La Nazionale à la croisée des chemins

10377076_10152222785008831_8811631101051590216_nMardi 24 juin. L’Italie est éliminée de la Coupe du monde, dans les conditions que vous savez.

Oh, je ne vais pas vous expliquer que l’Italie a bien joué : vous savez que c’est faux. En revanche, il existe des raisons pour lesquelles l’Italie a mal joué.

Du côté de l’organisation du Mondial, par exemple. Parce que sur cette Coupe du monde, l’Italie a tout connu :

  • Un changement de règlement en cours de route : apparition deux jours avant d’un tirage au sort pour désigner quel pays européens parmi les 9 qualifiés pour le mondial allait aller en chapeau 2, alors que la France, pays le plus mal positionné au classement FIFA avant les barrages, aurait dû y aller. Vous connaissez la suite : c’est l’Italie qui s’est retrouvé en chapeau 2.
  • Le tirage au sort du Mondial : qui dit Chapeau 2, dit grosses équipes à affronter. Et c’est ainsi que l’Italie s’est retrouvée dans le groupe de la mort. Wonderful.
  • La localisation des matchs : l’Italie a joué son premier match à Manaus, en Amazonie, par 30° et 90% d’humidité. Soit 37° de ressenti pour les joueurs, selon le médecin de la Nazionale. Les deux suivants, à Recife et Natal, dans des régions chaudes.
  • L’heure des matchs : si le match en Amazonie a bien été joué à 19h heure locale, les suivants ont été joués à 13h. En plein cagnard. L’Italie est l’équipe qui a joué sous la plus haute température moyenne durant cette phase de poule.
  • Un arbitrage local sur le dernier match : beaucoup de fautes uruguayennes ont été oubliées. Ensuite oui, Marchisio a fait une faute. Mais si l’arbitre sort un joueur pour un tacle dangereux lorsqu’il joue le ballon, comment peut-il laisser en jeu un joueur qui mord son adversaire sans se préoccuper du ballon ?

Italy v Uruguay: Group D - 2014 FIFA World Cup BrazilEvidemment personne ne peut affirmer que l’Italie aurait réussi à marquer dans le temps restant, vu son manque de réalisme face au but et son incapacité à cadrer.

Il est probable que cela n’aurait rien changé. Reste que les uruguayens étaient complètement cramés, que l’Italie a tenté jusqu’au bout mais sans avoir l’opportunité de se tester à 10 contre 10. A l’heure où j’écris ce texte, aucune sanction n’a été prise à l’encontre de Luis Suarez, même si une conférence de presse de la FIFA doit se tenir en fin de journée. [Suarez sera finalement sanctionné lourdement, en étant interdit de toute activité liée au football pendant 4 mois].

Ces conditions expliquent que malgré une bonne préparation physique, les organismes n’aient pas réussi à s’acclimater. Et qu’on se comprenne bien, l’Italie n’est pas la seule concernée : l’Angleterre a souffert lors de son premier match à Manaus (nombreuses crampes). Si l’on regarde les qualifiés des groupes A et B, 6 équipes d’Amérique Centrale et du Sud se sont qualifiées pour les 1/8ème de finale, sur 8 places disponibles.

dieu (2)L’Italie ayant beaucoup donné sur son premier match, dans les pires conditions, les organismes n’ont pas pu récupérer à temps pour les deux matchs suivants… joués en plein cagnard.

Si vous avez regardé les matchs de l’Italie, vous n’avez pas pu manquer que l’équipe a muté en un groupe de zombies dès le second match. Méconnaissable. Trop fatiguée, elle n’a pas été en mesure de déployer son jeu. Force est de constater que sur cette phase de poule, le climat aura été la clé. Et sur ce point, l’organisation aura laissé la place à d’énormes disparités.

 

Une élimination sous haute tension

A l’issue du match, la Nazionale a tremblé. Abete, président de la FIGC, a immédiatement démissionné, tout comme le sélectionneur Cesare Prandelli. Mais surtout, deux joueurs se sont exprimés. Pas n’importe lesquels : deux champions du monde.

Bq6sUGaCMAAkkhlTout d’abord le capitaine Gigi Buffon, au micro de Sky Italia : « On entend souvent dire qu’il faut du changement, que Buffon, Pirlo, De  Rossi, Chiellini et Barzagli sont vieux, mais la vérité c’est que quand il faut  pousser le chariot, ceux-là sont toujours au premier rang. Il faut les respecter un peu plus, pas pour ce qu’ils ont été mais pour ce  qu’ils représentent encore. Sur le terrain, le « il faut faire », le  « pourrait faire » ou le « il fera peut-être » ne suffisent pas ». 

Daniele-De-Rossi_full_diapos_largeInterrogé par la Rai, Daniele de Rossi a renchéri, en validant « chaque virgule du concept exprimé par Gigi Buffon » : « C’est vrai que nous incarnons l’état d’esprit juste et il est  aussi vrai que nous donnons toujours tout. Il y avait certainement des paramètres qui ont influencé le résultat, comme la chaleur ou l’arbitrage, mais il ne faut pas s’accrocher à ça. Nous devons oublier. Non, je me corrige : on doit se souvenir de tout et nous reconstruire avec des vrais hommes, pas avec des starlettes, la Nazionale n’en a pas besoin. »

Pris dans la tourmente de l’élimination et des démissions, les observateurs ont d’abord conclu à une série de tacles appuyés sur Mario Balotelli. Il faut dire que SuperMario n’a rien fait pour arranger les choses. Selon les infos qui commencent à sortir, et qui ne seront probablement jamais confirmées, il y aurait eu une altercation entre Prandelli et Balotelli à la mi-temps. Le jeune attaquant aurait marmonné des propos peu acceptables, critiquant « les sénateurs ». Un comportement qui a poussé Bonucci à le virer manu militari du vestiaire, lui disant clairement : « Idiot, sors d’ici et tais-toi ».

Le jeune joueur n’aurait-il pas supporté que l’entraineur choisisse de le remplacer par Parolo ? Pourtant Prandelli avait toutes les raisons de le sortir : Balotelli avait bien trop décroché tout au long de la première période et les uruguayens semblaient bien décider à le faire craquer, ce qui lui avait déjà valu un carton jaune. Le comportement du joueur, à ce moment critique du match, aura donc été de creuser la fracture dans un groupe déjà épuisé.

Bq65DDECUAA3kHtPire, à l’issue de la partie, alors que toute l’équipe attendait sagement au vestiaire le retour de Pirlo, retenu par le contrôle anti-dopage, pour écouter son discours de départ puisqu’il avait annoncé prendre sa retraite internationale à l’issue du mondial, SuperMario s’est désolidarisé du reste du groupe, rejoignant seul le bus.

