Leave Audrey Pulvar alone !*

Raphaëlle Bacqué, éminente journaliste politique du Monde, n’y est pas allée de main morte.

Dans un article à charge, elle n’a pas hésité à poignarder dans le dos sa consoeur Audrey Pulvar, utilisant de la forme interrogative à outrance pour insinuer dans l’esprit du lecteur l’odieuse connivence dont serait coupable la journaliste de France Inter et chroniqueuse d’On n’est pas couché sur France 2.

Car si la forme se veut prudente, le simple fait de publier un papier de sept feuillets sans délivrer de réponse contribue à répandre la rumeur médiatico-politique, basée sur aucun fondement, et entretenir le sujet jusqu’à ce qu’il occupe suffisamment les esprits pour que l’on décide de condamner la journaliste sur la base du brouhaha ainsi répandu… là où l’enquête aurait permis de clore rapidement le débat. Faute d’analyse, ces questionnements prétendument naïfs, de la part d’une telle plume, ne sont que pure manipulation stylistique !

Que reproche-t-on exactement à Audrey Pulvar ? Selon Raphaëlle Bacqué, Martine Aubry comme Ségolène Royal se seraient plaintes de «l’agressivité », des « yeux levés au ciel », du « militantisme » et des attaques sur la complaisance du PS à l’égard de Guérini… bête noire de Montebourg. La belle affaire.

Audrey Pulvar est en effet coupable.

  • Coupable d’être pugnace, ce qui peut paraître de l’agressivité pour des politiques habitués à ce que la connivence de certains journalistes les brossent dans le sens du poil, dans le but intéressé et assumé par certains d’obtenir des offs.
  • Coupable d’adopter une mimique qu’elle est la seule à utiliser dans les médias car non, le soir au Grand Journal, Jean-Michel Apathie ne lève jamais les yeux au ciel.
  • Coupable enfin d’avoir un regard politique, alors qu’il est bien connu que l’intégralité de ses confrères sont neutres et n’affichent aucune conviction politique.
  • Coupable d’avoir trouvé que l’image donnée par la Fédération des Bouches-du-Rhône n’était pas totalement raccord avec la République exemplaire.. comme tant d’autres de ses confrères et observateurs de la vie politique… sans parler de la droite. Si je suis bien le raisonnement, la droite serait alors, sur ce point, Montebourgienne ? Ou est-ce tout simplement un point de vue partagé par différentes personnes, sans aucun rapport avec le député bourguignon ?Cessons la démagogie : si Audrey Pulvar trouvait l’attitude de Guérini formidable, que dirait-on de sa moralité ?

Et si c’était Eric Zemmour qui avait interviewé Ségolène Royal et Martine Aubry ?

  • Aurait-il été pugnace et qualifié d’agressif ? C’est très fortement probable, les nombreuses interviews de cette émission ont régulièrement donné le flanc à ce type de critique.
  • Aurait-il levé les yeux au ciel ? Assurément oui, il le faisait régulièrement, et le fait encore dans Ca se dispute sur I-télé.
  • Aurait-il été militant ? Evidemment. Mais de l’autre côté de l’échiquier politique. Il a d’ailleurs été régulièrement attaqué pour sa manière de mener les interviews et de réagir –justement en levant les yeux au ciel !- lorsqu’il était chroniqueur dans la même émission.
  • Aurait-il critiqué l’attitude de Guérini ? Oui, sur RTL, en juillet dernier.

Le problème n’a donc rien à voir avec la vie privée d’Audrey Pulvar. Tout cela concerne une manière de faire son travail de journaliste qui n’est pas aujourd’hui la norme dans nos médias. Les rapports au pouvoir, de quelque nature qu’il soit, ont nécessité quelques adaptations de la part de certains journalistes politiques qui doivent composer avec les puissants pour obtenir des informations. C’est le jeu du chat et de la souris, en mode Tom et Jerry : les politiques courent après les journalistes, sans jamais parvenir à les bouffer.

A côté, Pulvar dérange. Parce que Pulvar ne lâche rien. Pulvar est un pitbull. Pulvar est à abattre. Le parallèle avec Zemmour est criant : leurs analyses sans compromission et leurs questions non convenues gênent, et leur manière d’obtenir des réponses que certains invités n’ont manifestement pas envie de donner, trop occupés qu’ils sont par leur promotion personnelle, devient insupportable car trop rare dans ces exercices souvent très formatés. Peu habitués à être chahutés, les puissants sont enclins à grogner. C’est de bonne guerre. A condition de ne pas leur céder.

