Chacun cherche sa droite

17 juin 2012. Les urnes ont parlé. La gauche a remporté ces élections législatives, dans la foulée de l’élection présidentielle. La droite, elle, a perdu. Lapalissade me direz-vous.

Non, elle a juste perdu. Elle n’a pas pris une énorme claque, puisqu’elle dispose de 226 députés (droite parlementaire). Le meilleur marqueur en est incontestablement le seul levier qu’il manque à la gauche : celle-ci ne dispose pas de la majorité des 3/5ème au Parlement, et ne pourra donc pas modifier la Constitution seule.

Pourtant, des claques, il y en a eu. Et des deux côtés. Les parachutés Ségolène (Royal) et Jack (Lang) ont échoué aux portes du palais Bourbon, obligeant la gauche à bannir le local ayant osé se maintenir en dissidence et dans le même temps, à revoir son casting pour le perchoir. A droite, les grandes gueules du sarkozysme ont trépassé : Nadine (Morano), Fredo (Lefebvre), Valérie (Rosso Debord), mais aussi Guéant, Vanneste, Garraud, Peltier.

Quelle meilleure situation la droite aurait-elle pu rêver au soir du 17 juin ? D’un côté, le PS doit gérer les suites d’une rocambolesque histoire personnelle mêlant fesses et twitter –le tweet vengeur de Valérie Trieweiler, première dame, encourageant l’opposant à l’ex du président, laquelle a perdu, quel vaudeville !- et de l’autre, la droite se retrouve débarrassée de certains personnages hauts en couleurs qui ont souvent porté atteinte à sa crédibilité. Voire à son pacte fondateur. A ses valeurs. Un sujet sur lequel l’UMP doit se pencher.

Hasard ou coïncidence, le calendrier l’impose. En effet, en novembre prochain, l’UMP réunira en congrès l’ensemble de ses adhérents pour se doter d’un nouveau chef de file, pour un mandat de 3 ans renouvelable. Voter pour un président, c’est bien, mais pour quelle vision de l’UMP ? Quelle philosophie ? Quelles valeurs ?

Avant de se choisir un chef, l’UMP doit se repositionner. Non pas, comme l’imaginent un peu simplement certains, en se mettant dans la roue du sarkozysme ou au contraire en se différenciant par la volonté de créer son propre courant, mais en s’interrogeant sur le sens de l’Union. Qu’est ce qui unit la droite parlementaire ? Quels en sont les contours ? Quelles en sont les frontières infranchissables ?

Autant de questions qui ont été mises en exergue par les deux scrutins qui viennent de se dérouler : la présidentielle, avec le rejet de la stratégie de dérive droitière de Nicolas Sarkozy, et la législative, avec l’échec des tenants de cette stratégie (à l’exception notable de certains ténors de la droite populaire, bien implantés dans le sud Est de la France).

Si l’échec de la droite aux législatives était prévisible, il aura au moins permis à l’UMP de gagner un temps précieux dans cette réflexion, car personne ne pourra contester ce bilan et la nécessité absolue d’en tirer les conséquences rapidement afin d’être opérationnels sur les nombreux scrutins de 2014. Désormais, il appartient aux ténors de se réunir, et de décider ensemble de la meilleure manière de se rassembler.

Mon petit doigt me dit depuis longtemps que ce n’est pas en se lançant dès la rentrée dans un affrontement sanguinaire entre Fillon et Copé –tous deux comptables de la stratégie qui a échoué- que l’on retrouvera un climat d’union. Leurs dérives guerrières ont parfois coûté des circonscriptions, et l’état de la fédération de Paris, en lambeaux, ne témoigne pas de leur grande capacité à diriger un parti dans le respect de l’Union. Mieux vaudrait qu’ils se refassent une virginité durant les trois prochaines années, avant de s’affronter –parmi d’autres- au sein d’une primaire qui ne fait plus guère de doutes.

Nombreuses sont les voix de droite, depuis ce matin, à sortir du bois pour défendre la primauté de la reconstruction sur la prochaine présidentielle : Baroin, Le Maire, Juppé, Raffarin, … Quoi qu’en pense encore le petit milieu politico-médiatique, en retard d’un temps faute de disposer du recul nécessaire, il devient de moins en moins probable que les deux aspirants compétiteurs Fillon et Copé, que chacun voyait s’affronter il y a quelques jours encore, ne soient les bons chevaux pour mettre en place la reconstruction de la droite.

