte Social, vu de babord et de tribord

Si cette conférence avait le mérite de proposer un plateau très complet, avec notamment des représentants d’organisations syndicales et d’employeurs, je dois avouer que je me suis nettement plus intéressée à l’aspect politique de cette table ronde.

En effet, la présence d’Anne Hidalgo, maire adjointe de Paris et soutien de Martine Aubry pour la primaire du PS, et Xavier Bertrand, Ministre de l’Emploi –et du chômage, comme disait feu Patrick Roy- promettait un affrontement droite/gauche sur ce sujet traditionnellement politiquement clivant.

Honneur aux dames, commençons par Anne Hidalgo. Pour l’élue socialiste, nous vivons une réplique de la crise financière de 2008 : « Tout le monde est venu au secours du système financier. Et puis on n’a demandé aucune contrepartie à la finance internationale. On se retrouve avec une réplique encore plus violente qui déstabilise le système économique et financier, mais aussi le monde productif, et nos démocraties. Est-ce qu’il y a encore une possibilité de croire en les politiques, se demandent beaucoup les gens ».

Un constat alarmiste qui pose la question du pouvoir politique par rapport au pouvoir économique. Aussi pour Anne Hidalgo, ce changement de modèle nécessite de nouveaux instruments. Là où l’adjointe de Bertrand Delanoé a raison, c’est sur son constat : la crise financière est globale, à la fois financière, économique, politique, écologique. Et les solutions doivent être envisagées à l’échelle internationale, puisque nos économies sont mondialisées.

Mais elle met immédiatement des garde-fous, et reprend même la citation de Bernard Spitz un peu plus tôt dans la table ronde : « Une mauvaise régulation est peut être pire que pas de régulation du tout ». Et là commence le débat sur la question sociale : pour l’élue socialiste, sans croissance, il n’y a pas de possibilité de redistribution ni de social. Selon elle, l’Europe ne porte pas aujourd’hui ce projet politique dont nous avons besoin, et doit s’intégrer plus sur le plan fiscal et social.

Sa solution ? « Il faut agir, les paroles, ça suffit » assène-t-elle à l’auditoire. Avant de dérouler le programmes du PS : « Nous avons fait des propositions sur la fiscalité : diminuer celle des PME, augmenter celle des grandes entreprises qui redistribuent en majorité aux actionnaires. Soutenir l’emploi et la création des Entreprises. Tenir compte de la question écologique et de la raréfaction des ressources naturelles. Il y a des gisements d’emplois dans ces secteurs là. ». Avant d’ajouter : « Je ne suis pas en train de décrire un monde de Bisounours, je suis dans la réalité ». Mince, moi qui voulait des bisous…

S’ensuit une dissertation sur le rôle du politique : selon elle, la confrontation démocratique qui se prépare avec la présidentielle laisse de la place pour exprimer sa conception des articulations entre l’économique et le social. Et d’égrener les sujets ; l’égalité femme/homme, la formation tout au long de la vie, … Avant de s’offrir, comme dans tout combat électoral digne de ce nom, un joli tacle à la partie adverse : « Regardez les actes : il y a les paroles, et les actes ». Indécrottables politiques !

La parole est à Xavier Bertrand. Ministre en charge des questions sociales, c’est à lui que revient la tâche difficile de défendre le bilan de sa majorité, tout en offrant une perspective d’avenir. Une équation pas simple… Pour lui, le progrès passe par la réciprocité et le respect des règles du jeu. Aujourd’hui, il n’y a pas un pays qui n’ait pas conscience de la nécessité de faire progresser son système de protection sociale. Or chacun veut le faire à son rythme et ses conditions, ce qui pose problème : « Si nous continuons avec un tel niveau de disparités, nous aurons du mal à éviter l’apparition d’un protectionnisme ». Face à la concurrence apparue lors de ces trente dernières années, on s’est endettés, en pensant que nous profiterions de ces marchés là. Et le ministre d’ajouter : « Aujourd’hui, on paye notre système social ». En prélude au constat sur lequel tout le monde s’accorde : la nécessaire réduction des déficits et de notre endettement.

