Eva Joly sous tutelle*

Rien ne va plus dans la galaxie verte. L’accord avec le PS a donné lieu à des tensions, qui se sont traduites par de sérieux couacs en matière de communication. Puis la candidate verte a tout bonnement disparu… avant de voir son porte-parole démissionner.

Tout ceci était pourtant prévisible. EELV est un parti jeune, né du courant écologiste et de la fusion entre le mouvement écologistes constitué pour les européennes de 2009 et les régionales de 2010, et élargi au-delà des seuls politiques écologistes à des personnalités issues de la société civile, et le parti des Verts.

Du rêve de la société civile…

Les bons scores enregistrés par le parti lors de ses élections laissent présager d’un poids mouvement écologiste dans l’opinion, ce qui donne des ailes à EELV. Mais attention, tout ceci restait très relatif : le score obtenu à une élection à la proportionnelle ne présage en rien de la réussite des candidats du même parti au scrutin uninominal et ça, les Verts le savent bien. D’où l’idée de conclure un accord avec le PS.

Et c’est là que les ennuis commencent. Comment conclure un accord programmatique alors même que l’on souhaite porter une voix singulière dans la campagne présidentielle, en présentant un candidat écologiste ? Daniel Cohn-Bendit avait bien anticipé le problème, et plaidait pour l’absence d’un candidat vert au premier tout, en échange d’un accord politique très fort.

Mais les Verts sont tenaces. Certains de leur force, ils n’ont pas voulu renoncer à la mère des batailles. Mais n’ont rien fait pour se retrouver dans de bonnes conditions pour la mener. Ainsi, Cécile Duflot, présidente du parti, n’a pas voulu y aller. Les politiques écologistes ont renoncé, laissant la place à la société civile, très heureuse de se frotter enfin à la politique qu’elle ne cessait de commenter, de Philippe Mérieux à Eva Joly.

Mais voilà, la société civile a ses limites, et la première d’entre elle reste sa méconnaissance des appareils politiques. Certes, il est beau de rêver à la manière dont on portera le plus haut possible l’étendard de ses convictions, mais les questions de boutiques sont toutes aussi importantes… Sinon, pas de parti, pas de candidature, pas de convictions à porter dans la bataille. Et cela, Eva Joly l’a sous-estimé.

… à la réalité de la vie politique

Aujourd’hui, les Verts traversent une très mauvaise passe. Non pas parce qu’il est fréquent que le candidat des Verts n’aille pas au bout du chemin. Mais pour d’autres raisons qui tiennent en réalité à l’incompatibilité flagrante entre le choix d’une candidate issue de la société civile, et les accords de boutique purement politiciens convenus entre les partis. Et ces intérêts sont incompatibles.

Oui, Eva Joly dispose d’une personnalité propre. Au-delà de la thématique classique du nucléaire, elle apporte à EELV un positionnement fort sur les institutions, l’éthique en politique et la nécessaire régulation du monde de la finance. En ce sens, elle donne une identité à son combat présidentiel, et entend bien porter sa voix au plus haut.

Mais est-ce l’intérêt du parti ? EELV doit avant tout penser à sa survie financière. Comme Marianne l’évoquait, le parti est au bord de la faillite. Parce que la vie politique coûte cher en matériel, meetings, conventions diverses et variés, salaires des permanents, frais de fonctionnement. Et ce qui assure les ressources d’un parti n’est lié aux adhésions et dons que dans une très faible proportion.

Ce qui permet à un parti de disposer de ressources, c’est son accès à l’aide publique d’Etat. Définie par l’article 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie financière, elle accorde aux partis politiques un financement par voix obtenue sous réserve d’avoir  présenté lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions sur le territoire (hors cas particulier des Dom-Tom).

En clair, chaque parti qui obtient 1% des voix dans 50 circonscriptions différentes est assuré d’obtenir un financement. Pour mémoire, cette manne se chiffrait à 1,67 euros par voix sur la dernière mandature (moins l’amende pour non respect de la parité). Même si le gouvernement a annoncé son intention de réduire cette aide de 5% dans son plan de rigueur, la voix devrait rapporter aux alentours de 1,59 euros lors des prochaines législatives.