Et c’est bien là que le bât blesse. Le pouvoir politique -fusse par la voix de l’opposition- claque des doigts, et ils sont conspués. Pour faire tout simplement leur métier, Zemmour a été attaqué sur ses idées, Pulvar est attaquée sur sa vie privée. Au motif qu’elle serait sur les plateaux la représentante de son compagnon Arnaud Montebourg, dont elle distillerait insidieusement les idées. Le grand mot est lâché : collusion, conflit d’intérêts.

Question que personne ne s’était posée lorsque la journaliste Anne Fulda avait eu une histoire d’amour avec le Président de la République… D’autres exemples pourraient être donnés, mais cette chronique n’a pas pour but d’outer les petits secrets des journalistes -y-compris masculins-, même si tout le microcosme les connaît. La règle est simple : tant que ça n’est pas dans Voici ou Closer, omerta. De nos jours. Car il y a vingt ans, personne n’avait remis en cause Christine Ockrent ou Anne Sinclair. Les temps changent…

Audrey Pulvar serait, à en croire cet article, questionnable sur son travail, au motif qu’elle partage la vie d’Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire et ancien candidat à la primaire socialiste. Vous avez bien lu. La journaliste, sortie major de promotion de l’ESJ Paris, ayant évolué dans de grands médias depuis une petite vingtaine d’années, jusqu’à interviewer le président de la République, et à qui personne ne reprochait rien jusque là, aurait perdu sa déontologie par un coup de baguette magique, et devrait passer devant la Sainte Inquisition journalistique pour avoir osé aimer un politique. Dis moi qui tu aimes et je te dirais comment tu exerces ton métier. Sérieusement ?

Au risque de vous surprendre, anatomiquement, hommes et femmes ne sont pas des siamois reliés par un unique cerveau. Les femmes disposent d’un organe propre, et ô miracle, elles ont anatomiquement tout ce qu’il faut pour le faire fonctionner. Loin d’être, comme il y a près de 4 milliards d’années, de simples cellules d’organismes procaryotiques, elles disposent d’une conscience, d’une intelligence et d’une pensée qui n’est en rien reliée à celle de l’homme, la télépathie –et donc la contrainte télépathique- relevant encore de la science-fiction. Autrement dit, elles savent penser par elles-mêmes. Dingue !

Mesdames et Messieurs les censeurs, les femmes ont acquis chèrement leur liberté. Il leur aura fallu attendre 1938 pour pouvoir convenir d’un contrat sans l’accord de leur mari et 1945 pour obtenir le droit de vote. Le préambule de la Constitution de 1946, qui figure dans le bloc de constitutionnalité de notre loi fondamentale, prévoit l’égalité entre hommes et femmes.

Il serait bon de ne pas l’oublier : s’en prendre ainsi à Audrey Pulvar renvoie chacun d’entre nous à une époque où les femmes n’avaient pas d’autres choix que d’embrasser l’opinion de leur mari. On se réveille : ces temps sont révolus. De nos jours, les femmes sont pleinement autonomes et d’ailleurs, Pulvar revendique. Je le revendique. Non, nous les femmes, nous ne pensons pas par et comme notre compagnon. Parfois nos avis sont similaires, parfois ils diffèrent. Ainsi va la vie.

De plus, la journaliste, lorsqu’elle est sur le plateau d’On n’est pas couché, n’est pas la compagne d’Arnaud Montebourg. Elle est une professionnelle, qui exerce son métier, selon la déontologie journalistique. Pour mémoire, ce qui définit la crédibilité du journaliste, c’est son indépendance à l’égard des pouvoirs politiques et économiques, le respect de la vie privée, et la protection des sources. Hum, il semblerait que certains journalistes n’aient pas franchement respecté la vie privée d’Audrey Pulvar et Arnaud Montebourg, en exposant leur histoire. Ses principes fondamentaux sont la responsabilité sociale et la véracité, c’est-à-dire l’intention de ne point tromper ses lecteurs. Dans ce dossier, une fois encore, quelle véracité ? La mise au pilori d’une consoeur ne la rend pas coupable de dépendance, et les faits démontrent au contraire qu’il n’en est rien.

La preuve ultime réside en effet dans son travail. Force est de constater que ceux qui s’en prennent à cette journaliste, n’ont pas dû bien l’écouter. Blogueuse de droite –et donc pas franchement du même bord qu’Audrey Pulvar-, je regarde tous les samedis soirs On n’est pas couché. Et au risque de surprendre le petit milieu médiatico-journalistique, j’ai noté de nombreuses différences entre le soi-disant militantisme d’Audrey Pulvar –à savoir, les questions qu’elle pose- et les positions de Montebourg. Preuve s’il était encore besoin de le démontrer que la journaliste n’est pas relié à une oreillette montebourgienne. Encore faudrait-il, pour le savoir, faire l’effort de l’écouter.

