Villepin se rêve champion de France*

Villepin. Depuis deux ans, l’ancien Premier ministre souffle le chaud et le froid sur une éventuelle candidature à la présidentielle.

Il a d’abord fondé un Club, pour réunir ses sympathisants, puis un parti, République Solidaire, avant de le quitter quelques jours après sa relaxe définitive dans l’affaire Clearstream, laissant ses troupes esseulées. Avant d’annoncer ce dimanche sa candidature, prenant tous les pronostiqueurs à rebours.

Villepin. Le flamboyant. L’ancien international en fin de carrière tentant de mener son équipe en finale de la Coupe de France, mais n’offrant plus assez de résultats pour que quiconque parie un kopeck dessus. Que la phase de qualifications fut longue et pleine de contre performances ! Des succès, il y en a eu, mais ils remontent à loin, et depuis le 19 juin, République Solidaire s’était enfoncée, traversant une longue période sans victoires, entre matchs nuls et défaites.

Car le club de Villepin, bien qu’étant passé pro avec République Solidaire, n’a pas tous les atouts, et frisait la descente en Ligue 2. Déjà, son équipe est composée de jeunes pousses, dont la plupart viennent de la politique de salons, et n’ont même pas joué en CFA. Faute de temps de jeu suffisant, cette équipe est difficile à motiver et à mener pour le libéro de République Solidaire, qui joue souvent seul contre tous.

Alors que plus personne n’attendait un résultat, le numéro 10 a fini par marquer. Il aura fallu attendre les arrêts de jeu et une faute peu évidente du camp adverse pour obtenir un coup franc idéalement placé, dans la ligne des 16 mètres, sous les caméras de TF1. Du pied droit, l’ancien Premier Ministre a envoyé un véritable boulet de canon dans les cages de Nicolas Sarkozy, qui n’a rien pu faire face à la puissance de ce tir. Le mur, lui, en est resté pantois. Contre toute attente, Villepin a marqué des points, se qualifiant les 1/8ème de finale de cette Coupe de France de la politique.

Jusqu’où ira-t-il ? En quart, en déposant sa candidature au Conseil Constitutionnel ? En demi, en se présentant au 1er tour ? En finale, en se qualifiant pour le second tour ? Peu importe, il rêve de ce soir de mai 2012 où, devant la foule des supporters réunis place de la Concorde (ou ailleurs), il brandira sa Coupe de France. Et en attendant, il se motive, seul, dans les vestiaires. Les ultras sont encore là, même si on se prend parfois à rêver d’un plan Leproux tant le comportement de certains vis-à-vis des médias est indécent.

Moins nombreux, mais comme toujours lorsqu’un club obtient des résultats, les supporters reviennent au stade. Les adhésions devraient donc reprendre ces jours prochains. Notamment si l’équipe se renforce, et s’entoure de bons joueurs… Reste que comme en foot, Villepin devra en effet s’entourer de professionnels, s’il veut rêver plus haut que simplement tenter l’aventure du Petit Poucet. Un frémissement dans les sondages pourrait lui permettre d’espérer. D’autant que tout le monde aime suivre les petits clubs dès lors qu’ils ont un parcours gagnant : éternel mythe de David contre Goliath… Encore faut-il marquer.

Il faudra aussi recruter un bon coach, capable de fédérer l’équipe, et de mener le club à la victoire. Les recrutements à venir après la trêve d’hiver, du directeur de campagne au mandataire financier en passant par le reste de l’effectif et leur positionnement dans l’organigramme, donneront le ton qui permettra d’affiner la stratégie de campagne, et de donner au groupe la confiance pour gagner les matchs à venir.

Se pose alors la question des moyens. Si les signatures manquent aujourd’hui, il serait étonnant que déclaré candidat, il ne parvienne pas à les obtenir. Et il a jusqu’à la date limite de dépôt des candidatures près le Conseil Constitutionnel pour les déposer, en mars. C’est dire s’il a le temps de les récupérer. Le principal souci réside donc dans l’argent. Comment financer une campagne ? Comment obtenir un prêt bancaire sans l’assurance d’atteindre le score de 5% qui seul permet le remboursement des comptes de campagne, faute de disposer de sondages suffisamment hauts ?

Evidemment il y a une autre tactique, loin de l’habituel 4-4-2, utilisée par beaucoup de petits partis.  Il s’agit de faire alors campagne sans dépasser le montant minimal partagé entre tous les candidats à la présidentielle, qui était de l’ordre de 800 000 euros en 2007. Ce montant dépendra du nombre de candidats déposant leur candidature officielle, et du total alloué par décret : deux informations impossibles à connaître maintenant. Un pari.

C’est vers cette stratégie que semble s’orienter Villepin, quand il annonce ce soir ne pas avoir de moyens, compter sur les français pour l’aider, et sur le sens civique des médias. Reste à voir si cette tactique de jeu permettra au Petit Poucet de s’imposer face aux mastodontes, au point de souffler aux deux grands clubs l’éternel clasico UMP-PS, ou s’il s’inclinera lors des tours à venir de cette Coupe de France de la politique. Reste à espérer qu’il ne marquera pas contre son camp… mais qui sait : et s’il marquait le but en or ?

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

La crise de schizophrénie de Sarkozy*

Toulon, jeudi 1er décembre 2011. Les militants UMP arrivent par car, mais l’Elysée empêche la presse de filmer ces images. L’Elysée empêche ? Tiens, tiens…

Circulez y’a rien à voir, le parti majoritaire envoie des cars entiers de supporters pour remplier les 5350 places assises du Zénith de Toulon, mais ceci est un déplacement du président de la République. La preuve, les banderoles et cornes de brume ont été interdites, pour que ce Sarko show ne fasse pas trop meeting !

