Taxe crampons : quels risques pour la Ligue 1 ?

François Hollande imaginait-il lundi soir, sur le plateau de TF1, qu’il déclencherait un véritable tollé dans le monde du football français en annonçant sa proposition de taxer à 75% les revenus au-delà du million d’euros ? Probablement pas. Et pourtant. Depuis, le monde du ballon rond est en ébullition, la très grande majorité des acteurs étant vent debout contre cette proposition. Décryptage.

En France, la mesure proposée par François Hollande devrait concerner environ 3000 contribuables, les plus fortunés. L’idée du candidat socialiste est de faire participer plus à l’effort national ceux qui gagnent le plus. Et donc de leur ponctionner un plus gros pourcentages de leurs revenus au-delà d’une somme plancher, fixée à 1 million d’euros par an. En soi, l’idée n’est pas mauvaise. Là où le bât blesse, c’est qu’elle risque de déstabiliser tout un secteur, qui commençait juste à reprendre des couleurs. D’où les inquiétudes des professionnels du football.

Des joueurs surpayés, oui, mais…

Naturellement, les joueurs gagnent énormément d’argent. Des sommes folles. Considérables. Choquantes pour beaucoup. Des conditions de vie fastueuses sur lesquelles personne n’a envie de verser une larme. Evidemment. Mais pas uniquement en France. Le football est un business international, dans lequel les émoluments sont fixés lors des transferts, en fonction de la valeur marchande du joueur, basée sur son mérite professionnel, et ses résultats. Ce gigantesque marché est peut être choquant, mais il serait illusoire d’imaginer que c’est la France, seule, qui, en baissant le revenu net après impôt des joueurs, va casser ce marché. Conséquence directe : si la France est le seul pays à adopter une telle mesure, les joueurs iront voir ailleurs.

On m’objectera qu’il faudrait trouver des pays pour les accueillir. Certes, le millier de joueurs pros en France ne trouvera pas de terre d’accueil, mais selon l’Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP), ce sont plutôt 120 à 150 joueurs qui sont concernés par le palier du million. Et qu’on ne nous dise pas que bien moins de joueurs sont concernés : les revenus des joueurs ne concernent pas uniquement leurs salaires, mais incluent également les primes et les revenus connexes provenant de la publicité et des équipementiers. Tout ceci même si le chiffre sera revu à la baisse, le palier passant à 2 millions d’euros par an pour les joueurs mariés. Paraît-il.

Reste que parmi les joueurs concernés, bien peu auront du mal à trouver un contrat à l’étranger. Si l’on prend le top 10 des joueurs les mieux payés, imaginez-vous qu’un seul d’entre eux galère pour trouver un club anglais, allemand, espagnol ou italien ? On ne nous prendrait pas pour des jambons par hasard ?

1. Javier Pastore (PSG) : 5,3 M€ (+500 000 € de variable)
2. Joe Cole (LOSC) : 4,8 M€ (1,8M€ payé par le LOSC, le reste par Liverpool)
3. Yoann Gourcuff (Olympique Lyonnais) : 4,4 M€
4. Lucho Gonzalez (Olympique de Marseille) : 4,3 M€
4. Cris (Olympique Lyonnais) : 4,2 M€
5. Lisandro Lopez (Olympique Lyonnais) : 4,1 M€
6. André-Pierre Gignac (Olympique de Marseille) : 3,8 M€
7. Alou Diarra (Olympique de Marseille) : 3,8 M€
8. Kim Källström (Olympique Lyonnais) : 3,7 M€
9. Kevin Gameiro (PSG) : 3,6 M
10. Bafetimbi Gomis (Lyon) : 3,5 M

Hélas, cette mesure étant présentée pendant la présidentielle, elle s’accompagne du barnum qui va avec, et des grands mots qui n’ont que peu de relation avec la réalité économique du monde du football. Depuis l’arrivée des qataris au PSG, il est en effet de bon ton de cracher sur les joueurs sous prétexte qu’ils gagnent des millions. Peu importe qu’ils n’aient pas été à l’origine de l’envolée des prix, et qu’ils n’en soient que de simples pièces.

La pensée populaire vaut, en temps de crise, qu’on tape sur les plus riches, sans chercher à comprendre. Et attention, les grands mots sont de sortie. Ainsi, il en va du « patriotisme ». Peut-on m’expliquer en quoi Javier Pastore, de nationalité argentine, devrait être patriote ? Solidaire en temps de crise, je veux bien, mais patriote… Bref, on frise le ridicule. Tout ça parce qu’il y a une élection présidentielle, et que le militantisme, dans ces cas là, fait peu de cas de la mesure. Hélas.

Du côté des clubs

Contrairement à ce qu’imaginent certains, ces départs ne seront pas forcément volontaires pour certains joueurs. On l’a déjà vu lors du mercato de janvier : faute de pouvoir continuer de payer le salaire de Lucho Gonzales, l’OM a du s’en séparer, et le vendre. En conséquence, la question porte finalement peu sur les joueurs : certains iront voir ailleurs, d’autres seront vendus par leurs clubs, y compris à perte, pour éviter des problèmes financiers. Pour un PSG qui investit des centaines de millions d’euros depuis l’arrivée de ses nouveaux propriétaires qataris, combien de clubs le nez sur le compte en banque ? Et c’est bien là l’enjeu : quid des clubs ?