Face à un parti en faillite, on comprend mieux pourquoi la priorité des Verts portait sur un accord visant à obtenir des candidats dans 60 circonscriptions… La condition de 50 circos étant dépassée, et l’accord permettant de s’assurer d’y dépasser les 1%, il ne faut pas être grand mathématicien pour comprendre qu’EELV récupèrera beaucoup d’argent pour les cinq années à venir : de quoi assainir ses finances mal en point, et préparer l’avenir.

L’écologie à l’épreuve du pouvoir

Certes, cet accord se fait au prix de couacs idéologiques et programmatiques. De deux choses l’une : soit EELV dispose d’un poids suffisant dans la vie politique, et parvient à convaincre les citoyens en toute indépendance programmatique, ce qui lui assurera un grand nombre de voix que le parti obtiendra tout seul dans les circonscriptions. Au scrutin uninominal c’est aléatoire, même si EELV peut espérer dépasser les 1% partout… mais cela rapportera bien moins avec des candidats du PS en face, qui eux mangeront un grand nombre de voix dans ces circonscriptions.

Soit pour survivre, le parti cherche à garantir ses finances, et accepte de passer des accords qui heurtent l’idéologie des gens de la société civile et potentiellement des citoyens, qui ne connaissent pas les arrière-cuisines du financement de la vie politique –défini par la loi-, mais qui assurent, par la survie du parti, le maintien d’une offre politique différente, reculant ainsi un peu plus l’arrivée du bipartisme. C’est aussi un noble combat que le pluralisme.

Dans cette histoire, tout le monde a perdu en crédit, et le PS comme les Verts sont empêtrés dans la nasse de cet accord. Et nombreux sont les fautifs. Naturellement, il est malheureux qu’une candidate à la présidentielle soit à ce point obtuse sur son idéologie, et mette tout le monde dans une position délicate au motif qu’elle connaît mal un système que pourtant tout politique se doit de maîtriser. Comment peut-on sérieusement être candidat à la fonction suprême sans connaître le fonctionnement de la vie politique ?

Eva Joly ne comprend tellement rien à cette thématique pourtant vitale pour les formations politiques que son attitude autiste lui coûte aujourd’hui la démission de son porte-parole, Yannnick Jadot. Un abandon qui ne doit rien au hasard. Selon Le Point, 50% des adhérents des Verts dépendraient financièrement du parti. Pas question pour eux de laisser la candidate mener le parti à la morgue.

Mais les Verts ne sont pas exempts de reproches : si on en est là, c’est bien parce que les politiques écologistes se sont dérobés, et qu’il a fallu aller chercher un candidat au sein de la société civile, qui, en outre, n’a manifestement pas été formé à ces questions. Le parti, qui ne vient pas de découvrir sa situation financière, aurait au moins pu s’assurer d’une bonne information des candidats à ce sujet !

Enfin le PS n’a pas été bien malin. Si les bases d’un accord pouvait être négociées dès maintenant, sa finalisation n’aurait du intervenir qu’en toute fin de processus, c’est-à-dire juste après la présidentielle. Cela aurait évité de mettre tout le monde en porte-à-faux sur la thématique du nucléaire. D’autant que soyons sérieux : le calendrier de sortie ou de réduction de la dépendance au nucléaire sera soumis à des impératifs techniques qui n’ont aucune relation avec de simples effets d’annonce comptables… ce qui relève de la pure politique politicienne.

Alors, Eva Joly renoncera-t-elle -comme d’autres avant elle- en restant arc-boutée sur ses convictions idéologiques, qu’elle n’aurait de toutes façons pas été en mesure de porter jusqu’à l’Elysée ? Ou ira-t-elle au bout, ce qui l’obligera à se transcender en politique, et intégrer les règles du jeu, quitte à sacrifier un peu de son idéologie ?

Quoi qu’il arrive, EELV, qui s’inscrit dans une stratégie d’avenir, en choisissant de garantir ses finances et un groupe à l’Assemblée pour y défendre ses idées, sortira de la tempête, grâce à cet accord. Reste à savoir combien le parti y laissera de plumes, et donc de voix, dans la bataille : c’est encore Eva Joly qui, par son attitude, détient la clef de cette question.