Franchement, le président nous prend pour des cons. Le militant ne varie pas selon qu’il porte ou non son matériel militant, et les réactions maîtrisées par un chauffeur de salle ne masqueront jamais l’arrivée par cars entiers de français pas tout à fait ordinaires, mais bien totalement dévoués à leur champion. Les moments choisis pour qu’ils applaudissent –comme par exemple, quand le président a tapé sur les immigrés qui, s’ils étaient trop nombreux, « ruineraient notre protection sociale »– achève de le démontrer.

Depuis quelques jours, le PS et la presse se sont fait l’écho d’une polémique autour de cette campagne menée par Nicolas Sarkozy en habits de président, mais sous lesquels se cache déjà le candidat à sa propre réélection. Ce qui pose un réel problème au regard des dépenses de campagne qui seraient payées par l’Elysée… favorisant ainsi le candidat Sarkozy, en position de réaliser beaucoup plus de déplacements, et d’une ligne de crédit illimitée pour présenter son programme aux français, induisant une inégalité flagrante entre lui et les autres candidats, soumis à un plafond sur leur compte de campagne.

Le président bat campagne…

Certes, il n’est jamais évident pour un candidat sortant de faire la part des choses entre les temps présidentiels et les moments de campagne, notamment en ce qui concerne les transports. Un président nécessite un équipage différent d’un candidat, notamment pour des raisons de sécurité, et un mode de transport adapté à sa charge de président, qui implique l’utilisation de moyens de transport rapides, pour lui permettre de continuer à assumer ses obligations de président. Les autres présidents candidats se sont heurtés à ces problèmes là, d’où la récurrence de cette polémique.

Mais Nicolas Sarkozy, dans toute son outrance et avec l’outrecuidance qui le caractérise, franchit un palier supplémentaire, en imputant sur les comptes présidentiels des déplacements manifestement de candidats, dans leur intégralité, jusqu’à leur mise en scène.  Certes, les cars de militants ont été affrétés par l’UMP, et non par l’Elysée. Reste que si ce show avait été un moment purement présidentiel, n’importe quel français aurait pu y assister. Et réserver sa place.

Ce qui n’aurait pas été sans poser des problèmes de sécurité, c’est bien la raison pour laquelle aucun président ne réalise de tels spectacles. Une preuve supplémentaire qu’il s’agissait bien d’un meeting. Il serait d’ailleurs intéressant de voir qui en réalisait la sécurité : m’est avis qu’on trouverait les mêmes bénévoles que ceux qui sont à l’entrée des meetings de l’UMP… A-t-on vu Giscard, Mitterrand ou Chirac se produire de la sorte ? Une fois de plus, Sarkozy use de son statut jusqu’à la lie.

Mais au-delà, la scénographie a été payée également par le contribuable français, sans se voir imputée sur le compte de campagne. Est-il normal qu’un candidat bénéficie ainsi de la gratuité de la location du Zénith de Toulon pour réaliser un meeting électoral ? Qu’une louma filme le public du haut de son bras articulé ? Qu’un discours soi-disant présidentiel se termine par une Marseillaise entonnée par une salle de militants UMP, marque évidente d’une fin de meeting ? Non, rien de tout ceci ne correspond à une intervention présidentielle, mais tout correspond bien à un meeting de campagne : cette fois, les limites ont largement été franchies.

En outre, il aura fallu attendre longtemps avant que les propos tenus par Sarkozy ne prennent un accent présidentiel. Sur les 52 minutes de ce discours, les quarante premières ont été destinées à dresser un état des lieux de la France, sans oublier de taper sur ses adversaires. Tout y est passé : les 35 heures, l’accord PS-EELV sur le nucléaire, la proposition de VIème République prônée par Eva Joly… Or le président est, en théorie, le président de tous les Français, et au dessus des partis. Aussi qui répond à d’autres candidats à la présidentielle, si ce n’est le candidat ?

Les ¾ du discours ont été ceux d’un candidat prescrivant son programme, non ceux d’un président disposant du temps nécessaire d’ici la fin de son mandat pour l’appliquer. Le tout sous les hourras d’un public dédié. Il aura ainsi fallu attendre la huitième page du discours, sur les onze qu’il comptait, pour que soit enfin prononcé le mot « Europe » ; c’était pourtant le thème de ce déplacement que d’expliquer aux Français l’accord en discussion avec l’Allemagne en vue de produire un nouveau Traité Européen. Traité dont au passage, le président-candidat s’est bien gardé de dire s’il serait ratifié par référendum ou par un vote du Congrès.

… aux frais du contribuable !

En pleine période de crise, et alors que son gouvernement met en place son deuxième plan de rigueur, Sarkozy choisit de dilapider l’argent public en réalisant, en pleine période de crise, des dépenses publiques superflues : s’il s’adresse au peuple, inutile de louer un Zénith ni même de se déplacer à l’autre bout de la France pour un montant qui avoisinerait selon René Dosière les 300 000 euros, dont 93 000 payés par l’Elysée, 10 à 15 000 par les collectivités, et un surcoût de près de 200 000 euros lié au surcroît de présence policière !

