Mi chiamo France… L’Italia chiamò, si !


Je m’appelle France. Comme mon pays.

Et pourtant, depuis le 9 juillet 2006, je soutiens l’Italie. Sans avoir aucune origine italienne.

Perché ?

Parce que les histoires d’amour finissent mal… en général.

La belle histoire

Je n’ai pas toujours été pro-Italie. Au contraire. Aussi loin que remontent mes souvenirs de foot, ils sont liés à l’équipe de France. Tout démarre en 1978. Haute comme trois pommes, à tout juste quatre ans, j’ignore tout du mouvement anti Coupe du Monde des intellectuels, et je suis à fond dans Argentina 78.

On ne va pas se mentir, les Bleus n’ont pas brillé cette année-là. En plus, ils ont eu plein de problèmes d’équipements. Ca a commencé avec l’histoire des primes Adidas, du coup les joueurs ont passé les bandes blanches au feutre pour ne pas montrer le sponsor. Trop des rebelles, les français.

Le premier match de la compétition oppose la France à…. L’Italie. Mon histoire, quelque part, est en train de s’écrire. La petite fille que je suis ne manque pas une miette du spectacle, et voit Lacombe marquer au bout de seulement 32 secondes, sur un centre de Didier Six. Mais ça, c’était avant que Rossi à la 29ème, puis Zaccarelli à la 54ème ne permettent aux italiens de l’emporter.

Mon frère, lui, se trouve à l’hôpital, pour une opération infantile de type appendicite ou amygdales. Il est de tradition de consoler un enfant seul à l’hôpital en lui offrant un présent qui pourra, si possible, l’occuper un peu. Pour son petit garçon, ma mère décide de frapper très fort, et de renoncer à son sacro-saint principe anti-Panini, en lui offrant le célèbre album à vignettes. Il choisit Bernard et Bianca, le Disney du moment. En tant que petite sœur-trop-petite-pour-comprendre, j’ai aussi droit à un album Panini. Et je choisis quoi ? Barbie ? NON. Argentina 78. La passion est née.

Quelques jours plus tard, nous affrontons l’Argentine, qui remportera chez elle la Coupe du Monde. Evidemment on se foire. Mais d’abord, on leur tient tête. Sauf que l’arbitrage est un peu local, et l’Argentine obtient un pénalty pas évident parce qu’on a touché involontairement le ballon du bras. Pire, l’arbitre laisse d’abord jouer, mais les argentins mettent la pression alors il accorde le pénalty. Bon, Platini met tout le monde d’accord en égalisant mais Six rate le but de la victoire. L’Argentine reprend la tête et la France est éliminée.

Pour le troisième match, face à la Hongrie, on joue en maillot vert et blanc. En gros boulets, on est venu avec notre maillot blanc. Comme la Hongrie. Or la Fifa nous avait demandé de venir en Bleu, comme notre nom. Du coup, l’équipe locale nous prête son maillot. Rock n’roll. Sur ce, on quitte la Coupe du Monde. Mais moi, j’ai des Bleus plein les yeux…

Dès lors, je ne raterai que peu de matchs de l’équipe de France. A la maison, mon père place une bouteille de champagne au frigo avant chaque match. Chaque victoire permet de l’ouvrir. Je grandis dans une bulle de foot. Et de champagne. La bella vita !

Tout ça nous amène en 1982. Désormais âgée de 8 ans, je maîtrise les règles du jeu, et je suis capable de reconnaître chaque joueur. Sauf que 1982, c’est une année de merde. D’abord, je perds mon grand-père, le seul homme bien de ma vie d’enfant. Ensuite, le PSG bat les Verts en coupe de France MAIS on m’offre le maillot des Verts. L’horreur. Mais le pire est encore à venir, et ce sera à Séville, ce soir du 8 juillet 1982. Schumacher. Pute. Oui, on a le droit de dire des gros mots sur Harald Schumacher. C’est même recommandé.

Sur le coup, j’ai cru qu’il avait tué Battiston. Notre joueur ne bougeait pas, il était dans le coma. Et pourtant la France s’est relevée. Un match de dingue, sous forme de montagnes russes. Et la défaite, cruelle. Ma seule consolation aura été de voir les italiens l’emporter en finale, pour moi il eût été injuste que l’Allemagne l’emporte et que Schumacher eût pu être champion. Dès lors, j’ai toujours eu de l’affection pour les italiens. Parce qu’ils nous ont vengés.

Le divorce

Ce soir du 9 juillet 2006, je suis dans un pub, avec mon meilleur ami. Nous sommes enroulés dans nos drapeaux français, maquillés, prêts à célébrer la victoire qui ne peut –pensons-nous à cette heure- nous échapper. Et pourtant.

Tout démarre bien. Dès la 7ème minute, Zidane transforme le pénalty accordé pour faute de Materazzi sur Malouda, et on se dit déjà qu’on a le cul bordé de pasta. Parce que si tu trouves quand Materazzi a touché Malouda, tu me préviens hein. C’est un pénalty très généreux.

Mais en bons français pleins de mauvaise foi, on hurle à la mort que non et d’abord on mène au score, et puis zut. En plus Zidane a collé une panenka à Buffon, c’est quand même marrant. Bon, sur le coup, on a eu peur, parce que la panenka a d’abord touché la transversale. Mais elle a rebondit derrière la ligne, et buuuuuuut de Zidane ! Douze minutes plus tard, Materazzi (avec un seul R, merci) récupère la monnaie de sa pièce. Egalisation de l’Italie, sur un corner tiré par Andrea Pirlo. Le maître Pirlo.