Afin de limiter les dégâts, la candidate écologiste sera dès jeudi entourée d’une nouvelle équipe de campagne et d’un conseil politique, officiellement pour sauver le soldat Eva et ne pas la laisser seule : doux euphémisme ! Ou quand la politique reprend ses droits sur la campagne : pour les Verts, les velléités de la société civile n’ont que trop duré.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Le jeu dangereux d’EELV

Depuis un moment déjà, EELV fait monter la pression à propos d’un éventuel accord avec le PS.

Les deux partis cherchent à établir un accord pour 2012. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné… et que les écologistes pourraient y laisser quelques plumes.

On avait déjà assisté, fin septembre, au jeu douteux de Jean-Vincent Placé, négociateur des écologistes au Sénat, pour tenter d’obtenir des socialistes des postes, en se livrant à un chantage visant à éventuellement refuser de soutenir Jean-Pierre Bel à la présidence du Sénat, ce qui aurait pu permettre à la droite de l’emporter, malgré un nombre de sièges inférieur à celui de ceux remportés par la gauche. Fort heureusement, le négociateur avait retrouvé ses esprits… mais l’épisode avait laissé quelques traces sur l’image des écologistes, capables apparemment de toutes les excentricités pour se Placé placer.

Cette fois, c’est Eva Joly qui s’y est collée, lançant, avec toute la finesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, rien de moins qu’un double ultimatum aux socialistes. Sur la date de l’accord, qui doit intervenir, aux yeux de EELV, avant le 19 novembre, date de leur conseil fédéral. Et sur le sort du projet d’EPR à Flamanville (Manche) qu’il convient impérativement d’arrêter. CE qui n’a pas manquer d’agacer l’entourage de François Hollande, et notamment Michel Sapin : « Il ne saurait y avoir d’ultimatum sur une date qui a été fixée par les deux partis », tout en rappelant la « volonté commune » d’aboutir à un accord à la mi-novembre. Ou comment la candidate écologiste s’est faite vertement tancer.

Cécile Duflot, plus mesurée, va de plateaux télé en studios radio pour indiquer que son mouvement campe sur ses positions, à savoir obtenir au minimum un engagement sur l’arrêt du chantier de Flamanville, indiquant que la sortie du nucléaire était une question de « courage politique ». Aujourd’hui, personne n’est certain d’un accord entre les deux partis.

Reste que ces manières fort cavalières pourraient coûter cher aux écologistes. Si Yves Cochet se permet de railler François Hollande, qui selon lui jusqu’ici « ne rassemble que le Parti Radical de Gauche », il semblerait que les leaders d’EELV se surestiment un tout petit peu. Imaginons un peu qu’il n’existe pas d’accord entre le PS et EELV, serait-ce une catastrophe nucléaire (ah ah) ?

Déjà, que proposent les écologistes, et en échange de quoi ? EELV ne propose absolument pas l’union de la gauche, puisque EELV présente une candidate à l’élection présidentielle. Qui plafonne aujourd’hui à 4,5 % selon un sondage Ifop et à 5% selon un sondage BVA, tous deux du 8 novembre. Pour l’instant, la candidature d’Eva Joly ne décolle pas.

Ensuite, au second tour, imagine-t-on les écologistes soutenir la droite ? Laissez moi rire… Quant à imaginer un appel à l’abstention, il est peu probable qu’il serait suivi par les électeurs. François Hollande tient en effet au bout du bulletin une chance de faire gagner la gauche, aussi il est illusoire d’imaginer que les électeurs suivraient un caca nerveux des écologistes au risque de faire gagner Sarkozy. A un moment donné, il serait assez intéressant que les écologistes cessent de prendre leurs électeurs pour des godillots sans aucun libre arbitre.