Reste qu’avec cette histoire, le point Montebourg est définitivement atteint. Laissera-t-on l’inquisitrice Bacqué brûler la sorcière Pulvar en place publique ? Si oui, ce n’est ni plus ni moins qu’un autodafé de la pensée propre de la femme, et un retour aux temps anciens où la femme n’était aux yeux de notre société qu’une extension de l’homme, sans existence ni pensée personnelle. Encore un peu et on revient à la Genèse…

Ou comment ceux qui attaquent Pulvar nous propose rien de moins qu’un petit tour dans la De Lorean de Doc [ndlr : dans le film Retour vers le Futur] pour un retour dans un passé masculinisé, dans lequel la femme n’était qu’un objet. Face à cette vision de notre société, que chacun, en conscience, prenne ses responsabilités. Leave Audrey Pulvar alone !

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Assemblée Nationale : les papys font de la résistance !

Mais quel mouche a donc piquée Jack Lang ?

Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche, l’élu PS, âgé de 72 ans, s’est estimé « promis à la guillotine » par la proposition d’Arnaud Montebourg de limiter à 67 ans l’âge limite des candidats PS à la députation en juin 2012. Alors que l’Assemblée nationale élue en 2007 affiche le triste record d’être la plus vieille de la Vème République, la question mérite pourtant d’être posée…

Montebourg a raison, et le sujet n’est pas nouveau. Il y a 15 ans, Juppé avait déjà tenté de refuser l’investiture aux plus de 75 ans, et s’était lui aussi attiré les foudres de ses pairs. Et pourtant, même si la population est vieillissante, on ne peut plus, dans une démocratie moderne, être représentés par des politiques devenus professionnels, et siégeant depuis des décennies.

Et pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. L’assemblée de 1981 était rajeunie. Celle de 1993 avait vu l’arrivée des bébés Chirac, avec les Baroin, Gaymard, Bédier, Muselier, … Ils étaient alors une poignée, âgés de moins de 36 ans. Quelques années plus tôt, en 1985, Laurent Fabius devenait Premier ministre…. A seulement 37 ans. Dans les années 80 et 90, la valeur n’attendait pas le nombre des années. Que nous est-il arrivé ?

Comment se sentir alors concernés par la vie politique, si l’on ne se reconnaît plus dans ceux qui nous gouvernent ?  Les jeunes, comme les femmes, sont voués aux circonscriptions perdues d’avance, lorsqu’ils parviennent à être candidats. Et lorsque l’on parle de jeunes, en politique, il s’agit d’aspirants élus jusqu’à quarante ans. Plus vraiment jeunes, mais pas encore assez vieux pour prétendre siéger.

Plus que l’âge de l’élu, c’est en effet le nombre de mandats successifs détenus par un élu qui pose question. Truster ainsi un siège fait échouer notre société dans le renouvellement de sa classe politique, qui finit dans une oligarchie totalement déconnectée de la réalité, faute de sang neuf. Résultat, notre chambre basse n’est pas à l’image de la société : trop peu de femmes, certaines catégories sociales –les ouvriers, par exemple- sont sous représentés.

Elle manque alors de vitalité. Et se trouve parfois en décalage sur les sujets sur lesquels elle est amenée à s’exprimer, comme ce fut le cas pour les lois Création et Internet successives, et finit par voter des lois inapplicables, devenant la risée des plus jeunes qu’elle est aussi censée représenter. Fracture générationnelle…

Certes, cela pose la question du statut de l’élu. Si les parlementaires souhaitent conserver leur siège, c’est aussi, pour une partie d’entre eux, parce que le retour dans leur métier d’origine est impossible. Même s’il s’agit d’une minorité, les élus mis en disponibilité de la fonction publique ou les professions libérales n’étant pas concernés par ce problème, cela permettrait aussi de résoudre le cas des simples salariés.

Une mise à plat générale, s’interrogeant sur la représentativité des élus, permettrait certainement d’avancer tant sur leur statut que sur l’accès à la candidature des différentes composantes de notre société. Et d’inciter les partis à plus de diversité.

Mais non. La question restera en suspend. Les aînés ont gagné -la proposition étant discriminatoire au yeux de la loi, même si une simple recommandation aurait pu être élaborée en ce sens au sein du PS, puisque c’était une question interne- et pourront tranquillement se présenter, ad vitam eternam, sans que le débat sur la représentativité ainsi ouvert ne soit prolongé. Les jeunes devront attendre d’être vieux pour pouvoir siéger, quant aux femmes… Mais les vaches parlementaires seront bien gardées.