Forcément, tout le monde se replie en défense, des deux côtés. Les français aiment dire que les italiens pratiquent le catenaccio mais sur ce coup-là, ils rivalisent hyper bien. L’Italie domine en première mi-temps, sans parvenir à concrétiser. La France domine la seconde mi-temps, mais ses frappes ne transpercent plus la cage de Gigi Buffon. Seul fait notable, Vieira se claque, et est remplacé par Alou Diarra. Avoues que tu avais oublié. Et pourtant, c’est à partir de là que le match va vraiment changer pour les français. En mal. En très mal.

Les deux équipes étant à égalité au terme des deux périodes, elles entament les prolongations. Ribéry espère mais sa frappe passe au ras du poteau. A la 103ème se produit ce qui reste pour moi LE geste du match : Sagnol place le ballon directement sur la tête de Zidane, qui la reprend puissamment pour la diriger vers la lucarne de Buffon. Mais le maître Gigi sort une parade venue de nulle part, et claque la balle en corner. Ma-gni-fique ! Le corner, tiré par Malouda, est boxé par le gardien italien.

Mais ce dont vous vous souvenez tous se produit lors de la seconde prolongation. A la 109ème minute, Zidane donne un violent coup de tête dans le thorax de Materazzi. L’italien aurait, selon le français, proféré des insultes. A propos de sa mère, de sa sœur, ou des deux, on ne sait pas vraiment. Hum. J’y reviendrai. Zidane se prend donc un carton rouge. A l’issue des prolongations, très disputées, les tirs aux buts voient la défaite des Bleus, Trézéguet manquant le sien, qui touche la transversale. Cruelle ironie du sort pour celui que les italiens surnomment Trézégoal, et qui reste le meilleur buteur français de l’histoire en Série A avec 123 réalisations.

Voilà, on a perdu la coupe du monde. Ou plutôt, l’Italie l’a gagnée. Contrairement à ce que l’on entend encore, les italiens n’ont pas volé la victoire. Ils se sont battus, et même si nous étions probablement un peu au-dessus, eux n’ont pas craqué. Et surtout pas Gigi Buffon. Sa claquette magistrale sur la tête de Zidane est l’arrêt d’anthologie qui a pu faire douter les français, mais qui aura rassuré tout un peuple. Etonnant d’ailleurs qu’il n’ait pas, cette année-là, remporté le Ballon d’Or qu’il méritait largement.

Comme je l’ai indiqué plus haut, j’ai grandi avec les matchs. J’ai connu des victoires, et des défaites avec l’équipe de France. Les hauts des années 80, et les bas des années 90. J’ai toujours été là, à soutenir mon équipe, même lorsqu’elle ne gagnait plus. Même après le départ de la génération Platini. Mais ce soir-là, quelque chose s’est cassé. Et le fautif s’appelle Zinedine Zidane.

Comment peut-on vouloir être un grand champion, et perdre ses nerfs lors d’une finale de Coupe du Monde ? Six ans après, je n’ai toujours pas compris. Et encore moins pardonné. Qu’a dit Materazzi à Zidane pour l’énerver ainsi ? Sur un tirage de maillot, Zidane lui a dit qu’il lui donnerait à la fin du match. Materazzi a répondu que s’il voulait son maillot, il le demanderait à Inzaghi. Sachant qu’à l’époque, la rumeur courait que Madame Zidane aurait pris son pied avec Pipo… Selon Zidane, ce sont des insultes très graves qui touchent à la famille.

L’ennui, c’est que ça ne colle pas. Si encore on parlait d’un jour qui n’a jamais joué en Série A et connu pour être un petit ange tombé du nid, je veux bien. Mais on parle de Zidane. D’un joueur connu pour ne pas être facile. Qui certes joue au Real Madrid à ce moment-là, mais a passé les cinq années précédentes… à la Juventus de Turin. Alors les insultes sur le terrain en italien, il connaît. Et d’ailleurs, il n’est pas le dernier à avoir pratiqué. Et pour avoir vécu en Italie, il sait à quel point cette tactique de déstabilisation de l’adversaire est fréquemment utilisée. Bref : il ne peut prétendre avoir été surpris ou blessé par ces propos. Sauf à nous prendre pour des cons.

Soyons francs, ce qu’il s’est passé sur le terrain du stade olympique de Berlin, ce 9 juillet 2006, c’est que Zinédine Zidane a craqué. Et ça nous a peut-être coûté la coupe du Monde du fait de l’infériorité numérique qui a suivi son expulsion. Mais qui l’a dit ? En France, on a mis la faute sur Materazzi. Pourtant à l’origine, c’est Zidane qui tire le maillot de l’italien. Mais en France, on verse alors dans la mauvaise foi. Et surtout, personne ne veut toucher à l’icône Zidane. Mais quelle icône ?

Oui, Zidane est un génie de technique, un des meilleurs joueurs du monde. Mais ça n’est pas, et ça ne sera jamais, un champion. Parce qu’au moment fatidique, il a craqué. Il n’a pas eu le mental pour aller au bout. Et c’est rien de moins que tout un pays qu’il a planté. Pour son geste, il aurait dû être sanctionné. Mais comme il arrête sa carrière, il ne le sera pas. Et finalement, ce qui est tout de même un délit pénal –coups et blessures volontaires- sera totalement pardonné par tout le monde. Pardon ????

Depuis, la France du foot récupère les conséquences de cet acte, sans jamais percuter que c’est bien à la 109ème minute de ce France-Italie que ce situe l’origine du mal. Pire, on pense que c’est l’absence de Zidane qui est un problème. Allo ???

Quatre ans plus tard, à Knysna, les joueurs font la révolution, en refusant de descendre du bus pour aller s’entraîner, pour protester contre la punition d’Anelka qui aurait insulté Domenech. Des joueurs qui refusent de jouer. Mais où est-on ? Sur un terrain de poussins ou en tour préliminaire de la Coupe du Monde ? Les joueurs se représentent-ils eux-mêmes ou leur pays ? Eux-mêmes. Comme Zidane en finale de Coupe du Monde.