Quid des législatives, alors ? Une fois encore, EELV semble surestimer son poids. Jusque là, les écologistes n’ont obtenus que peu d’élus au scrutin uninominal à deux tours –et à ce que je sache, même si ça n’est peut être plus pour longtemps, c’est encore le mode de scrutin des législatives- aussi s’ils en veulent plus, il va falloir être gentils. En effet, le PS n’est pas dans la situation de 1997, où il avait conquis le pouvoir lors des législatives anticipées, ce qui avait nécessité de construire une majorité plurielle, faute de disposer de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Si le PS l’emporte lors de la Présidentielle de 2012, il devrait bénéficier d’une vague rose, et disposer à lui seul de la majorité absolue à l’Assemblée. Aussi, il n’a pas nécessairement besoin d’un accord avec les écologistes, qui de toutes façons ne seront pas en mesure d’emporter suffisamment de sièges pour espérer se poser un arbitres. Quand on négocie, il faut tenir compte du poids réel que l’on pèse au regard du mode de scrutin de l’élection visée… Mais naturellement, EELV est prêt à tous les chantages : s’il n’y a pas d’accord, ils pourraient se venger au sein des exécutifs locaux, là où leur poids est plus probant.

Pour toutes ces raisons, les écologistes seraient bien inspirés de se calmer, d’arrêter de se prendre pour les arbitres qu’ils ne sont pas dans les élections de 2012, et de cesser de jouer les sales gosses immatures, à coup de chantage politico-affectif assez proche du hold-up démocratique, ce qui reste peu reluisant pour l’image de la vie politique. S’ils veulent se placer dans l’opposition au PS au nom de leurs valeurs, c’est tout à fait audible : qu’ils le fassent ! Et assument alors le score qu’ils feront alors, et la responsabilité qu’ils porteront. C’est ça, une élection.

Ou comment EELV se pose en champion du monde pour donner des leçons de comportement politique aux autres, tout en étant incapable de se montrer exemplaire en la matière. Cette attitude politico-politicienne ne mérite rien de moins qu’un carton rouge !

Hollande, et après ?

56-44. Ce n’est pas le score du match de rugby d’hier (on est en finale, on est en finale, on est, on est, on est en finale), mais grosso modo celui de la primaire socialiste.

Après un ultime affrontement dans les urnes, François Hollande l’a emporté assez largement sur Martine Aubry, avec un score de 56,57% pour le corrézien contre 43,43% pour la Lilloise. C’est donc François Hollande qui portera donc les couleurs socialistes à la présidentielle, au printemps prochain.

Immédiatement, la boîte à images se met en route, et le PS réussit bien à faire passer son message d’unité. Dès sa première prise de parole, Aubry fait le geste. Sur le perron de Solférino, les deux candidats se donnent la main, ceux du premier tour les rejoignent pour la photo : l’adversité est loin, tous derrière Hollande et peu importe qu’il fut surnommé Flamby ou taxé de représenter la gauche molle. L’heure est au rassemblement au sein du parti socialiste, condition sine qua non pour espérer l’emporter en 2012.

Car la gauche a choisi Hollande, avec une confortable avance. Celui qui, il y a quelques mois encore, subissait en interne au PS un Tout sauf Hollande, de la part d’une frange de la rue de Solférino. Et pourtant. Dès le premier tour, le mystérieux corps électoral de cette primaire l’a placé en tête, avec 9 points d’avance. Les sondages lui en donnaient 10. Avouez que c’est kif-kif.

Restait alors à confirmer cette dynamique. Un à un, tous les battus du premier tour l’ont rejoint, laissant Martine bien seule pour mener la dernière bataille. Mais c’était logique : il fallait se rassembler sur le gagnant, pour lui donner la plus grande légitimité possible. Martine n’a certes pas démérité, mais François l’a largement emporté.

Reste maintenant à transformer l’essai, et ce ne sera pas facile. Ce qui m’a frappée, hier, c’est le non vote des quartiers.  Les banlieues ont boudé la primaire, malgré les déplacements des candidats. Ainsi selon les chiffres compilés par le Parisien, au premier tour, si Paris compte 13,7% de votants sur l’ensemble des électeurs inscrits, avec des pointes à 18,4% dans le 11ème ou 19,5% dans le 3ème, la participation peine à atteindre les 5% en Seine-Saint-Denis, et 5,67% dans le Val D’Oise. Avec un record à 2,37% à Garges-les-Gonesse. Dans le même temps, la moyenne nationale est de 6,14%.