Comprenons nous bien. Il ne s’agit pas de pleurer sur le salaire des joueurs. Certes, Christophe Jallet s’est exprimé de manière un peu maladroite, parce qu’il n’avait manifestement pas eu en ligne son conseiller fiscal, et donc pas compris que les 75% ne seraient pas ponctionnés dès le premier euro gagné. D’autant qu’il ne devrait pas être concerné : Christophe Jallet touche un salaire hors primes et autres revenus de 100000 euros par mois, soit 1,2 millions par an… mais est marié. Et donc sous la barre des 2 millions d’euros annuels, le palier étant doublé pour les joueurs mariés paraît-il. Mais là où Dhorasoo a tort quand il dit que « les footballeurs sont déconnectés de la réalité », c’est parce qu’il oublie que ce ne sont pas les joueurs qui ont créé ce marché fou. Dans cette histoire, ils ne sont que des marchandises. Et pour quelques années seulement.

Les inquiétudes du monde du football et la levée de bouclier ne portent donc pas sur les salaires de joueurs, les plus cotés pouvant de toutes façons aller toucher le même salaire ailleurs, mais bien sur l’avenir de nos clubs de Ligue 1 au regard de la situation européenne et mondiale. Car la France n’est pas seule au monde, et ne va pas changer les choses toute seule, avec ses petits bras musclés. Et ce que reproche aujourd’hui le monde du football à François Hollande n’est pas d’avoir instauré une taxe anti-footballeurs –cette mesure ne les visait pas- mais de ne pas avoir compris les dangers que feraient peser une telle mesure sur l’économie du football et du sport de haut niveau.

L’effet sera immédiat : les salaires des joueurs ne bougeront pas d’un iota, du fait du marché international, mais les clubs, eux, devront intégrer dans leur masse salariale le surcoût lié à ces nouvelles charges, puisque c’est bien eux qui les paieront… du moins s’ils veulent retenir leurs joueurs, honorer les contrats, ou attirer de nouveaux joueurs de même calibre. Le nier serait tout simplement hypocrite.

Les ressources des clubs proviennent, en grande partie, de la billetterie, du merchandising, et des droits TV. Si les grands joueurs décident de quitter le territoire pour des raisons fiscales, il est évident que la Ligue 1 perdra en attractivité. Ce au moment où justement, elle commençait à se relever, après des années difficiles. Moins de joueurs de talent, ça veut dire moins de monde au stade, donc moins de recettes de billetterie. Mais aussi, moins de vente de maillots et autres goodies, donc moins de recettes de merchandising. Mais surtout, à terme, cela engrangera une baisse des recettes liées aux droits TV, les diffuseurs devenant forcément moins généreux pour payer un spectacle moins intéressant. A terme, ce sont donc toutes les recettes des clubs qui risquent de baisser.

Or dès 2013, les clubs seront soumis par la FIFA au fair-play financier, qui sera progressif jusqu’en 2018. Le principe est simple : les clubs devront vivre avec leurs recettes propres, et ne plus compter sur qui que ce soit, pouvoirs publics et actionnaires inclus, pour boucher les déficits ou effacer les ardoises. Une idée plutôt intéressante pour cesser toute forme de concurrence déloyale entre les clubs et calmer un peu le jeu. Mais qui peut, dans le cas d’un championnat en perte de vitesse, avoir des effets pervers. En effet si les recettes des clubs baissent, et comme les clubs ne pourront pas réinjecter d’argent en vertu du fair-play financier, ce sera un cercle vicieux : ils ne pourront plus recruter, même un niveau en dessous, et donc, le championnat de France n’aura plus de possibilité de se relever. Et c’est bien ça qui inquiète les clubs français.

Aujourd’hui, les joueurs suivent pour la plupart un processus de carrière qui les mènent du centre de formation jusqu’en Ligue 1, et c’est une fois repérés dans le championnat qu’ils partent poursuivre leur carrière à l’étranger. Si la Ligue 1 perd de son attractivité, les joueurs cèderont aux vautours qui les attendent déjà à la sortie des centres de formation, et ne passeront plus par la Ligue 1 pour faire leurs armes.

Et les supporters. Parce qu’eux en paieront de toutes façons les pots cassés. Déjà, la suppression du Droit à l’Image Collectif, qui permettait aux clubs une exonération d’environ 30% sur les charges sociales, avait fait du mal dans les caisses, notamment des club les moins riches, touchés de plein fouet par la suppression il y a deux saisons d’une recette bienvenue pour faire face à la concurrence. Ensuite, le fair-play financier, en limitant les dépenses aux ressources propres, faisait craindre une hausse des prix des billets, des abonnements et du merchandising. Mais si en plus il faut compenser le salaire des joueurs, alors on ne pourra y échapper. Progressivement, une place en virage au Parc des Princes, aujourd’hui entre 15 et 20 euros, pourra atteindre les 100 euros comme c’est déjà le cas en Angleterre. Dès lors, le football ne sera plus un sport aussi populaire…

Des dérives à stopper

Naturellement, le monde du football a généré ces dérives. Car depuis 20 ans, les grands clubs ont fait exploser les salaires des joueurs, se les arrachant à coup de millions qu’ils n’avaient pas forcément en caisse. Résultat, le marché est devenu ce qu’il est, et les clubs ont soit vu leurs ardoises purement et simplement effacée, comme la dette fiscale du Real Madrid par le Roi d’Espagne, soit renfloué leurs caisses grâce à l’injection massive de dollars par leurs fortunés propriétaires. Résultat, la planète foot a vécu au-delà de ses moyens, fait grimper les prix jusqu’à ces sommes folles, et généré une bulle financière qu’il serait, en effet, de bon ton d’exploser, histoire de revenir à un niveau plus en phase avec le reste de l’économie mondiale, et surtout, la décence.