Primaire PS : Tribord perd la boussole !

La primaire du PS a donné le mal de mer à la droite. Pourtant, le processus était connu depuis longtemps. Il y a même eu un avant goût en 2007 avec la primaire interne du PS.

Et contrairement à ce que l’on voudrait nous laisser penser, il y avait pourtant bien eu à l’époque trois débats télévisés –mais aucun en hertzien-, pour cette primaire qui se jouait à un tour. La seule vraie différence, c’est que la primaire de 2006 était interne au PS, et non ouverte à tous les citoyens. Il semblerait que cela gêne un peu à tribord…

L’UMP est tellement obnubilée par la primaire qu’elle organise ce mardi une convention… sur la primaire. En 2007, les conventions du parti majoritaire servaient à préparer le projet, en abordant tour à tour les grands thèmes de la présidentielle. Pour la présidentielles de 2012, j’avoue avoir du mal à suivre. Soit la primaire du PS est un enjeu de société, qui justifie qu’on fasse des propositions sur ce thème aux Français, et dans ce cas la convention de l’UMP se justifie. Soit le parti majoritaire tente de se donner un peu de consistance face à ce succès populaire, et de délivrer massivement des éléments de langage à ces militants.

Pourquoi pas, mais on n’est alors plus dans la construction du projet. Dernière possibilité, l’UMP organise cette convention pour se positionner par rapport à la primaire, ce qui serait alors un peu court. D’une part, parce que le projet du PS existe depuis un moment et que sa version post-primaire, modifiée par le candidat, ne sortira pas d’ici mardi. D’autre part, parce qu’en tant que Fille de Droite, je trouverais un peu limité de se cantonner à répondre au PS dans le projet de l’UMP : cela relèverait d’un vrai manque d’ambition pour la France, et surtout, d’une absence totale d’idées. Voilà pourquoi je ne comprends pas bien la tenue de cette convention, au-delà d’un aspect thérapie de groupe qu’il me paraît pathétique d’ultra médiatiser.

Ce matin, Copé en remet une couche dans ce n’importe quoi généralisé à tribord. Sur I-télé, il explique que le ralliement de Montebourg à Hollande montre l’incapacité à tenir une ligne à gauche. Hum hum… Donc si je suis bien monsieur Copé, l’UMP n’est pas plus crédible, en allant du centre droit à la droite populaire, en passant par exemple par monsieur Vanneste qui rappelons-le, tient régulièrement son lot de propos homophobes. Si Hollande ne peut rassembler la gauche, tout pareil pour Sarkozy. Ou comment Copé assume avec convictions des propos qui plombe autant sa famille politique. LOL.

Sans parler des divergences sur l’organisation même d’une primaire. D’un côté Fillon, Accoyer, et même mon pote Aymeric s’y étaient déclarés plutôt favorables, conscients que le succès de la primaire citoyenne comme la modernité de ce mode de désignation posent question à droite.  Et je partage, en tant que Fille de Droite, totalement cette vision. De l’autre, Sarkozy a vertement tancé ce procédé. C’est dire si la primaire met Tribord en panique : les vents contraires agitent le Titanic, qui se débat en pleine cacophonie avec des morceaux de Xababa (ndlr Xavier Bertrand), Eric Raoult ou encore Morano au milieu, qui éclaboussent dans tous les sens… et souvent non-sens d’ailleurs. Dur, dur d’être de droite, par les temps qui courent…

La droite qui, d’ailleurs, s’est déjà essayée à l’exercice en interne. Si certains aiment donner l’exemple des déchirements consécutifs à la primaire de l’UMP pour la municipale à Paris, ils oublient que le système même de la primaire a existé pour la présidentielle, en 2006, à l’initiative… de Nicolas Sarkozy. Eh oui, rendons à César…

Si ce fut un fiasco, c’est uniquement parce que les barons de la droite ont baissé leur culotte, n’osant pas affronter celui qui était alors président de l’UMP. Il faut dire que les scrutins internes organisés par la même équipe –méthodes bolchéviques, menaces et bourrage des urnes électroniques inclus- avait de quoi refroidir les ardeurs. Reste que les statuts prévoient les primaires. Tellement qu’après l’élection de Sarko, il a fallu les modifier fissa pour prévoir qu’il n’ait pas à s’y soumettre cette année, sous prétexte qu’il serait le candidat naturel. J’y reviendrai.

