Le temps présidentiel

Après Chaque pas doit être un but, le premier tome des Mémoires de Jacques Chirac, qui évoquait son parcours politique, Le temps présidentiel revient sur ses deux mandats de président. Tout au long des quelques 600 pages de ce second tome, Jacques Chirac s’explique sur ses choix de président. Des essais nucléaires à la dissolution, du non à la guerre en Irak au référendum de 2005, Jacques Chirac revient sur ses douze années à la tête de l’Etat.

L’essentiel de l’ouvrage porte sur son action internationale. Le président évoque ses rencontres avec de nombreux chefs d’Etat, mais aussi les coulisses des négociations internationales et des sommets internationaux, G7 puis G8 et G20.  A travers ses relations avec Bill Clinton ou Boris Eltsine, à celles plus délicates avec Georges Bush –on apprend ainsi qu’ils ne se parlèrent pas pendant plusieurs mois- à celles avec Tony Blair qui, selon Jacques Chirac, « a pris de lourdes responsabilités au regard de l’Histoire » en se ralliant d’emblée à l’offensive américaine en Irak, sans omettre naturellement la rencontre avec le président chinois Jiang Zemin en 1999, il pose son regard sur la mondialisation et la gouvernance mondiale. Mais aussi les grands dossiers internationaux, comme la crise en ex-Yougoslavie, ou les discussions préalables à la guerre en Irak, dans laquelle il refusera d’engager notre pays. Sa manière de s’impliquer dans ces deux dossiers témoigne déjà de son inlassable engagement en faveur des cultures et pour la paix.

Le Proche-Orient occupe une large place. De la visite à Jérusalem qui fit tant couler d’encre à ses relations avec Yasser Arafat, Jacques Chirac évoque la troisième voix française, dans la recherche de la paix dans cette région. Comment ne pas être pris à la gorge par le vibrant hommage qu’il rend à son ami assassiné Rafic Hariri, ressenti « comme celui d’un frère… Un des pires chocs de ma vie ». Il ne pardonnera jamais à Bachar El-Assad, fils d’Hafez qui lui, avait su faire progresser la Syrie. La construction européenne, enfin, occupe une large place. Tout comme son cheminement en matière d’écologie, et notamment la genèse de son fameux discours de Johannesburg : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ».

L’ancien président n’est pas exempt d’autocritique, notamment en matière de politique intérieure, en particulier sur la dissolution de 1997, et le 21 avril 2002. Alors que la classe politique entière s’évertue à rendre Dominique de Villepin responsable de la dissolution ratée de 1997, Jacques Chirac consacre un chapitre entier à rappeler les faits : depuis l’automne 1996, tout le RPR lui conseille d’user de ce pouvoir, y compris Nicolas Sarkozy, à l’exception de Philippe Seguin, Bernard Pons ou Pierre Mazeaud. Au-delà de dédouaner son ancien secrétaire général, Jacques Chirac remet les pendules à l’heure sur le fonctionnement de l’Elysée : le président, bien qu’entouré de conseillers, décide… et assume.

Il va même jusqu’à reconnaître des erreurs, particulièrement lorsqu’il dresse le bilan de son élection en 2002 et du choc du 21 avril, alors mal analysé : «J’aurais sans doute dû tout mettre en oeuvre pour constituer une équipe dirigeante plus représentative des 82% d’électeurs qui m’ont apporté leur suffrage le 4 mai 2002». «Je ne l’ai pas fait et ce fut probablement une erreur au regard de l’unité nationale dont j’étais le garant», admet-il. Le président Chirac affiche néanmoins sa fierté de n’avoir jamais accepté de compromis avec le Front National, « le parti de la haine, du racisme et de la discrimination ».

Au fil de ce Temps présidentiel, l’ancien président dresse avec sincérité le portrait de nombreux politiques qui l’ont entouré. A gauche, François Mitterrand bénéficie d’un portrait flatteur. Ainsi qu’Hubert Védrine, qui l’aida souvent à comprendre Jospin. Ce dernier, en revanche, n’est pas épargné par la plume parfois acide du président : « Je ne me sens rien de commun avec un dirigeant dont la rigidité intellectuelle, la vision manichéenne de la société, la conception antagoniste des rapports politiques dictent le comportement comme la pensée. »

A droite, Juppé est une nouvelle fois encensé : « Voici plus de vingt ans que j’ai trouvé auprès de lui d’abord le collaborateur et le conseiller, puis l’adjoint et le ministre d’une compétence sans faille, auquel j’ai pu me fier en toutes circonstances. Son soutien ne m’a pas fait défaut dans les périodes difficiles où mon destin présidentiel paraissait dans l’impasse. Cette fidélité est toujours allée de pair chez Alain Juppé avec une grande franchise à mon égard, dénué de tout souci de complaisance». Villepin, quant à lui, est réhabilité de l’épisode de la dissolution, et présenté comme un véritable homme d’Etat à travers deux portraits élogieux.

