Chacun cherche sa droite

17 juin 2012. Les urnes ont parlé. La gauche a remporté ces élections législatives, dans la foulée de l’élection présidentielle. La droite, elle, a perdu. Lapalissade me direz-vous.

Non, elle a juste perdu. Elle n’a pas pris une énorme claque, puisqu’elle dispose de 226 députés (droite parlementaire). Le meilleur marqueur en est incontestablement le seul levier qu’il manque à la gauche : celle-ci ne dispose pas de la majorité des 3/5ème au Parlement, et ne pourra donc pas modifier la Constitution seule.

Pourtant, des claques, il y en a eu. Et des deux côtés. Les parachutés Ségolène (Royal) et Jack (Lang) ont échoué aux portes du palais Bourbon, obligeant la gauche à bannir le local ayant osé se maintenir en dissidence et dans le même temps, à revoir son casting pour le perchoir. A droite, les grandes gueules du sarkozysme ont trépassé : Nadine (Morano), Fredo (Lefebvre), Valérie (Rosso Debord), mais aussi Guéant, Vanneste, Garraud, Peltier.

Quelle meilleure situation la droite aurait-elle pu rêver au soir du 17 juin ? D’un côté, le PS doit gérer les suites d’une rocambolesque histoire personnelle mêlant fesses et twitter –le tweet vengeur de Valérie Trieweiler, première dame, encourageant l’opposant à l’ex du président, laquelle a perdu, quel vaudeville !- et de l’autre, la droite se retrouve débarrassée de certains personnages hauts en couleurs qui ont souvent porté atteinte à sa crédibilité. Voire à son pacte fondateur. A ses valeurs. Un sujet sur lequel l’UMP doit se pencher.

Hasard ou coïncidence, le calendrier l’impose. En effet, en novembre prochain, l’UMP réunira en congrès l’ensemble de ses adhérents pour se doter d’un nouveau chef de file, pour un mandat de 3 ans renouvelable. Voter pour un président, c’est bien, mais pour quelle vision de l’UMP ? Quelle philosophie ? Quelles valeurs ?

Avant de se choisir un chef, l’UMP doit se repositionner. Non pas, comme l’imaginent un peu simplement certains, en se mettant dans la roue du sarkozysme ou au contraire en se différenciant par la volonté de créer son propre courant, mais en s’interrogeant sur le sens de l’Union. Qu’est ce qui unit la droite parlementaire ? Quels en sont les contours ? Quelles en sont les frontières infranchissables ?

Autant de questions qui ont été mises en exergue par les deux scrutins qui viennent de se dérouler : la présidentielle, avec le rejet de la stratégie de dérive droitière de Nicolas Sarkozy, et la législative, avec l’échec des tenants de cette stratégie (à l’exception notable de certains ténors de la droite populaire, bien implantés dans le sud Est de la France).

Si l’échec de la droite aux législatives était prévisible, il aura au moins permis à l’UMP de gagner un temps précieux dans cette réflexion, car personne ne pourra contester ce bilan et la nécessité absolue d’en tirer les conséquences rapidement afin d’être opérationnels sur les nombreux scrutins de 2014. Désormais, il appartient aux ténors de se réunir, et de décider ensemble de la meilleure manière de se rassembler.

Mon petit doigt me dit depuis longtemps que ce n’est pas en se lançant dès la rentrée dans un affrontement sanguinaire entre Fillon et Copé –tous deux comptables de la stratégie qui a échoué- que l’on retrouvera un climat d’union. Leurs dérives guerrières ont parfois coûté des circonscriptions, et l’état de la fédération de Paris, en lambeaux, ne témoigne pas de leur grande capacité à diriger un parti dans le respect de l’Union. Mieux vaudrait qu’ils se refassent une virginité durant les trois prochaines années, avant de s’affronter –parmi d’autres- au sein d’une primaire qui ne fait plus guère de doutes.

Nombreuses sont les voix de droite, depuis ce matin, à sortir du bois pour défendre la primauté de la reconstruction sur la prochaine présidentielle : Baroin, Le Maire, Juppé, Raffarin, … Quoi qu’en pense encore le petit milieu politico-médiatique, en retard d’un temps faute de disposer du recul nécessaire, il devient de moins en moins probable que les deux aspirants compétiteurs Fillon et Copé, que chacun voyait s’affronter il y a quelques jours encore, ne soient les bons chevaux pour mettre en place la reconstruction de la droite.

La droite d’après

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, l’UMP n’a plus de tête. Ou plutôt elle en a plusieurs.

D’un côté Jean-François Copé, Secrétaire Général de l’UMP, et de l’autre, François Fillon, qui fut pendant 5 ans Premier Ministre. Mais aucun des deux n’est le leader naturel de la droite. Et rien ne dit que l’un des deux le deviendra. S’ils y aspirent, ils n’ont pour autant pas tous les atouts en main : l’un comme l’autre ont été nommés… et ne connaissent pas, pour l’instant, leur poids au sein du parti. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du monde en embuscade…

J’entends d’ici les pro Copé ou pro Fillon m’expliquer qu’enfin c’est évident… Probablement les mêmes qui se félicitaient en hurlant du sacre de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP en 2004, sans connaître les arcanes du vote. Oui, Nicolas Sarkozy avait obtenu 85,1% des suffrages exprimés, ce qui est un excellent résultat. Mais quid du poids dans l’UMP ? Alors que l’élection avait eu lieu dans un climat de pression incroyable, à grand renfort de promotion, seulement  62300 adhérents avaient choisi de voter, sur les 132922 à jour de cotisation. Soit 55% de participation.