BrDQkYGCEAAHeudMoins de 24h après, les joueurs étaient dans l’avion. Mais avant qu’ils ne se posent à Milan, ce jeudi 26 juin, il s’était passé beaucoup de choses. Qui ont abouti à cette déclaration de Pirlo, dès sa descente d’avion : « Per ora lascio l’azzurro. Ma se il nuovo CT mi chiedesse disponibilità, tornerei volentieri // Pour l’heure, je quitte le maillot azzuro. Mais si le nouveau sélectionneur requiert ma disponibilité, je reviendrais volontiers ». Au conditionnel. Tout ça à quelques instants de cette longue accolade avec Cesare Prandelli.

 

Quel avenir pour la Nazionale ?

Rien n’est dû au hasard. Ni le changement de pied de Pirlo –qui annonçait sa retraite depuis plus d’un an- ni les mots précis qu’il a choisis. A mon sens, c’est une décision collective. Qui part de la défaite. Qui passe par les mots de Gigi et DDR. Et qui s’achève sur cette annonce de Pirlo. Décryptage.

10336729_764133860311209_8920640719228600202_nTout commence avec la prise de paroles des deux champions du monde 2006. A tout seigneur tout honneur, c’est Gigi qui a posé les bases : sur ce mondial, ce sont les aînés qui ont répondu présents. Les jeunes joueurs n’ont pas su se transcender pour aller chercher cette victoire.

Daniele de Rossi s’est chargé d’apporter les précisions nécessaires : l’équipe nationale italienne fonctionne selon un état d’esprit, dont les anciens sont les garants. Et pour le moment, certains chez les jeunes ne semblent pas avoir bien compris l’essence de la Nazionale : le talent ne suffit pas, il faut également de l’abnégation.

mVcmO2S2Pour comprendre la réaction des anciens, il faut se souvenir de ce qui est écrit à l’intérieur du maillot de la Nazionale : En Italie, le Bleu est plus qu’une couleur. Le Bleu est un mode de vie, qui se transmet de génération en génération. Il représente une tradition faite d’espérance, de victoires et d’étoiles conquises. En Italie, le Bleu veut dire être toujours prêts à rêver de plus. Ce maillot signifie cela. Il est fait pour rêver. FORZA AZZURRI. Telles sont les valeurs de la Nazionale di Calcio, que Balotelli et ses jeunes coéquipiers sont supposés comprendre, intégrer, et incarner sur le terrain comme dans leurs comportements. Ce qui n’a manifestement pas été le cas, et ce à la pause du match le plus important pour eux.

Ca ne peut pas passer, pour les anciens. Pas parce qu’ils sont mis en cause, mais parce que les valeurs de la Nazionale ont été bafouées. Ils le savent : s’ils en restent là, l’Italie perdra cette force qui est la sienne et qui bien souvent, lui a permis de se sortir de situations inextricables. Il y a le feu à Casa Azzurri. Les deux hommes ne vont donc pas s’arrêter là.

Bq6leC4CUAA-BQZIls vont entraîner avec eux le troisième champion du monde : Pirlo. Le meilleur joueur de l’équipe. Une idole. Un leader silencieux. Celui que tout le monde écoute lorsqu’il prend la parole. Or celui-là annonce depuis un an qu’après cette compétition, il prendra sa retraite internationale. Il ne fait aucun doute que pour Buffon et De Rossi, il y a eu urgence à le convaincre de rester.

Comment s’y sont-ils pris ? Je l’ignore, mais ces hommes vivent ensemble en sélection depuis l’âge de 15 ans. Ils se connaissent, s’estiment et se respectent. Buffon et Pirlo ont toujours été proches. Pirlo fut même l’un des rares footballeurs à avoir été invité au mariage de Buffon en 2011.

Mais DDR est le meilleur ami de Pirlo dans la sélection italienne actuelle. C’est également son compagnon de chambrée depuis le départ d’Alessandro Nesta. Ils sont même partis en vacances ensemble l’été dernier. Cette amitié remonte à 2006. Après que DDR ait pris un carton rouge pendant la Coupe du Monde, Pirlo ne l’avait pas blâmé. Au contraire, il l’avait soutenu, l’invitant même à dîner dans sa famille. C’est dire si entre eux, il y a plus qu’une histoire de ballon.

Bq6zA8vCYAEkWeB.jpg largeLes trois champions du monde unis, il fallait trouver un moyen de l’annoncer. C’est donc Pirlo qui, dès la sortie de l’avion, a annoncé qu’il pourrait continuer l’aventure, si on lui demandait. Alors que Prandelli a démissionné, un nouveau sélectionneur va être nommé. Qui ? C’est bien la question que pose entre les lignes le groupe des champions du monde 2006 : qui sera choisi pour diriger l’équipe nationale d’Italie, sous-entendu, dans quel état d’esprit ?

Nombreux sont les noms cités. Mais parmi eux, figure un homme que visent directement les propos d’Andrea Pirlo : Massimiliano Allegri. L’ex-entraîneur du Milan AC, finalement viré en janvier dernier, est celui qui a commis l’impair de faire partir Pirlo du Milan AC, où le joueur avait passé 10 ans.

Manquant totalement de clairvoyance, Allegri n’a pas souhaité reconduire Pirlo à son poste de numéro 6 devant la défense, estimant qu’il était trop vieux pour ce poste. Il a convaincu Gallieni de lui proposer d’être milieu gauche, une insulte pour Pirlo. Et c’est ainsi qu’Il Maestro, en fin de contrat au Milan, est parti gratuitement à la Juve. Où il a remporté les trois championnats suivants, démontrant malgré quelques blessures combien il est essentiel, et à quel point il tient la forme.

L’Italie entière se moque encore de la bêtise d’Allegri. Autant dire qu’après cette phrase apparemment anodine de Pirlo, il ne figure plus parmi les favoris. N’y allons pas par quatre chemins : le groupe des « sénateurs » fait clairement pression sur la fédération pour choisir un homme à la hauteur de la situation. Un homme qui saura faire le ménage au sein de la Nazionale, prendre les décisions qui s’impose (virer définitivement Balotelli ?) et garantir le respect du maillot au sein du groupe. Ils ont pris leur responsabilités. Je ne peux que les en remercier.

Conte-scudettoPersonnellement, j’ai un rêve : que le conseil fédéral de la FIGC propose le poste à Antonio Conte, homme de poigne très respecté par ses joueurs, qu’il l’accepte, et que Prandelli prenne sa place à la Juve. Oui, je rêve d’un échange de bons procédés.

Parce qu’auréolé de trois scudetti successifs, dont le dernier à plus de 100 points, tout en menant son équipe d’une main de fer, Conte serait vraiment l’homme de la situation. On peut toujours rêver : qui sait ? Sinon, Maître Fabio Capello pourrait être rapidement disponible, après ce mondial avec la Russie. Ancelotti, lui, est sous contrat avec le Real. Alors Mister Conte ? Lasciate mi sognare…

Mi chiamo France… L’Italia chiamò, si !