L’actuel locataire de l’Elysée, Nicolas Sarkozy, essuie quant à lui quelques coups de griffes. D’abord, sur leurs différences politiques :  « Nous ne sommes pas d’accord sur l’essentiel. Il est atlantiste, je ne le suis pas. Il est beaucoup plus libéral que moi sur le plan économique. Il est pour les discriminations positives et j’y suis radicalement opposé. » Ensuite, sur le comportement qui le disqualifia à plusieurs reprises pour occuper les fonctions de Premier Ministre : «Ses ambitions présidentielles sont vite devenues transparentes, à peine est-il arrivé Place Beauvau [en 2002], quitte à paraître anticiper quelque peu sur des échéances qui n’étaient pas immédiates. Mais je me suis aussitôt refusé à entrer dans le rapport de forces qu’il tentait d’établir entre nous, considérant que celui-ci ne pouvait être que destructeur pour nos institutions.» Lorsqu’en 2004, après l’échec aux régionales l’hypothèse de Nicolas Sarkozy à Matignon refait surface. Jacques Chirac la rejette à nouveau, car «si Matignon et l’Elysée ne s’entendent pas, c’est l’implosion». «C’est ce qui se passerait inévitablement avec Sarkozy».

Enfin Jacques Chirac évoque son rapport au peuple, qu’il aime rencontrer, ressentir, pour mieux l’incarner. Cette relation quasi paternelle avec les Français qu’il affectionne. Ces rendez-vous où sa grande carcasse peut aller serrer des mains et donner un baiser aux dames. Ces moments chaleureux de communion avec la population. Ce peuple qu’il aime, et notamment la jeunesse à qui il laisse, en conclusion de cet ouvrage, un testament en faveur de l’entreprenariat, de la création et des idées : « Alors, Français, Rêvez ! Osez ! »

Au fil des pages, j’ai redécouvert le politique qu’en tant que chiraquienne membre de l’association Avec le Président Chirac je connaissais déjà bien, et découvert l’homme, à travers cet ouvrage sincère, dévoré en une seule nuit. Non pas au sens de son intimité –Jacques Chirac reste dans ses mémoires aussi réservé et secret qu’il l’a toujours été- mais au sens de son action pour la France et le monde. Si je le savais déjà un grand homme d’Etat, j’ai pu apprécier ce qui est à mon sens sa plus grande qualité, à savoir le profond humanisme d’un homme épris d’universalité. Un objectif personnel qu’il poursuit aujourd’hui à travers la Fondation Chirac, destinée à favoriser un développement durable et prévenir les conflits.

Sarko : de la sécurité en politique à l’insécurité politique

Ce lundi 23 août marque la rentrée politique en France. A deux jours du prochain conseil des ministres, nombreux sont les politiques à reprendre la parole dans les médias. Le Monde publie aujourd’hui pas moins de trois tribunes, toutes à charge contre la dérive sécuritaire de Nicolas Sarkozy.

Ce matin, Dominique de Villepin réagit très fortement, dans une tribune au Monde, s’indignant de la « tache de honte sur notre drapeau » et de la « Faute morale, faute collective commise en notre nom à tous, contre la République et contre la France. » Estimant que « Se taire, c’est déjà être complice », il appelle au « devoir à remplir pour tous les républicains de France, face à l’hydre qu’un président et ses courtisans voudraient réveiller au fond de chacun de nous, face à la tache qui menace de flétrir l’idée même que nous nous faisons de la France. Un devoir de refus. Un devoir de rassemblement. Un devoir de courage politique pour préparer l’alternative républicaine qui s’impose. Un devoir que nous devons assumer tous ensemble, aussi longtemps qu’il faudra, avec toute l’énergie qu’il faudra.» Autour de lui il s’entend. Ou comment lancer la rentrée politique de son mouvement République Solidaire… Reste à concrétiser par des propositions afin de construire cette alternance à laquelle il appelle, et 2012 deviendra peut être une ligne de mire pour le hérault de la République.