Quant au vote blanc, nul ne saura jamais vraiment s’il était bien de 35,3% comme semblait l’indiquer le chiffre mystère de 64,7% apparu lors de la répétition générale la veille du congrès, un chiffre forcément issu du scrutin (la machine étant verrouillée) et qui ne correspondait ni à la participation, ni aux suffrages recueillis par un des candidats. Personne ne peut l’affirmer, mais si le vote blanc a atteint ce chiffre, le poids de Sarko était inférieur à 30%. Quoi qu’il en soit, le poids devait être bien faible pour que Sarkozy serre la vis si rapidement après son élection, et s’assure du soutien des cadres par la création d’une catégorie sur mesure : la représentation des nouveaux adhérents dans les instances internes.

Bref, à moins d’être installé dans le parti depuis des années et d’avoir su y tisser un réseau, notamment au fin fond des fédérations, il reste très compliqué de disposer d’un poids de taille. Et en la matière, ni Copé, ni Fillon, ne dispose du moindre début de commencement de légitimité. Parce qu’ils ont été nommés. Parce qu’ils ont fait la guerre. Parce qu’ils ont parfois été maladroits.

Copé, comptable de l’UMP

Copé, quant à lui, se heurte à un problème de taille. Bien qu’à la tête de l’UMP, il n’y est pas (encore) légitime, faute d’avoir été élu. Il pourrait se présenter au prochain congrès, mais a-t-il la poigne nécessaire ? Les débordements actuels démontrent qu’il est incapable de tenir cette famille politique. De plus, il ne s’est pas posé en chef de famille, et s’est fait imposer une direction collégiale pour mener la campagne des législatives. Une bataille sans chef de file. On pourrait appeler cela le rassemblement. Cela montre surtout l’incapacité de l’actuelle secrétaire général de l’UMP à se poser en patron, et à prendre ses responsabilités.

Enfin pour terminer, sa stratégie a toujours été de s’appuyer sur des élus qui lui doivent tout. Quels talents a-t-il fait émerger ? Oh certes, Copé a tenté d’acheter des soutiens, en nommant à droite à gauche des secrétaires nationaux, afin de les obliger. Mouais. L’armée mexicaine, ça dévalorise vite le poste, et ça ne permet pas de s’assurer un soutien fiable et durable. On ne peut pas dire que ses recrutements, à l’image de Valérie Rosso-Debord, aient vraiment été judicieux. Or ce sont autant de boulets qu’il n’a pas su gérer, et qu’il lui faudra traîner.

Quant à son réseau de députés, il est bien meilleur que celui de Fillon… et ne peut être considéré comme autrefois : on parle ici d’un réseau de députés dont il ne restera pas forcément grand-chose après les législatives, et qui en plus, est très volatile. Parce que le sarkozysme est mort entre temps. Et nombreux sont ceux à  suer en ce moment pour conserver leur circonscription, et avoir envie, une fois dans l’opposition, de donner de la voix. Encore un réseau finalement assez friable… Assez peu sur leur propre vote –le vote électronique ne garantissant pas l’anonymat, les cadres vont voter comme il faut- mais sur celui de leurs ouailles. Et c’est bien ce qui compte.

Sur le plan idéologique, il reste très marqué par des prises de positions très polémiques, qui entreront dans son bilan personnel, et peuvent froisser une partie des militants. En effet, Copé est intimement lié à ce que l’UMP a fait depuis qu’il en est le secrétaire général : qu’il le veuille ou non, il est comptable de toutes les polémiques qui ont émaillées la vie du parti. Et là encore, la preuve se fait par le contre exemple : entre 2005 et 2007, Sarkozy avait pris ses distances avec le gouvernement Chirac… justement pour se positionner pour la présidentielle.

Fillon, l’instable coucou

Fillon, lui, n’est hélas pour lui pas plus légitime, contrairement à ce qu’il imagine. Avoir été Premier Ministre est une qualité, mais est-ce suffisant ? En d’autres termes, qu’apporte-t-il de plus que Juppé ou Raffarin ? Rien. En revanche, il a de sacrés casseroles aux fesses. Première d’entre elles, sa passion pour la ventilation. Girouette de classe internationale, on l’a connu balladurien entre 1993 et 1995, devenu chiraquien en 2002 pour entrer au gouvernement, puis sarkozyste –et en opposition très marquée avec le gouvernement d’alors- lorsque Villepin ne l’a pas conservé en 2005. Il avait dit alors « Vous faîtes de moi le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy ». On a connue personnalité plus capable de rassemblement…

Non content de suivre son intérêt personnel au sein du parti, il fait de même pour ses aventures électorales : ça ne l’a en effet pas dérangé de quitter sa terre d’élection, la Sarthe, et sa circonscription qui menaçait de tomber à gauche, pour la confortable 2ème circonscription de Paris. Coucou dans le nid de Rachida Dati. On a connu personnalité politique plus courageuse… Mais à l’entendre, il l’a fait pour se présenter à Paris. Curieusement, il ne parle plus de la capitale : a-t-il enfin compris que briguer Paris lui barrerait la route pour 2017 ?

Et pourtant il devra y aller. Cet épisode l’oblige désormais à affronter la bataille de Paris en 2014, faute de quoi il passera pour le couard qui s’est mis à l’abri. Ce qui lui coupe sous le pied tout destin présidentiel : s’il n’ose y aller, il sera un lâche. S’il y va et perd, il aura été incapable de remporter une bataille capitale (sic !) et s’il gagne, il ne pourra abandonner les parisiens pour mener les troupes en 2017. Le piège s’est refermé. A moins qu’il ne soit pardonné, mais en échange de quoi ? Rien n’est jamais gratuit. Fillon, donc, n’est pas en position de force.

Qui d’autres ?