Puis Xavier Bertrand enclenche, comme sa consoeur, le mode Campagne électorale, je vois alors nettement le logo Présidentielles 2012 au fond de ses yeux : « Quand on voit les atouts dont on dispose, créativité, inventivité, natalité, je ne vois pas pourquoi la France n’aurait pas les plus grandes ambitions ». Pour lui, l’un des enjeux de la présidentielle sera de diminuer les charges qui pèsent sur le travail. Pas de doute, le ministre sait qu’il s’adresse aux patrons… Alors il n’hésite pas à dérouler son programme : « Vous avez devant vous un fort partisan de la TVA sociale (?). Si nous ne baissons pas le coût du travail, il ne faudra pas pleurer dans les années qui viennent. Le crédit Impôt Recherche, c’est bien, mais il faut aller plus loin ». Puis de céder, comme Anne Hidalgo, au petit tâcle de rigueur : « On verra bien qui propose des mesures qui favorisent les entreprises ».

Le ministre s’arrête un instant sur le thème de cette table ronde, estimant qu’il est indispensable que dans le cadre du G20, il soit possible de parler d’emploi et de protection sociale, un des thèmes insérés dans l’ordre du jour de cette session de novembre prochain. Selon lui, si l’on veut préserver notre niveau de protection sociale, il faudra se demander si l’on en a vraiment pour notre argent. Et d’enfoncer le clou avec du Moi-je-dis dedans : « Je le dis très clairement : on ne pourra pas réussir à jouer les premiers postes si on ne continue à faire des réformes ». Diantre !

Xavier Bertrand ne peut s’empêcher d’ajouter, en écho aux mots d’Anne Hidalgo : « On n’est pas dans le monde des bisounours ». Décidément les petites boules de poils qui plaisaient tant aux enfants dans les années 80 –eh oui, ça date un peu…- auront eu la côte chez nos politiques ! Comment leur expliquer que ça ne fait pas un programme ? Côté programme, justement, le ministre avait bien révisé ses éléments de langage, n’hésitant pas à sortir le sempiternel « Les français veulent des réformes qui soient justes ». Sans bien sûr expliquer sa conception de la justice sociale.

Cette table ronde était l’une de celle qui m’intéressait le plus, parce que le pacte social sera indéniablement l’un des thèmes majeurs de la campagne. En ce sens, ces interventions n’ont eu qu’un intérêt : montrer que le Medef prend quelque peu parti dans cette université d’été, ce qui constitue une nouveauté. Mais question niveau, je suis restée sur ma faim.

Ces échanges ont été convenus, trop politiciens et pas assez dans la thématique. Autrement dit, trop superficiels et sans aucun fond. Carton rouge ! En effet, si j’ai bien noté que chacun se retrouvait sur le constat, j’ai trouvé assez effarant le manque de propositions concrètes que le politique se propose d’offrir en réponse à la crise. Plutôt que ces propos anxiogènes, j’aurais aimé avoir plus de détails sur les programmes de chacun. Et c’était bien la question qui leur était posée.  A ce rythme, la campagne sera longue…

Allez, je laisse le « mot » de la fin à Xababa…

#UEMedef11 : Herman Van Rompuy, président du Conseil Européen

L’Europe, c’est loin. Et pourtant, c’est ici. Mais avouez : combien d’entre vous connaissaient –avant ce billet !- le nom du président du Conseil Européen ? Pourtant, c’est à lui qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy voudraient confier la présidence de la Zone Euro. Une bonne raison de s’y intéresser.

L’intervention d’Herman Van Rompuy aura incontestablement marqué cette université d’été. Premier temps fort, elle fut aussi pour moi un vrai coup de cœur, malgré son aspect très technocratique. Car si sa fonction exige de lui une grande diplomatie, il aura su parsemer son intervention de notes d’humour… et n’aura pas été exempt de quelques légers scuds, que chacun saura décrypter. Tout en livrant sa vision du rôle de l’Europe dans la gestion de la crise, mais aussi au-delà. Une master class vraiment passionnante. En voici le compte-rendu.

Pragmatique, le président du Conseil Européen est d’abord revenu sur le contexte économique des trente dernières années, rappelant à juste titre : « depuis que je suis professionnellement actif, le mot crise ne m’a pas quitté ». Avant d’entrer dans le vif du sujet : la crise, ses implications, et les solutions.