Rachida Dati, symbole de la discrimination positive sauce Sarkozy, en disgrâce depuis de nombreux mois en raison de ses apparitions médiatiques jugées intempestives par l’actuel locataire de l’Elysée, se lâche elle aussi via le même procédé et dans le même journal. Entre un coup de brosse à reluire à l’UMP, dont elle reprend certains des arguments et à qui elle fait plaisir en cédant au leitmotiv consistant à taper sur le PS, et à Daniel Cohn Bendit qu’elle encense, Rachida Dati tisse son argumentaire à partir de la devise nationale : liberté, égalité, fraternité. Malgré un texte un peu mièvre qui enfonce bien souvent des portes ouvertes, on ne peut lui reprocher de dresser le même constat que ses petits camarades : « Notre défi aujourd’hui, en tant que responsables politiques, c’est de contribuer à créer un nouveau climat d’apaisement pour que tous les Français soient de nouveau totalement en phase avec les valeurs fondamentales de notre République. »

Enfin Lionel Jospin, candidat malheureux à la présidentielle de 2002, notamment pour avoir sous estimé l’enjeu sécuritaire, prend sa revanche en livrant lui aussi dans Le Monde ses « quelques vérités sur l’insécurité », lassé de voir l’UMP se livrer sans cesse à des attaques sur le Parti Socialiste. Osé, mais brillant. Lionel Jospin se paie donc Estrosi, ce roquet de bas étage qui me fait penser à Michael Yaoun quand il animait le Morning Live, un mégaphone à la main : Estrosi c’est un peu ça, un sarkofan toujours prêt à aboyer dans vos oreilles la politique sécuritaire du gouvernement. Tellement qu’à force, plus personne ne l’écoute : aucun crédit…

Mais là où Jospin tape dans le mille, c’est en dressant le constat d’échec de la politique de Nicolas Sarkozy en matière sécuritaire : « Certes, le président et ses ministres ne sont pas avares de proclamations. La majorité a voté une cascade de textes législatifs dont la succession même souligne l’inefficacité. En pleine surenchère aujourd’hui, l’exécutif annonce même des projets qu’il reconnaît comme non constitutionnels et dont il sait qu’ils seront censurés ! ». Après une démonstration sur la baisse des moyens affectés à la sécurité –contradictoire avec le discours du gouvernement, Jospin enfonce le clou : « Faudrait-il croire alors que pour le pouvoir et son chef, si contesté, l’objectif est moins de réduire l’insécurité que de l’exploiter ? Le président s’effacerait-il derrière le candidat ? L’espoir d’une réussite électorale reposerait-il en dernier recours sur cette exploitation ? Si ce jeu devait se poursuivre, il serait peut-être hasardeux pour le candidat, mais à coup sûr dangereux pour le pays. » CQFD.

Quand je vous annonçais que les fissures dans la majorité se transformaient en crevasse, je n’étais pas loin de la vérité. Plus les jours passent, plus la sécurité, cet enjeu qui permis à Nicolas sarkozy de monter les marches du pouvoir, désintègre sa propre majorité. Après les remous des parlementaires cet été, qu’il s’agisse des villepinistes Marie Anne Montchamp, Jean-Pierre Grand, Marc Bernier, ou de députés UMP prenant leurs distances avec le parti comme Yannick Favennec ou Etienne Pinte, c’est maintenant Christine Boutin qui confie au Point s’interroger sur son avenir au sein de l’UMP au vu de la « fêlure » provoquée par l’affaire des roms et la réaction du pape Benoît XVI, tout en indiquant que la rupture n’est pas consommée : lorsqu’on lui demande si ce serait la goutte d’eau qui pourrait entraîner une séparation ? « Pour l’instant, à l’heure où je vous parle, non ». Que ce soit par simple revanche personnelle ou volonté réelle de se démarquer sur un sujet qui interpelle l’Eglise, Christine Boutin menace en douceur d’une candidature dissidente non tranchée, mais…

Last but not least, les militants, dont certains d’interrogent. Amine, le jeune beur auquel Brice Hortefeux avait dit « Quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » et qui avaient valu au ministre de l’intérieur une condamnation le 4 juin 2010 à 750 euros d’amende et 2 000 euros de dommages et intérêts pour injure à caractère racial (une condamnation dont il a fait appel), annonce quant à lui sur sa page Facebook qu’il quitte l’UMP. Histoire d’enfoncer le clou, il a aussi indiqué à Europe 1 qu’il pourrait rejoindre le parti de Dominique de Villepin.  La boucle serait-elle bouclée ?

Quoi qu’il en soit, à pousser le bouchon un peu trop loin sur la sécurité, Nicolas Sarkozy a finit par affoler la boussole, et complètement perdre le Nord. L’overdose sécuritaire et l’excès de postures toujours plus dures sur ce thème ont fini par perdre le président, et dresser une large partie de la classe politique, hormis son fan club de wannabe -Morano, Estrosi, Besson et Ciotti en tête-, contre lui.