Enfin, il se pourrait que d’autres prétendants apparaissent. Les observateurs aiment à commenter les faits comme étant joués, mais c’est oublier un peu que l’UMP est une machine complexe qui obéit à d’autres principes que ceux qui ont été montrés sous l’ère Sarkozy. L’UMP, c’est d’abord un projet d’union entre les composantes républicaines de la droite et du centre (droit), quelque chose dont on n’a plus entendu parler depuis de nombreuses années. Mais l’UMP a-t-elle vraiment renoncé à incarner ce projet ? Bien que certains aient cédé à l’appel des sirènes centristes, rien n’est moins sûr. C’est justement l’un des enjeux qui attend l’UMP de demain : faire sa mue, dans un sens… ou dans l’autre.

Rien n’est donc joué que ce soit entre Copé et Fillon… ou d’autres prétendants. Le mandat de président de l’UMP est de 3 ans. Si la droite renonçait enfin à être la plus bête du monde, elle pourrait profiter de ce mandat 2012-2015 pour remettre de l’ordre dans le parti, dans les fédérations, dans les statuts –avec notamment, la mise en place éventuelle d’un ersatz de courants, et des primaires pour la désignation du candidat-, retravailler la ligne politique de l’UMP qui s’est bien éloignée pendant 5 ans de la charte des valeurs de l’UMP, …. Ce mandat de 3 ans devrait, si la droite était maligne, être confié à une personnalité de droite indiscutable en interne, crédible, et surtout, qui ne soit pas candidate pour les présidentielles de 2017.

Et des personnalités de ce type, il en existe dans l’UMP. Elles pourraient même, ensemble, former un ticket Président-Vice Président-Secrétaire Général. Sauf que pour qu’elles se présentent, il faudrait une paix armée. Une paix que toutes les tendances s’imposeraient, en acceptant de reporter la grande baston de 3 ans, au moment des éventuelles primaires.

Copé et Fillon seront-ils assez intelligents pour choisir cette option ? L’attrait du pouvoir étant ce qu’il est, rien n’est moins sûr. Mais la possibilité existe. Et les autres prétendants aux primaires de 2017 pourraient bien être intéressés par cette perspective. Sans parler des tendances oubliées sous le sarkozysme, qui n’ont pas vraiment envie de voir les mêmes se comporter de la même manière. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en la matière, il n’y a que les héritiers directs du sarkozysme pour penser que tout est écrit.

L’avenir immédiat

Et pourtant, l’UMP devra rapidement se trouver un chef. Et plus rapidement qu’il n’y paraît aux yeux des observateurs néophytes. En effet, les statuts de l’UMP prévoient un congrès en novembre pour désigner le nouveau président de l’UMP. En 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu pour un mandat de 3 ans qui prévoyait alors une nouvelle élection à la fin de l’année 2007. Soucieux de ne pas trouver à la tête du parti un opposant qui aurait pu se comporter avec lui comme il l’avait fait avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy avait fait procéder à une modification des statuts, qui prévoyaient, à l’article 48, une disposition transitoire instaurant un secrétariat général pour la durée du quinquennat. Nicolas Sarkozy n’étant plus président de la République à compter du 16 mai prochain, l’UMP se trouve dans l’obligation de procéder à l’élection d’un nouveau président.

Si François Baroin a annoncé qu’il n’y avait aucune urgence à convoquer un congrès avant l’été, ça n’est pas, contrairement à ce qu’ont pu penser ceux qui ne connaissent pas l’UMP sur le bout des doigts, pour renvoyer l’élection à plus tard. C’est tout simplement parce que le congrès n’est pas prévu avant… et que le processus de l’élection du président ne permet pas de l’anticiper. L’articles 26 des statuts précise que « Le Président de l’Union est élu au suffrage universel, par l’ensemble des adhérents, au scrutin majoritaire à deux tours ; les modalités de vote sont définies par le Règlement Intérieur. »

Mais les conditions de cette élection sont déterminées très précisément par le Règlement Intérieur de l’UMP. L’article 26 nous apprend ainsi que les candidatures doivent être transmises 2 mois au plus tard deux mois avant le scrutin, et disposer du parrainage de 3% des adhérents à jour de cotisation. Ces éléments posés, il devient donc strictement impossible d’anticiper l’élection avant l’été. En revanche, pour être dans les temps prévus par les statuts et permettre à l’UMP de disposer de son président en novembre, il faut que les candidatures soient parvenues aux instances en charge de l’élection au plus tard mi-septembre… et donc lancer le processus de parrainage au cours de l’été. Exactement comme en 2004.

Pour y échapper, il ne reste que deux possibilités : ne pas respecter les statuts, ou convoquer un conseil national modifiant le règlement intérieur pour permettre de reculer le congrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’UMP se montrerait incapable de respecter ses institutions, ce qui aurait un retentissement important sur son image… à un moment où le parti tangue déjà. Et cela affaiblirait encore plus Jean-François Copé. Nul n’ayant intérêt à reculer l’échéance, l’UMP devrait logiquement convoquer un conseil national juste après les législatives, et lancer le processus, en informant les adhérents.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, j’ai décidé de reprendre ma carte à l’UMP. En effet, le règlement intérieur est clair : « figurent sur les listes électorales, les adhérents à jour de cotisation au 31 décembre et au 30 juin précédant le scrutin. » Si les adhérents 2011 pourront renouveler leur cotisation jusqu’au vote, tous les autres devront, pour figurer sur les listes, être adhérents au 30 juin. Or par définition, les non adhérents n’ont pas à être informés. Il est donc important que les sympathisants de droite qui souhaitent participer à la reconstruction de l’UMP et porter leur voix pour déterminer à quoi ressemblera la droite de demain (union de la droite et du centre, ou dérive droitière ?) doivent absolument prendre leur adhésion avant le 30 juin. Même s’ils ne seront pas décisionnaires sur les candidatures qui elles, seront certainement l’objet de discussions entre les intéressés…

Un fait divers, une loi*

Il n’aura pas fallu longtemps pour que le gouvernement s’empare du drame de la petite Agnès, ado violée puis tuée et brûlée par un de ses camarades d’internat, qui a déjà, semble-t-il, commis un viol sur mineur l’année passée.