Ces excès n’a pas échappé aux instances du football mondial, et c’est justement dans cette optique que la FIFA a tenté de se doter d’un outil pour limiter les dégâts, en instaurant le fair-play financier. Reste naturellement à savoir quels seront les moyens mis en place par la FIFA pour contrôler la gestion des clubs, dont certains ne manqueront pas, il est certain, de chercher à échapper aux sanctions… qui elles aussi devront être suffisamment dissuasive. Et le poids de la FIFA étant relatif, la partie n’est pas gagnée.

Si en Europe, on peut imaginer que la perspective de se voir priver de Ligue des Champions pourrait en calmer plus d’un –il faudra prévoir des sanctions de ce type, et non simplement des amendes-, on peut aussi légitimement se demander ce qui arrêtera les clubs chinois ou du Caucase, vers qui se dirige maintenant la bulle financière, à grands renforts de salaires encore plus indécent, comme en témoigne le recrutement de Samuel Eto’o par le club le club russe l’Anzhi Makhachkala pour 20 millions d’euros par an, soit le double du salaire de Messi au Barça. Et ce n’est pas le seul. Attention par là-bas, on regarde peu l’origine de l’argent, les mafias locales ont de beaux jours devant elles… C’est aussi l’un des points noirs du football actuel.

Alors oui, le football international est à la croisée des chemins, et doit se remettre en question. C’est bien ce que tente d’entreprendre la FIFA. Mais dans le même temps, si nos législations nationales mettent à mal notre sport de haut niveau, nous aurons du mal à nous montrer compétitif, et nous prendrons alors le risque de tuer la Ligue 1. Quand on défend nos industries, en cherchant à garder l’emploi sur le territoire national, quel intérêt y-a-t-il à tuer un de nos pôles de compétitivité, qui génère près de 50000 emplois directs et indirects ? N’est-ce pas un peu contradictoire ? Tout ça pour une mesure reconnue par le candidat PS comme « symbolique », qui ne rapportera pas grand-chose à l’Etat, et peut être même des pertes si ces joueurs, qui payent beaucoup d’impôts, partent ailleurs ?

Certains diront qu’il fallait bien faire quelque chose. Certes. Mais au lieu de se laisser emporter par le show médiatique permanent de la présidentielle, il aurait peut être fallu réfléchir. Regarder qui était touché. Etudier la situation de ce secteur. Et œuvrer au niveau européen. Ne soyons pas dupes, la crise est mondiale. Si l’on met temporairement de côté le cas problématique de la bulle qui se déplace vers la Chine et les mafieux du Caucase, et que l’on essaie déjà de régler la situation en Europe, il existe des solutions à moyen terme. Parce que toute l’Europe est en crise, et les pays où se trouvent les grands clubs sont eux aussi touchés.

L’Espagne, déjà, a supprimé la loi Beckham, qui permettait aux joueurs d’être imposés à 24% au lieu de 43%, de façons à les attirer dans les clubs espagnols. Depuis le 1er janvier 2010, les nouveaux contrats ne bénéficient plus de cet avantage énorme. Ce qui a permis de remettre les compteurs fiscaux à peu près à niveau dans les grands pays du ballon rond, et de permettre aux clubs européens de jouer grosso modo dans la même cour, d’autant que ce sont souvent les clubs qui prennent en charge l’imposition des joueurs.

Tout ça pour quoi ?

Du coup, comment ne pas être dépité par l’annonce du candidat Hollande, qui vient mettre à mal cet équilibre ? Plutôt que de jouer les gros bras de la fiscalité, il aurait été plus intéressant d’œuvrer entre partenaires européens, vers une plus grande harmonisation fiscale. Et pas uniquement pour le football ! Et donner une chance à cette mesure solidaire d’aboutir sans générer d’autres problèmes dans un secteur ou un autre.

Dommage de laisser un sujet, quel qu’il soit, être guidé uniquement par les effets pervers de la campagne présidentielle, qui prône le buzz et les mesures chocs, même si elles rapportent peu dans les caisses étant donné que là c’est la chasse à l’électeur qui intéresse. Ou comment un effet d’annonce a mis tout un secteur à feu et à sang, pour une mesure qui ne sera peut être jamais adoptée, que le Parlement se chargera d’amender et dont on verra bien ce qu’il restera, une fois les lobbyistes entrés en action.

Histoire de dépassionner le débat, terminons par un sourire puisque dans cette histoire, ce sont les wagabee, les wanabee wags, qui vont être contentes : le mariage avec un footballeur va en effet devenir tendance, vu que ce sera l’une des meilleures niches pour défiscaliser. Joueur célibataire touché par ce projet de réforme fiscale, je t’attends !

TVA sociale, injustice fiscale

A l’origine, la TVA sociale est une bonne idée. Elle permet de faire baisser les charges des entreprises, ce qui est censé faire baisser le coût du travail, et favoriser tant l’emploi que la consommation.

En contrepartie, le poids des cotisations sociales, reporté sur la TVA, est partagé par tous. Le système semble pertinent vu que tout le monde bénéficie d’une protection sociale. Mais alors pourquoi une telle levée de bouclier ?

Parce que la France est en crise, et que les inégalités sociales ne cessent de se creuser. Mais surtout, les dernières décisions du gouvernement en matière fiscale ont quasi systématiquement touché tout le monde. A force, la pression fiscale est devenu très élevée pour les plus pauvres, et bien plus légère en proportion pour les plus riches qui eux, n’ont pas été bien fortement mis à contribution.