Eva Joly sous tutelle*

Rien ne va plus dans la galaxie verte. L’accord avec le PS a donné lieu à des tensions, qui se sont traduites par de sérieux couacs en matière de communication. Puis la candidate verte a tout bonnement disparu… avant de voir son porte-parole démissionner.

Tout ceci était pourtant prévisible. EELV est un parti jeune, né du courant écologiste et de la fusion entre le mouvement écologistes constitué pour les européennes de 2009 et les régionales de 2010, et élargi au-delà des seuls politiques écologistes à des personnalités issues de la société civile, et le parti des Verts.

Du rêve de la société civile…

Les bons scores enregistrés par le parti lors de ses élections laissent présager d’un poids mouvement écologiste dans l’opinion, ce qui donne des ailes à EELV. Mais attention, tout ceci restait très relatif : le score obtenu à une élection à la proportionnelle ne présage en rien de la réussite des candidats du même parti au scrutin uninominal et ça, les Verts le savent bien. D’où l’idée de conclure un accord avec le PS.

Et c’est là que les ennuis commencent. Comment conclure un accord programmatique alors même que l’on souhaite porter une voix singulière dans la campagne présidentielle, en présentant un candidat écologiste ? Daniel Cohn-Bendit avait bien anticipé le problème, et plaidait pour l’absence d’un candidat vert au premier tout, en échange d’un accord politique très fort.

Mais les Verts sont tenaces. Certains de leur force, ils n’ont pas voulu renoncer à la mère des batailles. Mais n’ont rien fait pour se retrouver dans de bonnes conditions pour la mener. Ainsi, Cécile Duflot, présidente du parti, n’a pas voulu y aller. Les politiques écologistes ont renoncé, laissant la place à la société civile, très heureuse de se frotter enfin à la politique qu’elle ne cessait de commenter, de Philippe Mérieux à Eva Joly.

Mais voilà, la société civile a ses limites, et la première d’entre elle reste sa méconnaissance des appareils politiques. Certes, il est beau de rêver à la manière dont on portera le plus haut possible l’étendard de ses convictions, mais les questions de boutiques sont toutes aussi importantes… Sinon, pas de parti, pas de candidature, pas de convictions à porter dans la bataille. Et cela, Eva Joly l’a sous-estimé.

… à la réalité de la vie politique

Aujourd’hui, les Verts traversent une très mauvaise passe. Non pas parce qu’il est fréquent que le candidat des Verts n’aille pas au bout du chemin. Mais pour d’autres raisons qui tiennent en réalité à l’incompatibilité flagrante entre le choix d’une candidate issue de la société civile, et les accords de boutique purement politiciens convenus entre les partis. Et ces intérêts sont incompatibles.

Oui, Eva Joly dispose d’une personnalité propre. Au-delà de la thématique classique du nucléaire, elle apporte à EELV un positionnement fort sur les institutions, l’éthique en politique et la nécessaire régulation du monde de la finance. En ce sens, elle donne une identité à son combat présidentiel, et entend bien porter sa voix au plus haut.

Mais est-ce l’intérêt du parti ? EELV doit avant tout penser à sa survie financière. Comme Marianne l’évoquait, le parti est au bord de la faillite. Parce que la vie politique coûte cher en matériel, meetings, conventions diverses et variés, salaires des permanents, frais de fonctionnement. Et ce qui assure les ressources d’un parti n’est lié aux adhésions et dons que dans une très faible proportion.

Ce qui permet à un parti de disposer de ressources, c’est son accès à l’aide publique d’Etat. Définie par l’article 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie financière, elle accorde aux partis politiques un financement par voix obtenue sous réserve d’avoir  présenté lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions sur le territoire (hors cas particulier des Dom-Tom).

En clair, chaque parti qui obtient 1% des voix dans 50 circonscriptions différentes est assuré d’obtenir un financement. Pour mémoire, cette manne se chiffrait à 1,67 euros par voix sur la dernière mandature (moins l’amende pour non respect de la parité). Même si le gouvernement a annoncé son intention de réduire cette aide de 5% dans son plan de rigueur, la voix devrait rapporter aux alentours de 1,59 euros lors des prochaines législatives.