Je mets même ma main au feu qu’une QAG sera posée demain à l’Assemblée, pour lancer la promo du projet de loi de programmation judiciaire qui a été annoncé ce soir par le Garde des Sots Sceaux.

Sur cette affaire, on a tout entendu, et notamment que le jeune homme était récidiviste. Si ce fait semble avéré, il n’en reste pas moins qu’il est juridiquement faux : la lenteur de la justice aidant, le jeune assassin n’a pas encore été jugé pour le premier viol, et il n’a donc pas été condamné. En l’état, on ne peut pas parler de récidive sur le plan juridique.

Accessoirement, ce meurtrier reste un justiciable. Qui a des droits. Parmi ceux là, le droit au respect du secret de l’instruction. Il est donc naturel qu’il n’ait pas été fait de publicité autour des actes commis. Qui s’intéresse aujourd’hui à lui accorder un procès équitable, alors que les droits de la défense sont foulés au pied ?

Alors certes, l’on aurait pu estimer que l’école aurait du être informée, étant donné que l’acte commis préalablement  concernait une mineure. Et pourtant que c’était parfaitement contraire au secret de l’instruction. Restait alors le rapport entre les parents et l’établissement. Sur ce point, il semble que le projet pédagogique de l’établissement était justement d’accueillir un public en difficulté, sans questionnement. Dès lors, l’Etat n’a pas à s’en mêler.

Sarkozy, fan de Minority Report

Et pourtant, moins de 48h après, il s’en mêle. Par la voix du gouvernement, qui propose un projet de loi de programmation judiciaire pour prévenir encore plus fortement les cas de récidive… sur la base de ce faits divers particulier. Cela pose question.

Voici les dispositions qui ont fait l’objet d’une publicité ce soir, par la voix du Premier Ministre et du Garde des Sceaux, sans que ne soit disponible à cette heure le Projet de Loi qui sera soumis au Parlement

  • Les inscriptions dans les établissements scolaires seront soumises à information complète préalable. Et hop, une petite mesure liberticide de derrière les fagots… Non seulement ce gouvernement voulait déjà ficher les gosses dès la maternelle, mais maintenant, avant de les inscrire, il faudra tout savoir sur eux.
    Ceci constitue un grave manquement au secret de l’instruction comme au secret médical, et cela entraînera, selon les magistrats, des refus de scolarisation pour des cas pourtant tout à fait réinsérables. Ou comment ce fait divers est utilisé pour la mise en place d’une politique ultra sécuritaire, à base de fichage généralisé. Big Brother is watching your kids
  • Tout mineur commettant un crime sexuel grave devra obligatoirement aller dans un centre éducatif fermé. Parce qu’un ado n’a pu maîtriser ses pulsions, et a commis un crime odieux, tous les autres mineurs commettant un acte gravissime, certes, sera marqué au fer rouge, et n’aura pas la chance de pouvoir intégrer un cursus scolaire classique, qui les préparerait pourtant à la vie dans la société.Juste une question : après le centre éducatif fermé, on en fait quoi ? On les met en prison ? Pour quel avenir ? Est-ce notre projet de société que de rejeter quiconque a commis une faute grave, sans offrir aucune possibilité de rédemption et donc, de réinsertion ?
  • L’évaluation de la dangerosité de ces mineurs auteurs de crimes sexuels sera renforcée. Si la volonté d’éviter la récidive est louable, les magistrats soulignent qu’aucun psychiatre ne peut prédire toutes les récidives et que, quelle que soit la durée d’incarcération, l’intensité du suivi ou les dispositifs, le risque ne peut être totalement éliminé. Faire croire le contraire à la population serait purement démagogique.

Ou quand le principe de précaution, pour éviter la récidive, transforme notre société en Minority Report : tous les criminels seront considérés comme des potentiels criminels à vie.

Ou comment le pouvoir instrumentalise un fait divers terrible pour se livrer à une politique ultra-sécuritaire, et donner encore un peu plus de pouvoir à Big Brother.

S’interroger, pour vivre son émotion

Il est normal que la société s’interroge sur la réponse à apporter face à un pareil cas. Le meurtrier, après quatre mois de préventive, a été soumis à un contrôle judiciaire, visant à lui assurer les meilleures chances de réinsertion. Ce contrôle imposait l’inscription dans un internat. Etait-ce une erreur ? Si oui, vient-elle de la justice, ou de la psychiatrie qui l’a recommandée ?

Il est normal que les citoyens s’interrogent sur cet odieux crime, et cherchent à savoir si on aurait pu éviter la mort de cette jeune fille. Il est naturel qu’ils s’interrogent sur leur propre réaction par rapport à leurs enfants, qu’ils soient le fils meurtrier ou la fille assassinée. Comment réagirait-on si l’un de ces deux ados était notre enfant ?

Mais il est anormal que le pouvoir politique apporte une réponse en 48 heures, sous le coup de l’émotion, au prétexte d’une émotion populaire qui n’exprime même pas une pression sur le pouvoir politique, le tout sans avoir pris le temps d’une réflexion raisonnée sur le sujet. Ca n’est pas le rôle de l’Etat que de répondre à un crime par une loi de programmation judiciaire à partir d’un fait divers unique.

Que dit le droit ?