Lorsqu’on regarde où ce sont portés les votes exprimés dans ces quartiers, les résultats ne sont guère marqués. Ainsi, si le score de Ségolène Royal est légèrement supérieur, celui d’Arnaud Montebourg est en général inférieur, ce qui ne donne pas plus de poids, in fine, à la gauche de gauche. Bref, les banlieues n’ont pas vu dans la primaire un espoir dans le fait de choisir le candidat de gauche.

Je ne crois évidemment pas à la théorie avancée par certains selon laquelle ce chiffre s’expliquerait par l’impossibilité pour les étrangers membres du PS de voter. D’une part c’est faux, ils pouvaient se rendre aux urnes et présenter leur carte du PS. D’autre part, cela ne change rien en terme de pourcentage du corps électoral ayant participé au primaire : à ce que je sache, s’ils sont étrangers, ils ne vont pas plus voter au printemps prochain. La question n’est donc pas là, et sert juste à instrumentaliser ce non vote pour plaider la cause du vote des étrangers. Grosse ficelle.

Reste que la question du vote des banlieues, traditionnellement porté à gauche, se pose. S’abstiendront-elles, ou hésiteront-elles entre les candidats classiques et les extrêmes, de droite comme de gauche ? François Hollande tient là l’un de ses défis majeurs : parvenir à parler à cette population mais surtout, à être entendu.

Car le danger bleu Marine guette… Non pas spécifiquement en banlieue, mais partout. Or la question sera bien de se qualifier au second tour. A l’heure actuelle, de nombreux candidats jouent la carte facile de l’anti-Européanisme, taclant l’Europe et l’Euro à tout bout de champ, en faisant croire à la population que sans l’Euro ni l’Europe, la vie serait plus belle. Qu’importe les conséquences réelles qu’engendrerait la sortie de l’Euro, ou la complexité d’en sortir : ceux qui tiennent ce discours n’ont aucune chance de gouverner.

Et c’est bien là que le bât blesse : c’est justement parce que personne ne peut juger sur pièce que les extrêmes ont recours aux idées populistes. Reste que ceux qui les auront cru conserveront l’impression de ne pas être entendus. Avec plus ou moins de rancœur et d’agressivité. Surprenant cependant que personne ne s’étonne de trouver dans ce pêle-mêle les souverainistes de Dupont Aignant ou la gauche du PS de Montebourg aux côtés des extrêmes de droite et de gauche, de Marine Le Pen à Mélenchon et Poutou. Tout de même, tout le monde n’a pas la géolocalisation politique contrariée !

Que les petits candidats se mettent à racoler ainsi risque de mettre sérieusement en danger le candidat du PS, tout comme celui de l’UMP. La souffrance de la population finit par détourner une partie de l’électorat sur les bords, que ce soit d’une tendance ou de l’échiquier. En ce sens, le premier tour pourra être serré.

EELV sera tout aussi démago que Mélenchon, et offrira une solution toute aussi radicale, mais plus acceptable aux bobos en raison d’une image plus hippie chic, là où Hollande sera tenu d’éviter les fausses promesses pour ne pas décevoir s’il l’emporte, et garder un discours audible au regard de la situation intérieure, mais aussi de la France en Europe et dans le monde. Ce que n’ont pas nécessairement à faire les petits candidats… On l’oublie trop souvent, mais c’est aussi le jeu du premier tour.

Reste qu’Hollande devra faire face a minima à Poutou (NPA), Mélenchon (PC/Front de Gauche) et Joly (EELV), faute d’avoir pour l’instant des nouvelles de Schivardi (et son moins de 1%) et Chevènement (ira, n’ira pas ?). Autant de candidats qui feront mathématiquement baisser son score, quitte à le faire passer en troisième position.