L’équipe de France se résume désormais à des individualités. Pas un collectif, pas un amour du maillot, pas la fierté d’avoir l’honneur de représenter son pays dans une compétition internationale de prestige… La France, c’est finalement un F de plus sur l’écusson, rien de plus. C’est cet état d’esprit auquel j’ai tourné le dos. Et ça n’est pas forcément facile. D’autant que personne ne comprend. Peut-être, mais moi j’ai le foot dans le sang.

Que n’ai-je entendu depuis sur mon manque de patriotisme. Comme si le patriotisme allait se nicher dans le sport. Donc si vous soutenez Federer au tennis, vous n’êtes pas de bons français. Certains ont poussé le vice jusqu’à me dire que l’on ne peut comparer sports individuels et collectifs. Ah bon ? Et pourquoi ? Parce qu’à plusieurs on forme une équipe à laquelle peut s’identifier la communauté nationale ? Okay mais si on prend ces arguments, parlez-moi u peu de la nation que formerait alors l’équipe de France… Je ris.

J’aime le foot, j’aime le sport, j’aime le jeu, et sous prétexte que des Footix qui ne connaissent pas la règle du hors-jeu, aiment les vuvuzelas et regardent les matchs de l’équipe de France une fois tous les quatre ans en estimant être de grands spécialistes l’ouvrent, je devrais être mise au ban de la nation ? Par des types qui ne savent même pas faire la différence entre un 8 et un 10 ? Sérieux ? Non, je n’admets pas cette argumentation bancale.

J’ai eu des maillots de l’équipe de France, je me suis souvent maquillée, j’ai même une perruque qui traîne, mais il y a bien longtemps que le drapeau n’est plus affichée à la fenêtre les soirs de matchs. Parce que justement, j’aime mon pays. Et pour le moment, l’équipe mais surtout le foot français me font honte. Ce sont eux qui représentent mal notre pays. Alors merci de ne pas inverser la vapeur. Parce que ça n’est pas forcément facile, d’être apatride du foot et d’avoir demandé le passeport Foot italien.

Forza Italia !

Cette douleur, je l’ai ressentie fortement hier à Parme, où j’ai assisté au match amical Italie-France, quand quelqu’un m’a dit « mais tu chantes les deux hymnes ??? ».

Oui, j’ai chanté les deux hymnes. Mais pas de la même façon. Et pas pour les mêmes raisons. En effet, impossible pour moi de renier la Marseillaise. Ou même, de ne pas la chanter. Question d’habitude. Question de fierté d’être française. Question de naturel.

Mais j’ai aussi chanté fièrement Fratelli D’Italia. Sans aucune fierté d’être italienne, je ne le suis pas. Même pas de loin. Même pas à la 32ème génération. Encore que peut être, si, mais forcément par alliance, parce qu’en ligne directe, je sais déjà que non. Ou alors, du côté de mon père. Dernière chance, que je sois la fille du facteur. Passons. Reste que j’ai chanté l’hymne italien, pour encourager l’équipe que je soutiens.

Côté jeu, en revanche, je n’étais pas déchirée. Sur le terrain, mon coeur battait pour Pirlo et ses coéquipiers. Sans l’ombre d’un doute. Mais j’ai eu mal. Imaginez un peu de vous retrouver face à la maîtresse/amant qui serait responsable de la rupture avec votre moitié ? Oui, le foot, c’est à ce point-là pour moi : c’est sacré.

Voir Ribéry et Evra à quelques mètres de moi -j’étais tout près de la pelouse- m’a vraiment posé problème. Je n’ai évidemment au une haine personnelle envers ces deux joueurs. Je reconnais le talent de Ribéry. Pas d’Evra, faut pas déconner. Je vois bien que Ribéry a changé. Mais c’est cassé entre nous.

Irrémédiable. Parce qu’en 2010, ils ont eu la même mentalité que Zidane quatre ans plus tôt : l’oubli du maillot. Et les dernières déclarations de Ribéry disant qu’il préfère jouer au Bayern qu’en équipe de France –même s’il a depuis rétropédalé sur ses propos- ne sont pas de nature à me démontrer un réel attachement aux Bleus.

Certes, Knysna est loin et on ne peut pas leur en vouloir éternellement. Simplement, ces deux joueurs, sans le vouloir, sont représentatifs de ce qui, quelques années avant, m’a amené au divorce avec l’équipe de France, et coupables d’avoir contribué, à Knysna, à entériner cette sensation que le concept même d’équipe avait disparu.

Du coup hier à Parme, j’en étais encore à crier à Evra « Fais gaffe, une taupe ! ». Oui, je sais, je suis drôle. Mais avoir honte de mon équipe nationale depuis 2006, c’est assez désagréable. Et ça n’est pas le dernier Euro qui m’aura convaincue. Bien sûr, les joueurs n’ont pas commis d’atrocités. Nasri qui fait mime un « Ta Gueule » à la presse, ça n’est pas un drame.

Mais ça le devient quand c’est le seul fait que l’on retient parce que sur le terrain, on ne voit aucune envie. La France a pris la Suède de haut, elle a mangé le mur, et un peu de Zlatan. Elle a joué perdante face à l’Espagne, et a logiquement perdu. Où est sa fierté ? Son orgueil ? Demandez à l’Italie…

Parce que les italiens, eux, aiment profondément leur maillot, et se sentent honorés de pouvoir jouer en Nazionale. Et ils y mettent vraiment du cœur. Tout est question d’état d’esprit. Attention, la vie de la Squadra Azzurra n’a jamais été un long fleuve tranquille. C’est une de ces équipes « montagnes russes », qui, lorsqu’elles remportent une compétition majeure, échouent souvent rapidement dans la suivante.