Résultat, le système s’est totalement déséquilibré. Dans un tel contexte, la TVA sociale n’a plus l’effet escompté de faire participer tout le monde tout en dégageant de la compétitivité pour les entreprises. Elle n’est plus qu’un impôt de plus, qui taxe, taxe, taxe… sans que l’effort ne soit jamais partagé.

Pire, pour vendre la TVA sociale, le gouvernement argumente avec des éléments de langage faux. Selon la droite, la baisse des cotisations sociales permettra mathématiquement au salaire net d’augmenter. Certes, mais quid des plus démunis qui touchent des prestations comme le RSA, les retraites, les Assedics ou les Indemnités Journalières (maladie ou accident) ?

Eux verront leur montant net de prestations baisser, du fait de l’augmentation probable de la CSG. D’autre part, si mécaniquement le salaire net va augmenter, quid du pouvoir d’achat ? Depuis 2007, le gouvernement a mis en place une quarantaine de taxes : sur la durée, peut on prétendre que le pouvoir d’achat a augmenté ? Non, Sarkozy n’a pas été le président du pouvoir d’achat.

Enfin si le salaire net et le revenu disponible augmente légèrement pour ceux qui ont un emploi, pourront-ils pour autant consommer suffisamment pour relancer l’économie, et atteindre l’objectif de cette réforme ? Rien n’est moins sûr car avec la TVA sociale, les prix vont eux aussi mécaniquement augmenter. Quand aux plus démunis, ils peuvent déjà commencer à faire la liste de ce dont ils devront se passer : les chômeurs, malades, retraités, titulaires du RSA, handicapés seront définitivement les indigents de cette politique fiscale.

Pour que ce système fonctionne, il aurait fallu l’insérer dans une réforme fiscale d’envergure, en le couplant avec d’autres impôts progressifs, permettant ainsi l’implication fiscale de tous les citoyens en mettant au centre ce principe simple : que tout le monde participe à l’effort fiscal nécessaire… mais à la hauteur de ses moyens.

Malheureusement aujourd’hui, la deuxième partie est complètement occultée. Chacun étant ponctionné selon un pourcentage qui est le même pour tous, il est évident que cette pression fiscale pèse lourdement sur les plus démunis, et nettement moins sur les plus aisés : c’est le monde à l’envers !

Or les plus démunis disposent aussi du droit de vote, et représentent pas loin de 15 millions d’électeurs. Nul doute que le moment venu, ils exprimeront dans les urnes leur ras-le-bol d’avoir été abandonné au bord de l’autoroute par des politiques flashés en flagrant délit de lobbying. Quitte à se tourner vers le FN, ou l’abstention : des valeurs refuges idéales pour exprimer la frustration d’une population exclue, qui, à force de subit la loi du plus fort, n’a finalement plus rien à perdre, puisque c’est déjà fait.

Et c’est bien là le danger. Nul doute d’ailleurs que tu côté de Nicolas Sarkozy, c’est un choix parfaitement assumé. Le candidat de l’UMP a tout intérêt à faire mécaniquement monter le FN pour parier sur un second tour à droite toute. Sauf qu’à trop jouer avec le feu, la bombe pourrait exploser…

Reste donc à attendre les ajustements programmatiques annoncés pour janvier par les candidats de gauche et du centre, pour espérer disposer lors de la présidentielle d’un panel de propositions visant à endiguer cette politique injuste fiscalement et donc, socialement. J-107 avant le premier tour : tic-tac, tic-tac, tic-tac…

Rigueur et décadence

Depuis une dizaine de jours, le gouvernement prépare les français à l’annonce d’un nouveau plan de rigueur, deux mois à peine après le précédent. Une communication aux accents de véritable version orale de la vaseline.

C’est Nicolas Sarkozy qui a lancé le sujet, lors de son SarkoShow destiné à expliquer au bon peuple comment il a sauvé le monde. Tout en expliquant que les mesures seraient annoncées après le G20. Mais pas par lui. Par le préposé aux mauvaises nouvelles : François Fillon.

Car le Premier ministre ne sert qu’à cela : gérer tout ce qui ne met pas en bonne posture le-candidat-qui-n’est-pas-encore-candidat-mais-en-fait-si –d’ailleurs dès cette semaine il fera non plus deux mais trois déplacements en province par semaine, histoire de flatter le bon peuple-, et se cramer à la place de celui qui décide de tout. Pourtant, le Premier ministre n’est plus vraiment aux affaires. La preuve, il intervient peu dans la vie politique, et semble plus préoccupé par son parachutage dans la 2ème circonscription de Paris pour les prochaines législatives. Reste que c’est lui qui est mandaté pour le sale boulot.

Bref, aujourd’hui, le Premier ministre a mis son costume sombre de croque-mort, pris son air le plus grave version On va tous mourir, et nous a expliqué le plus sérieusement du monde son objectif –enfin, celui de Sarko : « Protéger les Français contre les difficultés que traversent certains pays européens », avant de donner le ton du plan à venir : « L’effort budgétaire et financier d’aujourd’hui est un choix que nous faisons pour la nation et pour les générations à venir».

Ne riez pas. Le Premier ministre, en poste depuis 4 ans et demi, vient juste de réaliser que vivre à crédit constitue une « spirale dangereuse ». Soit cet homme est sincère, et n’a aucune base en économie. Soit il se paye franchement notre tête. Dans les deux cas, il y a urgence à s’en séparer au plus vite.

