Il Numero Uno est un homme comme les autres

Numero1Emue. Ce livre m’a émue.

Admiratrice du plus grand gardien du monde, j’avais acheté Il Numéro Uno pendant l’Euro 2012, alors que j’avais commencé à apprendre très doucement l’italien. Comme motivation. Comme un but. Je me disais que le jour où je parviendrais à le lire, je serais très fière de moi.

Jusque-là, je m’intéressais au sportif. Ce gardien incroyable, reconnu comme le meilleur du monde, a la longévité exceptionnelle et au palmarès fort riche. Celui-là même qui, un soir de juillet 2006, arrêta d’une claquette sortie de nulle part la tête de Zidane que tout le monde voyait au fond. Un athlète hors norme devenu au fil du temps un symbole de l’Italie.

Mon italien progressant, j’ai découvert peu à peu ses écrits. Ces mots jetés en pâture sur son mur Facebook, depuis rassemblées sur son site internet. Ces paroles fortes, destinés à galvaniser les supporters ou à rendre hommage, ou encore à évoquer tel ou tel match. Certains de ces textes m’ont marquée.

Celui sur Auschwitz, bien loin de l’image du « nazista » qu’avait pu en faire la presse au début des années 2000. Non que ce texte soit brillant d’un point de vue artistique. Mais il a touché juste parce que j’ai à peu près les mêmes souvenirs que Buffon. Ceux de l’Euro 2012, dont celui du lendemain de la qualification pour la phase finale,  évoquant le fait de se battre toujours jusqu’au bout, de tout donner, mais aussi l’Italie, son Italie fantasmée. Ou encore son message poignant au lendemain de la finale perdue, fixant rendez-vous pour le Mondial 2014 qu’il annonçait entendre jouer, et remerciant ses coéquipiers.

Qu’on se comprenne bien : Buffon n’est pas un auteur. Buffon est un leader. Un homme capable d’entraîner des gens derrière lui par la seule force de ses propos. Un capitaine. Celui de la Juventus. Et de l’équipe d’Italie.

Depuis l’été 2012, j’ai tenté de nombreuses fois de lire cette biographie, avant de chaque fois la délaisser faute d’avoir le niveau de langue suffisant.  Au printemps 2013, j’ai pourtant lu sans grande difficultés la biographie d’Andrea Pirlo. Mais je bloquais toujours sur celle de Buffon. Jusqu’à Noël, où je m’en suis lancé le défi : je voulais savoir qui se cachait derrière celui pour qui j’avais ardemment agité uno striscione dans le stade de San Siro pendant Italie-Allemagne. Qui était l’homme derrière le footballeur ? Il était temps que je sache.

Que d’émotions… Dès le premier chapitre, Buffon se livre. Et fait une révélation importante : de fin 2003 à mi-2004, pendant six mois, il a souffert de dépression. Lui, le champion du monde adulé par tout un pays et bien au-delà des frontières de l’Italie, a connu cette maladie invisible tant décriée par ceux qui ne l’ont pas vécue. Derrière le génie, il y a donc bien un homme.  Lui s’en est sorti, ce ne sera hélas pas le cas de son collègue allemand Robert Enke, grand espoir du foot allemand, qui se jettera sous un train en 2009. Un épisode qui marquera beaucoup Buffon et l’incitera à revenir sur sa propre dépression.

De ses très jeunes années chez ses oncles et tantes dans le Friul à sa vie familiale à Marina di Carrara, de ses débuts à Parma à son arrivée à la Juventus, de ses dimanches avec les ultras au soir du 9 juillet 2006, de sa rencontre avec Alena Seredova à sa paternité, Gianluigi Buffon se raconte avec un unique fil conducteur : les valeurs qui l’ont aidé à se construire et qu’il entend transmettre à son tour.

Oh bien sûr, l’homme n’est pas sans failles, et il a quelques bêtises à son actif. Comme avoir commencé à fumer à 14 ans, obtenu un faux bac, et été menacé d’une plainte finalement retirée pour avoir pissé sur une voiture alors qu’il était ado. Il traîne également derrière lui une réputation quelque peu sulfureuse, étant régulièrement accusé de sympathiser avec l’extrême droite.

Hum. Il s’en défend extrêmement bien lui-même. Non, tous les jeunes italiens ne savent pas ce que signifie « Boi chi molla » et non, tout le monde ne sait pas que le numéro 88 est considéré comme le symbole du « Heil Hitler ». Moi-même je ne le savais pas. Pourquoi un joueur de foot qui n’a pas son bac le saurait mieux que moi ? Parce qu’il est célèbre ? Au lieu de préjuger de ses opinons politiques, le mieux est encore d’aller directement à la source, et de lire, par exemple, cette lettre à Mario Monti.

Le même gamin, pourtant séparé très tôt de sa famille –et donc soumis à toutes les tentations-, a refusé de gober de l’ecstasy, et dès ses 13 ans, a trouvé injuste le sort « de série B » réservé aux équipes africaines pendant le mondiale. Fan du gardien camerounais Thomas N’Kono et admiratif de Nelson Mandela, avouez qu’on fait plus raciste. Mais là où Gigi Buffon est vraiment touchant, c’est dans sa sincérité à faire son introspection. Comme lorsqu’il regrette de ne pas avoir son bac et souhaiter l’obtenir, pour montrer à ses enfants l’importance d’avoir un diplôme.

Les amoureux du foot aimeront lire ses dimanches dans la curva ou ses anecdotes sur la coupe du monde et son compagnon de chambrée Gattuso, ou encore tout savoir de la Juve et de comment il vécut la descente en Serie B. Ses détracteurs utiliseront le livre pour pointer ses faiblesses, comme son amour du jeu qui le mêla trop souvent au scandale des paris truqués, ou son ambition débordante qui le fit parfois manquer d’humilité. Moi, je préfère retenir l’homme qui sait reconnaître ses erreurs, certains excès, et retenir les leçons pour devenir mature et se construire en homme, mari et père. Tout en restant le meilleur gardien du monde.

Après avoir lu ce livre, je suis surtout fière de lui. Fière de la manière dont ce petit garçon de Carrara s’est construit pour devenir non seulement le plus grand gardien du monde, mais surtout pour grandir et passer de l’insouciance de l’adolescence aux responsabilités d’homme. Fière que le capitaine de la Juventus et de l’Italie, ce soit lui.