Cette division des voix sera moins importante à droite, où le candidat Sarkozy affrontera a minima Marine Le Pen (FN). Et peut être Dupont Aignan (DLR), Boutin (FRS) et Miguet. Difficile en effet de comptabiliser Bayrou le centriste dans les voix de droite, le Modem étant désormais quasiment autant de droite que de gauche en matière de répartition des voix (à peu près 60 à droite/40 à gauche en 2007).

Ne nous y trompons pas, 2012 ne sera pas 2002. Mais plusieurs éléments sont à noter. Tout d’abord, comme je l’ai déjà expliqué, il y aura du mouvement dans l’électorat de droite. Le rejet de Nicolas Sarkozy est bien plus fort que l’UMP ne veut le faire croire, et le premier symptôme en est la désaffection pour le soi-disant candidat naturel au sein même des militants et des élus. Les prises de positions en ce sens se sont multipliées, et traduisent un vrai malaise. Second symptôme, la participation d’une partie de l’électorat de la droite et du centre à la primaire du PS : à l’exception des quelques fanatiques de Sarko qui ont bêtement voulu fausser le scrutin, ceux là sont prêts à franchir le Rubicon au second tour.

Reste, une fois encore, la question du premier tour. A droite, le rejet de Sarkozy se répartira en cinq tendances : abstention pure et simple, vote au centre, vote vers un petit candidat, vote FN, et vote à gauche. Parmi ces choix, les plus gros mouvements seront sur le vote au centre et le vote FN. A moins d’un trop fort risque FN qui pousserait les anti-Sarkozy porté sur le centre à voter utile dès le premier tour.

A gauche, ceux qui ne sont pas d’emblée convaincus par Hollande auront également plusieurs choix : vote sur un candidat plus marqué (Mélenchon ou EELV), vote extrémiste (NPA ou FN), abstention. Et ne nous y trompons pas, le programme économique de Marine Le Pen vise bien l’électorat de gauche : appeler à la nationalisation (des banques) n’a jamais fait bander la droite…

La question reste donc définitivement celle du poids du FN conjugué à celui de l’abstention, pour espérer figurer au second tour. La candidature centriste de Bayrou pourrait réunir une partie de la droite, dépourvue de candidat depuis le retrait de Borloo et l’improbable candidature Villepin, mais il reste peu probable qu’il parvienne à réitérer son score de 2007 : l’essai n’a pas été transformé, et le Modem n’est pas apparu suffisamment crédible depuis 4 ans pour porter un espoir de société qui séduirait au-delà d’une base certes élargie par rapport à ses scores régionaux, mais trop faible pour parvenir à se qualifier.

C’est donc bien l’abstention et le vote FN qui seront les arbitres du 22 avril prochain. Soit les votants auront suffisamment répartis leurs votes sur l’ensemble de l’offre politique, et dans ce cas les candidats UMP et PS se qualifieront. Soit l’abstention sera plus élevée et le vote FN plus important que l’on ne l’imagine, et dans ce cas, le candidat de droite comme celui de gauche risquent de ne pas se qualifier. Et d’offrir un non-choix au second tour.

Paradoxalement, le second tour semble plus clair en cas d’affrontement Hollande-Sarkozy. Le rejet de l’actuel président est tel que même s’il est aussi bon candidat qu’il est mauvais président, et reste capable de l’emporter sur le fil, Hollande devrait emporter les voix de la gauche jusque sur une partie de la droite, cette tendance est confirmée par la participation de certains d’entre eux dès la primaire, six mois avant l’élection. Et ce transfert sur la gauche est facilité par le choix d’Hollande, plus centriste que Martine Aubry, rédhibitoire pour une partie plus large de la droite qu’Hollande en raison de son sectarisme et surtout des 35 heures.

En réalité, seule l’abstention de gauche et des extrêmes pourrait faire basculer le rapport de force au profit de Sarkozy, qui aura du mal à remonter de son score de premier tour jusqu’à dépasser la barre fatidique des 50% des suffrages exprimés, condition sine qua non pour gagner. Reste que pour l’emporter au soir du 6 mai, il faut se qualifier le 22 avril. Après avoir rassemblé derrière lui le parti socialiste, le corrézien doit veiller à ne pas se faire déborder sur sa gauche. Voilà le vrai défi qui attend François Hollande pour les six mois qui viennent.

