L’Europe doit se réinventer… ou mourir

grece-failliteAutant démarrer clairement ce billet : je ne suis pas une spécialiste des questions européennes.

Et pourtant, je vais me fendre d’un billet. Un billet citoyen, la vision d’une quarantenaire née dans l’Europe et qui se demande comment on a pu échouer à ce point dans la construction européenne. Au point de rejeter nos amis grecs.

L’Europe, j’en overdose. D’éditions spéciales sur les chaînes spéciales en débats et journaux télévisés, j’en suis au point d’écœurement. Surtout dans ce que j’en entends. On se demande si on va sauver la Grèce et aider les grecs. Tiens, on a construit une famille, par contrat –un peu comme un mariage- et on se demande si on va aider l’un des nôtres. Je m’étrangle.

A quel moment les technocrates de Bruxelles ont-ils à ce point fondu les plombs pour ne plus raisonner que selon l’économique, en oubliant totalement que la politique est avant tout la vie de la cité ? Et face à qui ? Face aux grecs qui ont inventé la démocratie ? Tu m’étonnes que la Grèce ait rejeté le concept. Grèce qui, n’oublions pas de le dire, a commencé une série de difficiles réformes. La Grèce a besoin de temps, il n’est pas possible de demander plus. Et soyons honnêtes, nous ne le demanderions pas s’il s’agissait de la France.

Critiquer la gestion grecque aujourd’hui est une aberration européenne : peut-être aurait-il fallu se demander plus tôt si elle était capable d’entrer dans l’Euro et bien avant cela, dans la CEE. Or pourquoi a-t-on fait entrer l’Europe du Sud dans la CEE ? Pour des raisons politiques. A cette époque, on se souvenait encore de l’idée de l’Europe telle qu’elle a été conçue. Les technocrates de Bruxelles n’avaient pas encore assez de pouvoir pour gérer dictatorialement l’économie, sans aucun poids réel des politiques sur ce magnifique outil qui leur a échappé.

Aujourd’hui, l’Union Européenne compte 28 pays et la Zone Euro 19 pays. Il y a eu beaucoup d’entrées ces dernières années, les processus de décisions se sont complexifiés. On nous explique que, en gros, « ça suffit de payer pour les grecs ». On ne paye pas pour les grecs, on paye pour éviter la faillite des banques privées qui ont prêté à la Grèce, qui est en cessation de paiement. Les banques, pour qui on paye depuis la crise de 2008. Merci qui ?

Moi, je suis prête à payer pour les grecs. Je ne vois pas en quoi l’Europe pourrait ne pas le faire. L’Europe, la vraie, j’entends. L’Europe qui s’est fondée sur les ruines brûlantes de la seconde guerre mondiale, avec l’idée que partager un marché économique pourrait éviter de nouveaux conflits armés. Pour cela, l’Europe a fait preuve de beaucoup de générosité avec l’Allemagne. De générosité économique, ce que Merkel a tendance à omettre. Mais aussi de générosité humaine, un peu plus de 10 ans après les millions de morts lors de ce conflit.

Et on s’en prend aux grecs ? Sérieusement ? On est inhumains au point de se rappeler sur quelles valeurs on a construit cette Europe désormais tentaculaire ? A un moment donné, il faut se poser et dresser le constat : l’Europe nous a échappé et n’est plus celle dont nous avions rêvé. C’est devenu un marché économique contraignant, éloigné du peuple, sans réel projet commun. Et c’est évident vu le programme intense d’adhésions qu’il y a eu ces dernières années : comment concilier tout ce petit monde sur un programme commun ?

Le vrai choix courageux, aujourd’hui, serait que les politiques repensent l’Europe. Qu’à la manière de De Gaulle et Adenauer, ou Mitterrand et Kohl, ils préparent la mutation de l’espace actuel en quelque chose d’autre. Parce qu’à dire vrai, l’Europe traîne depuis 10 ans les refus de la Constitution Européenne et n’a pas réussi à se réinventer, faute d’accord entre les différents pays, lors de tous ces nombreux sommets européens « de la dernière chance ».

L’Europe, sous sa forme actuelle, a tué toutes ses vies. Celle-ci doit mourir et sur ses cendres, faire renaître un véritable projet européen. Un projet qui ne pourra pas se contenter de l’économique, mais devra intégrer le politique. Oui, l’Europe est notre avenir. Mais définitivement pas celle-là… A nous de savoir nous réinventer : tel est le défi auquel nous sommes confrontés. Et je n’entends hélas pas grand-monde en parler…

Un G20 sous haute tension

Ce devait être l’apothéose. La conclusion d’une année de présidence française du G20, qui aurait consacré Nicolas mètre du monde, et bien aidé à lancer sa campagne présidentielle virtuelle faute de pouvoir se lancer rapidement dans la vraie.