Je m’appelle France. Comme mon pays.

Et pourtant, depuis le 9 juillet 2006, je soutiens l’Italie. Sans avoir aucune origine italienne.

Perché ?

Parce que les histoires d’amour finissent mal… en général.

La belle histoire

Je n’ai pas toujours été pro-Italie. Au contraire. Aussi loin que remontent mes souvenirs de foot, ils sont liés à l’équipe de France. Tout démarre en 1978. Haute comme trois pommes, à tout juste quatre ans, j’ignore tout du mouvement anti Coupe du Monde des intellectuels, et je suis à fond dans Argentina 78.

On ne va pas se mentir, les Bleus n’ont pas brillé cette année-là. En plus, ils ont eu plein de problèmes d’équipements. Ca a commencé avec l’histoire des primes Adidas, du coup les joueurs ont passé les bandes blanches au feutre pour ne pas montrer le sponsor. Trop des rebelles, les français.

Le premier match de la compétition oppose la France à…. L’Italie. Mon histoire, quelque part, est en train de s’écrire. La petite fille que je suis ne manque pas une miette du spectacle, et voit Lacombe marquer au bout de seulement 32 secondes, sur un centre de Didier Six. Mais ça, c’était avant que Rossi à la 29ème, puis Zaccarelli à la 54ème ne permettent aux italiens de l’emporter.

Mon frère, lui, se trouve à l’hôpital, pour une opération infantile de type appendicite ou amygdales. Il est de tradition de consoler un enfant seul à l’hôpital en lui offrant un présent qui pourra, si possible, l’occuper un peu. Pour son petit garçon, ma mère décide de frapper très fort, et de renoncer à son sacro-saint principe anti-Panini, en lui offrant le célèbre album à vignettes. Il choisit Bernard et Bianca, le Disney du moment. En tant que petite sœur-trop-petite-pour-comprendre, j’ai aussi droit à un album Panini. Et je choisis quoi ? Barbie ? NON. Argentina 78. La passion est née.

Quelques jours plus tard, nous affrontons l’Argentine, qui remportera chez elle la Coupe du Monde. Evidemment on se foire. Mais d’abord, on leur tient tête. Sauf que l’arbitrage est un peu local, et l’Argentine obtient un pénalty pas évident parce qu’on a touché involontairement le ballon du bras. Pire, l’arbitre laisse d’abord jouer, mais les argentins mettent la pression alors il accorde le pénalty. Bon, Platini met tout le monde d’accord en égalisant mais Six rate le but de la victoire. L’Argentine reprend la tête et la France est éliminée.

Pour le troisième match, face à la Hongrie, on joue en maillot vert et blanc. En gros boulets, on est venu avec notre maillot blanc. Comme la Hongrie. Or la Fifa nous avait demandé de venir en Bleu, comme notre nom. Du coup, l’équipe locale nous prête son maillot. Rock n’roll. Sur ce, on quitte la Coupe du Monde. Mais moi, j’ai des Bleus plein les yeux…

Dès lors, je ne raterai que peu de matchs de l’équipe de France. A la maison, mon père place une bouteille de champagne au frigo avant chaque match. Chaque victoire permet de l’ouvrir. Je grandis dans une bulle de foot. Et de champagne. La bella vita !

Tout ça nous amène en 1982. Désormais âgée de 8 ans, je maîtrise les règles du jeu, et je suis capable de reconnaître chaque joueur. Sauf que 1982, c’est une année de merde. D’abord, je perds mon grand-père, le seul homme bien de ma vie d’enfant. Ensuite, le PSG bat les Verts en coupe de France MAIS on m’offre le maillot des Verts. L’horreur. Mais le pire est encore à venir, et ce sera à Séville, ce soir du 8 juillet 1982. Schumacher. Pute. Oui, on a le droit de dire des gros mots sur Harald Schumacher. C’est même recommandé.

Sur le coup, j’ai cru qu’il avait tué Battiston. Notre joueur ne bougeait pas, il était dans le coma. Et pourtant la France s’est relevée. Un match de dingue, sous forme de montagnes russes. Et la défaite, cruelle. Ma seule consolation aura été de voir les italiens l’emporter en finale, pour moi il eût été injuste que l’Allemagne l’emporte et que Schumacher eût pu être champion. Dès lors, j’ai toujours eu de l’affection pour les italiens. Parce qu’ils nous ont vengés.

Le divorce

Ce soir du 9 juillet 2006, je suis dans un pub, avec mon meilleur ami. Nous sommes enroulés dans nos drapeaux français, maquillés, prêts à célébrer la victoire qui ne peut –pensons-nous à cette heure- nous échapper. Et pourtant.

Tout démarre bien. Dès la 7ème minute, Zidane transforme le pénalty accordé pour faute de Materazzi sur Malouda, et on se dit déjà qu’on a le cul bordé de pasta. Parce que si tu trouves quand Materazzi a touché Malouda, tu me préviens hein. C’est un pénalty très généreux.

Mais en bons français pleins de mauvaise foi, on hurle à la mort que non et d’abord on mène au score, et puis zut. En plus Zidane a collé une panenka à Buffon, c’est quand même marrant. Bon, sur le coup, on a eu peur, parce que la panenka a d’abord touché la transversale. Mais elle a rebondit derrière la ligne, et buuuuuuut de Zidane ! Douze minutes plus tard, Materazzi (avec un seul R, merci) récupère la monnaie de sa pièce. Egalisation de l’Italie, sur un corner tiré par Andrea Pirlo. Le maître Pirlo.

Forcément, tout le monde se replie en défense, des deux côtés. Les français aiment dire que les italiens pratiquent le catenaccio mais sur ce coup-là, ils rivalisent hyper bien. L’Italie domine en première mi-temps, sans parvenir à concrétiser. La France domine la seconde mi-temps, mais ses frappes ne transpercent plus la cage de Gigi Buffon. Seul fait notable, Vieira se claque, et est remplacé par Alou Diarra. Avoues que tu avais oublié. Et pourtant, c’est à partir de là que le match va vraiment changer pour les français. En mal. En très mal.

Les deux équipes étant à égalité au terme des deux périodes, elles entament les prolongations. Ribéry espère mais sa frappe passe au ras du poteau. A la 103ème se produit ce qui reste pour moi LE geste du match : Sagnol place le ballon directement sur la tête de Zidane, qui la reprend puissamment pour la diriger vers la lucarne de Buffon. Mais le maître Gigi sort une parade venue de nulle part, et claque la balle en corner. Ma-gni-fique ! Le corner, tiré par Malouda, est boxé par le gardien italien.