Revenons aux fondamentaux. Qu’est-ce que la loi ? Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la loi est l’expression de la volonté générale ». En ce sens, la règle de droit n’est pas l’expression de la volonté plus ou moins arbitraire du chef mais elle résulte de la volonté générale. Le véritable auteur du texte juridique n’est donc pas une personne physique (la personne qui le signe) mais une personne abstraite (le peuple), une notion. Cette volonté ne peut s’exprimer que par un texte neutre.

Le droit n’a pas pour objectif de réduire à zéro la délinquance. En effet, les règles de droit sont transgressées en permanence, car l’être humain est libre et si on supprime la liberté, on supprime l’être humain. On ne peut donc pas tout contrôler, par principe. De plus, en pratique, l’Etat n’a pas les moyens de tout contrôler. Le rôle de l’Etat se résume, en revanche, à ne pas renoncer (sauf à prendre le risque de disparaître lui-même) et  à tenter de faire respecter le droit.

Mais surtout, ces textes ont une portée générale et sont applicables à tous, ou plus précisément à toutes les personnes qui composent des catégories prévues par ces textes. Ces catégories sont bien entendu toujours abstraites, elles ne visent jamais personne en particulier, mais un groupe de gens. Cette portée générale permet le respect du principe d’égalité que l’on trouve également dans l’article 5 de la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Elle (la loi) doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

Ne pas ériger le cas particulier en cas général

Or dans le cas de ce faits divers, nous sommes dans un cas très rare.  Et cette loi de programmation judiciaire prend justement pour cadre ce fait divers unique, pour l’étendre à toute une catégorie de criminels, et les écarter de la société au nom du sacro-saint principe de précaution.

Quitte à ce qu’il viole, dans ce cas, les droits du justiciable, et renforce la stigmatisation de ceux qui n’ont pas commis de tels actes, mais qui subiront les effets de la loi visant ce cas particulier. Ou quand la manipulation politique à des fins électoralistes, en usant de la thématique sécuritaire, tue le droit.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

2ème circo de Paris : le camp Fillon jette de l’huile sur le feu

Rien ne va plus à l’UMP ! Le parti majoritaire s’est trouvé un nouveau terrain de bisbilles, dans la 2ème circonscription de Paris, avec la guéguerre que se livrent François Fillon et Rachida Dati. Et ça n’est pas près de s’arrêter.

Comme je l’avais déjà expliqué, les deux élus se livrent à une querelle de chiffonniers pour savoir lequel emportera l’investiture de l’UMP pour mener le combat lors des prochaines législatives. Si François Fillon se revendique de son actuelle fonction de Premier ministre –qu’il ne sera plus au moment de se présenter devant les électeurs- pour préempter le soutien de l’UMP, il n’en reste pas moins un parachuté.

Tout comme l’était Rachida Dati lorsqu’elle a pris la mairie du 7ème en 2008. Reste qu’elle y est désormais installé, et qu’il semble plutôt légitime qu’elle souhaite s’ancrer dans son territoire : si en plus les parachutés ne doivent être que de passage, les parisiens se sentiront-ils un jour représentés ?

Cette semaine, Rachida Dati a retiré leurs délégations à deux de ses adjointes fillonistes, au motif qu’elles se sont abstenus de voter le budget… budget d’ailleurs renvoyé en seconde lecture, tous les détails sont dans cette note de Romain.

De prime abord, on peut penser que c’est une provocation de la part de Rachida Dati. Et pourtant, la maire du 7ème arrondissement a raison. De tous temps, en politique, la ligne de partage entre majorité et opposition a été le vote du budget.

Dès l’instant où ses propres adjointes ne le votent pas, elles se placent dans l’opposition. Si elles persistent dans ce choix en seconde lecture, elles auront alors officiellement constitué une opposition Filloniste au sein de l’équipe municipale du 7ème arrondissement. Rachida Dati a donc parfaitement raison de les sanctionner. Et cela ne signifie ni plus ni moins que les fillonistes sont désormais dissidents divers droite au sein de cette majorité UMP. Et Fillon veut l’investiture ? Laissez moi rire…

Mais l’UMP étant créative, ça n’est pas le seul incident de la semaine, et c’est encore le camp Fillon qui s’illustre, par la voix de Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement.

Dans une interview accordée au site Election Politique par César Armand, l’élu parisien s’en prend à Alain Lambert. L’ancien ministre du budget dans le gouvernement Raffarin, ancien sénateur ayant renoncé à son mandat pour rejoindre une haute juridiction, et actuel président du conseil général de l’Orne, a en effet déclaré sa candidature, souhaitant « renouer avec un débat démocratique apaisé et construit ».

Mais voilà, cette initiative n’est pas du goût des fillonistes, déjà en proie à la candidature de Rachida Dati. Interrogé sur Alain Lambert, Jean-François Legaret a commis un nouveau faux pas, en déclarant : « Je trouve cela bien saugrenu », avant de préciser son sentiment sur cette candidature : « Je crois, au contraire, qu’il va compliquer les choses ».

Saugrenu ??? Quelqu’un peut-il, en outre, informer Jean-François Legaret du parcours politique d’Alain Lambert ? Qu’il ne s’agit en aucun cas d’une candidature gaguesque, mais bien d’un homme politique aguerri –certes, qui ne se bat plus pour obtenir un poste à tout prix- et qui, au passage, a lui, réussi à devenir parlementaire –là où Jean-François Legaret a échoué- et même ministre, un poste pour lequel le maire du 1er arrondissement n’a jamais été positionné ? Et il ose trouver la candidature d’Alain Lambert saugrenue ? Quel manque de respect de la part de l’élu local !