Pour Herman Van Rompuy, il ne sert à rien de se voiler la face. Quoi qu’en dise les adeptes de la démondialisation, l’interdépendance financière mondiale était inévitable. Et histoire que tous les idéologues en mal de 2012 en prennent pour leur grade, il a également précisé la fâcheuse tendance de certains à oublier que « La stabilité monétaire était garantie par l’Euro, qui nous a protégé des dévaluations monétaires ». Grâce à l’Euro, nous avons évité la surenchère monétaire et évité le protectionnisme.

La crise actuelle nous enseigne plusieurs choses. Sur le plan monétaire, d’abord, l’Europe a rencontré un écueil majeur : dans la zone Euro, la politique est restée nationale, alors que la monnaie est utilisée par 350 millions d’européens. L’Europe tente aujourd’hui de dépasser ce manque de convergence, et notamment depuis le 21 juillet dernier.

Mais la crise a aussi mis en exergue les limites du déficit standing au nom de la croissance économique. Nous n’avons pas réagi en restaurant immédiatement en restaurant l’équilibre budgétaire mais de manière croissante. Pour le président du Conseil Européen, on doit passer à une politique de rigueur. Enfin, notre taux de croissance potentiel est trop bas pour être concurrentiel sur le marché mondial. Hors il constitue un élément indispensable pour maintenir notre modèle social, même réformé. Ce constat dressé, on doit tenir compte de nos erreurs.

Comment faire ? Herman Van Rompuy s’amuse de la phrase « pour gouverner mieux, il faut gouverner moins », reconnaissant que ce n’est pas toujours le cas. Il préfère alors citer Paolo Coehlo : « les choses les plus simples sont les plus extraordinaires, et seuls les sages peuvent les voir ». Quelles seraient ces idées simples ? Le président du Conseil européen en liste dix :

  • On peut s’endetter pour investir, pas pour consommer
  • Lorsqu’on s’est trop endetté, on doit aller plus loin et retourner à l’équilibre budgétaire
  • Il faut équilibre entre risque et rendement
  • Les taux de change doivent refléter l’approche économique d’un pays sinon on fausse la concurrence
  • Il doit y avoir équilibre entre rémunération et prestation
  • Il faut être solidaire avec ceux et celles qui prennent leurs responsabilités : responsabilité et solidarité doivent aller de pair, modèle européen
  • On ne peut concevoir une monnaie commune sans politique qui aillent dans la même direction
  • Aucune construction européenne ne peut se faire sans un supplément d’âme, une motivation : l’union fait la force et l’unité dans la diversité
  • L’ennemi de l’idée européenne, de la paix, de la solidarité, est le communisme, le chacun pour soi, le moi d’abord : il faut avoir le sens de l’intérêt général
  • Il faut exécuter ce qu’on a décidé. Détricoter nuit à la crédibilité.

Si ces idées semblent de bon sens, ne prenez pas Herman Van Rompuy pour un bisounours. Son constat sur la gouvernance économique de l’Europe n’est pas tendre. Il n’hésite pas à clamer haut et fort que si l’on avait pratiqué une politique économique rigoureuse et orthodoxe, il n’y aurait pas de crise aujourd’hui. Reste qu’il faut en sortir. Et pour cela, donner du temps à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande.

Face à la crise, l’Europe s’est trouvée dépourvue. Faute d’avoir su anticiper, il a fallu tout inventer, en pleine crise. D’où une certaine lenteur, qui pourrait être interprétée dans l’opinion comme un manque de réactivité. Mais l’Europe manquait d’instruments. Si l’Euro constitue un projet politique et un facteur d’intégration, et en dépit du travail effectué par la Banque Centrale Européenne, la monnaie ne suffit pas : la solution ne peut être uniquement monétaire.

C’est pourquoi, depuis le 21 juillet, l’Europe s’est dotée d’outils permettant de réaliser une véritable surveillance budgétaire, réforme qui sera prochainement soumise au Parlement Européen. Parmi ces outils, le Pacte Euro Plus : les 23 pays signataires s’engagent à réformer leur système de retraites et leur marché de l’emploi. Mais selon le président du Conseil Européen, il est possible d’aller encore plus loin dans l’intégration européenne. Il annonce d’ailleurs qu’il fera en ce sens des propositions concrètes lors du Conseil Européen de mi-octobre. Tout en évacuant habilement une éventuelle question sur les détails, avec pique intégrée à qui-vous-savez : « Contrairement à d’autres, je ne lancerai des nouvelles idées dans les médias : je préfère une diplomatie plus discrète et donc plus efficace ».