Face à un parti en faillite, on comprend mieux pourquoi la priorité des Verts portait sur un accord visant à obtenir des candidats dans 60 circonscriptions… La condition de 50 circos étant dépassée, et l’accord permettant de s’assurer d’y dépasser les 1%, il ne faut pas être grand mathématicien pour comprendre qu’EELV récupèrera beaucoup d’argent pour les cinq années à venir : de quoi assainir ses finances mal en point, et préparer l’avenir.

L’écologie à l’épreuve du pouvoir

Certes, cet accord se fait au prix de couacs idéologiques et programmatiques. De deux choses l’une : soit EELV dispose d’un poids suffisant dans la vie politique, et parvient à convaincre les citoyens en toute indépendance programmatique, ce qui lui assurera un grand nombre de voix que le parti obtiendra tout seul dans les circonscriptions. Au scrutin uninominal c’est aléatoire, même si EELV peut espérer dépasser les 1% partout… mais cela rapportera bien moins avec des candidats du PS en face, qui eux mangeront un grand nombre de voix dans ces circonscriptions.

Soit pour survivre, le parti cherche à garantir ses finances, et accepte de passer des accords qui heurtent l’idéologie des gens de la société civile et potentiellement des citoyens, qui ne connaissent pas les arrière-cuisines du financement de la vie politique –défini par la loi-, mais qui assurent, par la survie du parti, le maintien d’une offre politique différente, reculant ainsi un peu plus l’arrivée du bipartisme. C’est aussi un noble combat que le pluralisme.

Dans cette histoire, tout le monde a perdu en crédit, et le PS comme les Verts sont empêtrés dans la nasse de cet accord. Et nombreux sont les fautifs. Naturellement, il est malheureux qu’une candidate à la présidentielle soit à ce point obtuse sur son idéologie, et mette tout le monde dans une position délicate au motif qu’elle connaît mal un système que pourtant tout politique se doit de maîtriser. Comment peut-on sérieusement être candidat à la fonction suprême sans connaître le fonctionnement de la vie politique ?

Eva Joly ne comprend tellement rien à cette thématique pourtant vitale pour les formations politiques que son attitude autiste lui coûte aujourd’hui la démission de son porte-parole, Yannnick Jadot. Un abandon qui ne doit rien au hasard. Selon Le Point, 50% des adhérents des Verts dépendraient financièrement du parti. Pas question pour eux de laisser la candidate mener le parti à la morgue.

Mais les Verts ne sont pas exempts de reproches : si on en est là, c’est bien parce que les politiques écologistes se sont dérobés, et qu’il a fallu aller chercher un candidat au sein de la société civile, qui, en outre, n’a manifestement pas été formé à ces questions. Le parti, qui ne vient pas de découvrir sa situation financière, aurait au moins pu s’assurer d’une bonne information des candidats à ce sujet !

Enfin le PS n’a pas été bien malin. Si les bases d’un accord pouvait être négociées dès maintenant, sa finalisation n’aurait du intervenir qu’en toute fin de processus, c’est-à-dire juste après la présidentielle. Cela aurait évité de mettre tout le monde en porte-à-faux sur la thématique du nucléaire. D’autant que soyons sérieux : le calendrier de sortie ou de réduction de la dépendance au nucléaire sera soumis à des impératifs techniques qui n’ont aucune relation avec de simples effets d’annonce comptables… ce qui relève de la pure politique politicienne.

Alors, Eva Joly renoncera-t-elle -comme d’autres avant elle- en restant arc-boutée sur ses convictions idéologiques, qu’elle n’aurait de toutes façons pas été en mesure de porter jusqu’à l’Elysée ? Ou ira-t-elle au bout, ce qui l’obligera à se transcender en politique, et intégrer les règles du jeu, quitte à sacrifier un peu de son idéologie ?