Mais depuis quelques jours, tout a basculé. Et en guise de feu d’artifices, il pourrait bien voir le monde économique s’embraser.

Pourtant, Sarko n’a pas ménagé sa peine. Lors du difficile sommet européen de la semaine dernière, il n’a pas lâché la négociation, pour permettre d’arracher un accord en vue de ce G20. Il s’est même assis sur ses propositions, acculé à accepter la vision d’une Allemagne en position de force. Fort de ce très relatif succès, il s’est présenté quelques heures après devant les Français, pour expliquer par le menu comment il avait sauvé la France, l’Europe, et même le monde. Tout cela devait se concrétiser à Cannes et achever en beauté cette année présidence française du G20.

Bon, tout n’était pas si rose, surtout du côté des rouges. L’accord négocié présentait notamment le renforcement de FESF, mais nécessitait donc de trouver des capitaux pour ce fonds de garanti. La Chine a bien sûr bondi sur l’occasion de venir jouer les sauveurs de l’Europe. Avec évidemment de nombreuses arrière-pensées, dans la perspective du G20.

D’abord, les chinois veulent accélérer leur adhésion à l’OMC. Le statut de membre plein leur permettrait de ne plus être accusé de dumping et autres infâmes pratiques, et donc de pouvoir tranquillement continuer à sous estimer leur monnaie et leur coûts de production, pratiquer la contrefaçon, le tout sans se voir opposer la moindre réciprocité. Bah oui, s’ils mettent au pot du FESF, ils sont clairement en position de force pour refuser toutes les velléités de protection des autres économies.

Ensuite, la Palestine a adhéré à l’Unesco, grâce à un vote favorable de nombreux pays… dont certains du G20 et notamment la France. Ce qui a provoqué la fureur des Etats-Unis, alliés traditionnels d’Israël. Ils ont donc mis leur menace à exécution de supprimer les crédits alloués à l’Unesco, qui perd ainsi 22% de son financement. Vu le mécontentement d’Obama, il y a fort à parier que tout ceci pèsera aussi allègrement sur l’ambiance du G20. Dire que si le vote avait été une semaine après cela aurait posé moins de problèmes… Comme ce conflit d’agenda est ballot !

Mais le monde pouvait faire nettement mieux pour plomber cette réunion. Comme dans les meilleurs séries télé, cette superproduction mondiale a connu un cliffhanger de taille hier, par la voix de Georges Papandreou. Le Premier Ministre grec a en effet eu l’outrecuidance -aux yeux de ses partenaires européens- de proposer à son peuple de se prononcer sur le plan de sauvetage de son pays –qui efface la moitié de sa dette privée, soit 100 milliards d’euros, au prix d’un nouvel effort de rigueur- par référendum. Ou comment le leader du gouvernement grec a fait un énorme doigt d’honneur au Conseil Européen, leur adressant –en termes plus polis- un joli « Allez vous faire voir chez les Grecs ! ».

Ce scrutin –qui coûtera forcément cher- devrait être programmé en janvier. D’ici là, tout est donc bloqué. Et côté européen, ça chauffe ! Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ça va quand c’est la Libye, mais quand il s’agit pour la Zone Euro de sauver la Grèce –et de se sauver elle-même car si la Grèce refuse ce plan , le pays sera en faillite, nos banques plongeront, et nous avec, sans parler de notre triple A-, faut pas pousser ! Si l’on ajoute que cet odieux Papandreou n’a même pas pris la peine de prévenir notre bon mètre –aka le mètre du monde- il y a de quoi provoquer à Sarko un nouveau malaise vagal. Sur ce coup là, comme dirait Aubry, il s’est fait empapaouter. Par un Grec. Ah ah.

Alors évidemment, en ce qui concerne le G20, rien ne peut être perdu avant même d’avoir commencé. A deux jours du début du congrès, les sherpas s’activent déjà en coulisses pour tenter d’éteindre l’incendie. Ainsi ce mercredi à 16h, veille de l’ouverture du G20, Nicolas Sarkozy rencontrera George Papandreou. Objectif : lui coller une bonne soufflante mettre en place le plan de sauvetage dès maintenant.