Mais ce dont vous vous souvenez tous se produit lors de la seconde prolongation. A la 109ème minute, Zidane donne un violent coup de tête dans le thorax de Materazzi. L’italien aurait, selon le français, proféré des insultes. A propos de sa mère, de sa sœur, ou des deux, on ne sait pas vraiment. Hum. J’y reviendrai. Zidane se prend donc un carton rouge. A l’issue des prolongations, très disputées, les tirs aux buts voient la défaite des Bleus, Trézéguet manquant le sien, qui touche la transversale. Cruelle ironie du sort pour celui que les italiens surnomment Trézégoal, et qui reste le meilleur buteur français de l’histoire en Série A avec 123 réalisations.

Voilà, on a perdu la coupe du monde. Ou plutôt, l’Italie l’a gagnée. Contrairement à ce que l’on entend encore, les italiens n’ont pas volé la victoire. Ils se sont battus, et même si nous étions probablement un peu au-dessus, eux n’ont pas craqué. Et surtout pas Gigi Buffon. Sa claquette magistrale sur la tête de Zidane est l’arrêt d’anthologie qui a pu faire douter les français, mais qui aura rassuré tout un peuple. Etonnant d’ailleurs qu’il n’ait pas, cette année-là, remporté le Ballon d’Or qu’il méritait largement.

Comme je l’ai indiqué plus haut, j’ai grandi avec les matchs. J’ai connu des victoires, et des défaites avec l’équipe de France. Les hauts des années 80, et les bas des années 90. J’ai toujours été là, à soutenir mon équipe, même lorsqu’elle ne gagnait plus. Même après le départ de la génération Platini. Mais ce soir-là, quelque chose s’est cassé. Et le fautif s’appelle Zinedine Zidane.

Comment peut-on vouloir être un grand champion, et perdre ses nerfs lors d’une finale de Coupe du Monde ? Six ans après, je n’ai toujours pas compris. Et encore moins pardonné. Qu’a dit Materazzi à Zidane pour l’énerver ainsi ? Sur un tirage de maillot, Zidane lui a dit qu’il lui donnerait à la fin du match. Materazzi a répondu que s’il voulait son maillot, il le demanderait à Inzaghi. Sachant qu’à l’époque, la rumeur courait que Madame Zidane aurait pris son pied avec Pipo… Selon Zidane, ce sont des insultes très graves qui touchent à la famille.

L’ennui, c’est que ça ne colle pas. Si encore on parlait d’un jour qui n’a jamais joué en Série A et connu pour être un petit ange tombé du nid, je veux bien. Mais on parle de Zidane. D’un joueur connu pour ne pas être facile. Qui certes joue au Real Madrid à ce moment-là, mais a passé les cinq années précédentes… à la Juventus de Turin. Alors les insultes sur le terrain en italien, il connaît. Et d’ailleurs, il n’est pas le dernier à avoir pratiqué. Et pour avoir vécu en Italie, il sait à quel point cette tactique de déstabilisation de l’adversaire est fréquemment utilisée. Bref : il ne peut prétendre avoir été surpris ou blessé par ces propos. Sauf à nous prendre pour des cons.

Soyons francs, ce qu’il s’est passé sur le terrain du stade olympique de Berlin, ce 9 juillet 2006, c’est que Zinédine Zidane a craqué. Et ça nous a peut-être coûté la coupe du Monde du fait de l’infériorité numérique qui a suivi son expulsion. Mais qui l’a dit ? En France, on a mis la faute sur Materazzi. Pourtant à l’origine, c’est Zidane qui tire le maillot de l’italien. Mais en France, on verse alors dans la mauvaise foi. Et surtout, personne ne veut toucher à l’icône Zidane. Mais quelle icône ?

Oui, Zidane est un génie de technique, un des meilleurs joueurs du monde. Mais ça n’est pas, et ça ne sera jamais, un champion. Parce qu’au moment fatidique, il a craqué. Il n’a pas eu le mental pour aller au bout. Et c’est rien de moins que tout un pays qu’il a planté. Pour son geste, il aurait dû être sanctionné. Mais comme il arrête sa carrière, il ne le sera pas. Et finalement, ce qui est tout de même un délit pénal –coups et blessures volontaires- sera totalement pardonné par tout le monde. Pardon ????

Depuis, la France du foot récupère les conséquences de cet acte, sans jamais percuter que c’est bien à la 109ème minute de ce France-Italie que ce situe l’origine du mal. Pire, on pense que c’est l’absence de Zidane qui est un problème. Allo ???

Quatre ans plus tard, à Knysna, les joueurs font la révolution, en refusant de descendre du bus pour aller s’entraîner, pour protester contre la punition d’Anelka qui aurait insulté Domenech. Des joueurs qui refusent de jouer. Mais où est-on ? Sur un terrain de poussins ou en tour préliminaire de la Coupe du Monde ? Les joueurs se représentent-ils eux-mêmes ou leur pays ? Eux-mêmes. Comme Zidane en finale de Coupe du Monde.

L’équipe de France se résume désormais à des individualités. Pas un collectif, pas un amour du maillot, pas la fierté d’avoir l’honneur de représenter son pays dans une compétition internationale de prestige… La France, c’est finalement un F de plus sur l’écusson, rien de plus. C’est cet état d’esprit auquel j’ai tourné le dos. Et ça n’est pas forcément facile. D’autant que personne ne comprend. Peut-être, mais moi j’ai le foot dans le sang.

Que n’ai-je entendu depuis sur mon manque de patriotisme. Comme si le patriotisme allait se nicher dans le sport. Donc si vous soutenez Federer au tennis, vous n’êtes pas de bons français. Certains ont poussé le vice jusqu’à me dire que l’on ne peut comparer sports individuels et collectifs. Ah bon ? Et pourquoi ? Parce qu’à plusieurs on forme une équipe à laquelle peut s’identifier la communauté nationale ? Okay mais si on prend ces arguments, parlez-moi u peu de la nation que formerait alors l’équipe de France… Je ris.

J’aime le foot, j’aime le sport, j’aime le jeu, et sous prétexte que des Footix qui ne connaissent pas la règle du hors-jeu, aiment les vuvuzelas et regardent les matchs de l’équipe de France une fois tous les quatre ans en estimant être de grands spécialistes l’ouvrent, je devrais être mise au ban de la nation ? Par des types qui ne savent même pas faire la différence entre un 8 et un 10 ? Sérieux ? Non, je n’admets pas cette argumentation bancale.

J’ai eu des maillots de l’équipe de France, je me suis souvent maquillée, j’ai même une perruque qui traîne, mais il y a bien longtemps que le drapeau n’est plus affichée à la fenêtre les soirs de matchs. Parce que justement, j’aime mon pays. Et pour le moment, l’équipe mais surtout le foot français me font honte. Ce sont eux qui représentent mal notre pays. Alors merci de ne pas inverser la vapeur. Parce que ça n’est pas forcément facile, d’être apatride du foot et d’avoir demandé le passeport Foot italien.