Quoi qu’il arrive, EELV, qui s’inscrit dans une stratégie d’avenir, en choisissant de garantir ses finances et un groupe à l’Assemblée pour y défendre ses idées, sortira de la tempête, grâce à cet accord. Reste à savoir combien le parti y laissera de plumes, et donc de voix, dans la bataille : c’est encore Eva Joly qui, par son attitude, détient la clef de cette question.

Afin de limiter les dégâts, la candidate écologiste sera dès jeudi entourée d’une nouvelle équipe de campagne et d’un conseil politique, officiellement pour sauver le soldat Eva et ne pas la laisser seule : doux euphémisme ! Ou quand la politique reprend ses droits sur la campagne : pour les Verts, les velléités de la société civile n’ont que trop duré.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Assemblée Nationale : les papys font de la résistance !

Mais quel mouche a donc piquée Jack Lang ?

Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche, l’élu PS, âgé de 72 ans, s’est estimé « promis à la guillotine » par la proposition d’Arnaud Montebourg de limiter à 67 ans l’âge limite des candidats PS à la députation en juin 2012. Alors que l’Assemblée nationale élue en 2007 affiche le triste record d’être la plus vieille de la Vème République, la question mérite pourtant d’être posée…

Montebourg a raison, et le sujet n’est pas nouveau. Il y a 15 ans, Juppé avait déjà tenté de refuser l’investiture aux plus de 75 ans, et s’était lui aussi attiré les foudres de ses pairs. Et pourtant, même si la population est vieillissante, on ne peut plus, dans une démocratie moderne, être représentés par des politiques devenus professionnels, et siégeant depuis des décennies.

Et pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. L’assemblée de 1981 était rajeunie. Celle de 1993 avait vu l’arrivée des bébés Chirac, avec les Baroin, Gaymard, Bédier, Muselier, … Ils étaient alors une poignée, âgés de moins de 36 ans. Quelques années plus tôt, en 1985, Laurent Fabius devenait Premier ministre…. A seulement 37 ans. Dans les années 80 et 90, la valeur n’attendait pas le nombre des années. Que nous est-il arrivé ?

Comment se sentir alors concernés par la vie politique, si l’on ne se reconnaît plus dans ceux qui nous gouvernent ?  Les jeunes, comme les femmes, sont voués aux circonscriptions perdues d’avance, lorsqu’ils parviennent à être candidats. Et lorsque l’on parle de jeunes, en politique, il s’agit d’aspirants élus jusqu’à quarante ans. Plus vraiment jeunes, mais pas encore assez vieux pour prétendre siéger.

Plus que l’âge de l’élu, c’est en effet le nombre de mandats successifs détenus par un élu qui pose question. Truster ainsi un siège fait échouer notre société dans le renouvellement de sa classe politique, qui finit dans une oligarchie totalement déconnectée de la réalité, faute de sang neuf. Résultat, notre chambre basse n’est pas à l’image de la société : trop peu de femmes, certaines catégories sociales –les ouvriers, par exemple- sont sous représentés.

Elle manque alors de vitalité. Et se trouve parfois en décalage sur les sujets sur lesquels elle est amenée à s’exprimer, comme ce fut le cas pour les lois Création et Internet successives, et finit par voter des lois inapplicables, devenant la risée des plus jeunes qu’elle est aussi censée représenter. Fracture générationnelle…

Certes, cela pose la question du statut de l’élu. Si les parlementaires souhaitent conserver leur siège, c’est aussi, pour une partie d’entre eux, parce que le retour dans leur métier d’origine est impossible. Même s’il s’agit d’une minorité, les élus mis en disponibilité de la fonction publique ou les professions libérales n’étant pas concernés par ce problème, cela permettrait aussi de résoudre le cas des simples salariés.

Une mise à plat générale, s’interrogeant sur la représentativité des élus, permettrait certainement d’avancer tant sur leur statut que sur l’accès à la candidature des différentes composantes de notre société. Et d’inciter les partis à plus de diversité.

Mais non. La question restera en suspend. Les aînés ont gagné -la proposition étant discriminatoire au yeux de la loi, même si une simple recommandation aurait pu être élaborée en ce sens au sein du PS, puisque c’était une question interne- et pourront tranquillement se présenter, ad vitam eternam, sans que le débat sur la représentativité ainsi ouvert ne soit prolongé. Les jeunes devront attendre d’être vieux pour pouvoir siéger, quant aux femmes… Mais les vaches parlementaires seront bien gardées.