Lors d’une intervention d’une minute ce soir, Sarko a en effet confirmé qu’il tiendra demain cette réunion dans le cadre d’un mini COnseil Européen avec le FMI, et que « les engagements pris seront tenus ». Reste que les thématiques mises au programme du G20 risquent de souffrir de cette situation, ainsi que l’obtention d’éventuels accords sur celle-ci.

Ou comment Sarko n’a pas sauvé le monde, ni l’Europe, ni la France. Voilà qui le met en position fort délicate : le G20 était en effet son dernier joker, son atout pour redresser un mauvais bilan et expliquer aux Français qu’il était le plus apte à gérer la crise. Et pour le moment, non seulement il n’affiche pas de résultats tangibles sur le plan intérieur, mais ses négociations internationales prennent l’eau. C’est dire si ça sent le sapin ! Ou comment en cette Toussaint, la blague grecque pourrait enterrer la candidature de Sarkozy, et l’obliger à renoncer. On peut toujours rêver.

SarkoShow, Acte I : J’ai sauvé l’Europe et dans quelques jours je vais sauver le monde

Les deux sommets européens passés, ayant accouchés dans la douleur d’un accord arraché au forceps –pour faire comme Carla ?- il reste maintenant le G20, les 3 et 4 novembre prochain à Cannes.

Dernier temps fort de la présidence française, mais aussi gros risque pour Nicolas Sarkozy. Le programme est ambitieux, notamment en ce qui concerne la régulation mondiale et la réciprocité. Autant dire que si la montagne accouche d’une souris, ce sera un sacré handicap pour Sarkozy, qui joue depuis la crise de 2008 sur son image de sauveur, sans avoir réellement de bilan pérenne en la matière. Des rustines ont été posées, certes, mais elles ne tiennent déjà plus. C’est dire s’il joue gros.

D’entrée, Yves Calvi demande si nous sommes sortis de la crise ou si nous colmatons la brèche. Selon le président, « ni l’un ni l’autre ». Et repart sur un long historique partant de la crise de 1929, pour finalement arriver à la crise depuis 2008 : « Lorsque les américains ont décidé de laisser tomber Lehman Brothers cela a entraîné une catastrophe dans le monde entier ». Donc c’est la faute des Ricains. Ouais, mais si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie, à parler de je-ne-sais-quoi, à saluer je-ne-sais-qui… puis il enchaîne, en disant que nous –les européens- ont a essayé d’éviter ça. Bref, on a sauvé le monde, parce que sinon on allait tous mourir : mode Superman enclenché. Enfin presque : « nous sommes face à une crise de la dette colossale qu’il s’agit de régler ». Parce qu’avant Lehman Brothers, y’avait pas de problème de la dette peut être ?

Revenons à l’accord de cette nuit. Pour le président, déclarer la Grèce en faillite aurait entraîné la totalité de la zone Euro. Donc « Les Grecs font des efforts mais comme ils ne pouvaient pas rembourser 200 milliards d’euros nous avons demandé aux banques d’effacer 50 % de leurs créances. » Hum… amusant lorsque l’on sait que quand DSK avait évoqué cette hypothèse, Fillon l’avait traité d’irresponsable. Doit on comprendre que notre bon mètre serait irresponsable ? Ou qu’il a baissé son slip de Superman ? Au passage, ça n’est pas 50% de la dette grecque qui est effacée, mais 50% de sa dette privée. Elle doit quand même encore un paquet aux Etats et institutions internationales (Etats, FMI, FESF, BCE) mais bizarrement Sarko n’en pipe mot.

Jusque là, on a surtout compris qu’on n’a pas sauvé la Grèce, mais surtout les banques. Et le vilain Yves Calvi ose poser justement cette question là. Et je vous le donne en mille, Sarko botte en touche, en donnant un bon coup de bâton aux grecs, qui ne sont pas blanc-blanc… Et n’y va pas par quatre chemin : « La Grèce est rentrée dans l’euro avec des chiffres qui étaient faux et elle n’était pas prête, son économie n’était pas prête à rentrer dans la zone euro et nous en avons payé les conséquences ces derniers mois ». Mais n’oubliez pas, c’est le candidat qui vous parle… Il n’hésite donc pas à rajouter qu’elle est entrée dans la zone Euro en 2001, et qu’il n’était pas aux affaires. Ca n’est pas sa faute à lui : mode Lolita enclenché. Au passage, Jospin, Chirac, bandes de gens qui soutenez Hollande de plein gré ou par humour corrézien, suivez mon regard…

Sarko passe ensuite sur le douloureux passé entre la France et l’Allemangne. Décidément ce soir on voyage dans le temps. Après le XXème siècle et sa crise de 1929, nous voilà reparti jusqu’en 1870, puis les deux guerres mondiales. C’est un bon moyen pour les élèves de 3ème de réviser rapidement et à moindre frais leur BEPC. Autant rentabiliser le cours magistral de notre cher nain Prof. Sauf que pas trop quand même, vu que pour Sarko, nous avons eu trois guerres avec l’Allemagne dans le même siècle. Aïe Aïe Aïe… D’ailleurs le voilà qui verse dans le mélo : « Puis des hommes ont dit on va ensemble construire la paix… ».