Du coup, la prise de position présidentielle nous expliquant « La Ve République ne peut être l’otage des partis politiques et le candidat (à la présidentielle, ndlr) pris en otage par son parti. Le général de Gaulle a voulu une élection à deux tours, pas à quatre tours », c’est, euh, comment dire… Soit Nicolas Sarkozy pense réellement ce qu’il dit, et affirme donc ne pas avoir lui-même respecté l’esprit des institutions de la Vème en 2006, et donc ne pas être le gaulliste qu’il prétend être. L’ancien ministre du budget Alain Lambert ne s’est d’ailleurs pas gêné pour le lui rappeler, et demander à ce qu’on laisse le Général en paix (voir le tweet ci-dessous).

Car le Général n’a jamais prétendu être contre la primaire : la question ne s’est jamais posée, et je défie qui que ce soit de trouver une phrase de Charles de Gaulle sur ce sujet. En effet, contrairement à ce que certains voudraient bien faire croire, les primaires, en étant citoyennes, reflètent bel et bien la rencontre entre un homme et un peuple, au-delà des partis : c’est justement en sortant du cadre interne qu’elles deviennent gaullistes ! Et elles ne favorisent en rien le bipartisme : il y a bien eu plusieurs primaires à gauche, pour désigner les candidats qui porteront les couleurs des partis concernés !

Enfin, Nicolas Sarkozy affirmait, dans son discours d’investiture en tant que président de l’UMP le 28 novembre 2004 : « Vous, adhérents, je veux que vous soyez maîtres de votre destin. Les grandes décisions politiques du mouvement nous les prendrons ensemble. Pour cela, je ne connais qu’une seule formule : celle du vote démocratique, ouvert à tous ». Soit Nicolas Sarkozy estime que le choix du candidat n’est pas une grande décision politique. Soit il fait preuve d’une mémoire sélective qui frise la mauvaise foi. C’est ballot.

Une fois de plus, Nicolas Sarkozy semble ne pas sentir le vent nouveau qui a soufflé sur la vie politique ces dernières semaines. Car il ne s’agit plus, cette fois, de politique politicienne ou même partisane : cette primaire était proposée à tous les citoyens se reconnaissant dans des valeurs de gauche –en réalité républicaines, comme je l’ai déjà expliqué– et donc complètement en dehors de l’appareil. Car si le vote a été organisé par le PS, il suffisait d’aller dans les bureaux de vote pour constater qu’il était calqué sur n’importe quel scrutin organisé par l’Etat.

En ce sens, le président n’a pas compris que quelque chose, dans le rapport entre le peuple et la politique, avait changé. Comme si depuis qu’il est reclus à l’Elysée, il avait perdu la connexion avec le peuple français. C’est ennuyeux pour un candidat naturel de ne plus sentir la tendance… Sarko aurait-il perdu son mojo ?

Il est évidemment trop tôt pour le dire, mais certains rats quittent déjà  le navire, fuyant la présidentielle. Le Premier Ministre lui-même, François Fillon, semble avoir zappé l’étape avril-mai, pour se consacrer à Paris… pour la municipale de 2014. Son plan épargne retraite à lui qu’il a. Sur Twitter, un militant de droite me disait hier qu’il n’y avait aucune surprise à préparer les législatives de juin dès maintenant. Euh, en tant que Premier Ministre, si. Soit il pense que la droite va l’emporter en mai prochain, et donc qu’il bénéficiera d’un élan favorable. Soit il pense que l’UMP va méchamment se rétamer, et qu’il faut partir en campagne le plus tôt possible.

Et qu’on ne me dise pas qu’il doit s’implanter localement : il vise la 2ème circonscription de Paris, celle qui inclut une partie du 6ème et du 7ème arrondissement –où même mon chien serait élu s’il portait un collier UMP (qu’il ne portera jamais hein)- et en plus, la plupart des délégués de circonscription parisiens sont pro Fillon. D’ancien P9 -pour Point 9, autrement dit de France.9, le club de Fillon- qui lui ont bien préparé le terrain. Autant dire que si François Fillon annonce dès maintenant son parachutage, c’est qu’il n’est pas über optimiste sur le fait de bénéficier de la dynamique de la présidentielle ! Ca doit être le sens de l’expression Courage, Fillon !

De là à dire qu’une large partie de la droite fait l’impasse sur les scrutins d’avril et mai, il n’y a qu’un pas. C’est à mon sens, l’explication du retrait de Borloo. Oh, il y a certainement des raisons occultes à chercher du côté d’éventuelles casseroles dissuasives, mais à mon avis, au-delà des rumeurs, Borloo a certainement étudié précisément l’état de la droite… et constaté qu’il n’avait aucun intérêt à se lancer dans une campagne de premier tour qui le ferait apparaître comme le diviseur. L’intérêt de tout le monde réside en effet dans le concept suivant : soutenir Sarko pour mieux le laisser se planter… tout seul.