2ème circo de Paris : le camp Fillon jette de l’huile sur le feu

Rien ne va plus à l’UMP ! Le parti majoritaire s’est trouvé un nouveau terrain de bisbilles, dans la 2ème circonscription de Paris, avec la guéguerre que se livrent François Fillon et Rachida Dati. Et ça n’est pas près de s’arrêter.

Comme je l’avais déjà expliqué, les deux élus se livrent à une querelle de chiffonniers pour savoir lequel emportera l’investiture de l’UMP pour mener le combat lors des prochaines législatives. Si François Fillon se revendique de son actuelle fonction de Premier ministre –qu’il ne sera plus au moment de se présenter devant les électeurs- pour préempter le soutien de l’UMP, il n’en reste pas moins un parachuté.

Tout comme l’était Rachida Dati lorsqu’elle a pris la mairie du 7ème en 2008. Reste qu’elle y est désormais installé, et qu’il semble plutôt légitime qu’elle souhaite s’ancrer dans son territoire : si en plus les parachutés ne doivent être que de passage, les parisiens se sentiront-ils un jour représentés ?

Cette semaine, Rachida Dati a retiré leurs délégations à deux de ses adjointes fillonistes, au motif qu’elles se sont abstenus de voter le budget… budget d’ailleurs renvoyé en seconde lecture, tous les détails sont dans cette note de Romain.

De prime abord, on peut penser que c’est une provocation de la part de Rachida Dati. Et pourtant, la maire du 7ème arrondissement a raison. De tous temps, en politique, la ligne de partage entre majorité et opposition a été le vote du budget.

Dès l’instant où ses propres adjointes ne le votent pas, elles se placent dans l’opposition. Si elles persistent dans ce choix en seconde lecture, elles auront alors officiellement constitué une opposition Filloniste au sein de l’équipe municipale du 7ème arrondissement. Rachida Dati a donc parfaitement raison de les sanctionner. Et cela ne signifie ni plus ni moins que les fillonistes sont désormais dissidents divers droite au sein de cette majorité UMP. Et Fillon veut l’investiture ? Laissez moi rire…

Mais l’UMP étant créative, ça n’est pas le seul incident de la semaine, et c’est encore le camp Fillon qui s’illustre, par la voix de Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement.

Dans une interview accordée au site Election Politique par César Armand, l’élu parisien s’en prend à Alain Lambert. L’ancien ministre du budget dans le gouvernement Raffarin, ancien sénateur ayant renoncé à son mandat pour rejoindre une haute juridiction, et actuel président du conseil général de l’Orne, a en effet déclaré sa candidature, souhaitant « renouer avec un débat démocratique apaisé et construit ».

Mais voilà, cette initiative n’est pas du goût des fillonistes, déjà en proie à la candidature de Rachida Dati. Interrogé sur Alain Lambert, Jean-François Legaret a commis un nouveau faux pas, en déclarant : « Je trouve cela bien saugrenu », avant de préciser son sentiment sur cette candidature : « Je crois, au contraire, qu’il va compliquer les choses ».

Saugrenu ??? Quelqu’un peut-il, en outre, informer Jean-François Legaret du parcours politique d’Alain Lambert ? Qu’il ne s’agit en aucun cas d’une candidature gaguesque, mais bien d’un homme politique aguerri –certes, qui ne se bat plus pour obtenir un poste à tout prix- et qui, au passage, a lui, réussi à devenir parlementaire –là où Jean-François Legaret a échoué- et même ministre, un poste pour lequel le maire du 1er arrondissement n’a jamais été positionné ? Et il ose trouver la candidature d’Alain Lambert saugrenue ? Quel manque de respect de la part de l’élu local !

Alain Lambert, lui, a préféré, dans sa réponse à Jean-François Legaret, ne pas céder à cette provocation, et faire preuve de responsabilité : « Comme vous le savez, j’appartiens au courant personnaliste des centristes et je m’intéresse à tenter de réunir un corpus de pensée sur la personnalisme communautaire dans un monde ouvert, en Europe et dans le Monde. Le sujet est passionnant et nous élève un peu l’esprit par rapport aux querelles de boutiques propres à la politique politicienne». L’ancien ministre du Budget n’a, il est vrai, pas la pression pour l’emporter. Ses compétences ne sont plus à démontrer, sa carrière politique est derrière lui, et son offre n’en est emprunte que de plus de sincérité.