Et après 2006, il y a eu de nombreux problèmes de comportements, lors du mondial 2010. Certes, pas au point de Knysna. Mais l’Italie a eu elle aussi à affronter des soucis disciplinaires. Et n’a pas brillé plus que la France sur le terrain. Sauf que l’Italie, contrairement à la France, a saisi le problème à bras le corps, au lieu de rester les bras croisés à attendre que ça se passe. L’Italie a réagi, en la personne de Cesare Prandelli.

Nouvel entraîneur, qui a succédé à Marcello Lippi, dont il était l’assistant, Prandelli a joué la carte de l’humilité et de la fermeté. Humilité face à sa fonction de sélectionneur –il supervise régulièrement les joueurs en allant suivre les rencontres en clubs, pour dénicher ses futures pépites et suivre la progression des talents déjà repérés- et fermeté par rapport à la discipline.

En effet, depuis son arrivée, Prandelli a imposé un code éthique : tout joueur adoptant sur le terrain un comportement inadéquat sera privé de sélection pendant un certain nombre de matchs. Pour Parme, c’était De Rossi qui a été écarté par Prandelli : pour avoir eu un comportement violent le weekend précédent, il a pris 3 matchs.

En outre, Prandelli est confronté à un problème de génération. Les gloires de la coupe du monde 2006 ont pour la plupart arrêté leur carrière en sélection, et pour celles qu’il reste, elles n’iront pas jusqu’en 2014, à part peut-être Gigi Buffon s’il ne se blesse pas d’ici là. Le sélectionneur italien doit donc reconstruire une équipe, sur la base de celle qu’il a emmenée à l’Euro en juin dernier, et qui s’est hissée jusqu’en finale, là où seule les observateurs très attentifs la voyait. C’est-à-dire, peu ou prou personne.

Et ça marche. Pourquoi ? Parce que le sélectionneur SELECTIONNE. Ca paraît simple, dit comme ça, mais en France, il y a 60 millions de sélectionneurs. Dont hélas, les instances du foot et la presse, chacun faisant pression sur ce qu’elles pensent avoir compris des désirs du reste des 60 millions de sélectionneurs.

J’exagère un peu, mais vous avez compris. Aujourd’hui, on se prive de Nasri parce qu’il a dit « Ta Gueule » à un journaliste [alors qu’en Italie, on met 3 matchs à DDR pour avoir frappé un joueur, hein] avant même de se demander si le sélectionneur l’aurait sélectionné. Non, c’est la fédé qui a décidé de le suspendre. Le sélectionneur, en France, est pris pour un incompétent incapable de savoir s’il doit prendre un joueur ou non.

En Italie, depuis la mise en place du code éthique, les joueurs sont au parfum. Jamais on n’ira leur reprocher des comportements relatifs à leur vie privée –ils alimenteront les gazettes- mais leur comportement sur le terrain se doit d’être exemplaire, sinon la sanction tombe. Résultat, Prandelli parvient à contrôler des joueurs aussi instables que Balotelli, Cassano ou El Shaarawy.

En France, on tape sur les joueurs d’abord, mais sans jamais se demander si le système qui les a produit ne serait pas, éventuellement, défectueux. Pourtant, les Nasri et autre M’Vila sont en centre de formation depuis leur 13 ans. Ils sont donc été formés, éduqués, gérés par le foot français. Il y a fatalement une part de responsabilité.

En France, on ne veut tellement pas voir le problème qu’on s’enfonce la tête très profondément dans le sable. A deux ans, précisément. Ainsi, M’Vila a été condamné à rater la prochaine coupe du monde, pour…. Etre sorti en boîte de nuit. Sérieux ??? Je vous rappelle que Zidane, en 2006, n’a rien pris, pour coups et blessures volontaires. On croit rêver.

Certains de mes amis m’expliquent que trois matchs de suspension, ça ne marcherait pas en France, parce que les joueurs s’en fichent. C’est possible. Mais justement : si les joueurs s’en fichent, c’est bien que toute la structure a échoué à inculquer aux joueurs, depuis leur 13 ans, l’amour du maillot ? Et le problème ne date pas d’aujourd’hui : Zidane, c’était déjà ça. L’amour de soi avant l’amour du maillot.

En Italie, les joueurs sont fiers de porter le maillot de la Nazionale. Sans revenir sur le sujet des hymnes –Platini ne le chantait pas, et pourtant il avait l’amour du maillot- les italiens mettent tout leur cœur à chanter Fratelli d’Italia, non comme un hymne, mais comme un cri de guerre à la façon du haka des All Blacks. Surtout à la fin, lorsqu’ils disent « Siam pronti alla morte, l’Italia chiamo, si ! » que l’on peut traduire par « Nous sommes prêts à aller à la mort, l’Italie nous appelle, oui ! »

En France, tout ceci est oublié. Comme si après la Coupe du Monde 1998, on avait pris un melon pas possible, et oublié l’essentiel. Le problème n’est pas uniquement Zidane –même si son geste l’a brutalement mis en exergue-, mais l’absence de prise de conscience de la nécessité d’afficher cet état d’esprit.

Cet abandon des valeurs par le foot français m’a profondément marquée, agacée, écoeurée. Tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience, je ne cautionnerai pas ce système. J’aime trop le foot pour ça.

C’est ça qui m’a brisé le cœur, le 9 juillet 2006.
C’est ça que j’ai retrouvé dans la Squadra Azzurra.
C’est pour ça qu’hier je vibrais en italien, et pas en français.

Mi chiamo France. L’Italia chiamò, si !

Au cœur des bleus : Italie 1- France 0

Deux équipes en bleu. La France, et l’Italie. Deux nations en difficulté après la coupe du monde de 2010.

Deux pays qui avaient à cœur de se refaire lors de cet Euro 2012, juste avant le début des qualifications pour la Coupe du Monde de 2014, en septembre prochain.

