Quand les faits divers servent de boussole gouvernementale…

L’Assemblée Nationale examinera à partir du 27 septembre le projet de loi sur l’immigration, intégrant les deux amendements gouvernementaux  visant à étendre les conditions d’extension de la déchéance de nationalité.

Hasard du calendrier ou coïncidence malheureuse, le 27 septembre marque le 70ème anniversaire de la Première ordonnance allemande en France, prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, dont la date limite est fixée au 20 octobre 1940. Ce recensement se termine le 19 octobre et donne lieu à la création du Fichier des Juifs de la Préfecture de police.

Eric Besson, Michèle Alliot Marie et Brice Hortefeux ont proposé chacun une rédaction sur le  meurtre de personnes dépositaires de l’autorité publique, L’Elysée doit trancher cette semaine entre les deux. Brice Hortefeux a également rédigé un amendement sur le délit de polygamie de fait. Ces amendements, dans la droite ligne du Discours de Grenoble, participe au paquet sécuritaire mis en place par le chef de l’Etat pour espérer récolter quelques voix en flattant l’instinct nationaliste. Cette stratégie électoraliste est dangereuse : elle met en péril notre pacte républicain (parce qu’à l’évidence inconstitutionnelle) autant que notre cohésion nationale. Alain Juppé ne disait pas autre chose hier sur RTL.

Ce procédé relève une fois de plus de l’application du théorème gouvernemental « Un fait divers, une loi ». Nicolas Sarkozy gouverne à l’émotion en proposant de légiférer dès qu’un drame survient dans le pays. Le président gouverne de manière épidermique et impulsive, sans réflexion de fond, recherche d’une solution autre que la loi, ni même  de vérification de la constitutionnalité du projet ou de l’applicabilité de la loi.

  • Sur la constitutionnalité : le Conseil Constitutionnel réserve la déchéance de constitutionnalité aux « cas les plus graves », considérant que tous les français sont égaux devant la nationalité, qu’ils soient français de naissance ou qu’ils aient été naturalisés.
  • Associer le délit de polygamie à la déchéance de la nationalité devrait être retoqué.
  • Sur l’applicabilité : prouver l’union, qui ne peut être réalisée sur le territoire français, devrait entraîner d’importantes difficultés d’application
  • Sur la cohérence législative : si la fraude aux allocations familiales reçoit une telle réponse juridique, qu’en sera-t-il de la fraude fiscale ?

Pourtant, d’autres solutions existent : la polygamie est un phénomène en voie d’extinction, les enfants de familles polygames ayant grandi en France ne reproduisant pas le schéma. Il existe dans certaines municipalités des programmes d’accompagnement de ces familles, notamment en proposant la décohabitation pour vivre dans de meilleures conditions.

Sarko : de la sécurité en politique à l’insécurité politique

Ce lundi 23 août marque la rentrée politique en France. A deux jours du prochain conseil des ministres, nombreux sont les politiques à reprendre la parole dans les médias. Le Monde publie aujourd’hui pas moins de trois tribunes, toutes à charge contre la dérive sécuritaire de Nicolas Sarkozy.

Ce matin, Dominique de Villepin réagit très fortement, dans une tribune au Monde, s’indignant de la « tache de honte sur notre drapeau » et de la « Faute morale, faute collective commise en notre nom à tous, contre la République et contre la France. » Estimant que « Se taire, c’est déjà être complice », il appelle au « devoir à remplir pour tous les républicains de France, face à l’hydre qu’un président et ses courtisans voudraient réveiller au fond de chacun de nous, face à la tache qui menace de flétrir l’idée même que nous nous faisons de la France. Un devoir de refus. Un devoir de rassemblement. Un devoir de courage politique pour préparer l’alternative républicaine qui s’impose. Un devoir que nous devons assumer tous ensemble, aussi longtemps qu’il faudra, avec toute l’énergie qu’il faudra.» Autour de lui il s’entend. Ou comment lancer la rentrée politique de son mouvement République Solidaire… Reste à concrétiser par des propositions afin de construire cette alternance à laquelle il appelle, et 2012 deviendra peut être une ligne de mire pour le hérault de la République.