En chiffres

L’heure est grave. Face à la crise de la Zone Euro, avec la Grèce au bord de la faillite, et l’Italie qui commence à flancher, la France entend bien conserver son triple A, à tout prix. Cette conférence de presse anxiogène du Premier ministre commence donc par un cocktail d’anxiolytiques et d’anti-dépresseurs de chiffres tous plus indigestes les uns que les autres, pour que chacun comprenne que désormais, on ne rigole plus : la pompe à fric est à l’arrêt.

« Pour arriver à zéro déficit d’ici 2016, ce qui est notre objectif, il faudra économiser un peu plus de 100 milliards d’euros ». 100 milliards d’euros. Le précédent plan de rigueur, qui date d’il y a deux mois, a peiné à trouver 11 milliards d’euros. Et celui-ci le complète, pour arriver à un total de 18,6 milliards d’euros. En 5 ans, on sera grosso modo à 65 milliards d’euros, soit en ajoutant des mesures, soit grâce à une hypothétique croissance. Tout ça n’est pas bien précisé. Pour les 35 milliards restants, soit 1/3, aucune réponse. Autrement dit en 2016, on ne pourra être au déficit zéro. Ca n’est pas moi qui le dit…

« Au final, alors qu’entre 2007 et2012 la crise aura contribué à creuser le déficit de 75 milliards d’euros, ce que même l’opposition reconnaît, grâce aux réformes et aux économies que nous avons engagées, le déficit n’augmentera, sur le quinquennat, que de 36 milliards d’euros ». C’est la faute à la crise, refrain bien connu. Sauf que le déficit budgétaire était estimé fin août 2011 à 102,8 milliards d’euros, alors qu’il était de 42 milliards en 2007. Autant dire qu’en faisant un effort de 36 milliards, on n’atteindra jamais que 65 milliards d’euros de déficit, soit sur le quinquennat un déficit multiplié par 1,5. Hum. Lorsque l’on sait que l’explosion du déficit n’est lié que pour 1/3 à la crise, on aura finalement… réduit la part liée à la crise. Comment dire ?

« Nous avons des objectifs et un calendrier intangibles : en 2012 nous ramènerons notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, à 3 % en 2013, à 2 % en 2014, jusqu’à l’équilibre qui doit être atteint en 2016 ». Le gouvernement, qui a creusé le déficit de 75 milliards d’euros, se permet de prévoir un plan jusqu’en 2016… sans être certain d’être encore au pouvoir dans 7 mois. Ou comment donner des leçons aux éventuels successeurs, qu’ils n’ont pas appliquées eux-mêmes.

Cette intolérable suffisance d’un pouvoir qui se prétend le seul à pouvoir régler la crise laisse apparaître la première marque de la campagne électorale dans cette conférence de presse : par ce plan, le Premier ministre ne fait que dérouler son projet économique pour la France, et les solutions qu’il entend appliquer sur le prochain quinquennat. Ou du mélange des genres en cette période pré-Présidentielle…

Les mesures

Ces nouvelles mesures s’ajoutent à celle du précédent plan de rigueur, présenté par le Premier ministre le 24 août  dernier, dont la fameuse taxe Coca et l’augmentation des taxes sur le tabac. Au programme, la réduction des dépenses publiques : l’Etat réduira son train de vie de 1,5 milliards d’euros au lieu des 1 millions prévus. Mais aussi des augmentations d’impôts, pour engranger de nouvelles recettes.

Indexation des prestations sociales sur la croissance et non plus sur l’inflation. Une arnaque en puissance. En effet, l’inflation explose, entraînant une hausse mécanique des prestations sociales, ce qui coûte cher à l’Etat. La croissance, elle, n’est pas au rendez-vous. Ce qui permet de ne pas augmenter les prestations sociales, et de réduire les dépenses de santé de 700 millions d’euros. Les pensions de retraites ne seront pas diminuées, tout comme le RSA, le mini vieillesse, l’AHH, l’ASS.

Coup de rabot sur les niches fiscales, dont la suppression en 2013 du dispositif Scellier sur les investissements locatifs, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf et une diminution du  crédit d’impôt développement durable. La suppression des niches sélectionnées représente une économie de  2,6 milliards d’euros. Ces dispositifs touchent essentiellement les ménages. Tout en diminuant très fortement les mesures favorisant l’accession à la propriété. Apparemment, le président candidat ne rêve plus à une France de propriétaires. Le détricotage de son quinquennat continue : encore une mesure à supprimer d’un bilan décidément de plus en plus light

A noter que la niche Copé, qui exonère d’impôt sur les sociétés (à 33,3%) les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales (holdings) en cas de vente de leurs filiales ou titres de participation détenus depuis plus de deux ans, n’est pas concernée. Le manque à gagner en terme de recettes fiscales est pourtant estimé à 22 milliards d’euros sur 3 ans, entre 2007 et 2009, soit environ 8 milliards par an. Autrement dit, le montant qui était recherché… L’exonération des heures supplémentaires, mise en place par la loi TEPA, est également maintenue.

Hausse du prélèvement libératoire sur les dividendes et intérêts de 19 à 24%. Ainsi, quelle que soit l’option choisie par le contribuable entre prélèvement libératoire ou taxation au barème de l’impôt sur le revenu, l’imposition sera la même. Une des trop rares mesures touchant aux revenus du capital, l’essentiel de l’effort étant supporté par les revenus du travail.

Retraite à 62 ans dès 2017. Initialement prévue pour 2018, la mise en place de la retraite à 62 ans sera effective un an plus tôt. Vu le nombre de séniors au chômage, il est illusoire d’imaginer maintenir un tel dispositif sans le coupler à un plan en faveur de l’emploi de cette catégorie d’âge. Les pensions, elles, ne seront pas diminuées. Pas question de fâcher les retraités, un électorat favorable au président-candidat.