La France, traumatisée par le syndrome Knysna : les joueurs n’étaient pas descendus du bus pour s’entraîner par solidarité avec Anelka qui avait été viré pour avoir tenu des propos insultants à l’égard de son entraîneur, Raymond Domenech.  L’Italie, marquée par sa sortie de la coupe du monde dès la premier tour, quatre ans après avoir été championne du monde, et une ambiance difficile au sein de l’équipe, sans être toutefois au niveau de Knysna.

Après ces quarts de finale, on peut déjà tirer un bilan du parcours de ces deux nations qui ont marqué l’histoire du football. L’une en sort grandie, l’autre pas. Décryptage.

La France, des bleus au coeur

Des bleus au cœur, voilà ce qu’il reste de l’Euro 2012 de l’Equipe de France. Une victoire sur l’Ukraine, un nul face à l’Angleterre, une défaite face à la Suède et une face à l’Espagne. Pas de quoi pavoiser. Pouvait-on faire mieux ? Peu probable, cet Euro marquant l’échec d’une stratégie qui a consisté à renoncer au jeu, et aux ambitions affichées par Laurent Blanc lorsqu’il a pris son poste.

Individuellement, l’Equipe de France dispose de talents. Mais l’addition d’individualités ne forme pas nécessairement un collectif. De nombreux éléments contribuent l’alchimie nécessaire à faire interagir le groupe sur le terrain. Parmi eux, la technique, certes, mais aussi la gestion humaine et donc, les comportements sur le terrain et hors du terrain. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette équipe de France a échoué.

Techniquement, difficile de se faire une idée. Peut être faudrait-il déjà avoir compris le projet de jeu et malgré mes efforts, je n’ai toujours rien compris.

Qui doit faire quoi, c’est à peu près clair, mais dans quel but, alors là… Encore faudrait-il que nous ayons une culture de la tactique en France, ce qui n’est pas notre cas. Contrairement à l’Italie ou l’Espagne. Et comme le football français est incapable de se remettre en cause, et le premier à céder au corporatisme si cher à notre bon vieil hexagone, on n’est pas sorti de l’auberge.

Face à la Suède, déjà, l’équipe était passée à côté de son match, récupérant alors la seconde place du classement, synonyme de rencontre avec l’Espagne. A croire que tout s’est arrêté ce soir là.

Certes, on peut passer à côté d’un match. Mais amical, de préférence. A ce niveau de compétition, on évite. Mais bon. L’accident de parcours existe souvent dans les phases éliminatoires – plus rarement par refus de jouer-, et ne présage pas de la suite de la compétition.

Pourtant ce soir là, après la Suède, la France a renoncé. Le staff, en conférence de presse, a déminé le terrain en donnant par avance les éléments de langage expliquant une défaite. Avant même de jouer le match, le ton était donné. Avec toute la mollesse d’un Laurent Blanc, dont on se demande comment il peut parvenir à galvaniser une équipe. Que ce soit en conférence de presse ou en bordure du terrain, on se demande parfois s’il ne tient pas le rôle du plot…

Sur le dernier match, face à l’Espagne, la tactique était plus claire : tout en défense, et si on avait pu, on aurait mis onze gardiens.

Pourquoi pas ? Ca sonne un peu catenaccio mais je crois que bon. Sur un contre, on peut toujours marquer. Mais encore faut-il que la tactique soit bien comprise, et que les joueurs défendent, au lieu de simplement adopter le service minimum.

Ce qui devait arriver arriva : l’équipe a confondu exigence de défendre pour arriver au nul à la mi-temps et jouer avec le frein à main bloqué. Résultat, un but a été encaissé à la 19ème minute –contrecarrant les plans de Laurent Blanc- sur une erreur de repositionnement de Florent Malouda, incapable de se bouger pour marquer Xavi Alonso. Manque d’envie, manque d’ambition, match perdu d’avance dans les esprits…

Le sport est une chose. On retiendra donc Hugo Lloris, Yoann Cabaye, et dans une moindre mesure, le petit retour de Ribéry –il y a eu trop peu de matchs pour en tirer des conclusions- et la bonne entrée de Koscielny mais là encore, sur un seul match, difficile d’en faire une règle.

La défaite aidant, les vieux démons sont ressortis.

Nasri, qui avait fait le malin en adressant un « Ta Gueule » à un journaliste de l’Equipe pour les critiques portées sur lui avant de se muer en Casper lors du match suivant –démontrant alors qu’il était loin de ne pas mériter les critiques-, s’est encore illustré en sortie de match, en répondant de manière très agressive à un journaliste qui tentait, certes maladroitement, de faire son boulot.

Quant à Ménez, il a franchi le mur du con par deux fois sur le terrain : une première fois en se prenant un carton jaune pour avoir insulté l’arbitre italien d’un fleuri « Va Fanculo », dans la langue de Dante histoire d’être bien compris, puis en incitant visuellement son gardien et capitaine Hugo Lloris à fermer sa gueule, pour avoir osé lui demander de se repositionner en défense.

Et ça n’est pas tout. Quand on voit Nasri et Ménez, leur échauffement est quand même révélateur d’un certain état d’esprit. Hatem Ben Arfa parle pendant ½ heure avec son adjoint.

Nasri discute ardemment avec Boghossian pour savoir pourquoi il n’est pas titulaire. Enfin Nasri et Ménez, pendant l’échauffement des titulaires, s’amusent à tirer des boulets à 20 mètres de leurs camarades. A l’évidence, ce groupe n’est pas uni, et incapable d’afficher la moindre solidarité.