Alors que le président demande aux Français des efforts -en ajoutant une journée de carence aux fonctionnaires, en réduisant les indemnités journalières en cas de maladie, en promulguant un deuxième plan de rigueur qui ajoute encore des taxes impactant le pouvoir d’achat des Français- il est absolument intolérable et incompréhensible que le chef de l’Etat candidat se permette de jeter ainsi l’argent public par les fenêtres. Le plus cynique étant tout de même que le dernier plan de rigueur a réduit la voilure des comptes de campagne, en abaissant le plafond de remboursement prévu par l’Etat au nom de l’effort que devaient réaliser également nos politiques pour donner l’exemple. Avouez qu’il y a de quoi s’étrangler.

Le plus juste, dans pareil cas, serait d’obliger le candidat Sarkozy à imputer rétroactivement ces dépenses sur le compte de campagne, dès lors qu’il sera candidat. Les textes prévoient en effet que soient imputées les dépenses concernant la campagne pendant l’année précédant le scrutin. Etant entendu que la jurisprudence ne retient pas automatiquement le critère de la date de déclaration publique de candidature.

Le cas d’un président en exercice étant particulier, il serait utile, au vu de ces excès, pourtant de préciser, par une modification du code électoral, les règles applicables à un président candidat, afin qu’à l’avenir, de tels excès ne se reproduise pas. On pourrait ainsi imaginer que ne soient pas imputées sur le compte de campagne les dépenses supplémentaires nécessitées par son statut de président, comme par exemple la sécurité personnelle du président -à condition de limiter les frais relatif à la présence policière, qui explosent sans raison autre que la trouille présidentielle inversement proportionnelle à sa côte de popularité-, ou l’utilisation de transports dans les avions présidentiels sur justification de leur absolue nécessité. Mais que soient bien imputées les dépenses relevant de la campagne, de la même manière qu’on le fait pour les candidats à d’autres mandats qui utiliseraient des moyens publics pour faire campagne (maire, députés, présidents d’exécutifs locaux…) : la jurisprudence électorale recèle d’exemples en la matière.

Afin d’obtenir des éclaircissements sur les privilèges dont use à outrance le président candidat, les socialistes Pascal Terrasse, député et président de la commission de contrôle financier de son parti, et Daniel Vaillant, mandataire financier de François Hollande, ont écrit à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour lui demander de statuer sur l’imputation de ces dépenses dans le compte de campagne.

Ainsi, ils relèvent que « Outre un détournement des fonds publics et du pouvoir conféré par son statut présidentiel, la démarche de Nicolas Sarkozy paraît constituer une infraction à la législation électorale » en multipliant les déplacements présidentiels « dont le choix des thèmes et l’organisation indiquent qu’il est d’ores et déjà candidat à sa propre succession, et que ces déplacements relèvent d’actes de propagande ». Et de donner l’exemple du déplacement au Tricastin où, sous couvert d’une visite sur un site nucléaire, le président s’en est surtout pris à ses adversaires politiques et à leurs programmes électoraux, tout en déroulant le sien. Le mois dernier, à Strasbourg, il s’en était déjà pris aux propositions de François Hollande concernant des personnels supplémentaires dans l’Education. Force est de constater que le président se déplace désormais en tant que candidat, sans assumer cette position schizophrène.

Cependant, il est peu probable que cette saisine de la CNCCFP change la donne. Cet organe  n’est en effet que consultatif, et ne peut délivrer des recommandations, sans se prévaloir de l’interprétation du code électoral qui sera faite dans le cadre de la validation des comptes de campagne, que la CNCCFP n’effectue pas dans le cadre de l’élection présidentielle. En effet, ceux-ci sont validés par le Conseil Constitutionnel. Cette même instance qui, en 1995, a validé sans sourciller les comptes manifestement pas tout à fait réglo du candidat Balladur… dont le porte parole était un certain Nicolas Sarkozy.

Malgré la polémique qui a touché la vénérable institution, et l’envie probable des sages de pointer les manquements au code électoral que la jurisprudence a déjà pointé dans le cadre de nombreuses élections locales et nationales, on voit déjà le scénario se dessiner : au nom du coût très lourd de l’organisation d’une présidentielle, en terme de remboursement des frais de campagne des candidats –même si pour une campagne de 40 jours, ce serait forcément réduit, mais aussi de l’organisation du scrutin, il y a fort à parier que tout le monde s’assoirait sur ces excès, sous prétexte de l’absence de textes précisant le cas particulier du président candidat. Ca n’est pas, en effet, au Conseil Constitutionnel de créer le droit.

Peu probable, donc, qu’il prenne le risque de trancher, au risque de déclencher, par une nouvelle élection, une crise institutionnelle, qui s’ajouterait à la crise économique que notre pays traverse, et dont l’impact serait difficilement maîtrisable sur la place de la France dans le monde. Trop risqué. C’est dire si le président candidat estime pouvoir abuser des ressources de l’Elysée pour faire campagne, en toute impunité. « République exemplaire », qu’il disait. En l’état actuel des choses, « Fuck la démocratie » serait plus approprié.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Quand Villepin rencontre Sarkozy*

Tout le monde en parle. Le microcosme ne bruisse que de cela depuis la fin de l’été.

Michaël Darmon en avait fait l’objet d’une chronique il a quinze jours sur I-télé, confirmant l’information qu’il avait donné dans un tweet (qui avait déclenché une levée du tout petit bouclier des trois pom-pom girls villepinistes présentes sur Twitter, et les interrogations des sympathisants de l’ancien Premier ministre présents sur le réseau social). Le Parisien en avait fait un indiscret.