Herman Van Rompuy insiste également sur la nécessité de renforcer les institutions de la zone Euro. Déjà, en 2008, Nicolas Sarkozy avait réunis les présidents de la zone Euro, et cette réunion s’était avéré décisive pour la gestion de la crise. Depuis, le président du Conseil Européen a présidé quatre nouveaux sommets, lors de situations exceptionnelles. Il voudrait aller plus loin, et faire que les réunions existent également hors des périodes de tension. Car gouverner, c’est prévoir. En ce sens, il appuie la proposition conjointe d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Proposé par les deux leaders allemand et français, il estime en effet nécessaire l’instauration d’un leadership au lus haut niveau, mais aussi plus de coordination. S’il reste lucide sur la difficulté de parler d’une seule fois avec 17 gouvernements, il lui semble cependant possible de donner le même message. Tout en insistant sur la nécessité de ne pas critiquer les décisions prises. Mais aussi de les mettre en œuvre, ce qui est vital pour la crédibilité de l’Europe. « Tout l’accord, et rien que l’accord du 21 juillet : c’est la priorité des priorités. » A bon entendeur…

Pourtant, le président du Conseil Européen se refuse à accabler la Grèce, et se livre à un édifiant rappel : « La dette grecque est quasiment aussi élevé que celle de la Belgique en 1993 quand j’ai pris les fonctions. On nous a donné du temps ». Herman Van Rompuy insiste sur la nécessité de donner du temps  à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande. L’exemple belge est à ce titre intéressant : en 2011, le déficit public de la Belgique sera ramené à 3,5% du PIB. Presque dans les critères de Maastricht. Et je vous entends déjà dire que les mentalités ne sont pas les mêmes… Rappelez vous du début de cette intervention du président du Conseil Européen : il ne demande pas à ces pays de se laisser aller, mais appelle à la rigueur. Simplement soyons pragmatiques : leur situation ne s’arrangera pas en un jour…

A ce titre, il insiste également sur le risque de se laisser aller à tomber dans un climat d’angoisse : le négativisme permanent dans le discours de certains a un effet paralysant sur les consommateurs, qui pèsent sur la croissance. « Il nous faut la confiance. Je suis convaincu qu’on peut éviter une récession », tempête-t-il.

Dans ces temps difficiles pour l’économie mondiale, la vieille recette doit être la règle : l’intérêt général doit être une préoccupation générale partagée par tous et par toutes, et il est nécessaire de jouer collectif. Ces évidences sont nécessaires à rappeler, faute d’avoir existé par le passé. La zone Euro sortira différente de cette crise… et marquera un pas de plus dans la construction européenne ?

En conclusion, Herman Van Rompuy rappelle que sur le plan monétaire, l’euro restera fort et selon certains, mêmes, une monnaie trop forte. Et dresse le constat connu de tous : sur tous les pans de l’économie, d’autres continents devront s’adapter. Les Etats-Unis devront faire face à leur problème de dette publique, la Chine devra revoir son taux de change, sous évalué, qui crée des tensions monétaires sur son propre territoire. Ces avancées là se feront via la structure du G20.

Pour le président du Conseil Européen, on taxe trop vite cette période comme riche en médiocrité. Hors ce début de siècle se démarque par la percée de la mondialisation, avec ses défis. Qui fait émerger des tentations de populisme. Mais pour lui, l’idée européenne reste la plus généreuse et la plus performante depuis longtemps, et sa foi en l’Europe reste intacte : « on ne décevra pas l’histoire, et les millions d’européens ».

A l’issue de son intervention, Herman Van Rompuy a répondu aux questions posées par la salle. En voici le verbatim !

En France, il y a une polémique sur la règle d’or. Quels conseils donnez vous aux Français

Je ne vais surtout pas m’immiscer dans un débat politique français que je connais bien. Je sais que c’est un débat avec beaucoup de subtilité. Une disposition constitutionnelle a été adoptée en Allemagne, qui donne un déficit maxi de 0,35% en 2016. Il s’agit d’un déficit structurel et non conjoncturel. Le plus important c’est qu’on le fasse. Si la constitution peut aider à ce qu’on le fasse… Constitution ou pas, c’est qu’on arrive, comme le demande le pacte de stabilité à un équilibre budgétaire. Mais je ne suis pas ici pour me  mêler à un débat politique français. La politique française est encore plus subtile que la vie politique belge.