Vu le sérieux de son profil, l’on peut aisément comprendre que la troisième voie qu’il propose ne puisse agacer.

Et pourtant, ce sont bien Rachida Dati et François Fillon qui ont les cartes en main.

S’ils cessent leurs querelles et parviennent à proposer un choix probant aux électeurs de la 2ème circo de Paris, Alain Lambert pourrait ne pas aller au bout.

Mais si la politique politicienne persiste à envenimer le débat, l’ancien ministre du Budget constituera une alternative de choix aux électeurs qui seraient plus intéressés par la politique, au sens noble du terme, que par des querelles de basse-cour dignes de Dallas. C’est donc bien la qualité du débat proposé par le(s) candidat(e-s) UMP qui déterminera le choix d’Alain Lambert d’aller au bout ou pas.

Et pour l’instant, les derniers épisodes du feuilleton ne font que confirmer la nécessité d’une alternative. Cette nouvelle incartade du camp Fillon démontre une fois de plus la suffisance de ses partisans, qui veulent s’assurer d’un résultat acquis pour leur champion avant que l’élection n’aie lieu, et s’offusque donc que quiconque, fusse en dehors de leur parti, ose se présenter devant les électeurs sans être immédiatement taxé d’être un fauteur de troubles.

Nan mais franchement, quelle idée d’oser mettre des candidats qui pourraient l’emporter face au Premier ministre !

Non seulement il quitte son fief de la Sarthe –où sa réélection n’est pas assurée- pour se trouver une petite circonscription bien à droite en théorie facile à conquérir, ce qui ne démontre pas d’un tempérament très combattif pour un Premier ministre, mais en plus, il faudrait qu’il soit seul à concourir ?

Jusqu’ici, nous avons donc un candidat Premier ministre bien décidé à obtenir de force une investiture, afin d’obtenir une circonscription confortable et trouver ainsi un point de chute loin de son fief mis en péril, si possible sans candidat en mesure de croiser le fer, et aux prix de toutes les querelles possibles et imaginables avec les autres prétendants aux suffrages. En effet dans ce feuilleton peu ragoûtant, c’est encore lui qui met le feu à la circonscription.

République exemplaire, qu’ils disait… Pour le moment, la 2ème circonscription de Paris est plutôt en proie au fait du Prince, sous prétexte qu’il serait naturel que le Premier ministre soit non seulement le candidat officiel de l’UMP –alors qu’il pourrait y avoir une primaire- mais maintenant, l’Elu. Et bien non, ce choix revient aux électeurs de cette circonscription. Et choix il ne peut y avoir qu’en présence de plusieurs candidats, fussent-ils également de droite.

Le jeu dangereux d’EELV

Depuis un moment déjà, EELV fait monter la pression à propos d’un éventuel accord avec le PS.

Les deux partis cherchent à établir un accord pour 2012. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné… et que les écologistes pourraient y laisser quelques plumes.

On avait déjà assisté, fin septembre, au jeu douteux de Jean-Vincent Placé, négociateur des écologistes au Sénat, pour tenter d’obtenir des socialistes des postes, en se livrant à un chantage visant à éventuellement refuser de soutenir Jean-Pierre Bel à la présidence du Sénat, ce qui aurait pu permettre à la droite de l’emporter, malgré un nombre de sièges inférieur à celui de ceux remportés par la gauche. Fort heureusement, le négociateur avait retrouvé ses esprits… mais l’épisode avait laissé quelques traces sur l’image des écologistes, capables apparemment de toutes les excentricités pour se Placé placer.