Surcote de 5% de l’Impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le CA est supérieur à 250 millions d’euros. Son rendement représentera 14% de ces nouvelles mesures d’imposition.

Gel du barème de l’ISF, de l’IR, et des successions et donations, qui restera identique au taux 2010. Cette mesure rapportera 3,4 milliards d’impôts, les foyers dont les revenus augmentent passant, pour une partie d’entre eux, dans la tranche supérieure. A noter que le simple fait de geler ces barèmes alors que l’inflation devrait atteindre 2,2% revient à augmenter mécaniquement les impôts pour tous ceux qui en paient.

Hausse de la TVA de 5,5 à 7% sauf pour les produits de première nécessité (produits alimentaires, abonnements au gaz et à l’électricité ainsi qu’à des réseaux de fournitures d’énergie, équipements et services à destination des personnes handicapées). La TVA sur la restauration, y compris sur la restauration rapide, sera donc relevée. Encore un point du bilan de Sarkozy qui part au panier. Selon le Premier ministre, cela permet d’être au niveau de l’Allemagne, et constitue un premier pas vers l’harmonisation fiscale. Hum, ça permet surtout de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, inutile de mettre un ruban autour du papier cadeau…

Limitation des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5% le plafond des dépenses prise en charge et la dotation d’Etat aux partis politiques. Cette mesure symbolique vise à donner l’exemple en mettant la classe politique à contribution. Un cache misère de plus. Car les premiers à subir cette réduction seront les petits partis, et cela impactera directement la campagne présidentielle de 2012.

A titre personnel, je suis très défavorable à cette mesure : si l’Etat finance les partis politiques, c’est pour éviter le financement de la vie politique par d’autres acteurs économiques. Si les gros partis réalisent de nombreuses dépenses, notamment de communication, qui pourraient être réduites, ce n’est pas le cas des plus petites formations. Qui elles, vont perdre de précieux financements. Et pendant ce temps, l’Elysée et Matignon continuent de commander des sondages sur les deniers de l’Etat. Insupportable double discours…

Gel des salaires des ministres et du président de la République jusqu’à l’équilibre. Selon le Premier ministre, « Tous ceux qui ont des responsabilités doivent être exemplaires». Gel des salaires ? Gel du salaire du président ? Du président qui s’était augmenté de 140 % ? Il n’aurait pas pu le baisser un peu, même s’il aurait été carrément classe de revenir au niveau de 2007, avant l’augmentation de 140 % ? Et François Fillon ose dire que c’est une mesure symbolique visant à donner l’exemple ? Symbolique, c’est certain. Exemplaire, c’est nettement moins le cas…

A titre de comparaison, en Espagne, Zapatero avait baissé son traitement et celui de ses ministres de 15%. Enfin cerise sur le gâteau, Le Monde rappelle dans son édition d’aujourd’hui que cette mesure est déjà appliquée, et ne constitue donc pas une baisse des dépenses. Ou comment laisser penser aux Français que tout le monde se sert la ceinture, alors que seuls les ménages vont supporter le poids de ces nouvelles mesures.

Rigueur vs Croissance

En 2007, Fillon avait commencé le quinquennat en disant : « Je suis à la tête d’un Etat en faillite ». Il l’achève de la même manière. Bilan : il aura attendu 4 ans et demi pour prendre des mesurettes, surtout sans toucher aux grosses niches, et après avoir bien augmenté les dépenses pendant les trois premières années du quinquennat, et en détricotant aujourd’hui une large partie de ses réformes. Tant et bien que Sarko va demander aux Français de le reconduire… alors qu’il n’aura quasi aucun bilan à son actif. Si ça c’est pas du foutage de gueule… En parallèle, celui qui voulait être le président du pouvoir d’achat renonce à sa dernière marotte. Les Français, c’est certain, devront faire des sacrifices.

Aussi, il est tout de même étonnant de voir le Premier ministre de positionner en protecteur, alors que ses mesures mettent à mal le modèle social. En effet, les mesures annoncées pèseront, selon le Monde, à 86% sur les ménages : sur 7,9 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, 5 seront prélevés directement sur les ménages, et 6,8 si l’on intègre la hausse de la TVA… une taxe étant un impôt indirect. Justice sociale ? Pas franchement ! Pas sûr non plus que ce soit un pari gagnant pour les élections. Or quoi que Fillon prétende, l’UMP est bel et bien entrée en campagne.

En juin, le gouvernement annonçait que la croissance était « acquise » à 1,5% pour 2011. Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy lui-même a annoncé qu’elle serait autour de 1%. Ce matin, François Fillon annonce que « les objectifs de croissance seront tenus pour cette année ». Avant de confirmer en fin de phrase que pour 2012, il n’est pas devin. Or ce plan de rigueur peut avoir un effet négatif sur la croissance, étant donné que ce sont les ménages qui vont en absorber l’essentiel : en se serrant la ceinture, ils vont fatalement freiner leur consommation, et donc la relance…

Et c’est bien la critique que lui adressent les socialistes, en pointant qu’il aurait été préférable de favoriser la consommation des ménages. Sans tomber dans l’excès inverse, il est certain qu’il eût été plus probant d’équilibrer le poids des efforts, au lieu d’en faire porter l’essentiel sur les ménages. Et d’avoir le courage politique de réaliser de vraies réformes, en supprimant certaines niches très coûteuses, et en taxant non seulement les revenus, mais aussi le capital, dans une plus large mesure.