Vous êtes président des 27 pays de l’Union Européenne. Comment voyez vous l’axe franco allemand et comment les autres 25 le voient ? Sur la Belgique, pas de gouvernement, et pourtant le déficit a été sous contrôle. Quel commentaires pouvez vous faire sur cette situation ?

Note : à la fin de l’énoncé de cette question, Laurence Parisot précise, avec un brin d’humour : « ne croyez pas que nous sommes anarchistes ! »

L’axe franco allemand a toujours existé, dès l’Europe des Six. S’il n’y a pas d’accord, l’Europe en souffre car France et Allemagne représentent moitié de la zone euro. Mais elles représentent également deux sensibilités donc si les deux sont d’accord, plus facile de mettre les autres d’accord. Mon rôle est de trouver un accord quand il n’y en a pas, et de préparer le terrain pour cela. Je suis en contact constant avec Berlin et Paris, et la plupart des autres pays. Je recherche le consensus, souvent d’abord avec la France et l’Allemagne. Les autres sont malheureux si pas d’accord, et veulent plus si accord. Je suis habitué des subtilités. Parce qu’il nous faut l’unanimité. Je suis donc partisan d’une bonne entente franco allemande, une condition nécessaire mais pas suffisante.

J’ai cité la phrase « Pour gouverner mieux il faut gouverner moins », mais je ne pensais pas à la Belgique (rires). La Belgique est un pays différent de la France:

  • C’est un état fédéral. 40% des dépenses publiques gérées par provinces.
  • Elle a une très grande culture de concertation sociale : grand rôle des organisations sociales et syndicats, donc des accords restent possible malgré ce qu’il se passe.
  • Il y a un parlement fédéral, ce qui a permis de voter un budget 2011 qui mènera à un déficit de 3,5%, ce qui constitue une grande satisfaction

Aussi, le pays est géré aussi même si chacun attend vite un gouvernement fédéral pour entreprendre les grandes réformes dont le pays a besoin dans le secteur des retraites et du marché du travail.

Elle y parviendra : l’Eurozone et la Belgique sont coriaces !

Les chefs d’entreprises ont l’impression que l’Europe ne se bat pas à armes égales. Comment appliquer le principe de réciprocité entre Europe et partenaires ?

Ce principe de réciprocité est dans le texte. Les anglais préfèrent win win, mutual beneficts.  Quand il y a danger de dumping ou concurrence déloyale, il y a des mesures prises par la Commission Européenne. Les responsabilités sont prises, et pas par principe de réciprocité.

Ce débat porte sur l’ordre international monétaire : les taux de change doivent refléter la santé d’une économie. (ex : Chine). Dans les rencontres de type G20, on doit se saisir de ce thème pour en discuter franchement : il faut faire une réadaptation, qui sera graduelle. Et la Chine a tout intérêt à rectifier le tir : nous en compétitivité, eux en stabilité monétaire à l’intérieur de leur propre pays.

Naturellement, on a besoin  d’une approche diplomatique pour régler ça.

Nous pensons B20/G20. Considérez vous que la représentation européenne au G20 (6/7 personnes) est un atout ou une faiblesse ?

C’est encore plus subtil car je suis là en tant que président, il y a aussi le président de la commission européenne. On a du se battre pour que l’UE puisse être au G20. Le problème n’est pas vraiment qu’il y ait différentes voix, mais est-ce qu’on donne le même message ? Sans une unité d’approche, on s’affaiblit. Donc on prépare le G20 de novembre par le conseil européen d’octobre. Politiquement on le prépare donc à 27 et non juste avec les membres du G20 : avoir un même message est crucial. Même si parfois ça n’a pas été fait, comme lors de la conférence sur le climat à Copenhague.

Budget 2009 : tendance à la prudence pour les collectivités locales

Crise, ralentissement de l’économie, et même récession : la situation économique mondiale traverse une zone du turbulences, et les perspectives pour 2009 ne sont guère réjouissantes.

A l’heure où les collectivités territoriales effectuent les derniers ajustements pour boucler leur budget, quelles seront les conséquences de la crise à l’échelon local ?