Je me vois déjà, courant nue dans les prés, un bouquet de marguerites dans les mains, et un peace and love tatoué sur le sein gauche, hurlant « Angela, ich liebe dich » à tout bout de champ, c’est le cas de le dire. Ah ah. Bref, je rêve sur ce nouvel épisode des Feux de l’Amour version amitié franco-allemande, celui dans lequel Nicolas et Angela sont un peu en froid –Nicolas balance Angela et trouve leur couple moins francs que d’autres couples franco-allemands dans le passé- mais se décident finalement à signer un accord européen pour ne pas qu’on se foute de leur gueule au G20.

Et n’allez pas dire, odieux que vous êtes, que cet accord n’est pas brillant et qu’il met seulement l’Euro sous perfusion. Vous seriez alors d’odieux colporteurs de ragots, tel ce Jacques Sapir, économiste pro-démondialisation, qui publie ce soir dans Marianne son analyse sur ce qu’il appelle « le pire accord envisageable ».

Parce qu’il entraînera selon lui la baisse de l’indépendance de l’Eurpe en internet –poids décisif de l’Allemagne et non plus du couple franco-allemand- et en externe –entrée probable de la Chine dans le FESF ce qui au passage, annule de facto toute tentative de mesure protectionniste, et met à mal la négociation sur la réciprocité-, ne rassurant que temporairement les marchés qui comprendront que ce n’est pas suffisant et reprendront rapidement la spéculation.

Jacques Sapir, lui, préconisait plutôt l’auto-dissolution de la zone euro. Et Sarko n’a pas répondu à cette tendance là, pourtant croissante dans l’opinion, des extrêmes à Montebourg. Mine de rien, ça fait tout de même entre 15 et 20% de personnes qui sont lâchées dans la pampa sans avoir eu la moindre contre argumentation. Ou le danger de faire une primaire tout seul, sans contradiction. Bref, de toutes façons on va tous mourir. Ou comment Superman a baissé sa culotte, faute d’avoir les moyens de s’en acheter une propre.

Et Pernault (Ricard ?) refroidit encore un peu l’ambiance autant que le glaçon dans le Pastis (Ricard !) : « Combien ça coûte aux français ? ». Le mec monomaniaque. Depuis le lancement de l’émission Combien ça coûte en 1990 –eh oui, ça date !- JPP n’a jamais quitté son fond de commerce. Donc selon Sarko, « La France a prêté à la Grèce 11,5 milliards d’euros. Aujourd’hui ce prêt n’a rien coûté au contraire, cela a remporté des intérêts ».

Mouais mouais mouais. Donc ça ne nous aurait pas coûté d’argent, ça nous aurait même rapporté. Parce que la Grèce ne peut pas payer sa dette, mais elle peut payer ses intérêt. Comme nous, quoi. Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? Parce que dans la vraie vie, on a tout de même payé tout ça par le Plan de Rigueur de Fillon hein. Faudrait peut être voir à pas trop nous prendre pour des jambons… Parce que tous les buveurs de Coca s’en souviennent. Même si notre président s’appelle Ni-Cola(s). Ah ah.

Bon sinon, entre deux fautes de syntaxe qui nous rappellent que le président qui met en place un examen de français plus drastique pour les étrangers visant la naturalisation ne le réussirait sans doute pas lui-même, on apprend ça a coûté 100 milliards aux banques. Bah oui, 50% de 200 millions d’euros. Jusque là on sait encore compter… Les banques qui, d’ailleurs, étaient bien obligées de jouer le jeu, sinon elle faisait face à un défaut de paiement –de la Grèce- et boum, le monde explosait. Et on allait tous mourir. Sarko se rengorge d’ailleurs, pas à une contradiction près : « Le marché c’est la quintessence du court terme (…) mais je préfère avoir une bourse qui augmente et des marchés qui nous font confiance ».

Ainsi s’achève l’acte I et l’explication du sommet européen sur cette anaplodiplose : Sarko a sauvé le monde. Et fait des figures de style, à l’insu de son plein gré. Et si on passait à la France ?