Pire que tout, les réactions d’après match. Les uns après les autres, les joueurs comme le staff ont recraché les mêmes éléments de langage : l’Espagne est championne du monde, elle avait la balle, ect…

C’est certainement ce qui explique le mauvais repositionnement de Florent Malouda. Pas un pour admettre que la Roja n’a pas joué son meilleur football, et qu’elle était prenable. Simplement, pas avec des joueurs affichant une mentalité de perdants. Palme de la bêtise pour Karim Benzema : « Nous sortons grandi de cet Euro. » Totalement à côté de la plaque… et finalement emblématique de cet Euro : pile poil dans l’esprit de ces deux défaites…

Enfin pour terminer, ces joueurs, qui ont tant déçu les supporters qui aimeraient tant se réconcilier avec eux, n’ont pas daigné -dans un premier temps et avant qu’on ne les pousse- s’arrêter auprès de la petite trentaine de supporters venus les attendre, sous la pluie, à leur retour en France. Aux dernières nouvelles, ils vont en revanche bien toucher leur primes pour avoir atteint l’objectif fixé de la qualification en quart. 100 000 euros. Tout simplement gerbant.

D’autant que Laurent Blanc s’était fixé des objectifs clairs lorsqu’il a pris en main cette équipe de France :

  • Etre jugé sur les résultats
  • Retenir comme critères essentiels l’état d’esprit, le comportement, l’attachement au maillot. C’est capital. Celui qui pointe des faiblesses, qui ne veut pas l’accepter, il dégage.
  • Aucun joueur n’est indiscutable hormis Hugo Lloris

Deux ans après Knysna, les problèmes de fond persistent au sein de cette équipe de France.

Si les événements ne sont pas comparables –cette fois les joueurs sont descendus du bus et n’ont pas eu de réaction collective inappropriée-, rien n’a changé, parce que Blanc a renoncé aux objectifs et aux principes qu’il s’était lui-même fixé lorsqu’il a pris cette équipe en main.

Aujourd’hui, les fissures entre l’équipe de France et les supporters continuent de s’étendre. Parce que les joueurs n’ont pas respecté le maillot. Qu’on s’entende bien. Il ne s’agit pas d’imposer aux joueurs de chanter l’hymne. D’une part, ça a été très longtemps politisé et du coup, l’hymne n’était pas forcément chanté. Ni en France, ni ailleurs. Nous ne sommes pas aux Etats Unis, mais dans la vieille Europe, qui a été fortement marqué par les nationalismes. Désormais, beaucoup de nations le font.

Doit-on le chanter ? Certes, c’est censé être un moment de communion de la communauté nationale, c’est-à-dire des joueurs avec leurs supporters. Mais n’arrivons pas aux extrémités de la Serbie qui vire les joueurs refusant de le chanter pour raison politique, même si celle-ci n’est pas censé avoir sa place sur le terrain. Sport et politique ont toujours été mêlés, inutile de le nier… même s’il reste difficile d’imaginer qu’un joueur incapable d’aligner trois mots en français correct puisse avoir une pensée politique profonde. Il ne faut peut être pas abuser. Tout ça ressemble plus à du je-m’en-foutisme qu’à une véritable objection de conscience.

Sans aller vers ces tartes à la crème, on peut toutefois noter deux choses : d’une part, il n’y a pas de profonde ferveur pour l’équipe de France dès les premiers tours, on a plutôt tendance à se révéler supporter en demi-finale.

Ensuite, l’hymne n’est pas le marqueur de la fierté de porter le maillot. J’ai grandi avec le foot. Mon premier souvenir de match remonte à Argentina 78. Souvenez vous, l’équipe de France joue en vert et blanc, avec le maillot d’une équipe locale ! Elle ne passe pas le premier tour. Mais quatre ans plus tard, elle est en demi-finale et aurait pu aller plus loin, chacun se souvient du drame de Séville, le 8 juillet 1982. Rebelote quatre ans plus tard, au Mexique.

Cette équipe-là ne chantait pas l’hymne non plus. Mais elle était fière de porter au plus haut et le plus loin possible le maillot.

C’est ça, le respect du maillot. Et pas de dire qu’on a bien joué et qu’on a rempli l’objectif d’aller en quart quand on n’a pas mouillé le maillot. Ce que les supporters attendent de l’équipe, ce sont bien évidemment d’abord des résultats, mais aussi de la fierté. Pouvoir se dire que l’équipe a été au maximum de ses possibilités. Et en cas de défaite pouvoir se dire qu’au moins, on a tout donné sur le terrain.

Dans ce domaine, on ferait bien de s’inspirer de la philosophie de Joachim Löw, le sélectionneur allemand, qui lui aussi a reconstruit une équipe de A à Z. Déterminé à offrir du beau jeu, pour s’imposer durablement, il a affiché un principe simple : si les joueurs ont envie de suivre son projet, qu’ils acquièrent alors la culture du jeu qu’il veut leur inculquer et restent simples, dans le respect de l’autre, alors le public suivra. Car au-delà des titres qu’il entend remporter, Joachim Löw veut laisser des souvenirs ancrés dans la mémoire collective de l’Allemagne, que la Mannschaft gagne ou perde.

Pour cela, on doit user de la sélection. Non, le maillot n’est pas un dû à tel ou tel joueur qui dispose de qualités individuelles. Ca se mérite. Ensuite, le football se joue, jusqu’à preuve du contraire, à onze sur le terrain. Mais aussi avec un banc et un staff. Pour intégrer l’équipe, le joueur doit pouvoir se fondre dans le collectif. Ca n’est pas au collectif de se construire autour de lui. Et ça, tout le monde semble l’avoir oublié, à commencer par les joueurs.

Forcément, depuis qu’ils sont en centre de formation on leur rabâche qu’ils ont du talent ! Mais le talent n’assure pas la cohésion. Au contraire, il peut diviser, lorsque devant le but certains pensent plus à leurs statistiques perso qu’à passer le ballon au joueur le mieux placé. La mentalité, un point à travailler dès le centre de formation. En prenant exemple sur Lille, qui s’était séparé du petit Franck Ribéry, déjà intenable.