Mais aujourd’hui, c’est Le Figaro, véritable Pravda des temps modernes élyséens et organe officiel des offs d’Etat, qui se fait aujourd’hui l’écho du réchauffement des relations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. L’ancien Premier ministre a en effet été reçu samedi à Versailles par l’actuel locataire de l’Elysée. Une nouvelle fois.

Car depuis l’été, les rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ont été régulières. Si l’entourage de Villepin se borne (logiquement) à expliquer qu’il est normal et sain que l’ancien Premier ministre délivre ses conseils en matière de politique étrangère, au regard de ses compétences qui ne sont un mystère pour personne, la fréquence de ces rencontres relativise l’argument.

S’il est républicain qu’un ancien Premier ministre soit consulté, ça l’est moins que cela soit aussi fréquent : a-t-on vu Jean-Pierre Raffarin ou Edouard Balladur aussi souvent au « Château » sur la même période ? C’est encore plus étonnant lorsque l’on parle d’un potentiel concurrent à la présidentielle. Enfin, Nicolas Sarkozy n’est pas seul à piloter son domaine réservé des affaires internationales, et dispose pour cela d’Alain Juppé, véritable vice Premier ministre… qui n’est pas franchement un incompétent. Alors pourquoi autant de rencontres ? Serait-ce pour négocier un poste ?

Naturellement, il est temps pour Villepin de songer à son avenir. Crédité de 2% d’intentions de vote, il n’est pas en mesure de se présenter à la mère des batailles. Il n’a pas les financements : son mouvement République Solidaire (RS), qu’il a abandonné, peine à survivre, et il n’a pas l’accord des banques pour se lancer. Il n’a pas les signatures et même si ça n’est pas un problème à ce moment de la campagne, l’absence de financements et les sondages en berne compliquent la tâche pour les décrocher.

Par ailleurs, il ne dispose ni d’une structure (son mouvement n’est pas professionnalisé), ni d’une équipe capable de constituer la colonne vertébrale pour une éventuelle campagne. Et n’a pas travaillé les réseaux parlementaires, ni anticipé les législatives, ce qui complique encore les choses.

Ses propos récents ont donné quelques signes en ce sens. S’il persiste à laisser penser qu’il sera candidat, il réclame aussi, aujourd’hui, un gouvernement d’union nationale. Comment ne pas y lire un aveu de non candidature d’un homme certain de ne disposer ensuite d’aucune majorité au Parlement ?

Etonnant d’ailleurs qu’aucun journaliste ne lui ait demandé avec qui il entendait constituer un tel gouvernement, et ce qu’en pensent les intéressés. Parce que l’ouverture ne fait guère recette… et même si l’intention peut sembler louable, elle n’en reste pas moins inapplicable, inutile de jouer les faux naïfs.

Les propos de ses troupes destinés à faire croire à une très hypothétique candidature sont assez faibles. L’argument qui explique qu’il ne serait qu’à 2% parce qu’il n’a pas encore annoncé sa candidature ne tient pas. Pourquoi était-il alors à 10% fin 2009 et n’a t-il cessé de descendre depuis ? Autrefois candidat préféré de la droite avec Nicolas Sarkozy, il s’est désormais fait dépasser par Alain Juppé. La réalité, c’est tout simplement que la candidature de Villepin n’a plus de crédit, et ce pour de multiples raisons.

S’il dispose d’un programme qui pourrait séduire les français, il n’a pas su convaincre sur la solidité même de sa candidature. Et sur ce plan, l’échec de son parti, République Solidaire (RS), l’a planté. Le choix qui a été fait de ne mettre que Villepin en avant, sur les plateaux télé, avec de rares déplacements ne lui a pas permis de distiller l’évidence de sa candidature dans l’esprit des Français. Quant à République Solidaire (RS), malgré un maillage territorial, le manque de présence sur le terrain n’a pas permis de se montrer suffisamment, et donc d’asseoir sa crédibilité.

Villepin en a pris conscience trop tard. Pire, lorsqu’il a décidé de modifier l’organigramme de son parti, ce qui aurait pu lui donner un nouveau souffle, il a en même temps claqué la porte. Cette décision a été mal comprise de tous : dans le microcosme, chez les journalistes, mais pire, au sein de ses propres troupes. Pour que cette idée de sortir du carcan du parti pour se présenter en homme prêt à sa rencontre avec le peuple fonctionne, il aurait fallu que Villepin puisse compter sur le parti, et s’appuyer dessus, de l’extérieur.

Hélas, République Solidaire a conservé exactement le même fonctionnement. Le nouveau président et le nouveau secrétaire général n’ont été que des prête-noms : s’ils sont théoriquement aux affaires, Brigitte Girardin a conservé toutes ses prérogatives, et règne encore officieusement sur la structure. Si cette absence de changement est un temps restée connue des seuls initiés, elle a depuis co-signé un mail à destination de l’ensemble des adhérents… d’une structure dans laquelle elle n’est en théorie plus en charge de rien. L’aveu ultime : on ne change pas une équipe qui perd.

Il est désormais quasiment certain que Villepin ne sera pas en mesure d’être candidat. Reste à savoir quand il l’annoncera. Pour l’instant, il y a une certaine logique à ce qu’un homme qui souhaitait occuper une place dans le débat présidentiel et qui a préparé un programme figure parmi les prétendants. Cela lui permet de disposer une tribune pour exposer ses idées, et donc de peser dans le débat.

D’autant que si certaines de ses idées ne sont plus applicables, comme le revenu citoyen, d’autres sont parfaitement d’actualité. C’est le cas de la TVA 3E, mais aussi de la justice fiscale qu’il entendait mettre en place. En ce sens, qu’il soit ou non candidat, Villepin aura un véritable impact sur la campagne. Laisser penser qu’il le sera est donc utile au débat, et c’est bien ce qu’il cherchait.