Alain Lambert, lui, a préféré, dans sa réponse à Jean-François Legaret, ne pas céder à cette provocation, et faire preuve de responsabilité : « Comme vous le savez, j’appartiens au courant personnaliste des centristes et je m’intéresse à tenter de réunir un corpus de pensée sur la personnalisme communautaire dans un monde ouvert, en Europe et dans le Monde. Le sujet est passionnant et nous élève un peu l’esprit par rapport aux querelles de boutiques propres à la politique politicienne». L’ancien ministre du Budget n’a, il est vrai, pas la pression pour l’emporter. Ses compétences ne sont plus à démontrer, sa carrière politique est derrière lui, et son offre n’en est emprunte que de plus de sincérité.

Vu le sérieux de son profil, l’on peut aisément comprendre que la troisième voie qu’il propose ne puisse agacer.

Et pourtant, ce sont bien Rachida Dati et François Fillon qui ont les cartes en main.

S’ils cessent leurs querelles et parviennent à proposer un choix probant aux électeurs de la 2ème circo de Paris, Alain Lambert pourrait ne pas aller au bout.

Mais si la politique politicienne persiste à envenimer le débat, l’ancien ministre du Budget constituera une alternative de choix aux électeurs qui seraient plus intéressés par la politique, au sens noble du terme, que par des querelles de basse-cour dignes de Dallas. C’est donc bien la qualité du débat proposé par le(s) candidat(e-s) UMP qui déterminera le choix d’Alain Lambert d’aller au bout ou pas.

Et pour l’instant, les derniers épisodes du feuilleton ne font que confirmer la nécessité d’une alternative. Cette nouvelle incartade du camp Fillon démontre une fois de plus la suffisance de ses partisans, qui veulent s’assurer d’un résultat acquis pour leur champion avant que l’élection n’aie lieu, et s’offusque donc que quiconque, fusse en dehors de leur parti, ose se présenter devant les électeurs sans être immédiatement taxé d’être un fauteur de troubles.

Nan mais franchement, quelle idée d’oser mettre des candidats qui pourraient l’emporter face au Premier ministre !

Non seulement il quitte son fief de la Sarthe –où sa réélection n’est pas assurée- pour se trouver une petite circonscription bien à droite en théorie facile à conquérir, ce qui ne démontre pas d’un tempérament très combattif pour un Premier ministre, mais en plus, il faudrait qu’il soit seul à concourir ?

Jusqu’ici, nous avons donc un candidat Premier ministre bien décidé à obtenir de force une investiture, afin d’obtenir une circonscription confortable et trouver ainsi un point de chute loin de son fief mis en péril, si possible sans candidat en mesure de croiser le fer, et aux prix de toutes les querelles possibles et imaginables avec les autres prétendants aux suffrages. En effet dans ce feuilleton peu ragoûtant, c’est encore lui qui met le feu à la circonscription.

République exemplaire, qu’ils disait… Pour le moment, la 2ème circonscription de Paris est plutôt en proie au fait du Prince, sous prétexte qu’il serait naturel que le Premier ministre soit non seulement le candidat officiel de l’UMP –alors qu’il pourrait y avoir une primaire- mais maintenant, l’Elu. Et bien non, ce choix revient aux électeurs de cette circonscription. Et choix il ne peut y avoir qu’en présence de plusieurs candidats, fussent-ils également de droite.

Rigueur et décadence

Depuis une dizaine de jours, le gouvernement prépare les français à l’annonce d’un nouveau plan de rigueur, deux mois à peine après le précédent. Une communication aux accents de véritable version orale de la vaseline.

C’est Nicolas Sarkozy qui a lancé le sujet, lors de son SarkoShow destiné à expliquer au bon peuple comment il a sauvé le monde. Tout en expliquant que les mesures seraient annoncées après le G20. Mais pas par lui. Par le préposé aux mauvaises nouvelles : François Fillon.

Car le Premier ministre ne sert qu’à cela : gérer tout ce qui ne met pas en bonne posture le-candidat-qui-n’est-pas-encore-candidat-mais-en-fait-si –d’ailleurs dès cette semaine il fera non plus deux mais trois déplacements en province par semaine, histoire de flatter le bon peuple-, et se cramer à la place de celui qui décide de tout. Pourtant, le Premier ministre n’est plus vraiment aux affaires. La preuve, il intervient peu dans la vie politique, et semble plus préoccupé par son parachutage dans la 2ème circonscription de Paris pour les prochaines législatives. Reste que c’est lui qui est mandaté pour le sale boulot.

Bref, aujourd’hui, le Premier ministre a mis son costume sombre de croque-mort, pris son air le plus grave version On va tous mourir, et nous a expliqué le plus sérieusement du monde son objectif –enfin, celui de Sarko : « Protéger les Français contre les difficultés que traversent certains pays européens », avant de donner le ton du plan à venir : « L’effort budgétaire et financier d’aujourd’hui est un choix que nous faisons pour la nation et pour les générations à venir».

Ne riez pas. Le Premier ministre, en poste depuis 4 ans et demi, vient juste de réaliser que vivre à crédit constitue une « spirale dangereuse ». Soit cet homme est sincère, et n’a aucune base en économie. Soit il se paye franchement notre tête. Dans les deux cas, il y a urgence à s’en séparer au plus vite.

En chiffres

L’heure est grave. Face à la crise de la Zone Euro, avec la Grèce au bord de la faillite, et l’Italie qui commence à flancher, la France entend bien conserver son triple A, à tout prix. Cette conférence de presse anxiogène du Premier ministre commence donc par un cocktail d’anxiolytiques et d’anti-dépresseurs de chiffres tous plus indigestes les uns que les autres, pour que chacun comprenne que désormais, on ne rigole plus : la pompe à fric est à l’arrêt.

