Sarko est-il anti-psy et homophobe ?

Retour sur la question de la pédophilie, et loin de moi l’envie de détourner les propos de Nicolas Sarkozy, c’est pourquoi je publie l’intégralité du verbatim en question, que je vous invite à lire sur le site du Figaro.

« Sur cette affaire de pédophilie, soyons clair : ce n’est quand même pas une idée extrêmement répandue que d’avoir envie de violer un petit garçon de 3 ans ! Qui osera me dire que chacun d’entre nous pourrait avoir cette idée ? Guy Georges qui viole et tue 12 femmes, qui osera me dire qu’il n’est pas malade ?

Je n’ignore nullement qu’il y a sans doute une part d’acquis et que tout n’est pas dans l’identité. Mais si on conteste l’idée de cette identité, de ce terrain fragile, alors on conteste l’idée qu’on peut soigner et qu’on peut guérir. Je ne partage pas l’idée que, quand un jeune se suicide, c’est la faute de ses parents. Il y avait déjà une fragilité. Je ne partage pas non plus l’idée que le problème de l’autisme est un problème d’éducation.

Dans les années 60, quand j’étais enfant, j’entendais ce jugement très choquant à propos d’un jeune qui était homosexuel : « sa maman l’a fait dormir dans son lit », « sa maman lui achetait des poupées »… On a fait litière de tout ce fatras. Il faut arrêter de culpabiliser, il y a des terrains fragiles.

Dans un autre domaine, voyez pour la terrible maladie qu’est le cancer. Bien sûr, la cigarette donne le cancer, mais il y a des tas de gens qui fument deux paquets de cigarettes par jour et qui n’auront jamais de cancer, et d’autres qui ne fument rien, qui sont des fumeurs passifs, et qui auront le cancer, parce que leur terrain est plus fragile. Mgr André Vingt-Trois dit qu’il n’est pas d’accord avec moi. Eh bien moi, je ne suis pas d’accord quand on dit que l’homosexualité est un péché. »

Inutile de vous dire que je ces propos me rendent hystériques. Tout d’abord sur la forme : lorsqu’il évoque le viol d’un enfant ou Guy Georges, personne n’a dit que c’était une idée répandue d’avoir envie de violer des enfants, ni nié la maladie mentale de ce serial killer. C’est de la pure démagogie que d’utiliser ces formules.

La question fondamentale, qui est au cœur de ce propos, c’est de savoir si toute maladie est innée –et donc génétique- ou si elle peut relever de l’acquis –et notamment se développer en raison d’un contexte particulier. Soyons honnêtes, Nicolas Sarkozy tente par cet entretien, d’adoucir son propos des jours précédents, en reconnaissant tout de même une part d’acquis.

Le problème, c’est que la suite est terrifiante. En effet, lorsqu’il prétend que contester l’existence d’un terrain génétique signifie contester l’idée que l’on peut soigner et guérir, c’est très grave. Cela consiste à dire que le seul remède possible consiste en une thérapie génique, et donc à rejeter la psychiatrie. Une thèse notamment défendue, je vous le rappelle, par l’Eglise de Scientologie.

Ajoutons à cela qu’il met dans le même paquet de déviances à guérir les violeurs d’enfants, les tueurs en série, mais aussi les homosexuels et les suicidaires. A lire Nicolas Sarkozy, on peut interpréter que les homosexuels ont donc eux aussi un terrain fragile… Sont ils malades aussi ???

Définition du terme fragile dans Le Robert de Poche : « Faiblesse de constitution – Manque de résistance psychique ». Autrement dit, si pour Nicolas Sarkozy l’homosexualité n’est pas un péché -ce avec quoi je suis complètement d’accord !- elle lui semble tout de même plus faible que l’hétérosexualité.

Chez moi, ça s’appelle tout simplement de l’homophobie.

« Je ne suis pas né hétérosexuel »

Il y a des choses qui me gênent dans cette campagne. Lorsque Nicolas Sarkozy dit « Je suis né hétérosexuel et je ne me suis jamais posé de questions sur ma sexualité », ça me dérange.

Non pas qu’il soit hétéro. Mais soyons honnêtes et regardons la réalité en face. Si il ne s’est jamais posé de questions, c’est tout simplement parce que l’hétérosexualité est la norme dans notre société.

Tant mieux pour lui et il n’est pas question de le culpabiliser d’être hétéro, mais au lieu de poser cette phrase comme un postulat, pourquoi ne pas en profiter pour aller plus loin ?