Cette fois, c’est Eva Joly qui s’y est collée, lançant, avec toute la finesse d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, rien de moins qu’un double ultimatum aux socialistes. Sur la date de l’accord, qui doit intervenir, aux yeux de EELV, avant le 19 novembre, date de leur conseil fédéral. Et sur le sort du projet d’EPR à Flamanville (Manche) qu’il convient impérativement d’arrêter. CE qui n’a pas manquer d’agacer l’entourage de François Hollande, et notamment Michel Sapin : « Il ne saurait y avoir d’ultimatum sur une date qui a été fixée par les deux partis », tout en rappelant la « volonté commune » d’aboutir à un accord à la mi-novembre. Ou comment la candidate écologiste s’est faite vertement tancer.

Cécile Duflot, plus mesurée, va de plateaux télé en studios radio pour indiquer que son mouvement campe sur ses positions, à savoir obtenir au minimum un engagement sur l’arrêt du chantier de Flamanville, indiquant que la sortie du nucléaire était une question de « courage politique ». Aujourd’hui, personne n’est certain d’un accord entre les deux partis.

Reste que ces manières fort cavalières pourraient coûter cher aux écologistes. Si Yves Cochet se permet de railler François Hollande, qui selon lui jusqu’ici « ne rassemble que le Parti Radical de Gauche », il semblerait que les leaders d’EELV se surestiment un tout petit peu. Imaginons un peu qu’il n’existe pas d’accord entre le PS et EELV, serait-ce une catastrophe nucléaire (ah ah) ?

Déjà, que proposent les écologistes, et en échange de quoi ? EELV ne propose absolument pas l’union de la gauche, puisque EELV présente une candidate à l’élection présidentielle. Qui plafonne aujourd’hui à 4,5 % selon un sondage Ifop et à 5% selon un sondage BVA, tous deux du 8 novembre. Pour l’instant, la candidature d’Eva Joly ne décolle pas.

Ensuite, au second tour, imagine-t-on les écologistes soutenir la droite ? Laissez moi rire… Quant à imaginer un appel à l’abstention, il est peu probable qu’il serait suivi par les électeurs. François Hollande tient en effet au bout du bulletin une chance de faire gagner la gauche, aussi il est illusoire d’imaginer que les électeurs suivraient un caca nerveux des écologistes au risque de faire gagner Sarkozy. A un moment donné, il serait assez intéressant que les écologistes cessent de prendre leurs électeurs pour des godillots sans aucun libre arbitre.

Quid des législatives, alors ? Une fois encore, EELV semble surestimer son poids. Jusque là, les écologistes n’ont obtenus que peu d’élus au scrutin uninominal à deux tours –et à ce que je sache, même si ça n’est peut être plus pour longtemps, c’est encore le mode de scrutin des législatives- aussi s’ils en veulent plus, il va falloir être gentils. En effet, le PS n’est pas dans la situation de 1997, où il avait conquis le pouvoir lors des législatives anticipées, ce qui avait nécessité de construire une majorité plurielle, faute de disposer de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Si le PS l’emporte lors de la Présidentielle de 2012, il devrait bénéficier d’une vague rose, et disposer à lui seul de la majorité absolue à l’Assemblée. Aussi, il n’a pas nécessairement besoin d’un accord avec les écologistes, qui de toutes façons ne seront pas en mesure d’emporter suffisamment de sièges pour espérer se poser un arbitres. Quand on négocie, il faut tenir compte du poids réel que l’on pèse au regard du mode de scrutin de l’élection visée… Mais naturellement, EELV est prêt à tous les chantages : s’il n’y a pas d’accord, ils pourraient se venger au sein des exécutifs locaux, là où leur poids est plus probant.

Pour toutes ces raisons, les écologistes seraient bien inspirés de se calmer, d’arrêter de se prendre pour les arbitres qu’ils ne sont pas dans les élections de 2012, et de cesser de jouer les sales gosses immatures, à coup de chantage politico-affectif assez proche du hold-up démocratique, ce qui reste peu reluisant pour l’image de la vie politique. S’ils veulent se placer dans l’opposition au PS au nom de leurs valeurs, c’est tout à fait audible : qu’ils le fassent ! Et assument alors le score qu’ils feront alors, et la responsabilité qu’ils porteront. C’est ça, une élection.

Ou comment EELV se pose en champion du monde pour donner des leçons de comportement politique aux autres, tout en étant incapable de se montrer exemplaire en la matière. Cette attitude politico-politicienne ne mérite rien de moins qu’un carton rouge !