« Pour arriver à zéro déficit d’ici 2016, ce qui est notre objectif, il faudra économiser un peu plus de 100 milliards d’euros ». 100 milliards d’euros. Le précédent plan de rigueur, qui date d’il y a deux mois, a peiné à trouver 11 milliards d’euros. Et celui-ci le complète, pour arriver à un total de 18,6 milliards d’euros. En 5 ans, on sera grosso modo à 65 milliards d’euros, soit en ajoutant des mesures, soit grâce à une hypothétique croissance. Tout ça n’est pas bien précisé. Pour les 35 milliards restants, soit 1/3, aucune réponse. Autrement dit en 2016, on ne pourra être au déficit zéro. Ca n’est pas moi qui le dit…

« Au final, alors qu’entre 2007 et2012 la crise aura contribué à creuser le déficit de 75 milliards d’euros, ce que même l’opposition reconnaît, grâce aux réformes et aux économies que nous avons engagées, le déficit n’augmentera, sur le quinquennat, que de 36 milliards d’euros ». C’est la faute à la crise, refrain bien connu. Sauf que le déficit budgétaire était estimé fin août 2011 à 102,8 milliards d’euros, alors qu’il était de 42 milliards en 2007. Autant dire qu’en faisant un effort de 36 milliards, on n’atteindra jamais que 65 milliards d’euros de déficit, soit sur le quinquennat un déficit multiplié par 1,5. Hum. Lorsque l’on sait que l’explosion du déficit n’est lié que pour 1/3 à la crise, on aura finalement… réduit la part liée à la crise. Comment dire ?

« Nous avons des objectifs et un calendrier intangibles : en 2012 nous ramènerons notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, à 3 % en 2013, à 2 % en 2014, jusqu’à l’équilibre qui doit être atteint en 2016 ». Le gouvernement, qui a creusé le déficit de 75 milliards d’euros, se permet de prévoir un plan jusqu’en 2016… sans être certain d’être encore au pouvoir dans 7 mois. Ou comment donner des leçons aux éventuels successeurs, qu’ils n’ont pas appliquées eux-mêmes.

Cette intolérable suffisance d’un pouvoir qui se prétend le seul à pouvoir régler la crise laisse apparaître la première marque de la campagne électorale dans cette conférence de presse : par ce plan, le Premier ministre ne fait que dérouler son projet économique pour la France, et les solutions qu’il entend appliquer sur le prochain quinquennat. Ou du mélange des genres en cette période pré-Présidentielle…

Les mesures

Ces nouvelles mesures s’ajoutent à celle du précédent plan de rigueur, présenté par le Premier ministre le 24 août  dernier, dont la fameuse taxe Coca et l’augmentation des taxes sur le tabac. Au programme, la réduction des dépenses publiques : l’Etat réduira son train de vie de 1,5 milliards d’euros au lieu des 1 millions prévus. Mais aussi des augmentations d’impôts, pour engranger de nouvelles recettes.

Indexation des prestations sociales sur la croissance et non plus sur l’inflation. Une arnaque en puissance. En effet, l’inflation explose, entraînant une hausse mécanique des prestations sociales, ce qui coûte cher à l’Etat. La croissance, elle, n’est pas au rendez-vous. Ce qui permet de ne pas augmenter les prestations sociales, et de réduire les dépenses de santé de 700 millions d’euros. Les pensions de retraites ne seront pas diminuées, tout comme le RSA, le mini vieillesse, l’AHH, l’ASS.

Coup de rabot sur les niches fiscales, dont la suppression en 2013 du dispositif Scellier sur les investissements locatifs, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf et une diminution du  crédit d’impôt développement durable. La suppression des niches sélectionnées représente une économie de  2,6 milliards d’euros. Ces dispositifs touchent essentiellement les ménages. Tout en diminuant très fortement les mesures favorisant l’accession à la propriété. Apparemment, le président candidat ne rêve plus à une France de propriétaires. Le détricotage de son quinquennat continue : encore une mesure à supprimer d’un bilan décidément de plus en plus light

A noter que la niche Copé, qui exonère d’impôt sur les sociétés (à 33,3%) les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales (holdings) en cas de vente de leurs filiales ou titres de participation détenus depuis plus de deux ans, n’est pas concernée. Le manque à gagner en terme de recettes fiscales est pourtant estimé à 22 milliards d’euros sur 3 ans, entre 2007 et 2009, soit environ 8 milliards par an. Autrement dit, le montant qui était recherché… L’exonération des heures supplémentaires, mise en place par la loi TEPA, est également maintenue.

Hausse du prélèvement libératoire sur les dividendes et intérêts de 19 à 24%. Ainsi, quelle que soit l’option choisie par le contribuable entre prélèvement libératoire ou taxation au barème de l’impôt sur le revenu, l’imposition sera la même. Une des trop rares mesures touchant aux revenus du capital, l’essentiel de l’effort étant supporté par les revenus du travail.

Retraite à 62 ans dès 2017. Initialement prévue pour 2018, la mise en place de la retraite à 62 ans sera effective un an plus tôt. Vu le nombre de séniors au chômage, il est illusoire d’imaginer maintenir un tel dispositif sans le coupler à un plan en faveur de l’emploi de cette catégorie d’âge. Les pensions, elles, ne seront pas diminuées. Pas question de fâcher les retraités, un électorat favorable au président-candidat.

Surcote de 5% de l’Impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le CA est supérieur à 250 millions d’euros. Son rendement représentera 14% de ces nouvelles mesures d’imposition.

Gel du barème de l’ISF, de l’IR, et des successions et donations, qui restera identique au taux 2010. Cette mesure rapportera 3,4 milliards d’impôts, les foyers dont les revenus augmentent passant, pour une partie d’entre eux, dans la tranche supérieure. A noter que le simple fait de geler ces barèmes alors que l’inflation devrait atteindre 2,2% revient à augmenter mécaniquement les impôts pour tous ceux qui en paient.