Concernant les instances du football, ensuite. Si Laurent Blanc n’a pas atteint ses objectifs, il ne doit pas servir de bouc-émissaire. Le foot français doit se repenser et procéder à une mutation en profondeur. La fédération n’est pas exempte de responsabilité. C’est son boulot que de gérer l’équipe de France. Qu’elle le fasse. Mais plus que tout, que les corporatismes cessent. Ah, dès qu’il s’agit de taper sur le premier étranger qui vient tenter de remettre en cause notre mentalité, tout le monde fait front.

Leonardo en a fait les frais au printemps pour avoir osé, dans une réunion interne, tenté de remettre en cause les pratiques actuelles d’entraînement, dans l’optique de tirer le football français vers le haut. Bronca générale, en mode « mais pour qui il se prend, il arrive dans notre pays et nous critique ». Alors qu’il sera le premier à sauter s’il n’atteint pas ses objectifs. Pas comme d’autres. A un moment, lorsqu’on est 16ème au classement Fifa, il faut bien se remettre un peu en question. De véritables Etats Généraux du Football ne seraient pas de trop. Enfin, si l’on sortait justement de ce corporatisme… On peut toujours rêver.

Sur les clubs, enfin. J’entendais hier Laurent Blanc se plaindre que les autres équipes nationales, comme l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie, peuvent s’appuyer sur une équipe dorsale constituée de leurs fortes équipes, comme le Barça et le Real, le Bayern ou encore la Juve. Certes. On touche là à un autre point, la nécessité pour le football français de se remettre en cause. Mais restons sur les propos de Laurent Blanc. N’est-ce pas lui qui ne s’est pas appuyé sur des clubs tels que Paris ou Lille, qui disposaient pourtant de joueurs sélectionnables ?

N’est-ce pas lui qui n’a pas voulu d’un Sakho -au motif qu’il n’a pas suffisamment joué dans son club, alors qu’il avait pré-sélectionné Gourcuff (qui n’a quasiment pas joué depuis 2 ans) ou retenu Mexès qui cire le banc du Milan AC ? Quand on voit la fiabilité de la charnière, nul doute que Sakho avait sa place. N’est-ce pas lui qui n’a pas voulu de Jallet, très en forme, au motif qu’il n’avait jamais été sélectionné auparavant, alors qu’il avait pré-sélectionné  Yanga M’Biwa ? La mentalité exemplaire d’un Jallet eût pourtant été très utile au sein de ce groupe… On peut aussi citer Mavuba, pour Lille. Et d’autres.

Que Laurent Blanc reste le sélectionneur ou qu’il parte, le constat est clair : l’étoile de notre maillot ne brille plus, il faut changer tout ça. Mais comment ?

Par une profonde mutation des esprits, et l’instauration de quelques règles simples. Sans développer dès maintenant les modifications à apporter dans l’ensemble du football professionnel, arrêtons nous déjà sur quelques pistes de changements à apporter au sein de l’équipe de France.

Et pour cela, ouvrons nous sur l’extérieur, et regardons une autre histoire de bleus pour y trouver quelques idées. Edifiant.

 

L’Italie, le cœur des bleus

Quand Prandelli prend la succession de Lippi en 2010, il hérite d’une équipe qui n’a pas brillé en coupe du monde, et qui s’éloigne des tifosis. Presque à poil.

Le défi est grand, il faut reconstruire, dans un pays qui respire le football. Deux ans après, il a incontestablement gagné son pari.

Armé de ses valeurs, il a mis en place un code éthique pour éviter les problèmes de comportements au sein du groupe. Qu’on se mette d’accord, le code éthique ne concerne que la vie sur le terrain et dans le groupe, et absolument pas ce qui relève de la vie privée.

La meilleure démonstration en est la gestion de Balotelli : lorsqu’il a fauté, il a été écarté de la sélection. Lui gardant sa confiance, Prandelli a sélectionné Balotelli dans les 23, et son comportement ne pose pas problème dans le groupe. La confiance et le dialogue dans la gestion humaine des cas difficiles, voilà la méthode Balotelli.

Entrons dans le système Prandelli. Techniquement, d’abord. Il est investi dans sa mission. Régulièrement en contact avec les clubs, où il se rend, il suit les joueurs. Ce qui lui permet d’éviter en partie l’écueil des sélections nationales qui n’ont que trop rarement leurs joueurs. Il les connaît, les suit, sait s’ils ont besoin d’un coaching personnalisé ou pas.

Avec ce vestiaire bigarré, Prandelli a réussi à monter un groupe. Certes, il dispose de cadres sur lesquels il peut se reposer.

Mais qu’on ne tombe pas dans cette illusion. Buffon a été blessé, Pirlo a eu des hauts et des bas poussant Galliano à s’en séparer, sans parler de De Rossi. A côté de ces cadres, il a aussi des Balzaretti, de Palerme, ou Diamanti, de Bologne. Pas vraiment le top de la série A. Enfin, Prandelli a conservé Cassano, victime d’un grave problème cardiaque fin octobre, et Balotelli, l’enfant terrible.

Le résultat ? Depuis le début de cet Euro, l’Italie surprend tout ceux qui ne l’ont pas vue se reconstruire. Dès son premier match, elle a accroché l’Espagne, obtenant un match nul. Comment ? Regardons les jouer : au-delà du caractère formidable de ce collectif, l’Italie observe toujours son adversaire dans les 20 premières minutes, puis s’adapte. L’Italie a cette capacité, dans le jeu, à s’adapter au style de ses adversaires.