Forza Italia !

Cette douleur, je l’ai ressentie fortement hier à Parme, où j’ai assisté au match amical Italie-France, quand quelqu’un m’a dit « mais tu chantes les deux hymnes ??? ».

Oui, j’ai chanté les deux hymnes. Mais pas de la même façon. Et pas pour les mêmes raisons. En effet, impossible pour moi de renier la Marseillaise. Ou même, de ne pas la chanter. Question d’habitude. Question de fierté d’être française. Question de naturel.

Mais j’ai aussi chanté fièrement Fratelli D’Italia. Sans aucune fierté d’être italienne, je ne le suis pas. Même pas de loin. Même pas à la 32ème génération. Encore que peut être, si, mais forcément par alliance, parce qu’en ligne directe, je sais déjà que non. Ou alors, du côté de mon père. Dernière chance, que je sois la fille du facteur. Passons. Reste que j’ai chanté l’hymne italien, pour encourager l’équipe que je soutiens.

Côté jeu, en revanche, je n’étais pas déchirée. Sur le terrain, mon coeur battait pour Pirlo et ses coéquipiers. Sans l’ombre d’un doute. Mais j’ai eu mal. Imaginez un peu de vous retrouver face à la maîtresse/amant qui serait responsable de la rupture avec votre moitié ? Oui, le foot, c’est à ce point-là pour moi : c’est sacré.

Voir Ribéry et Evra à quelques mètres de moi -j’étais tout près de la pelouse- m’a vraiment posé problème. Je n’ai évidemment au une haine personnelle envers ces deux joueurs. Je reconnais le talent de Ribéry. Pas d’Evra, faut pas déconner. Je vois bien que Ribéry a changé. Mais c’est cassé entre nous.

Irrémédiable. Parce qu’en 2010, ils ont eu la même mentalité que Zidane quatre ans plus tôt : l’oubli du maillot. Et les dernières déclarations de Ribéry disant qu’il préfère jouer au Bayern qu’en équipe de France –même s’il a depuis rétropédalé sur ses propos- ne sont pas de nature à me démontrer un réel attachement aux Bleus.

Certes, Knysna est loin et on ne peut pas leur en vouloir éternellement. Simplement, ces deux joueurs, sans le vouloir, sont représentatifs de ce qui, quelques années avant, m’a amené au divorce avec l’équipe de France, et coupables d’avoir contribué, à Knysna, à entériner cette sensation que le concept même d’équipe avait disparu.

Du coup hier à Parme, j’en étais encore à crier à Evra « Fais gaffe, une taupe ! ». Oui, je sais, je suis drôle. Mais avoir honte de mon équipe nationale depuis 2006, c’est assez désagréable. Et ça n’est pas le dernier Euro qui m’aura convaincue. Bien sûr, les joueurs n’ont pas commis d’atrocités. Nasri qui fait mime un « Ta Gueule » à la presse, ça n’est pas un drame.

Mais ça le devient quand c’est le seul fait que l’on retient parce que sur le terrain, on ne voit aucune envie. La France a pris la Suède de haut, elle a mangé le mur, et un peu de Zlatan. Elle a joué perdante face à l’Espagne, et a logiquement perdu. Où est sa fierté ? Son orgueil ? Demandez à l’Italie…

Parce que les italiens, eux, aiment profondément leur maillot, et se sentent honorés de pouvoir jouer en Nazionale. Et ils y mettent vraiment du cœur. Tout est question d’état d’esprit. Attention, la vie de la Squadra Azzurra n’a jamais été un long fleuve tranquille. C’est une de ces équipes « montagnes russes », qui, lorsqu’elles remportent une compétition majeure, échouent souvent rapidement dans la suivante.

Et après 2006, il y a eu de nombreux problèmes de comportements, lors du mondial 2010. Certes, pas au point de Knysna. Mais l’Italie a eu elle aussi à affronter des soucis disciplinaires. Et n’a pas brillé plus que la France sur le terrain. Sauf que l’Italie, contrairement à la France, a saisi le problème à bras le corps, au lieu de rester les bras croisés à attendre que ça se passe. L’Italie a réagi, en la personne de Cesare Prandelli.

Nouvel entraîneur, qui a succédé à Marcello Lippi, dont il était l’assistant, Prandelli a joué la carte de l’humilité et de la fermeté. Humilité face à sa fonction de sélectionneur –il supervise régulièrement les joueurs en allant suivre les rencontres en clubs, pour dénicher ses futures pépites et suivre la progression des talents déjà repérés- et fermeté par rapport à la discipline.

En effet, depuis son arrivée, Prandelli a imposé un code éthique : tout joueur adoptant sur le terrain un comportement inadéquat sera privé de sélection pendant un certain nombre de matchs. Pour Parme, c’était De Rossi qui a été écarté par Prandelli : pour avoir eu un comportement violent le weekend précédent, il a pris 3 matchs.

En outre, Prandelli est confronté à un problème de génération. Les gloires de la coupe du monde 2006 ont pour la plupart arrêté leur carrière en sélection, et pour celles qu’il reste, elles n’iront pas jusqu’en 2014, à part peut-être Gigi Buffon s’il ne se blesse pas d’ici là. Le sélectionneur italien doit donc reconstruire une équipe, sur la base de celle qu’il a emmenée à l’Euro en juin dernier, et qui s’est hissée jusqu’en finale, là où seule les observateurs très attentifs la voyait. C’est-à-dire, peu ou prou personne.

Et ça marche. Pourquoi ? Parce que le sélectionneur SELECTIONNE. Ca paraît simple, dit comme ça, mais en France, il y a 60 millions de sélectionneurs. Dont hélas, les instances du foot et la presse, chacun faisant pression sur ce qu’elles pensent avoir compris des désirs du reste des 60 millions de sélectionneurs.

J’exagère un peu, mais vous avez compris. Aujourd’hui, on se prive de Nasri parce qu’il a dit « Ta Gueule » à un journaliste [alors qu’en Italie, on met 3 matchs à DDR pour avoir frappé un joueur, hein] avant même de se demander si le sélectionneur l’aurait sélectionné. Non, c’est la fédé qui a décidé de le suspendre. Le sélectionneur, en France, est pris pour un incompétent incapable de savoir s’il doit prendre un joueur ou non.

En Italie, depuis la mise en place du code éthique, les joueurs sont au parfum. Jamais on n’ira leur reprocher des comportements relatifs à leur vie privée –ils alimenteront les gazettes- mais leur comportement sur le terrain se doit d’être exemplaire, sinon la sanction tombe. Résultat, Prandelli parvient à contrôler des joueurs aussi instables que Balotelli, Cassano ou El Shaarawy.

En France, on tape sur les joueurs d’abord, mais sans jamais se demander si le système qui les a produit ne serait pas, éventuellement, défectueux. Pourtant, les Nasri et autre M’Vila sont en centre de formation depuis leur 13 ans. Ils sont donc été formés, éduqués, gérés par le foot français. Il y a fatalement une part de responsabilité.