Rachida Dati, symbole de la discrimination positive sauce Sarkozy, en disgrâce depuis de nombreux mois en raison de ses apparitions médiatiques jugées intempestives par l’actuel locataire de l’Elysée, se lâche elle aussi via le même procédé et dans le même journal. Entre un coup de brosse à reluire à l’UMP, dont elle reprend certains des arguments et à qui elle fait plaisir en cédant au leitmotiv consistant à taper sur le PS, et à Daniel Cohn Bendit qu’elle encense, Rachida Dati tisse son argumentaire à partir de la devise nationale : liberté, égalité, fraternité. Malgré un texte un peu mièvre qui enfonce bien souvent des portes ouvertes, on ne peut lui reprocher de dresser le même constat que ses petits camarades : « Notre défi aujourd’hui, en tant que responsables politiques, c’est de contribuer à créer un nouveau climat d’apaisement pour que tous les Français soient de nouveau totalement en phase avec les valeurs fondamentales de notre République. »

Enfin Lionel Jospin, candidat malheureux à la présidentielle de 2002, notamment pour avoir sous estimé l’enjeu sécuritaire, prend sa revanche en livrant lui aussi dans Le Monde ses « quelques vérités sur l’insécurité », lassé de voir l’UMP se livrer sans cesse à des attaques sur le Parti Socialiste. Osé, mais brillant. Lionel Jospin se paie donc Estrosi, ce roquet de bas étage qui me fait penser à Michael Yaoun quand il animait le Morning Live, un mégaphone à la main : Estrosi c’est un peu ça, un sarkofan toujours prêt à aboyer dans vos oreilles la politique sécuritaire du gouvernement. Tellement qu’à force, plus personne ne l’écoute : aucun crédit…

Mais là où Jospin tape dans le mille, c’est en dressant le constat d’échec de la politique de Nicolas Sarkozy en matière sécuritaire : « Certes, le président et ses ministres ne sont pas avares de proclamations. La majorité a voté une cascade de textes législatifs dont la succession même souligne l’inefficacité. En pleine surenchère aujourd’hui, l’exécutif annonce même des projets qu’il reconnaît comme non constitutionnels et dont il sait qu’ils seront censurés ! ». Après une démonstration sur la baisse des moyens affectés à la sécurité –contradictoire avec le discours du gouvernement, Jospin enfonce le clou : « Faudrait-il croire alors que pour le pouvoir et son chef, si contesté, l’objectif est moins de réduire l’insécurité que de l’exploiter ? Le président s’effacerait-il derrière le candidat ? L’espoir d’une réussite électorale reposerait-il en dernier recours sur cette exploitation ? Si ce jeu devait se poursuivre, il serait peut-être hasardeux pour le candidat, mais à coup sûr dangereux pour le pays. » CQFD.

Quand je vous annonçais que les fissures dans la majorité se transformaient en crevasse, je n’étais pas loin de la vérité. Plus les jours passent, plus la sécurité, cet enjeu qui permis à Nicolas sarkozy de monter les marches du pouvoir, désintègre sa propre majorité. Après les remous des parlementaires cet été, qu’il s’agisse des villepinistes Marie Anne Montchamp, Jean-Pierre Grand, Marc Bernier, ou de députés UMP prenant leurs distances avec le parti comme Yannick Favennec ou Etienne Pinte, c’est maintenant Christine Boutin qui confie au Point s’interroger sur son avenir au sein de l’UMP au vu de la « fêlure » provoquée par l’affaire des roms et la réaction du pape Benoît XVI, tout en indiquant que la rupture n’est pas consommée : lorsqu’on lui demande si ce serait la goutte d’eau qui pourrait entraîner une séparation ? « Pour l’instant, à l’heure où je vous parle, non ». Que ce soit par simple revanche personnelle ou volonté réelle de se démarquer sur un sujet qui interpelle l’Eglise, Christine Boutin menace en douceur d’une candidature dissidente non tranchée, mais…

Last but not least, les militants, dont certains d’interrogent. Amine, le jeune beur auquel Brice Hortefeux avait dit « Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » et qui avaient valu au ministre de l’intérieur une condamnation le 4 juin 2010 à 750 euros d’amende et 2 000 euros de dommages et intérêts pour injure à caractère racial (une condamnation dont il a fait appel), annonce quant à lui sur sa page Facebook qu’il quitte l’UMP. Histoire d’enfoncer le clou, il a aussi indiqué à Europe 1 qu’il pourrait rejoindre le parti de Dominique de Villepin.  La boucle serait-elle bouclée ?

Quoi qu’il en soit, à pousser le bouchon un peu trop loin sur la sécurité, Nicolas Sarkozy a finit par affoler la boussole, et complètement perdre le Nord. L’overdose sécuritaire et l’excès de postures toujours plus dures sur ce thème ont fini par perdre le président, et dresser une large partie de la classe politique, hormis son fan club de wannabe -Morano, Estrosi, Besson et Ciotti en tête-, contre lui.

Mais qu’en pensent les français ? Pour l’instant, les sondages contradictoires s’accumulent, et il est difficile de tirer une conclusion définitive sur le sujet. Cependant, l’image de la France dans le monde pâtit de l’agitation sécuritaire de l’actuel locataire de l’Elysée, et le peuple français rarement indifférent à cette donnée : la presse étrangère, l’ONU via le Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale, et maintenant l’église catholique se sont exprimés contre la politique très dure d’expulsion des roms et les amalgames sous tendus par ces choix.