Reste alors une question : que faire après 2012 ? Villepin ne manque pas de talents. Il peut choisir de rester en politique, mais cette hypothèse ne devrait pas séduire le personnage, qui a toujours rechigné à se faire élire, et ne porte pas dans son cœur les parlementaires. On le voit donc mal en devenir un. Il peut aussi poursuivre son métier d’avocat international, donner des conférences et continuer d’écrire des livres, comme il le fait depuis 2007.

Enfin, il peut également choisir de servir la France, à un niveau qui correspondrait à son rang d’ancien Premier ministre, et à ses compétences, notamment à l’international. Il ferait par exemple un excellent ambassadeur à l’ONU. Chercherait-il alors à négocier un poste en ce sens ?

D’abord parce qu’une négociation se fait à deux. Dominique de Villepin n’est pas en train de se vendre pour une paire chaussettes, et il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les conseils qu’il a délivrés jusque là lors de ces visites soient pérennisés dans le cadre d’un poste qui pourrait lui convenir. En ce sens, il apporterait beaucoup à la France, et fait d’emblée figure de sérieux prétendant : le taxer de se vendre serait alors pour le moins hypocrite…

Mais si l’on tient absolument à imaginer qu’il se vend, regardons ce qu’il pourrait obtenir : rien. Aucun poste qui pourrait convenir au rang de Villepin n’est en effet disponible d’ici la présidentielle. Dès lors, on ne peut que lui reprocher, au mieux, de ménager la chèvre et le chou. Un peu court comme argument.

D’autre part, pour négocier, il faut avoir quelque chose à négocier. En la matière, ce pourrait être intéressant pour Nicolas Sarkozy d’avoir l’assurance que Villepin ne se présentera pas. L’actuel locataire de l’Elysée est en mauvaise posture dans les sondages. Même s’il remonte un peu, il conserve un retard de 11 points sur François Hollande, avec 24% des intentions de vote contre 35% pour le candidat socialiste selon un sondage Ipsos/France Télévision réalisé les 28 et 29 octobre. Et les intentions de vote pour le second tour pour le même sondage sont désastreuses 38% pour Nicolas Sarkozy contre 62% pour François Hollande.

Le président sortant ne peut se permettre d’éparpiller les voix de son camp. Et pourtant, est-ce bien un enjeu de négociation ? La non candidature de l’ancien Premier ministre est déjà quasiment jouée. Que chacun soit un peu honnête : s’il se retire de la course à l’Elysée, cela tiendra plus à des raisons structurelles (organisation inexistante, finances) qu’à de quelconques tractations avec Nicolas Sarkozy…

Mais surtout, Villepin n’est pas dépositaire des voix villepinistes. Homme de rassemblement, il réunit au-delà des étiquettes, et ses militants viennent de gauche comme de droite, sa famille d’origine. Beaucoup se sont déplacés pour aller voter lors de la primaire socialiste, et leurs votes se sont éparpillés sur tous les candidats. Comme Bayrou en 2007, Villepin a cristallisé ceux qui souhaitent une troisième voie. S’il n’est pas candidat, ils s’éparpilleront à nouveau lors du premier tour, et dans une proportion moindre lors du second. C’est dire si cette corbeille de voix potentielles ne peut être vendue…

Finalement, chacun gagne peu dans ces rendez-vous. Villepin inquiète ses très maigres troupes, mais en même temps se fait plaisir en distillant ses précieux conseils, et tout le monde sait à quel point il aime ce domaine dans lequel il excelle. Sarkozy, lui, tente de donner l’image d’un homme plus posé, capable de rassembler, mais convainc-t-il vraiment au delà de ceux qui lui sont déjà acquis, jusque chez les villepinistes, souvent anti-sarkozystes ? Peu probable qu’il gagne beaucoup dans cet exercice de communication, même si l’intention y est : l’info n’a pas fuitée pour rien

On ne peut donc parler de négociations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, l’un n’ayant pas grand chose à vendre, et l’autre pas grand chose à proposer. Tout au mieux d’une pacification des relations entre deux hommes qui se sont beaucoup écharpés, à l’heure où la situation de notre pays ne permet plus de laisser de place aux querelles politiciennes. A ceci près que c’est un signe supplémentaire dans le faisceau convergent d’éléments en faveur d’une non candidature de Villepin à la présidentielle.

Pas franchement un scoop… Au final, donc, rien de bien croustillant, rien de tangible ne parait réellement sortir de ces multiples rendez-vous. Beaucoup de bruit pour rien donc.

*Article publié sur Le Plus du Nouvel Obs à cette adresse

Bourgi, simple pion

Robert Bourgi, content de sa sortie dans le JDD, poursuit sa tournée médiatique, atteint par le virus du quart d’heure de gloire cher à Andy Warhol.

Non seulement il persiste et signe, en dépit des plaintes en diffamation posée par le Président Chirac et Dominique de Villepin, mais il sème au gré des plateaux télé de nouvelles révélations… toujours aussi peu crédibles.

Dès ce matin, sur Europe 1, il annonce ne disposer d’aucune preuve de ce qu’il avance. Hum, c’est embêtant. Surtout quand on vient de se prendre deux plaintes pour diffamation, une de Jacques Chirac, et l’autre de Dominique de Villepin. Et l’Ordre des avocats ne goûte guère cet humour là. Dans la journée, le bâtonnier diligente une enquête déontologique sur Robert Bourgi : Le bâtonnier rappelle que les principes qui gouvernent la profession d’avocat ne permettent en aucun cas de procéder aux actions telles que relatées dans la presse », indique-t-il dans son communiqué.