En France, on ne veut tellement pas voir le problème qu’on s’enfonce la tête très profondément dans le sable. A deux ans, précisément. Ainsi, M’Vila a été condamné à rater la prochaine coupe du monde, pour…. Etre sorti en boîte de nuit. Sérieux ??? Je vous rappelle que Zidane, en 2006, n’a rien pris, pour coups et blessures volontaires. On croit rêver.

Certains de mes amis m’expliquent que trois matchs de suspension, ça ne marcherait pas en France, parce que les joueurs s’en fichent. C’est possible. Mais justement : si les joueurs s’en fichent, c’est bien que toute la structure a échoué à inculquer aux joueurs, depuis leur 13 ans, l’amour du maillot ? Et le problème ne date pas d’aujourd’hui : Zidane, c’était déjà ça. L’amour de soi avant l’amour du maillot.

En Italie, les joueurs sont fiers de porter le maillot de la Nazionale. Sans revenir sur le sujet des hymnes –Platini ne le chantait pas, et pourtant il avait l’amour du maillot- les italiens mettent tout leur cœur à chanter Fratelli d’Italia, non comme un hymne, mais comme un cri de guerre à la façon du haka des All Blacks. Surtout à la fin, lorsqu’ils disent « Siam pronti alla morte, l’Italia chiamo, si ! » que l’on peut traduire par « Nous sommes prêts à aller à la mort, l’Italie nous appelle, oui ! »

En France, tout ceci est oublié. Comme si après la Coupe du Monde 1998, on avait pris un melon pas possible, et oublié l’essentiel. Le problème n’est pas uniquement Zidane –même si son geste l’a brutalement mis en exergue-, mais l’absence de prise de conscience de la nécessité d’afficher cet état d’esprit.

Cet abandon des valeurs par le foot français m’a profondément marquée, agacée, écoeurée. Tant qu’il n’y aura pas de prise de conscience, je ne cautionnerai pas ce système. J’aime trop le foot pour ça.

C’est ça qui m’a brisé le cœur, le 9 juillet 2006.
C’est ça que j’ai retrouvé dans la Squadra Azzurra.
C’est pour ça qu’hier je vibrais en italien, et pas en français.

Mi chiamo France. L’Italia chiamò, si !

Leonardo, l’arbitrage, le foot français….

Je suis supportrice parisienne, mais sur le dossier Leonardo, je ne réagis pas en tant que parisienne.

Comme je l’ai dit dans l’After sur RMC ce soir, les problèmes que nous évoquons dépassent largement le cadre de Paris et même de l’arbitrage. Et je pense que ce procès est dirigé sur le mauvais accusé.

En ce qui concerne l’arbitrage, chaque week-end il y a des erreurs, qui nous semblent de plus en plus grossière. Le sont-elles vraiment ? Je n’ai pas de stats, mais quoi qu’il arrive, il y a une plus grande exigence de tous les acteurs du foot –et pas seulement des supporters- pour avoir un meilleur arbitrage. A voir comment améliorer ça, pour tout le monde.

Ce qui me choque, c’est la convocation de Leonardo devant le Conseil National de l’Ethique. Avoir dit que les arbitres n’étaient pas professionnels, cela relève vraiment de l’éthique ? Le foot français voudrait-ils nous imposer une certaine pensée unique ? Une omerta ? Et si il dit la même chose dans un dîner parisien, on le convoque ? C’est n’importe quoi, cette petite crise d’autoritarisme qui traduit une chose : c’est la panique de tout ce petit monde.

Il serait temps que les instances du foot cessent de taper sur les autres, et regardent la poutre qu’elles ont dans l’œil. On ne va pas se mentir, le foot français va mal.

Les instances du foot ont tiré à hue et à dia sur les joueurs (pendant l’Euro, sur les espoirs), sur les entraîneurs, sur les sélectionneurs, sur les arbitres, et maintenant sur les directeurs sportifs. Les seuls qui manquent dans la liste, ce sont les deux guignols qui dirigent le foot français.

Aujourd’hui, Je leur adresse un carton rouge et je m’explique.

Quelle est la réalité du foot français ?

En effet, le foot a des problèmes plus urgent, comme la taxe à 75% qui pourrait toucher ¼ des joueurs de la L1 –et donc grever les budgets- sans parler qu’il faudra tenir compte du fair-play financier. Ca, c’est la logique économique auquel le foot est confronté. Mais non, on préfère s’occuper de Leonardo. C’est sûr, c’est vachement important.

Sauf que pendant ce temps, hormis Paris, quasiment tous les clubs sont à vendre ou en recherche de financement. Et que fait-on ? On méprise les investisseurs étrangers, on s’en prend systématiquement à eux, on les humilie. On donne des leçons alors qu’on n’a aucun bilan bref, on fait nos coqs alors qu’on n’a plus de plumes !

Que Thiriez et ses copains apprennent un peu l’économie : ça n’est pas en France qu’on va trouver les capitaux capables de rendre un club compétitifs en Ligue 1 voir au niveau européen.

Donc on a deux solutions :

  • Soit les instances continuent de se replier sur elles-mêmes, seule possibilité d’avoir encore des votes pour se faire réélire ad vitam eternam entre gens qui dirigent le foot depuis Mathusalem, et on peut dire adieu à un l’investissement et donc au football compétitif. Il faudra donc s’occuper sérieusement de tout le reste (formation, arbitrage, ..).
  •  Soit elles s’ouvrent un peu et comprennent que de toutes façons ça ne se passera pas comme ça: dès cette saison peut être, et à tout casser dans les trois prochaines, il y aura de nouveaux petits PSG, avec des arrivées de capitaux parce que la survie des clubs en dépend. Et donc, l’impact du foot français dans le monde.

Je donne un carton rouge, c’est une exclusion temporaire, mais attention : l’économie du foot pourrait finir par les sanctionner d’un retrait de licence. On sait qui vote, à eux d’anticiper que les temps changent…

Réécouter mon intervention dans l’After Foot sur RMC ce soir

Etre ou ne pas être… supporter parisien

20 minutes s’est fait l’écho des supporters du PSG, désoeuvrés que le club n’organise pas de déplacement pour le match de Ligue des Champions de demain à Zagreb.

L’article est plutôt intéressant, et Fabien (dont le prénom a été modifié) exprime une position ressentie par pas mal d’amoureux de l’équipe… jusqu’au faux pas : «Je ne vais pas partager ma tribune avec des mecs qui sont supporters depuis deux ans et qui crachaient sur le club quand il jouait le maintien…».