Sénatoriales 2011 : la Chambre Haute bascule à gauche !

En ce dimanche, 71 890 grands électeurs étaient appelés aux urnes pour renouveler les sièges de la série 1 du Sénat -150 en métropole, 14 dans les collectivités situées outre-mer et 6 représentent les Français établis hors de France- et répartir les 5 nouveaux sièges liés aux évolutions démographiques en Isère, Maine-et-Loire, Oise, Réunion, Nouvelle-Calédonie.

Sur ces sièges, 58 étaient élus au scrutin majoritaire à deux tours –pour les circonscriptions disposant de 1 à 3 sièges à répartir- et 112 à la proportionnelle –pour les circonscriptions dotées de 4 sièges et plus à répartir. A noter que le Sénat, en application de la réforme de 2003, se renouvelle pour la première fois par moitié –et non plus par tiers-, compte désormais 348 sièges –et non plus 343- et l’âge minimum pour être élu est abaissé à 24 ans au lieu de 30 ans auparavant.

La gauche ayant remporté toutes les élections intermédiaires –municipales, cantonales, régionales- et étant majoritaire dans les collectivités territoriales et leurs exécutifs, réservoir des grands électeurs et/ou d’influence sur ces grands électeurs, chacun sait que le Sénat peut basculer à gauche.

Mais ce n’est pas le seul élément qui place la gauche dans une conjoncture favorable : le renouvellement par moitié facilite mathématiquement les mouvements de siège, et le mécontentement des élus face à la politique gouvernementale –régression des services publics en zones rurales et réforme des collectivités territoriales en tête- ou encore la multiplication des listes à droite et au centre sont autant d’éléments qui pourraient favoriser la bascule, et donner quelques menus pouvoirs à la gauche même si ce basculement serait avant tout symbolique, pour une assemblée pourtant plus souvent en opposition avec le pouvoir qu’on ne semble s’en rappeler.

Ce qui n’est pas du goût de Claude Guéant. Histoire de complexifier un peu l’analyse du scrutin –et de prévoir des éléments de langage attentistes ?- le Ministre de l’Intérieur prévoit dans un premier temps de ne pas publier les étiquettes des candidats. Ce afin de laisser planer le plus longtemps possible le doute, notamment en raison des dénominations floues de certaines listes, particulièrement en Outre Mer. Mais le ministre de l’Intérieur les a finalement retrouvées. Et sur le site du Sénat comme ailleurs, chacun peut retrouver ses petits.

Reste que pour l’heure, la prudence est de mise. Etablir des pronostics est extrêmement complexe, tant le poids local et la personnalité jouent sur cette élection. Seule certitude : pour l’emporter, la gauche doit remporter 23 sièges. Dès 15h25, Le Monde annonce que selon les experts des groupes électoraux au Sénat, a gauche disposerait d’une avance de 4 à 5 sièges. A 16h45, Twitter bruisse de rumeurs, autant qu’au Sénat : Christophe Borgel, Secrétaire National aux Élections du Parti Socialiste, afficherait un vaste sourire, annonciateur de résultats favorables à la gauche même si pour l’instant, les résultats se font attendre. Les premiers résultats sont en effet annonciateur d’une forte poussée de la gauche. Reste à savoir avec combien de sièges d’avances…

A 18h, tout le monde est maintenant certain que la gauche a remporté ces élections. Du moins dans l’esprit. Tellement que Martine Aubry fait son entrée au Sénat, où elle s’entretient avec Jean-Pierre Bel, chef de file du groupe socialiste. Parce que sur le fond –le nombre de sièges en tenant compte des étiquettes- l’heure est encore à la prudence. Ainsi Jean-Pierre Bel, président du groupe PS au Sénat, déclare sur Public Sénat : « Le verdict, ce n’est pas à la moitié du chemin,  c’est au bout du chemin. Donc tout est possible » mais « il faut être  assez prudent. La droite a d’ores  et déjà perdu puisqu’elle a perdu beaucoup de sièges, donc nous avons  tout à gagner et peut-être la cerise sur le gâteau » avec la majorité  dans la Haute assemblée, a-t-il ajouté.