Pendant ce temps, Jacques Godfrain, ministre de la Coopération entre 1995 et 1997, remet les points sur les i dans une déclaration à l’AFP : « Lorsque Jacques Chirac m’a nommé à la Coopération, il m’a convoqué à l’Elysée et a été absolument formel. Il m’a donné pour consigne absolue de tenir Robert Bourgi à l’écart de tout ce qui concerne les questions africaines », a assuré à l’AFP M.Godfrain. « Dans ces conditions, je le vois mal laisser entrer Robert Bourgi dans son bureau à l’Elysée avec des valises et compter lui-même les billets. C’est totalement inimaginable », a-t-il jugé.

Suite de la tournée des plateaux TV avec BFM TV. Reçu par Ruth Elkrief, Robert Bourgi refait le coup du scoop, et révèle que Jean-Marie Le Pen aurait également touché des fonds d’Omar Bongo pour sa campagne présidentielle de 2008. Euh… pourquoi pas, mais alors, avec quel mobile ? Un peu plus tard dans la soirée, Le Pen démentira avec vigueur : « Si c’est M. Bourgi qui était chargé de me remettre les fonds il a du les garder pour lui. Je crois que la source doit être la même que celle qui disait qu’il faisait des passes au bois de Boulogne, mais je ne l’ai jamais cru ». Classe… Le vieux lion d’extrême droite a encore un sacré coup de patte.

Enivré par cette spirale médiatique, Bourgi enchaîne avec Le Grand Journal, où il réitère immédiatement ses accusations selon lesquelles il aurait remis 20 millions de dollars à Jacques Chirac : « J’ai vu de l’argent chez Chirac (mairie de Paris), chez Chirac à l’Elysée, dans le bureau de Dominique de Villepin. C’était pour financer la campagne de Chirac ». Sauf que Robert Bourgi est incapable de décrire le mode de transfert de ces fonds, et évoque des pièces sonnantes et trébuchantes. Sur 20 millions de dollars, il aurait fallu des containers de pennys… Nan parce que le coup du djembé, de Mamadou et de Monceau Fleurs, j’ai pas gobé. Ariane Massenet lui évoque alors les mallettes, et Bourgi aquiesque. Bon, on n’arrivera pas à savoir la forme de cette monnaie que Chirac et Villepin étaient censés compter dans leurs bureaux…

Cette non-réponse me rappelle ce grand moment énorme de télévision qui s’est passé il y a des années dans Ciel Mon Mardi, de Christophe Dechavanne. Alors qu’il reçoit sur son plateau Raël, gourou de la secte des raëliens, l’animateur a conscience qu’il risque de se prendre les pieds dans le tapis et de lui faire de la publicité. Raël prétendant avoir été enlevé par les extra-terrestres pendant six jours, Dechavanne poste une question simple : « Et pouvez-vous nous décrire leurs toilettes ? ». Le public rit, pensant à une blague. Sauf que Raël est incapable de répondre. L’animateur insiste, expliquant que la question n’est pas idiote, car en six jours sans, il est forcément allé au pipiroom… Ou comment le gourou, venu faire sa pub, s’est retrouvé totalement discrédité.

Bref, la crédibilité de Robert Bourgi tangue sérieusement dans cette affaire. Et ce n’est pas la première fois. Comme le rappelle l’AFP, au début de l’été, Robert Bourgi avait affirmé à plusieurs médias français avoir été réveillé dans la nuit du 27 au 28 juin par Karim Wade, le fils du président sénégalais Abdoulaye Wade, qui lui demandait d’appeler les plus hautes autorités françaises pour une intervention de l’armée française à Dakar, en proie à de violentes manifestations contre les coupures d’électricité. Karim Wade avait alors dénoncé des « élucubrations ».

Interrogé sur ses déclarations tardives, Robert Bourgi verse dans le pathos : « La prise de conscience prend du temps. Et personne n’est maître de ce temps. Ca me taraudait depuis un bout de temps ». Michel Denisot ne lâche rien –pour une fois- et lui demande ce qu’il porte à la boutonnière, en référence à sa légion d’honneur, puis qui lui a remise. Tout penaud, Robert Bourgi répond : « Jacques Chirac sur un quota de Renaud Dutreil avant l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy ». Et là, c’est le flagrant délit de mensonge. Cette décoration a été demandé par Renaud Dutreil en 2005, et remise par Nicolas Sarkozy en 2007. La preuve : Le discours prononcé par Nicolas Sarkozy lorsqu’il a remis la Légion d’Honneur à Robert Bourgi été déniché par Médiapart… A lire, c’est savoureux. Surtout entre les lignes, hein. D’ailleurs les médias ne s’y sont pas trompés : France 2 a diffusé dès ce soir les images de la remise du ruban rouge… par Nicolas Sarkozy.