Voilà. Fabien tombe dans la caricature. Comme pour de nombreux « supporters », tous ceux qui n’ont pas pris leur abonnement avant eux –oui, pour eux, tu ne peux supporter le PSG qu’en étant abonné, et en virage s’il te plait- sont des sous merdes indignes de se revendiquer supporter du club.

C’est là que je ne suis pas d’accord.

De quel droit Fabien se permet-il d’associer les nouveaux supporters à ceux qui crachaient sur le PSG quand il jouait le maintien ? J’aimerais bien savoir ce que faisait Fabien en 1985, quand on a fini 13ème et qu’on s’est fait ltaper en coupe d’Europe ? Fabien peut peut-être me montrer son abonnement des années Borelli ?

Parce qu’à force de jouer aux concours de bites entre supporters-du-PSG-plus-légitimes-que-le-voisin, on finit par se heurter à la question de l’âge : il y a des gens qui sont supporters depuis 2 ans et qui avant étaient trop jeunes pour avoir pu cracher sur le PSG quand il jouait le maintien.

Ca a commencé à franchement devenir difficile à la fin des années Canal, lors de la saison 2005-2006, où l’on finit 9ème. Avec l’arrivée de Colony Capital, les difficultés s’enchaînent : les saisons délicates récentes restent 2006-2007, où on finit à la 15ème place, 2007-2008, où on finit à la 16ème place, et dans une moindre mesure 2009-2010 où l’on termine à la 13ème place après l’accalmie de la saison précédente.

C’est probablement à cette période que fait référence Fabien. Et je le comprends. On a mangé notre pain noir. Et alors, il pense qu’il a été le premier ? Désolé, mais je reviens à mon 1985. Et puis tant qu’à faire, parlons des années de milieu de tableau en championnat à la fin des années 90, parfois masquées par les succès en coupes. Là aussi c’était chaud. Quand j’étais à l’école primaire, en 1985, on s’est bien foutu de ma gueule. EH OUAIS.

Ensuite, pourquoi partir du principe que les nouveaux supporters crachaient auparavant sur le PSG ? Mais de quel droit ? Celui de tenter de se trouver une justification qui ne convainc personne ?

J’ai tenté de débattre de ce sujet sur Twitter, et les réponses de certains de ces « supporters » ont été édifiantes. Attention, ils ne sont représentatifs que d’eux-mêmes, mais en aucun cas de la mouvance « ultras » ou de la famille PSG. Décryptage.

La sécurité, ce sujet tabou

L’argument de la sécurité est rejeté en bloc, avec l’explication suivante : « tu n’y étais pas, tu te bases sur les médias (ces salauds) alors t’as rien à dire, y’avait pas de problème de sécurité, la preuve y’a toujours eu des enfants au stade ».

Des enfants ? En plein virage ? Dans les années chaudes ? Je crois qu’ils réécrivent un peu l’histoire, nos amis « supporters »… parce que sur les images magnifiques des tribunes pleines de fumis, je n’ai pas vu beaucoup de bouts de chou. Certes en latéral… mais en latéral, c’est le mal, non ? Surtout que moi je n’avais pas les moyens d’y aller, en latéral. On parle donc bien des virages.

Pourquoi occulter que certains ne venaient pas au stade auparavant ? Certes, ça ne fait pas plaisir aux supporters, mais pourquoi nier que certains ne venaient pas avant pour des raisons de sécurité ?

Oui, il y a toujours eu des familles, des femmes, des enfants au stade. Mais pas forcément en plein virage (la seule place revendiquée comme véritablement valable par ces supporters, car ils crachent aussi sur ceux qui osent aller en latéral).

Pourquoi nier les affrontements qui existaient entre Boulogne et Auteuil ?
Pourquoi nier que cette image –réelle ou supposée- ait pu faire fuir une partie du public, désireux de voir un match de foot en toute tranquillité ?

Je n’y étais pas. Certes. Mais pourquoi ? J’ai 38 ans. Je soutiens le PSG ardemment depuis mes 8 ans. Finale de coupe de France face à St Etienne. Mes larmes quand les parents ont ramené à la maison un cadeau pour moi : mon premier maillot de foot. C’était St Etienne. Jamais autant pleuré. Alors la passion PSG… Je n’ai rien à prouver à personne.

Et si je n’allais pas au stade, j’ai mes raisons. D’abord, j’ai grandi avec le drame du Heysel. A l’époque où l’on regardait le foot en direct sur les chaînes hertziennes. Dès lors pour mes parents, pas question que j’aille au stade. Et encore moins en virage. Jusqu’à pouvoir avoir mon premier CDI, c’était donc totalement exclu.

Autre raison, plus dramatique, mais néanmoins essentielle pour comprendre. Jeune femme, j’ai été agressée 5 fois. Dont une fois bien plus violemment que les autres. Ca m’a rendue peut être trop craintive aux yeux de ces supporters-là. Mais désolé, j’ai très longtemps évité tous les endroits définis comme un peu chauds, que cette définition ait été à tort ou à raison. Principe de précaution.

Lorsque le Plan Leproux a nettoyé les tribunes, j’ai assez vite compris que c’était une décision très dure, qui touchait bien au-delà des personnes concernées. Mais j’ai mis les pieds au stade. Et vécu mon rêve, celui de voir jouer mon équipe. Je ne dis pas pour autant que le Plan Leproux était la solution. D’ailleurs, j’aurais probablement fini par aller au Parc en latéral, accompagnée, sans le Plan Leproux. Mais le latéral, c’est le mal hein ? Pas le vrai Parc des Princes ?

Reste que la mythologie des échauffourées en virage, et les propos d’anciens abonnés de ces tribunes que je connais, font que jamais je n’y aurais mis les pieds de ce temps-là. Traitez-moi de chochotte si vous voulez. Que celui qui juge ça vive ce que j’ai vécu et on en reparlera. Personne n’a le droit de juger.

Cette réaction épidermique démontre en tout cas que le sujet est éminemment sensible. Les supporters refusent de voir en face une partie du passé –il y a tout de même eu un mort, les arrestations plus ou moins valables étaient régulières, comme les bastons- et pour cause : ils ne veulent plus du tout être associés à ce passé. Est-ce pour autant probant de nier qu’il a pu rebuter une partie du public ?

Un gigantesque « concours de bites »

Attention si l’on veut se définir « supporter » du PSG, il faut songer à dérouler son pédigrée sur 12 générations. Enfin un peu moins, le PSG datant de 1970.

Comme c’est récent, il conviendra de compenser, en veillant à afficher un nombre important de déplacements au compteur, sans oublier de tenir compte de la distance kilométrique. Plus tu alignes les miles, plus tu grimpes dans la pseudo hiérarchie ! Aujourd’hui y’en a un qui, dans la discussion, a pissé jusqu’à 1800 kms. Qui dit mieux ? Allez, on peut mieux faire !