Les résultats continuent de tomber. Du côté de la majorité, les listes dissidentes font leur lot de victimes. A Paris, Pierre Charon coûte son siège à Daniel Georges Courtois, fidèle de François Fillon.  Hum, le parachutage du Premier Ministre pour 2014 commence fort mal… Mais surtout dans les Hauts de Seine, le dissident Jacques Gautier empêche Isabelle Balkany de rejoindre le Palais du Luxembourg.

Et c’est un vote sanction contre la Sarkozie, au-delà de l’ancienne élue locale : après son échec aux cantonales en mars dernier, les grands électeurs alto-séquanais n’auront pas voulu donner de lot de consolation à l’épouse de Patrick Balkany et mauvaise fée de Jean Sarkozy, Prince du département. C’est pour elle un double signe très fort de la part des électeurs –en mars- et grands électeurs –ce dimanche- de leur volonté de ne plus laisser les Hauts de Seine être dirigés telle une monarchie. Un avertissement direct au locataire de l’Elysée.

A 19h16, dans une conférence de presse, Jean-Pierre Bel annonce : « Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le Sénat va connaître une alternance. La Gauche pourrait remporter 24, 25, 26 sièges supplémentaires ». Rappelons qu’elle devait en gagner 23 de plus -en net- pour remporter l’élection. C’est donc plié : le Palais du Luxembourg passe à babord.

Tous les résultats sur le site du Sénat en cliquant sur la carte

A cette heure, on sait donc que la Chambre Haute bascule à gauche, mais pas nécessairement sa présidence. En effet, certains élus divers gauche, qui siègent au sein du groupe RDSE, pourraient voter pour Gérard Larcher et constituer une majorité relative. Conséquence directe de ce vote très serré, l’Elysée devrait prévoir un remaniement. En effet, les remplaçants ne peuvent siéger avant un mois, et sont donc dans l’incapacité de voter pour l’élection du président…

Or la droite aura besoin de toutes ses voix… Jouanno et Longuet devront donc peut être passer la main. Ce qui ne sera pas le cas de Maurice Leroy : le ministre de la Ville a été battu dans le Loir-et-Cher. Hum, et si Sarko lui appliquait la jurisprudence Juppé, du nom du ministre battu aux législatives en 2007 et qui n’avait pas été reconduit au Gouvernement ? Ah non, c’était –comme son nom l’indique- juste pour Juppé. Depuis l’eau –et les élections, avec leurs cohortes de ministres battus- ont coulé sous les ponts.

Naturellement, la gauche a beau jeu de dire qu’elle a gagné et que donc le président doit être de gauche. Sauf que dans la réalité, rien n’est certain, et il devra se dégager une majorité à partir du vote pour la présidence. D’autant que ce vote se joue à bulletin secret… Histoire d’en rajouter à cette ambiance un peu particulière, une session extraordinaire est programmée cette semaine. Ainsi, les anciens sénateurs vont encore siéger cette semaine, tout en coexistant avec les nouveaux qui eux, procèderont à leur prise de fonction dès samedi. Etrange…

Autrement dit, et malgré la victoire numéraire, le suspense reste entier, tant pour la présidence –l’élection du président aura lieu le 1er octobre- que pour le rapport des forces politiques, qui sera connu le 4 octobre, avec la publication des groupes politiques. Sans oublier que dans ce jeu de chaises musicales, avec 24 députés candidats, se libèrent des circonscriptions législatives… ou pas, 5 des 13 députés élus au Sénat s’étant présentés parce que leur circonscription avait disparu dans le redécoupage.

Une chose est certaine : ces sénatoriales constituent  bien un avant-goût de 2012. Ainsi que le constate le Premier Ministre François Fillon : « Le moment de vérité aura lieu au printemps prochain. Ce soir, la bataille commence, et le résultat des sénatoriales nous dit l’énergie absolue qu’il nous faudra déployer ». Quoi qu’en dise la droite, qui cherche à relativiser, le score est clair au terme de cet acte I : Gauche 1 – Droite 0. Alerte rouge vif pour Sarko.