En analysant de près l’action de Nicolas Sarkozy, tout un chacun peut maintenant noter que si Nicolas Sarkozy est né aux yeux des français par la sécurité, cette escalade dans la politique sécuritaire ne fait que mettre en exergue l’échec du président sur ce sujet. Depuis 10 ans, il n’a eu cesse que de déclarer la guerre à l’insécurité et pourtant, cette fuite en avant sonne comme un constat d’échec.

Au-delà des dérapages, il y a fort à parier que les français attendent plutôt des résultats concrets, sur ce thème comme sur les autres, et notamment des actions fortes sur le pouvoir d’achat, le chômage et la réduction des déficits publics plutôt que sur des postures de communication qui divisent la population au lieu de privilégier l’unité républicaine et la solidarité nationale. A bon entendeur…

A la pêche aux voix centristes

Et c’est reparti pour un tour ! Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se sont lancés à fond dans la campagne pour le deuxième tour : Ségo était hier soir à Valence, Sarko à Dijon.

Au rayon  politique politicienne de notre grand magasin France, Sarko emporte la palme haut la main grâce à ce magnifique doublé : d’une part, il s’attache le soutien d’Eric Besson le soir même où Ségolène se rend dans le département de ce dernier, d’autre part, il ajoute à son pupitre un bandeau de couleur… orange centriste !

Dans le même temps, le même match se joue sur TF1. Là encore, Sarko a sortie l’artillerie lourde. Fis des Hortefeux (grillé sur la proportionnelle), Morano (tombée en disgrâce), Dati (pas assez mûre), du trio Copé, Jego, Bertrand (trop agressifs), Fillon (trop girouette), l’UMP sort des valeurs sûres et réputées calmes : et c’est Alain Juppé qui s’y colle…

Et pour cause : Alain Juppé est précisément celui qui, lorsqu’il était président de l’UMP, n’a pas tué l’UDF en ne positionnant pas, lors des législatives de 2002, des candidats UMP face au centristes susceptibles de l’emporter. Une attitude longtemps décriée par Nicolas Sarkozy, qui n’hésitait pas à se montrer extrêmement dur avec son prédécesseur, quand ce n’était pas, dans des circonstances plus off, carrément insultant.

C’est d’ailleurs le même Nicolas Sarkozy qui jurait ses grands dieux qu’il serait celui qui tuerait l’UDF en présentant systématiquement un candidat face à eux dans toutes les élections, et qu’il ne prononcerait jamais le nom de François Bayrou –« je ne parle pas de ce qui n’existe pas ».

Ce qui explique tout de suite mieux pourquoi le candidat centriste ne devrait pas prendre parti en faveur de l’UMP. Et pour les accords pré-électoraux éventuels sur les législatives, aucun sarkozyste n’est apte à discuter : seuls les vieux de la vieille, les rebus d’hier, sont à même de se faire entendre des centristes qu’ils n’ont jamais négligé. En la matière, Alain Juppé est l’homme de la situation.

Au vu du score des centristes, il est désormais complètement évident pour tout le monde que la Sarkozie ne gagnera pas la présidentielle seule. Contrairement à ce que le score de 30% laisserait à penser, de prime abord, Nicolas Sarkozy n’est pas tout puissant dans son camp. Au sein de l’UMP, il a eu besoin de l’union de la droite pour réaliser un tel score, et pour gagner, il a besoin de la diplomatie des chiraquiens pour récupérer les voix des brebis égarées.

Si Sarkozy est élu le 6 mai, voilà qui présumera un scrutin intéressant pour les élections à venir à la présidence de l’Assemblée Nationale, mais aussi et surtout à la présidence de l’UMP, en novembre prochain.

Brice, au pied ! (2)

Selon nos sources très bien informées, il paraîtrait de Brice de Clermont était vert de rage ce vendredi, après avoir été tancé par son patron bien aimé.

Cassé !

N’apprécierait-il pas d’avoir été le pion testeur d’idée du Petit Nicolas, pas assez courageux pour s’assumer ?

Heureusement, Brice est un gentil pépère à son Nico. Vendredi soir, ils ont dîné ensemble. Brice a donc eu son su-sucre, et il est reparti tout guilleret, en remuant la queue. Ouaf !

Brice, au pied !

Cette semaine, c’est Brice Hortefeux, l’ami de 30 ans, qui se fait éreinter par le candidat.

En cause, la prise de position du Ministre délégué aux Collectivités Territoriales en faveur d’une mini-dose de proportionnelle, à hauteur de 60 députés (soit 10%).

Ce qui, à en croire Le Monde, aurait déclenché la fureur de Nicolas Sarkozy. Pour connaître le système, il est impossible que Brice Hortefeux ait agi sans la validation du candidat. Tout le monde sait qu’Orangina Rouge ne va pas pisser sans son autorisation.

Alors, Brice aurait-il subitement pris son envol, ou aurait-il été seulement une fois de plus la voix de son maître ?