Evidemment, c’est un pari risqué. Mais si Sarko se plante, c’est payant pour tout le monde. Personne ne sera le-vilain-salaud-qui-ne-l’a-pas-soutenu-et-qui-a-fait-perdre-des-voix, et donc chacun pourra tenter sa chance à la loterie suivante, à savoir la reconstruction de la droite. Avec en option, la disparition du sarkozysme des écrans radars pendant quelques temps… car ce sera bien ce courant qui sera responsable en cas de défaite. D’autant qu’en cas de reconstruction, la droite optera probablement pour des options radicalement différentes que sous le sarkozysme : les courants devraient donc, logiquement, retrouver voix au chapitre.

Je dis bien retrouver. Si les militants actuels de l’UMP sont arrivés sous Sarkozy, et ne connaissent donc pas l’histoire de leur propre parti, je rappelle que l’instauration de courants au sein de l’UMP a été votée par le conseil national le 9 mai 2004. Je suis bien placée pour le savoir : non seulement j’y étais, mais j’ai voté des deux mains et des deux pieds la motion Juppé, qui les proposaient. Pour qu’ils existent, il fallait simplement ratifier cette proposition par un vote du congrès. Ce que Sarko s’est toujours refusé à faire. Qui fut le président de l’UMP le plus moderne ? Juppé !

Quand on sait qu’aujourd’hui l’homme est plébiscité pour représenter la droite à l’élection présidentielle en lieu et place de Sarkozy –par les militants, mais également, par des élus !- on peut en tout cas s’interroger sur la notion de candidat naturel revendiquée par la droite aujourd’hui. Autant je pense, comme beaucoup, qu’un président qui se représente doit se porter candidat pour assurer la continuité de la politique de son camp, autant il se trouve que cette année, j’estime que la droite –dont je suis, je le rappelle- dispose d’un meilleur candidat. Non seulement parce que l’actuel président ne parvient pas à réunir son camp, mais aussi et surtout parce qu’il a désacralisé la fonction et atteint aux valeurs républicaines, ce qui ne lui donne plus la pole position pour les porter.

Et ne nous leurrons pas : même s’il venait à l’emporter en mai prochain –Sarko étant aussi mauvais président qu’il est bon candidat, rien n’est perdu pour lui, et le résultat final dépendra tant de sa stratégie que de la capacité de la gauche à y faire face- il sera de toutes façons en position de faiblesse dès juin. Une fois les législatives passées, Sarko perdra en influence, parce qu’il ne pourra plus se représenter.

La droite sera déjà dans une autre logique : sa reconstruction. Et soyons honnêtes : on ne peut se reconstruire que sur un échec. Aussi, pour tourner enfin la page du sarkozysme qui la détruit de l’intérieur, et se purger des tentations frontistes comme des méthodes nauséabondes qui ont émaillées son fonctionnement depuis fin 2004, la droite a intérêt à l’alternance dès 2012. Reste à savoir quelle proportion de la droite votera pour son candidat, quelle autre pratiquera l’abstention, et enfin laquelle se laissera ainsi séduire par l’humour corrézien…

Primaire PS : le camp Aubry perd ses nerfs…

Quatre ans et demi que je n’ai pas alimenté cette rubrique, ouverte sur le blog trash de campagne que je tenais pendant la présidentielle 2007 et croyez moi, je n’étais pas franchement pressée de m’y remettre. Mais voilà, l’ambiance de cette fin de primaire PS méritait bien de rouvrir la boîte à gifles.

Premier à en faire les frais, le sale gosse Montebourg. Voilà quatre jours qu’il tente de refaire le coup de Bayrou en 2007, c’est-à-dire faire parler de lui, histoire de capitaliser sur son 17%… et tenter de faire oublier qu’il a finit troisième, et a été éliminé. Et que le premier a fait plus du double de son score. Un hold-up médiatique dans lequel tombe allègrement la presse, qui oublie que le NPS avait fait en son temps 18% et qu’alors, ce score n’a rien d’extraordinaire. Bah oui, il y a un courant à la gauche de la gauche… Normal non ?