Et c’est bien sur le terrain de ses relations avec Nicolas Sarkozy que le discours de Robert Bourgi se trouble. Jean-Michel Apathie lui indique qu’il pourrait mentir, et Bourgi ne sait que répondre : « Moi je sais que je dis la vérité ». Un peu court… Lorsque Jean-Michel Apathie insiste, rappelant que dans son livre, Pierre Péan indique que Bourgi aurait versé de l’argent à Sarko, il dément. Et se retrouve bien dépourvu lorsqu’on lui demande pourquoi alors, lui dirait la vérité… Bourgi, poussé dans ses retranchements, demande alors les preuves de Péan. Le coup de grâce ne tarde pas à tomber lorsqu’on lui demande les siennes. Et là, tout devient confus, confus, confus… Les témoins, selon Bourgi, seraient tous morts. Hum, la grande faucheuse a vraiment le dos large…

Arnaud Montebourg, présent sur le plateau, conseille alors à Robert Bourgi d’aller voir la justice plutôt que les médias. Remarque on ne peut plus censée, j’en parlais hier. Gonflé, Robert Bourgi annonce alors se tenir à la disposition de la justice. Hum… A ce stade, le Parquet n’a lancé aucune enquête… Tout le monde pense que c’est parce que le chef suprême du Parquet est Nicolas Sarkozy. Oui, mais ça n’empêche pas une enquête préliminaire : au contraire, ça permet éventuellement d’enterrer le dossier, une méthode chère à Philippe Courroye. L’homme de la situation en pareil cas mais hélas il est en disgrâce tant au Château que dans sa corporation, et par conséquent, ce serait un peu trop voyant. Autre option, un juge est saisi, et là il faudrait faire en sorte que le juge ne soit pas trop indépendant comme c’est pourtant son job… Eviter Isabelle Prevost-Desprez par exemple. Bref, mêler la justice à cette histoire qui sent un peu trop le souffre, c’est compliqué.

D’autant que le but n’est pas là. L’objectif n’est pas de trouver la vérité, qui comme chacun le sait depuis X-Files, est ailleurs. Non, le but de la manœuvre est tout autre, et c’est une bien belle partie de billard à douze bandes. Observons un peu le calendrier, et arrêtons nous sur la date de mercredi, le 14 septembre. Hum… Mercredi, deux événements politiques se téléscopent : le verdict dans l’affaire Cleastream, et la sortie du livre de Pierre Péan, La République des mallettes.

En cas de verdict un peu trop clément au goût du Château pour Dominique de Villepin, ces révélations jetteraient de nouveau l’oprobe sur l’ancien Premier Ministre, qui n’a pas encore renoncé à se présenter à la magistrature suprême. Attention Nicolas, ça pourrait le pousser plus que l’arrêter… Pas dupe de la manipulation, Villepin, sur France 3, enfonce le clou sur les relations Bourgi/Sarkozy : « Bourgi se dit Conseiller de l’Elysée, interrogez donc l’Elysée sur cette sortie… ».

Vu le tollé provoqué par ces « révélations », on ne peut que constater l’assourdissant silence du Château, jusqu’à cette surprenante sortie d’Henri Guaino. Selon ce conseiller de Nicolas Sarkozy, Bourgi ne serait pas conseiller de Nicolas Sarkozy. Hum, qui de Bourgi ou Guaino ment ? L’Elysée prendrait-il ses distances, faute que la sauce ne prenne ? Tous aux abris ? Comme je le disais hier, Sarko a peut être mal évalué le second effet kiss cool de cette boule puante…

Et pourtant non. Car tout ceci n’est qu’un écran de fumée, la première boule de billard d’une partie à douze bandes. Et c’est la seconde partie qui va se jouer ce mercredi qui inquiète le plus l’Elysée. Dans La République des mallettes, sur le financement de la vie politique, Péan se lâcherait un peu trop sur Sarkozy… ce qui mettrait un sérieux caillou dans la chaussure de celui qui se réclamait de La République exemplaire. C’est sûr que ça fait tâche. Il y a donc urgence à éteindre cet incendie là, en noyant le poisson.

Finalement, la bombe de Bourgi ressemble à celle que ferait n’importe quel gamin dans une piscine : il saute, en cherchant à éclabousser le plus de monde possible, dans l’objectif de faire un maximum de dommages collatéraux. Parmi les gens de droite qui pourraient soutenir un candidat autre que Sarkozy –l’actuel président actuel n’aime pas l’humour corrézien-, se présenter eux-mêmes, ou avoir un de ses enfants en campagne. Totalement au hasard, donc. Et sans le moindre intérêt personnel pour l’actuel locataire de l’Elysée, il va de soi. Et la marmotte…

Vous connaissiez déjà Pinot, simple flic, voici Bourgi, simple pion. Petit soldat de la Sarkozie, envoyé pour déminer l’épineux bouquin qui pourrait empoisonner la campagne présidentielle. Avec en filigrane les relations entre Sarkozy et Alexandre Djhouri  -qui, comme le rappelait ce soir Alain Madelin sur BFM TV, a obtenu la tête de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Coopération, et qui voulait… remettre en cause la Françafrique !- et Zaid Takkiédine qui elles, pourraient ramener à Karachi. Une toute autre bombe…

Bourgi ou l’art du service commandé

Plus c’est gros, plus ça passe, disait Jacques Chirac sur le ton de la boutade. En ce dimanche, Robert Bourgi n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, mais plutôt avec le tank.

Dans ses révélations au JDD, bien opportunes, il a en effet affirmé avoir été porteur de valise pour Chirac et Villepin, leur apportant l’argent liquide des dirigeants africains, pour financer la campagne de Chirac en 2002.

La Françafrique, les réseaux Foccart, c’est un sujet en soi, que je ne vais pas traiter faute d’info réellement fiable sur le sujet : le vrai se mêle à l’intox depuis des décennies, loin de moi l’envie de m’y brûler les ailes. Non, ce qui m’intéresse plutôt, c’est le jeu joué par Robert Bourgi, et la campagne orchestrée contre les réseaux chiraquiens.