Hausse de la TVA de 5,5 à 7% sauf pour les produits de première nécessité (produits alimentaires, abonnements au gaz et à l’électricité ainsi qu’à des réseaux de fournitures d’énergie, équipements et services à destination des personnes handicapées). La TVA sur la restauration, y compris sur la restauration rapide, sera donc relevée. Encore un point du bilan de Sarkozy qui part au panier. Selon le Premier ministre, cela permet d’être au niveau de l’Allemagne, et constitue un premier pas vers l’harmonisation fiscale. Hum, ça permet surtout de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, inutile de mettre un ruban autour du papier cadeau…

Limitation des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5% le plafond des dépenses prise en charge et la dotation d’Etat aux partis politiques. Cette mesure symbolique vise à donner l’exemple en mettant la classe politique à contribution. Un cache misère de plus. Car les premiers à subir cette réduction seront les petits partis, et cela impactera directement la campagne présidentielle de 2012.

A titre personnel, je suis très défavorable à cette mesure : si l’Etat finance les partis politiques, c’est pour éviter le financement de la vie politique par d’autres acteurs économiques. Si les gros partis réalisent de nombreuses dépenses, notamment de communication, qui pourraient être réduites, ce n’est pas le cas des plus petites formations. Qui elles, vont perdre de précieux financements. Et pendant ce temps, l’Elysée et Matignon continuent de commander des sondages sur les deniers de l’Etat. Insupportable double discours…

Gel des salaires des ministres et du président de la République jusqu’à l’équilibre. Selon le Premier ministre, « Tous ceux qui ont des responsabilités doivent être exemplaires». Gel des salaires ? Gel du salaire du président ? Du président qui s’était augmenté de 140 % ? Il n’aurait pas pu le baisser un peu, même s’il aurait été carrément classe de revenir au niveau de 2007, avant l’augmentation de 140 % ? Et François Fillon ose dire que c’est une mesure symbolique visant à donner l’exemple ? Symbolique, c’est certain. Exemplaire, c’est nettement moins le cas…

A titre de comparaison, en Espagne, Zapatero avait baissé son traitement et celui de ses ministres de 15%. Enfin cerise sur le gâteau, Le Monde rappelle dans son édition d’aujourd’hui que cette mesure est déjà appliquée, et ne constitue donc pas une baisse des dépenses. Ou comment laisser penser aux Français que tout le monde se sert la ceinture, alors que seuls les ménages vont supporter le poids de ces nouvelles mesures.

Rigueur vs Croissance

En 2007, Fillon avait commencé le quinquennat en disant : « Je suis à la tête d’un Etat en faillite ». Il l’achève de la même manière. Bilan : il aura attendu 4 ans et demi pour prendre des mesurettes, surtout sans toucher aux grosses niches, et après avoir bien augmenté les dépenses pendant les trois premières années du quinquennat, et en détricotant aujourd’hui une large partie de ses réformes. Tant et bien que Sarko va demander aux Français de le reconduire… alors qu’il n’aura quasi aucun bilan à son actif. Si ça c’est pas du foutage de gueule… En parallèle, celui qui voulait être le président du pouvoir d’achat renonce à sa dernière marotte. Les Français, c’est certain, devront faire des sacrifices.

Aussi, il est tout de même étonnant de voir le Premier ministre de positionner en protecteur, alors que ses mesures mettent à mal le modèle social. En effet, les mesures annoncées pèseront, selon le Monde, à 86% sur les ménages : sur 7,9 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, 5 seront prélevés directement sur les ménages, et 6,8 si l’on intègre la hausse de la TVA… une taxe étant un impôt indirect. Justice sociale ? Pas franchement ! Pas sûr non plus que ce soit un pari gagnant pour les élections. Or quoi que Fillon prétende, l’UMP est bel et bien entrée en campagne.

En juin, le gouvernement annonçait que la croissance était « acquise » à 1,5% pour 2011. Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy lui-même a annoncé qu’elle serait autour de 1%. Ce matin, François Fillon annonce que « les objectifs de croissance seront tenus pour cette année ». Avant de confirmer en fin de phrase que pour 2012, il n’est pas devin. Or ce plan de rigueur peut avoir un effet négatif sur la croissance, étant donné que ce sont les ménages qui vont en absorber l’essentiel : en se serrant la ceinture, ils vont fatalement freiner leur consommation, et donc la relance…

Et c’est bien la critique que lui adressent les socialistes, en pointant qu’il aurait été préférable de favoriser la consommation des ménages. Sans tomber dans l’excès inverse, il est certain qu’il eût été plus probant d’équilibrer le poids des efforts, au lieu d’en faire porter l’essentiel sur les ménages. Et d’avoir le courage politique de réaliser de vraies réformes, en supprimant certaines niches très coûteuses, et en taxant non seulement les revenus, mais aussi le capital, dans une plus large mesure.

Autant dire que ce plan ne sera probablement pas suffisant, et permettra de ne sauver le AAA que temporairement. Quoi qu’il arrive, il faudra envisager de nouvelles mesures plus ambitieuses et aller chercher l’argent là où il se trouve, au lieu de faire supporter aux ménages le poids de l’effort, au risque d’attaquer si fortement le pouvoir d’achat qu’il leur sera impossible de consommer. C’est le défi que devra relever le prochain président de la République, si la situation de la France ne s’aggrave pas d’ici là.

La campagne qui s’annonce sera donc très fortement marquée par cette thématique, et les programmes des différents partis devront émettre des propositions durables. Force est de constater que la nécessaire justice fiscale, qui permet la justice sociale, n’est pas au programme du gouvernement, ni du projet de la droite pour la Présidentielle, qui nous a été présenté aujourd’hui. Rendez-vous au printemps pour savoir ce que les Français en pensent !