Que tu puisses avoir un boulot qui ne te permette pas de prendre des jours pour aller au bout de l’Europe ou que tu n’aies pas les moyens n’a pas l’air d’être un argument. T’es juste pas un vrai. Et tant pis si t’as juste vibré devant ta télé.

Ainsi, si je reprends mon exemple, mon ancienneté de supportrice depuis 30 ans ne vaut rien sur le cours du supporter, parce que je n’ai mis les pieds au Parc des Princes qu’en 2009. Shame on me. Forcément, en tant que fille, je n’ai pas de service trois pièces. Damnit.

J’ai pleuré  quand on m’a offert le maillot de St Etienne en hurlant qu’on me voulait du mal -j’ai même trépignée et je me suis même roulée par terre en serrant mes petits poings musclés pendant que le frangin récupérait le maillot des Verts (qui pour moi, se limitaient à pisser en l’air)- j’étais amoureuse de Joël Bats et de Safet Susic, mais des gars qui n’étaient même pas nés m’expliquent que si je ne suis pas allée pogoter en virage, je ne suis pas une vraie supportrice. Euh, ça fait de plus en plus secte, là…

Et c’est bien là le plus surprenant : ces « supporters » estiment qu’on ne peut se prétendre supporter si l’on ne va pas au stade, je cite : « Comment on peut supporter une équipe derrière son poste de télé ???? Putain de football moderne de merde ».

Déjà football moderne… j’ai découvert le foot lors de la coupe du monde de 1978 en Argentine, inutile de dire que du haut de mes 4 ans j’étais devant ma télé…. C’était y’a quand même 34 ans. L’âge de Gigi Buffon. Et le type qui me dit ça est né en 1989. LOL.

Un supporter d’une autre équipe, qui s’en étonnait, s’est vu traiter de « tocard », avec une mention l’enjoignant de supporter SA ville. WTF ?

De quel droit ces « supporters » décident-ils de quelle équipe on doit supporter ? Si tu habites dans une ville sans club, t’as pas le droit d’aimer le foot ? Si tu es né à Paris, mais que tu as dû déménager à Evian pour ton job, t’es obligé de supporter Evian Thonon Gaillard ? Sérieux ? Nan parce que si tu habites Evian, tu vas avoir du mal à monter tous les 15 jours à la capitale…

Finalement, en 2h de « discussion », ces « supporters » n’ont jamais parlé ballon, système de jeu, composition de l’équipe. Ils se sont juste bornés juste à faire un concours de bites sur celui qui est le plus ci ou ça (abonné de plus plus longtemps, allé dans un plus grand nombre de déplacements, bref, tout ce qui à ses yeux représentent la passion parisienne, à LEURS yeux), en voulant en plus imposer aux autres leur manière de vivre cette passion.

Ce qui m’étonne, en tout cas, dans ces réactions, c’est de voir à quel point ces supporters là sont arc boutés sur des principes qui en deviennent quasi sectaires. Pourtant, si les « vrais supporters » sont si nombreux que ça à représenter le Parc des Princes, pourquoi sont-ils si peu nombreux dans les manifestations qu’ils organisent pour revendiquer ?

Et après ils s’étonnent de ne pas être écoutés par la direction… C’est pourtant simple de comprendre pourquoi : pas de représentativité, pas de poids, pas d’écoute. Basta. Et tout le monde y perd, à commencer par l’identité du PSG. Malin…

 

Paris multiple

Pourquoi ne pas tout simplement accepter que le public du PSG est protéiforme ?
Qu’il n’y a pas un type de supporter, mais des types de supporters ?
Qu’il n’y a pas un type de spectateurs au Parc des Princes, mais de multiples catégories ?
Finalement, le PSG, c’est un gigantesque jeu des 7 familles.

Alors oui, il y a la famille Ultra. Elle a son importance. C’est elle qui met l’ambiance, lorsqu’elle veut bien venir encourager son équipe. Et tout le monde (à de rares exceptions près qu’il ne faut pas nier) reconnaît l’importance des ultras, et comprend pourquoi, ultra ou pas, les abonnés ont été frustrés lorsqu’ils ont été virés du Parc par le Plan Leproux.

Mais il y a d’autres familles qui coexistent, que ce soit au sein des supporters –non, supporter ne signifie pas aller au stade- ou même au sein du Parc des Princes. Qu’on arrête de me faire croire que les gamins qui viennent au Parc sont des ultras. Qu’on arrête aussi de penser que le Parc se limite aux deux virages et que les latéraux ne viennent pas encourager leur équipe.

Qu’on arrête de vouloir uniformiser à tout prix le supporter du PSG, et qu’on le laisse vivre sa passion, au degré qu’il entend, aux moyens financiers qu’il peut mettre, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit, et surtout pas des gens qui s’inventent une petite mythologie perso juste pour se sentir exister.

Au contraire, on devrait se féliciter de voir le public s’élargir. De voir les yeux des enfants briller de nouveau en rouge et bleu. De voir les familles revenir, la proportion de femmes augmenter, et même un public moins fan revenir au stade.

Car c’est une histoire de ballon avant tout. Et ça ne me choque pas de voir des gens qui ne sont pas ultra spécialistes du PSG avoir envie de voir un match. Tout simplement parce que dans le monde, il y a des équipes que je connais bien moins que le PSG, et que j’aimerais aller voir jouer. Pour le plaisir du ballon rond.

Dernier point, lorsqu’on se définit supporter, on ne siffle pas son équipe. Or j’ai vu des soit disant « supporters historiques » -mais vous avez compris que c’est une étiquette que n’importe qui se colle pour un peu qu’il ait un abo en virage- siffler les joueurs.

Que ceux qui font ça ne me parlent pas de soutien pendant qu’on jouait le maintien… parce que le soutien, c’est tout le temps. Y compris par beau temps. La critique est permise, reconnaître quand on ne joue pas bien est même souhaitable, mais siffler son équipe, c’est d’une rare violence que je ne cautionne pas.

Alors vous, membres de la grande famille du PSG, faites votre introspection. Réfléchissez un peu sur ce que vous dites, et vous verrez rapidement que vous ne pouvez pas indéfiniment imposer des critères de supporters, dont d’ailleurs personne ne vous reconnaît aucune légitimité pour les déterminer.

Vous êtes ultras ? Très bien. Merci pour ce que vous faites.
Vous êtes abonnés depuis des lustres ? Très bien, merci pour ce que vous faites.
Vous êtes spécialistes du jeu ? Très bien.
Vous aimez le PSG ? Bravo, nous sommes frères.

Mais arrêtez de taper verbalement sur votre voisin parce qu’il n’a pas exactement la même manière que vous de vivre en rouge et bleu. Cessez votre trip de maman étouffante, on en a déjà une… Et ouvrez un peu votre esprit.

Soyez fiers qu’ensemble on vibre pour Paris.
Revenons à ce qui nous unit.
EN ROUGE ET BLEU ALLEZ !