Mais qu’en pensent les français ? Pour l’instant, les sondages contradictoires s’accumulent, et il est difficile de tirer une conclusion définitive sur le sujet. Cependant, l’image de la France dans le monde pâtit de l’agitation sécuritaire de l’actuel locataire de l’Elysée, et le peuple français rarement indifférent à cette donnée : la presse étrangère, l’ONU via le Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale, et maintenant l’église catholique se sont exprimés contre la politique très dure d’expulsion des roms et les amalgames sous tendus par ces choix.

En analysant de près l’action de Nicolas Sarkozy, tout un chacun peut maintenant noter que si Nicolas Sarkozy est né aux yeux des français par la sécurité, cette escalade dans la politique sécuritaire ne fait que mettre en exergue l’échec du président sur ce sujet. Depuis 10 ans, il n’a eu cesse que de déclarer la guerre à l’insécurité et pourtant, cette fuite en avant sonne comme un constat d’échec.

Au-delà des dérapages, il y a fort à parier que les français attendent plutôt des résultats concrets, sur ce thème comme sur les autres, et notamment des actions fortes sur le pouvoir d’achat, le chômage et la réduction des déficits publics plutôt que sur des postures de communication qui divisent la population au lieu de privilégier l’unité républicaine et la solidarité nationale. A bon entendeur…

Le PS au bord de la crise de nerfs

Cette semaine, Ségolène Royal a tenté de se donner une stature internationale, en se rendant au Liban. En choisissant le Proche-Orient, elle pouvait espérer faire oublier sa boulette sur le nucléaire iranien. Faire d’une pierre deux coups, tel était son projet. Un peu trop ambitieux, peut être.

Las ! Outre de pseudo-déclarations vides de contenu sur le rôle de la France tenues par la candidate socialiste, retenons cette phrase d’un député libanais, relevée par Le Parisien à l’issue d’une conférence de presse à Beyrouth :  » Je ne sais pas si Madame Royal a bien compris toute la complexité de notre région « .

Tout est dit : la candidate socialiste  » découvre le Proche-Orient « . Si l’on peut comprendre que Ségolène Royal souhaite se donner une carrure de présidentiable, on ne saurait que lui conseiller de se faire briefer avant de se déplacer dans une telle poudrière.

En préalable à ce petit voyage découverte, Ségolène Royal a constitué, en début de semaine, son équipe de campagne. Un grand moment, qui aura confirmé sa réputation, forgée depuis 2004 au Conseil Régional de Poitou-Charentes : la dame de fer. En effet, si Ségolène Royal promettait une certaine ouverture, la liste des 15 élus indique plutôt une tendance au verrouillage : aucun proche de Dominique Strauss-Kah ou de Fabius, et beaucoup d’oubliés.

Le PS découvre ainsi à ses dépends la fameuse méthode Royal soit disant si particulière. Petit rappel de la tambouille concoctée par la Chef :

  • Commettre à nouveau les erreurs du passé, en instaurant par exemple une direction à deux tête comme l’avait déjà choisi son « ami » Lionel Jospin.
  • Ajouter une pincée de Ségo, en commettant de nouvelles erreurs. Pour cela, il faut innover avec de nouveaux ingrédients, et écarter les saveurs qui ont jusque là mené fidèlement campagne. Exit ainsi Vincent Peillon -qui lui écrit pourtant ses discours- ou encore les responsables des fédérations du Nord et des Bouches du Rhône.

En voulant faire de la cuisine nouvelle, Ségolène Royal énerve (beaucoup), et déçoit (déjà). Le Parisien rapporte ainsi ces quelques phrases croustillantes de dirigeants du PS, pour qui le plat « Ségolène » est un peu amer : « on nous avait dit qu’elle fonctionnait comme ça, on n’y croyait pas, mais on prend acte ! ». Un autre cadre, soucieux d’éviter un ulcère, propose de garder ses nerfs en… « s’inscrivant à un cours de poterie zen ».

Ca risque d’être compliqué pour eux de la supporter pendant les 5 mois de campagne !

Troubles en PS majeur

Troubles neurologiques.

Vincent Peillon, rédacteur du discours de Ségolène Royal, n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer à toute la presse le discours qu’elle devait prononcer au congrès de dimanche. Nous en savons donc plus sur les gars de la Royal : sa « plume » ne sait pas appuyer sur un bouton…


Troubles de la perception
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Ségolène Royal confond également le monde des vivants et celui des disparus. En effet, dans cette première version de son discours, elle appelait le peuple de gauche au souvenir des grands socialistes disparus : Jaurès, Blum, Mitterrand et un certain… Lionel Jospin ! L’intéressé appréciera.