Bon, déjà, on peut rire de quelques formules de cette interview. Robert Bourgi nous apprend ainsi que le nom de code de Villepin était « Mamadou ». Franchement… il aurait pu trouver un prénom africain moins cliché, ça m’aurait paru plus crédible. Parce que celui-là, je pouvais l’inventer moi-même. La loi de la proximité ne fonctionne pas sur tout, Bob…

Sur l’info ensuite, Bourgi nous apprend qu’il a présenté Villepin aux chefs d’Etat africains en 1997. Ah parce que Villepin, entre 1995 et 1997, il se grattait les couilles ? Dis Bob, révise un peu : Villepin a été Secrétaire Général de l’Elysée dès 1995, et donc au cœur de la machine élyséenne et de sa politique africaine dès cette époque. Pour qu’on croit à cette pseudo info, il faudrait que les dates soient cohérentes…

Sur la méthode, ensuite. Je comprends l’envie de Bourgi de se faire un peu de promo dans la presse. Ce que je comprends moins, c’est pourquoi, s’il a des preuves de ce qu’il avance, il n’en parle pas à la justice. Sérieusement, c’est pas comme si en France on respectait le secret de l’instruction ! En parlant à un juge, ça se serait aussi retrouvé en Une. Alors, Bob, pourquoi ? T’as rien, c’est ça ?

D’autre part, si Bourgi a vraiment du biscuit, pourquoi ne pas l’avoir révélé plus tôt, par exemple lorsqu’il a tourné le dos aux chiraquiens pour mieux assurer sa survie en se vendant à Nicolas Sarkozy ? Les révélations tardives, qui plus est sans le moindre début de commencement d’une preuve, c’est toujours suspect.

D’autant que la dernière fois que quelqu’un a dit avoir vu quelque chose devant Villepin, y’a tellement pas eu de quoi fouetter un chat qu’il a été relaxé, malgré Courroye et le fait qu’il ait été présumé coupable par l’actuel locataire de l’Elysée himself -qui, par là même, se torchait avec la présomption d’innocence et la séparation des pouvoirs, un principe qui aurait nécessité qu’il la ferme sur une affaire judiciaire en cours, mais bon, ça doit être un détail ça, hein. C’était Clearstream, dont l’acte II s’est joué au printemps, et trouvera son issue mercredi prochain. Cette nouvelle affaire fleure bon le croc de boucher…

Enfin, sur toute boule puante sorti en pré-campagne présidentielle –et en toutes circonstances, de toutes façons- il convient de se poser une question : à qui profite le crime ? Et là, le lien avec Sarkozy est immédiat. Et ce même si le JDD oublie opportunément d’en parler, ce qui discrédite un peu plus ce journal. En effet, Bourgi n’est-il pas son conseiller officieux sur la politique africaine ? Manifestement, en la matière, la jurisprudence Bettancourt n’aura pas fonctionné : si Mamie Gaga avait laissé un gode en or sur sa table de chevet lorsqu’elle avait été interrogée par TF1, Robert Bourgi aura, lui, oublié de retirer le joli portrait de Sarko*.

Qu’une telle bombe sorte de la bouche d’un conseiller du président en exercice pose vraiment question : peut-on sérieusement imaginer que Bourgi parle sans son aval ? Soit l’actuel président n’a pas donné son accord, et dans ce cas il est incapable de contrôler ses conseillers –fussent-ils occultes-, ce qui témoigne de sa profonde incapacité à diriger le pays.

Soit il les instrumentalise, usant de la presse au lieu de s’adresser à la justice, ce qui est gravissime. L’article 40 du Code de Procédure Pénale est en effet clair à ce propos : Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. A ce que je sache, la Présidence de la République est une autorité constituée. Non ? Dans les deux cas, j’ai mal à la République.

D’autant que la boule puante a un double effet kiss cool : elle sert à affaiblir un adversaire… mais aussi à protéger son obligé. En la matière, le bouquin de Péan –La république des mallettes, qui sort par le plus pur des hasards le 14 septembre, jour du verdict dans l’affaire Clearstream- ne sera pas sans effet, les relations de la Sarkozie avec Ziad Takieddine étant franchement gênantes dans l’optique de 2012… et bien au-delà. En effet, elles ramènent bien vite aux contrats Sawari II et Agosta. Et donc à Karachi, dont l’ombre plane au-dessus de Sarkozy. De plus en plus bas…

[Edit : A la suite de cet article du JDD et au regard des accusations qu’il contient, Jacques Chirac porte plainte pour diffamation. A noter que l’ancien Président n’avait jamais usé de cette arme. Y’a un début à tout…

Deux heures plus tard, Dominique de Villepin annonce au journal de 20 heures de France 2 faire de même. Réaction sur Twitter de Bruno Jeudy, rédacteur en chef au JDD ci-dessus. Sérieusement, qu’espérait-il ?]

Tout ceci donne bien le ton de la campagne de 2012, et l’état d’esprit du président sortant. Au plus mal dans les sondages -quel que soit le candidat sortant des primaires, il ne tire aucun bénéfice de leur différence de score, et stagne à 22-23%- il a bien conscience que ce sera difficile pour lui de rempiler. Et comme toujours lorsque l’alarme sonne, Sarko perd ses nerfs.

Vision de court terme… et oubli de l’effet boomerang qui ne manquera pas de le frapper un jour. Ainsi va la politique politicienne. Et sinon la politique, on en fait quand ?

* Merci @The_M1 pour la Twitpic !