Autant dire que ce plan ne sera probablement pas suffisant, et permettra de ne sauver le AAA que temporairement. Quoi qu’il arrive, il faudra envisager de nouvelles mesures plus ambitieuses et aller chercher l’argent là où il se trouve, au lieu de faire supporter aux ménages le poids de l’effort, au risque d’attaquer si fortement le pouvoir d’achat qu’il leur sera impossible de consommer. C’est le défi que devra relever le prochain président de la République, si la situation de la France ne s’aggrave pas d’ici là.

La campagne qui s’annonce sera donc très fortement marquée par cette thématique, et les programmes des différents partis devront émettre des propositions durables. Force est de constater que la nécessaire justice fiscale, qui permet la justice sociale, n’est pas au programme du gouvernement, ni du projet de la droite pour la Présidentielle, qui nous a été présenté aujourd’hui. Rendez-vous au printemps pour savoir ce que les Français en pensent !

Face à la rigueur, la nécessaire justice fiscale

Jeudi soir, Sarko a annoncé qu’il se refusait à être le président qui augmenterait les impôts. Et pourtant, il l’a déjà fait. Simplement, dans le meilleur des cas il joue sur les mots, et dans le pire il nous prends pour des biiip.

Car comme vous le savez, les impôts ne sont pas seulement ce que vous réglez au fisc –les impôts directs- mais l’ensemble des prélèvements, qu’ils soient directs ou indirects. Cela inclut les redevances, les taxes, les cotisations sociales, et les prélèvements obligatoires.

Et la douloureuse est déjà salée. Pour mémoire, depuis 2007, près de quarante nouvelles taxes ont été créées. Rien que depuis septembre, nous avons eu droit à la taxe Coca sur les boissons sucrées, au relèvement des taxes sur le tabac, et le Projet de Loi de Finances apportera son lot de nouvelles taxes en temps et en heure, sachant que la hausse partielle de la TVA est déjà à l’étude. Si pour l’instant la presse se fait l’écho d’un taux intermédiaire de TVA entre celui à 5,5% et celui à 19,6% -qui serait de l’ordre de 7 à 8%- reste à savoir comment étant donné que nos accords européens contraignent franchement la liste des produits et services qui pourraient en bénéficier. Ca sent le casse-tête chinois…

Quoi qu’il en soit, il y aura de nouvelles taxes –donc de nouveau impôts- qui touchent directement une population déjà en mal de pouvoir d’achat. Le grand mot est lâché : oui, celui qui prétendait qu’il serait le président du pouvoir d’achat est en réalité celui de la hausse des impôts. Certes, la crise est là, et il faut bien trouver des ressources. Les plus hauts revenus ont été mis à contribution, par la création d’un impôt exceptionnel qui durera jusqu’à ce que la France entre à nouveau dans les critères de Maastricht, à savoir maintenir le déficit public à 3% du PIB. Et les revenus du capital ont été partiellement taxés.

Reste que l’on pourrait faire mieux. Car aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut augmenter ou non les impôts : l’état de nos finances le nécessite absolument. La dette ne cesse d’augmenter, au-delà des 1200 milliards d’euros, et le seul remboursement des intérêts occupera l’an prochain le premier poste budgétaire. Le déficit public, quand à lui, a plus que doublé depuis 2007, passant de 3,2% à 7,1%. La situation est donc grave, et nécessite un effort national auquel chacun doit participer.

La vraie question aujourd’hui reste de savoir qui taxer et de comment procéder. Face à l’ampleur des trous dans la carlingue de nos Finances Publiques, ça n’est pas une couche de mastic ou quelques rustines qui vont faire l’affaire, sinon on court au crash. Inutile de se raconter des histoires : le coup de rabot sur les niches fiscales, ou la hausse de quelques points de la TVA, ne suffiront pas. Aujourd’hui, il est indispensable de réformer en profondeur la fiscalité.

Et cette réforme doit impérativement mieux répartir l’effort, qui doit être partagé : chacun doit en effet contribuer selon ses moyens. C’est vrai pour les citoyens, qui n’ont pas tous les mêmes revenus –du travail mais aussi du capital-, mais également des entreprises : les grandes structures ont mieux résisté à la crise, leur effort doit donc être plus important que celui des PME, qu’il faudrait au contraire soulager. Des pistes existent, de l’augmentation des grosses successions à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu pour les plus riches, en passant par une surcote de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, et j’en passe.

Reste à avoir le courage de faire cette réforme indispensable –ce vocable ne vous rappelle-t-il pas quelqu’un ?- pour répondre à la crise que nous traversons, sans trop alourdir le pouvoir d’achat déjà mal en point de nos concitoyens, ce qui freinerait indubitablement la consommation. Plus que jamais, la sortie de crise s’accompagne de l’instauration d’une nécessaire justice fiscale.

Paye ton coca !

Hier, je proposais un article sur la fin de la loi TEPA. J’étais mal informée, forcément, je ne lis que la presse. J’avais donc suivi comme un mouton la tendance, et annoncé à tort la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, moquant allègrement l’auto-sabordage du gouvernement.

Et en écoutant la conférence de presse de François Fillon ce soir à 18h, stupeur : nous étions tous à côté, ou presque. Et pas au bout de nos surprises !