La crise économique, qui trouve son origine dans la crise financière générée par les risques financiers pris par certains établissements bancaires ayant prêté à des clients non solvables, a désormais atteint l’ensemble de l’économie. L’immobilier a été le premier secteur touché, du fait de la baisse du marché induite par les ventes des hypothèques récupérées par les banques. La volatilité des marchés conjuguée à la raréfaction du crédit et à la hausse des taux d’intérêt a induit un ralentissement général de l’économie. Désormais, les ménages consomment moins et épargnent, en attendant des jours meilleurs, avec pour conséquence le ralentissement de la production, et donc une baisse de l’emploi.

Des subprimes au swaps

Face à cette situation, les collectivités locales rencontrent elles aussi quelques difficultés. Les cas les plus spectaculaires sont observés au sein des collectivités ayant eu recours aux swaps, ces emprunts toxiques à taux variable et indexés sur des valeurs exotiques comme le cours du dollar, du yen, du franc suisse ou du pétrole. Avec la crise, l’indexation a joué, les taux ont variés, les intérêts de ces emprunts ont augmenté, entraînant la hausse de la dette de ces collectivités et une situation de crise dite des « subprimes à la française » pour les collectivités concernées.

Pourquoi avoir eu recours à ces produits ? Selon Gérard Bayol, administrateur général de Dexia, ces produits structurés ont permis aux collectivités « d’économiser 500 millions d’euros sur la période 2002-2008 par rapport à des crédits classiques ». Proposés à des taux très inférieurs aux crédits classiques, ces swaps ont permis à ces mêmes collectivités de disposer très rapidement de liquidités et donc de faire d’importantes dépenses d’investissement, sans augmenter la pression fiscale sur les administrés. Ainsi de 2001 à 2007, elles ont augmenté de 20% pour atteindre 120 milliards d’euros d’encours de crédit.

A l’heure actuelle, si de rares collectivités territoriales qui n’ont pas suffisamment diversifiés leurs emprunts subissent de plein fouet les effets de la hausse de leurs taux d’intérêts, la situation globale des collectivités territoriales reste saine. D’autant que les collectivités territoriales ne peuvent être liquidés : en cas de difficultés financières, elles se retrouvent placées sous la tutelle… de l’Etat. La crise des swaps est donc à relativiser.

Un calendrier serré

Les collectivités territoriales ont joué de malchance en raison du calendrier. La crise s’est intensifiée au plus mauvais moment, entraînant une raréfaction du crédit. Une enquête réalisée par l’Assemblée des Départements de France auprès des directions financières des conseils généraux confirme que « les conditions se sont nettement détériorées » après l’été pour mobiliser des lignes de trésorerie. Les collectivités se sont trouvées dans l’obligation de recourir à plusieurs établissements faute de trouver un prêteur capable de répondre à la totalité du montant de la ligne de trésorerie.

Or les collectivités territoriales ont besoin de recourir à l’emprunt pour réaliser des investissements, d’autant plus que 2008 était une année électorale pour les communes. Les budgets primitifs 2008 se sont ainsi traduits par une attente en matière d’investissement liée à l’arrivée éventuelle de nouvelles équipes dans les mairies, en affichant une baisse des dépenses d’équipement brut de l’ordre de 6,8. De fait, les investissements sont à reporter sur le budget primitif 2009.

A cette situation se conjugue deux impératifs : les collectivités territoriales ont l’obligation légale de boucler leur budget au 31 décembre, et ce budget doit être à l’équilibre. D’où la nécessité pour beaucoup d’entre elles de recourir en ce moment même à l’emprunt, dans une proportion relative à leurs autres ressources et notamment leur capacité d’autofinancement. Selon Philippe Laurent, président de la commission des Finances de l’Assemblée des Maires de France, les collectivités auront besoin de lever 12 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année.

Soutenir l’investissement pour limiter la propagation de la crise

Bien souvent, le prêteur majoritaire et présent dans la plupart de ces montages financiers a été Dexia. Une situation qui a conduit Dexia à faire face à un afflux de demandes. Or cette banque prête essentiellement aux collectivités territoriales, sur des durées longues (10,15 ou 20 ans). Dexia s’est rapidement trouvé en manque de liquidités, ce qui a contraint les états belges, luxembourgeois et français à renflouer cet établissement. Ce plan de sauvetage, à hauteur de 6,4 milliards d’euros et à garantissant ses ressources pour trois ans, a permis à Dexia de poursuivre les prêts.