On en fait un fromage de brebis ou on redescend sur terre ? Parce que là, c’est quoi l’info ? Surtout que dans mon entourage et sur Twitter, un paquet de Montebourg ont annoncé qu’ils n’iraient pas voter. OK pas tous, mais bon, ça relativise quand même le poids que peut peser Nono dans le second tour et d’ailleurs lui-même en est conscient, en choisissant en responsabilité de ne pas donner de consigne de vote. Si seulement il pouvait poursuivre son idée et arrêter de se la jouer…. Parce que franchement, le choix perso de la primadonna du PS, on s’en tape :  on laissait plutôt les gens choisir ?

Mais le pire de cette fin de campagne pour la primaire, c’est quand même l’agressivité de Martine Aubry, et de son camp. La dame des 35 heures n’a guère changé –je vous invite à (re)lire le livre- et fait preuve d’un sectarisme hallucinant. Mais pas seulement. Déjà, je goûte assez peu son vocabulaire. Quand on prétend prendre la place de Sarkozy et redonner de la hauteur à la stature présidentielle, « empapaouter » n’est pas franchement un mot à utiliser. Parce que sa ne signifie rien de moins qu’ « enculer ». Concurrence au « casse toi pauvre con » ? Désolé, j’attends mieux.

Ensuite, quand on débat sur la France de demain, je vois mal ce que viennent faire les attaques sur la gestion du PS, en mode « j’ai fait mieux que toi, mon cher François ». Euh… En bourrant les urnes pour faire échouer Segogo ? Je serais toi Martine, je ne la ramènerais pas trop sur le sujet. Parce que là encore, ça n’est pas très loin de la conception des élections internes made in UMP. Fichu Congrès de Reims, dur dur de le faire oublier. Encore que ce coup là Martine a de la chance : les 2,5 millions d’électeurs du premier tour n’en ont rien à cirer des petites histoires internes du PS.

Voyons la suite, et ça n’est guère mieux. Pour Martine, François représente la gauche molle, et elle souhaite une gauche dur. Pourquoi j’ai l’impression qu’elle me parle de mon caca ? C’est super intime ces choses là et à l’heure du dîner –ça a fait l’ouverture du débat- ça n’est pas très ragoûtant. Là encore, j’attends de la hauteur. Un présidentiable. Quelqu’un de la stature de Mitterrand ou Chirac. L’inverse de Sarkozy. Z’avez compris ?

Mais hélas, ça ne s’arrête pas là. Martine a des amis qui, tels les trois villepinistes paranos de Twitter ou les trente ségolénistes hystériques du même réseau, se sont mis à flinguer le camp Hollande. Certains d’entre eux ont des arguments –que l’on peut discuter mais qui restent audibles- mais la grande majorité est passée en mode haters. C’est-à-dire en dézinguage systématique à partir de rien. En mode Morano, Xababa et Lancar. Ce qu’ils passent leur temps à critiquer.

Hum… si Martine l’emporte dimanche, ça promet une campagne qui sentira bon le caniveau. Et perso, le nivellement par le bas, ça n’a jamais été ma came. Tout cela pour dire que l’ambiance, ces derniers jours, est franchement pourrie. Et que la Aubry Force, en perdant ainsi ses nerfs, n’a rien à envier à la Iforce de l’UMP. Même si là encore, il ne faut pas généraliser, et certains, hélas trop peu nombreux, relèvent le niveau.

Reste que vu la tonalité générale emprunte de sectarisme dans le camp Aubry, je lui attribue ma première Bouse de Campagne, en lui rappelant que ce n’est pas en usant de ces méthodes que l’on peut rassembler ni la Gauche, ni les Français. La présidence de la République nécessite de savoir garder ses nerfs et d’être en mesure de prendre de la hauteur, ce dont est manifestement incapable celle qui reste, en l’état, simple première Secrétaire du PS. Vivement dimanche !

Primaires PS : le second tour de tous les dangers

Martine Aubry et François Hollande s’affronteront dimanche prochain pour le second tour de la primaire socialiste. Ce match, qui s’annonce serré, sera l’objet de toutes les attentions.

A gauche, évidemment, puisque le vainqueur portera les couleurs socialistes à la présidentielle et devrait, sauf accident, affronter Nicolas Sarkozy au printemps prochain. Mais aussi à droite et au centre : à l’UMP, pour savoir qui défiera leur champion, au centre, pour positionner leur choix de second tour, et chez les anti-Sarkozy, qui attendent de savoir quel sera le candidat PS pour décider ou non de franchir le Rubicon.

J’entends et je lis à gauche que le candidat devra rassembler la gauche. C’est à mon sens une erreur. Il suffit de lire mon article sur les votants pour constater que la primaire a fait se déplacer des gens bien au-delà de ceux se réclamant d’une sensibilité de gauche.