Oh certes, l’info selon laquelle le gouvernement allait mettre en place une taxation des hauts revenus était bonne… Si ce n’est que cette taxe n’est qu’exceptionnelle. Comme l’a annoncé Fillon, les revenus supérieurs à 500 000 euros par an seront taxés à hauteur de 3%… jusqu’à ce que notre pays atteigne son objectif d’un déficit à 3% du PIB, pour respecter les engagements européens. Un effort de solidarité en CDD. A peine croyable…

Quelques niches fiscales ont été réduites, mais bien peu, et surtout pas les plus emblématiques comme la fameuse niche Copé. Aucune tranche supplémentaire n’a été créé pour permettre aux hauts revenus -et non uniquement aux très hauts revenus- de payer proportionnellement plus d’impôts que les classes moyennes. Bref, aucune vision de long terme pour rétablir les finances publiques. Que fera-t-on une fois qu’on sera dans les critères de Maastricht ? On en sortira de nouveau ?

Mais plus que ces mesurettes dont à vrai dire, personne n’attendait plus du gouvernement qu’il fasse des propositions révolutionnaires -ce qui en dit long sur notre manière d’acter la faiblesse du pouvoir politique, mais c’est un autre débat-, ce que personne n’avait vu venir, c’est le nouveau gadget gouvernemental qui a provoqué mon ire. Ne doutant de rien et surtout pas de proposer une mesure tirée par les cheveux, François Fillon nous a sorti la taxe Coca. Oui oui, le gouvernement a décidé de mixer lutte contre l’obésité et fiscalité. Les boissons avec sucres ajoutées seront donc taxées.

Et je vous le donne en mille, qui va payer tout ça ? A priori, tout le monde, enfin tous ceux qui consomment ces produits. Mais en proportion, ça attaque le plus le portefeuille de qui ? Des plus fragiles, car ce sont eux qui sentiront le plus ces quelques centimes d’euro par produit. Et sur quel critère ? Celui d’être de consommateurs de « mauvais » produits. Mais pourquoi pas, comme en plaisantait @delphine_d sur Twitter, ceux qui écoutent Christophe Maé ou Zaz ? Tant qu’à être subjectif…

Ou comment Fillon a confondu dette et diète. Quand on sait qu’il est déjà difficile pour de nombreux ménages de boucler leurs fins de mois, et que beaucoup en sont à payer leurs courses à crédit, on peut se demander quel est le sens de cette mesure. Certes, l’assiette est large. Mais l’impact psychologique désastreux sur des Français qui se sentent une fois de plus attaqués, et de manière injuste.

Comme il faut bien trouver le fric quelque part, et faire des efforts en matière fiscale –il serait illusoire de penser qu’on pourra y couper-, il aurait été plus simple de réaliser une augmentation d’impôt généralisée, par exemple de la CSG, qui aurait permis de répartir sur une large assiette, mais sans stigmatiser les consommateurs de tels ou tels produits. C’est quand même dingue cette manière de juger ainsi le comportement de la population !

C’est d’autant plus révoltant qu’en matière de lutte contre l’obésité, il faudrait peut être s’intéresser au coût des produits sains, notamment les fruits et légumes. Fillon, as-tu récemment essayé d’acheter un kilo de tomates ou d’abricots ??? Personnellement, mon caddy ne contient quasiment plus de ces produits : trop chers !

La taxation touchant aussi le tabac et les alcools, prendre un whisky coca en fumant une clope sera désormais un luxe. Je vous entends déjà m’opposer la thématique de la santé. D’une part, régler les questions de santé par la répression, ça n’est pas très éducatif. En ce domaine, rien ne vaut la prévention. Et puis on s’attaque uniquement aux boissons sucrées… Pourquoi pas à la mayo ou aux gâteaux et bonbons ??? C’est ridicule.

D’autant que si le gouvernement se passionne autant pour notre santé, pourquoi alors annoncer une maîtrise de la consommation médicamenteuse qui, comme on le sait, annonce un probable déremboursement de médicaments ? Rappelons nous que les précédentes ont inclus dans la liste des médicaments nécessaires au traitement de certaines affections de longue durée.

Toujours en matière de santé, est-ce bien réjouissant de voir le Premier Ministre s’interroger sans donner de solution sur le financement de la dépendance, lorsque l’on sait que le gouvernement privilégie la piste de l’assurance privée sur cette question, qui aura pour effet l’instauration d’un système à deux vitesses, entre ceux qui pourront payer et ceux qui ne pourront pas ?

Il est effarant de constater qu’en cette fin de mandat, le gouvernement ne change rien à sa ligne : instaurer une France à deux vitesses. Rappelons tout de même que Sarkozy a été incapable de réduire l’endettement de l’Etat -non, le problème ne date pas de la crise, celle-ci l’a seulement aggravé !-, s’est longuement entêté avec son bouclier fiscal avant d’y renoncer, pour finalement lancer quelques cacahuètes fiscales, mais sans s’attaquer au problème de fond, à savoir répartir la fiscalité de manière plus juste, ce qui est la seule manière de faire passer l’augmentation des impôts, directs ou indirects, à laquelle il serait illusoire de penser qu’on échappera.

Cette réformette fiscale, décrédibilisée par cette Taxe Coca gadget, ne fera que colmater quelques brèches, mais sans pérenniser les recettes, sans plan d’envergure sur la réduction des dépenses, le tout avec des perspectives de croissance revues à la baisse. Il en ressort malheureusement que la fiscalité n’est toujours pas prise au sérieux au sommet de l’Etat, et la justice fiscale -qui consiste à imposer chacun selon ses capacités de paiement- est une notion inconnue du côté de l’Elysée.

Heureusement 2012 pointe son nez : la nécessaire réforme fiscale sans aucun doute l’un des sujets phares de la campagne !

[Point de vue] : l’excellent article de Doudette sur le sujet