Le match face à l’Angleterre n’a pas dérogé à la règle. Il aura fallu 20 minutes aux Azzurri pour régler les problèmes posés par les anglais dans les couloirs, et les contraindre à jouer dans l’axe. Dès lors, les italiens ont bloqué les ballons. Sans conserver la balle à l’espagnole, ils ont montré une véritable force de récupération en milieu de terrain. Le tout agrémenté d’un Pirlo à la distribution, pour envoyer les ballons vers l’avant et tenter de percer la défense anglaise.

Ensuite, et malgré l’absence de Chiellini, blessé, la défense a assuré : que ce soit dans la charnière, qui a bien protégé les buts de Buffon, ou les latéraux Abate et Balzaretti, qui savent autant se repositionner en défense que monter très haut pour soutenir l’avant, tout le monde a tenu son poste.

Enfin Buffon, sollicité dès les premières minutes de jeu, a été magistral, produisant des arrêts décisifs.

Mais l’Italie version 2012, c’est plus que de la technique : c’est un état d’esprit. De l’hymne national, chanté par les joueurs et tout le staff à fond les ballons, au comportement irréprochable sur le terrain, l’équipe a montré son caractère. Solidaire et unie, la Squadra Azzurra a tout mis sur le rectangle vert : ses tripes, et son cœur. Comment alors ne pas vibrer pour cette équipe ?

Hier, l’Italie a tout connu : les poteaux, la transversale, les immanquables manqués juste devant le but, les arrêts de Hart, … Mais elle n’a jamais lâché.

Mieux encore, elle a toujours été soutenue par son coach. Lorsque Balotelli manque sa première occasion, Prandelli lui glisse : « ça n’est pas grave, tu auras la suivante ». Qu’il n’a pas eue, mais qu’importe : le jeune joueur a persisté à tenter. Comme ses camarades. Personne n’a baissé les bras. Pas même après le but de Nocerino, finalement refusé pour hors jeu. Pas même à cause de la fatigue des prolongations. L’Italie a joué, de bout en bout.

Et s’est montrée vraiment solidaire. Deux exemples avec les explications données après le match par deux cadres de la Squadra Azzura.

Pirlo, troisième à tirer son pénalty – le moment charnière des tirs aux buts-, voit Joe Hart faire le malin dans sa cage. L’Italie compte alors un but de retard, à la suite du pénalty manqué de Montolivo. Expérimenté, Pirlo tente le coup très osé de la Panenka, à la fois pour calmer Joe Hart, et remotiver son équipe.

Et Buffon. Capitaine de l’équipe, il sait qu’il doit arrêter un pénalty pour sauver l’équipe. Ashley Young touche la transversale, les équipes ont donc chacune raté un pénalty. Nocerino a réussi le sien.

Il est désormais vital, pour l’emporter, d’en arrêter un. Conscient, Buffon prend ses responsabilités, et arrête le tir d’Ashley Cole. Derrière, Diamanti réussit son tir au but, et l’Italie est qualifiée.

Ensuite, et ça n’est pas un détail, Cesare Prandelli n’est pas du genre à se chercher des excuses : quel que soit le résultat, il assume. Les échecs comme les victoires. Quant aux joueurs, ils ont l’habitude de répondre à la presse, et de faire face aux critiques. Même lorsqu’il faut répondre à une armada de questions sur le calcioscomesse, le scandale des paris truqués, juste avant la compétition. J’ai bien tendu l’oreille : pas un « Ta Gueule » adressé à la presse… juste des joueurs effectuant parfois des mises au point, mais répondant aux questions dans le calme et avec détermination. Buffon, par exemple.

Sans être non plus toujours exempts de dérapages dans leurs propos dès que l’on sort du cadre du football : on se souvient de la sortie homophobe de Cassano sur l’homosexualité présumée de deux joueurs de la Nazionale.

Sur le terrain, il a aussi fallu l’intervention de Bonucci pour empêcher Balotelli de faire une Nasri après son formidable retourné placé au fond des filets, face à l’Irlande.  Reste que si Cassano et Balotelli sont deux cas difficiles à gérer, la gestion humaine de Prandelli aura permis de ne pas mettre en danger l’équilibre du groupe et de limiter ce type de débordements.

L’Italie a su se construire un collectif. Un groupe soudé, qui travaille dans une bonne ambiance malgré les caractères parfois difficiles de certains, dans une alchimie pas si évidente à trouver entre de très jeunes joueurs inexpérimentés et des cadres confirmés dont certains ont tout gagné – quatre champions du monde dans le groupe- pour afficher une véritable unité, y compris avec le banc, loin des préoccupations individualistes, dans l’objectif unique de gagner : en jouant avec le coeur.

La Squadra Azzurra, minée par des soucis d’ambiance en 2010, a retrouvé son âme.  Droit au coeur des tifosis, que la Squadra Azzurra sait soigner . Que ce soit individuellement, avec un Buffon qui galvanise les supporters via sa page Facebook, un modèle du genre, ou collectivement, à travers les séances d’entraînement en public ou les rencontres avec les joueurs.

Cerise sur le gâteau : les italiens ont décidé, par solidarité avec le peuple italien très touché par la crise, de ne pas toucher de primes : la fédération a donc décidé de les reverser aux victimes du tremblement de terre qui a touché l’Emilie Romagne juste avant la compétition. Une histoire de cœur…

Quoi qu’il arrive maintenant, l’Italie a déjà gagné son Euro. Parce que désormais, qu’elle gagne ou qu’elle perde, le défi a été remporté : cette équipe s’est reconstruite, et a su se transcender pour jouer avec le coeur.

Ce petit supplément d’âme qui fait la fierté des tifosi. Et au-delà de l’Euro, elle est sur les bons rails pour poursuivre ce travail en vue de la Coupe du Monde de 2014. Prandelli a réussi son pari. Reste maintenant à terminer cet Euro au plus haut… et à reconquérir des titres, jusqu’à accrocher, dans l’avenir, une cinquième étoile sur le maillot.