Conjointement, le gouvernement français a débloqué 5 milliards d’euros, soit un quart des nouveaux emprunts estimés pour l’année 2008, financés par les fonds d’épargne de la Caisse Dépôts et Consignations, pour permettre aux collectivités territoriales de réaliser leurs dépenses d’investissement, ouvrant ainsi une autre source de financement pour les dépenses d’investissement, le recours au crédit étant interdit pour les dépenses de fonctionnement.

L’objectif était triple : d’une part, permettre aux collectivités territoriales de boucler leur budget, en évitant d’aboutir à un nombre important de mises sous tutelle qui aurait grevé le budget de l’Etat et sa dette. D’autre part, éviter la surenchère des banques sur les taux de crédits qu’aurait entraîné sa raréfaction, avec pour effet immédiat l’augmentation du coût du crédit et donc de la dette des collectivités. Enfin, reporter les investissements aurait un effet désastreux pour l’économie. Les collectivités territoriales représente 76% de l’investissement public (après un record à 92% en 2006), et notamment une large part des marchés du secteur de la construction. Ralentir ou reporter l’investissement aurait un impact immédiat sur les entreprises et l’emploi dans ce secteur déjà fortement touché par la chute du marché de l’immobilier.

Régime sec pour les collectivités locales

Les dépenses de fonctionnement, de leur côté, sont en augmentation constante. Ainsi, les transferts de compétence de l’Etat aux collectivités ont entraîné en 2007 une hausse de 8,4%, allant de 3,4% pour les communes à 104,4% pour les régions. Les collectivités ont donc dû puiser dans leur épargne pour financer les dépenses de fonctionnement, et recourir au crédit pour financer l’investissement, ponctionnant ainsi leur capacité d’autofinancement.

Les recettes fiscales, qui représentent aujourd’hui 26% du budget des collectivités, seront très inégales d’une collectivité à l’autre. S’il est certain que la baisse des revenus de certains foyers et le ralentissement de l’activité économique affectera à la baisse le produit des impôts, les collectivités locales seront touchées de manière très disparate selon la composition de leur propre tissu économique.

Le ralentissement des ventes de biens immobiliers a d’ailleurs un effet sur les ressources des communes. En effet, les collectivités locales perçoivent des droits de mutations, également appelés « frais de notaires », prélevés sur chaque transaction immobilière, et répartis entre les départements (65%) et les communes (35%). Sur un volume global de 10,4 milliards d’euros en 2007, les projections réalisées indiquent une baisse de 1 milliard d’euros en 2008 soit près de 10%, qui devrait se prolonger dans les mêmes proportions en 2009.

Dans le même temps, les dotations d’Etat augmenteront au rythme de l’inflation, soit à peine 2%. Si l’enveloppe globale sera stable, sa répartition masque d’importantes disparités. Certaines dotations seront en très forte baisse,  l’Etat devant absorber dans ses dotations la compensation de la TVA. Avec un répit tout de même : la réforme des critères d’attribution de la dotation de solidarité urbaine est décalée dans le temps.

Dans ce contexte de panne général des moteurs des finances locales que sont l’impôt, les dotations et l’emprunt, les seules variables d’ajustement pour présenter un budget à l’équilibre restent les impôts locaux et les recettes tarifaires, portées par les administrés et par les entreprises. Ceux-ci doivent donc s’attendre à voir les bases fiscales augmenter… avec mesure toutefois. En effet, si la très grande majorité des collectivités devront décider la hausse de la fiscalité, elles devront aussi tenir compte de la situation économique du pays. Les premières mesures de chômage technique étant apparues, et les chiffres de l’emploi étant extrêmement mauvais, le poids de la crise ne pourra être porté supporté complètement par les entreprises et les administrés, sou peine de voir la crise perdurer et la récession s’installer.

Dans ce contexte très tendu, la hausse des impôts ne pourra être une solution unique. Aussi les collectivités locales devront impérativement se serrer la ceinture, et faire des choix raisonnés, afin d’afficher une très grande maîtrise des dépenses publiques.