Des contes de fées de notre enfance aux films, en passant par la plupart des livres, les schémas exposés sont classiques : un homme, une femme, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Du coup, pas besoin de se poser de question pour les hétéros, leur sexualité leur est naturelle.

En revanche, aucun homosexuel, bisexuel ou asexuel n’a le même confort à l’éveil de sa sexualité. D’emblée, il se sent différent, et s’interroge. Aussi, la phrase de Nicolas Sarkozy m’interpelle simplement parce qu’elle démontre le fossé qui existe entre la manière dont chacun peut vivre sa sexualité.

C’est une réalité trop souvent oubliée, la majorité oubliant les soucis de la minorité : ceux-ci doivent s’adapter au moule et vivre leur différence comme ils le peuvent, et quoi qu’on en dise, cela se passe toujours en silence.

Paragraphe 175*

Près de soixante ans ont passé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Depuis toutes ces années, de nombreux hommes n’ont toujours pas été reconnus comme victimes du régime nazi.

Ces hommes ont tous en commun d’avoir été persécutés au nom de leur différence sexuelle : l’homosexualité. Paragraphe 175 mène pour la première fois en images l’enquête sur ces oubliés de l’Histoire.

L’étrange amnésie hétérosexuelle

A travers des images d’archives, mêlées aux témoignages d’homosexuels ayant survécu à la guerre, le film évoque la manière de vivre son homosexualité, des années 20 à l’après-guerre. Des années folles berlinoises, au cours desquelles l’homosexualité s’affichait dans les bars gay et lesbiens, sous la tolérance de la République de Weimar, on découvre les mouvements de jeunes allemands et le rapprochement entre corps et nature, bientôt transformé en corps à corps sensuels et sexuels.

L’œil des survivants brillent lorsqu’ils évoquent leurs premiers émois, leurs premières relations homosexuelles. Malheureusement, le régime d’Hitler n’en retiendra plus tard que le terme « homo » là où elles étaient avant tout « sexuelles ».

Mais au début des années 30, les homosexuels ne se sentent pas en danger. Ils sont allemands avant tout, et pensent que leur nationalité ou leur blondeur peut encore les sauver. D’autant que l’un des plus proches conseilles d’Hitler, Röhm, fondateur de la milice des SA, est lui-même homosexuel. Lorsqu’il est massacré, en 1934, lors de la nuit des longs couteaux, la donne change : Hitler justifie son acte par le crime d’homosexualité commis par son lieutenant, et proclame ce qui deviendra une chasse aux sorcières.

Les homos deviennent les ennemis du régime et en 1935, le régime renforce le paragraphe 175 de la Loi fondamentale, qui punissait depuis 1871 les relations homosexuelles. Au fil des années, l’étau se resserrera autour de la communauté gay. Les lesbiennes en revanche auront plus de chances : le régime nazi les considérant comme guérissables, elles ne seront quasiment pas inquiétées.

Sans vouloir minimiser l’importance des exactions commises par le régime nazi, Rob Epstein et Jeffrey Friedman ont l’intelligence de respecter le contexte socio-historique de chasse aux homosexuels. Si environ 100 000 homosexuels ont été arrêtés, seulement 10 à 15000 ont été envoyés en camps, d’autres emprisonnés. Mais peu ont été envoyés dans les chambres de la mort. Esclaves du camp, victimes de tortures physiques, castrés ou cobayes pour des expérimentations médicales, ils devaient tous arborer le triangle rose.

Mais qui s’en souvient ? Si les juifs ont été reconnus victimes du régime, les homosexuels ne l’ont jamais été. Pire, le Paragraphe 175 n’a été aboli en Allemagne de l’Ouest qu’en 1969, et nombre d’homosexuels emprisonnés pendant la guerre sont restés en détention après la libération. Si ce documentaire a été réalisé par un chercheur allemand pour le compte du musée de l’Holocauste de Washington, le gouvernement allemand n’a lui toujours pas reconnu ses victimes. Près de soixante ans après, il ne reste plus qu’une dizaine de survivants.

Cette poignée d’hommes a encore du mal, aujourd’hui, à témoigner de ce passé encore très présent : deux ont refusé de participer au documentaire, d’autres ont livré des témoignages poignants et emprunts de toute la douleur qu’ils ont subi. Il serait temps de leur octroyer enfin la reconnaissance à la fois de leur statut de victimes, et de la normalité de leur sexualité. Ces faits font tout autant partie du devoir de mémoire. Paragraphe 175 est un documentaire à voir et à penser, pour ne pas l’oublier.

*Article rédigé pour Objectif Cinéma et publié à cette adresse