Les risques

Car la question posée n’est pas celle-là. Non, gens de gauche, vous n’êtes pas en plein Congrès du PS, à choisir le candidat le plus apte à assurer la synthèse entre vos multiples courants, et à veiller à leur représentativité. Même si la candidature d’Aubry –et sa qualification au 2ème tour- peut le laisser penser. La question posée, c’est de choisir le candidat à la présidentielle. Et à moins que vous n’envisagiez que de participer, la question reste de désigner celui qui peut l’emporter.

A ce stade, il serait dommage de voir l’élan des primaires se réduire à une simple réduction d’appareil entre les candidats. S’il reste logique pour Montebourg, arrivé en troisième position, d’espérer voir ses idées reprises, les candidats ne devraient pas entrer dans ce jeu. Et saluons Montebourg de ne pas donner de consignes de vote. C’est à la fois responsable –il n’est pas dépositaire des suffrages qui se sont portés sur lui- et intelligent : le troisième homme ne décide jamais rien lui-même… Bayrou en sait quelque chose.

Rappelons les règles : tous les candidats à la primaire se sont engagés à soutenir le vainqueur. Tenir compte du poids de tel ou tel candidat, c’est une attitude très interne au parti et finalement totalement politicienne. Tout ceci est franchement déconnecté de la présidentielle :  il s’agit de soutenir celui qui rassemble le plus sur lui, avec son programme, au-delà des petits arrangements d’appareil. En ce sens, la primaire, ce très bel exercice démocratique, pourrait toucher à sa limite.

Pour réussir complètement l’exercice, il serait responsable de la part des candidats de sortir de la logique purement comptable, et de voir au-delà du bout de leur nez. In fine au printemps, il faudra peut être avoir réuni la gauche –tous les candidats s’étant engagés à soutenir le vainqueur, c’est en théorie acquis, y compris sur la population pour qui la désignation aura été légitime- mais surtout, il faudra rassembler les français. Et ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas du tout du même corps électoral.

L’enjeu

Les 2,5 millions de votants qui ont participé à la primaire, quelle que soit leur sensibilité politique, restent des gens qui, dans leur très large majorité, se déplacent aux urnes pour voter. Et peu d’entre eux votent autrement que sur le candidat de leur camp. Et pour celles qui varient, la plupart ce sont déjà décidées. Autrement dit, la part des votants des primaires qui n’a pas déjà envisagé toutes les configurations et dont le vote peut encore bouger est infinitésimale. Et se trouve au centre ou à droite.

Ce qui nous donne deux informations :

  • Ceux qui ne savent pas jusque très tard pour qui ils voteront au printemps –les indécis- et qui donc, feront l’élection par rapport aux sondages, n’ont pas choisi le candidat PS. Or c’est eux qu’il faut convaincre
  • Une partie du centre et de la droite s’interroge sur son vote en 2012, pour le second tour voire le premier. Et ces gens là peuvent être convaincus par la gauche, pour un peu qu’elle le souhaite et ne fasse donc pas preuve de sectarisme.

En d’autres termes, la question posée à la gauche n’est pas de satisfaire les 2,5 millions de votants, qui devraient –en toute cohérence- se satisfaire du vote démocratique et soutenir le candidat issu des urnes, car il représentera la gauche. Alors évidemment, des fuites vers l’extrême gauche ou l’abstention ne sont pas à exclure, pour les quelques-uns qui ne se sentiraient pas représentés par le candidat qui l’emportera.

Reste que c’est infinitésimal en ce qui concerne le recours aux extrêmes : quel rapport entre la participation à un vote citoyen et une fuite vers le chaos ? C’est légèrement plus crédible pour ceux qui ne se sentiraient pas représentés par le candidat qualifiés, mais dans une très faible proportion : qui parmi eux a vraiment pensé que les petits candidats pouvaient aller au-delà de la surprise Montebourg, et réellement se qualifier ? Ceux qui ont participé ont surtout cherché à influer sur la politique du PS. Aussi, encore une fois, les votants de gauche de cette primaire ne devraient pas faire défaut à la gauche.

Revenons alors vers les deux autres catégories. Les indécis, tout d’abord. Traditionnellement, cette frange de la population recense les quelques 10% d’électeurs qui ne savent pas pour qui ils voteront. C’est la tranche 45-55% : selon eux, le vote bascule d’un côté ou de l’autre, avec un résultat plus ou moins serré. Ces électeurs sont très volatiles, et ce serait une gageure que de tenter en dresser le portrait robot.

Seule certitude : ils ne suivent pas les consignes de tel ou tel parti, et votent selon leur ressenti du moment. Et là on n’est plus sur 2,5 millions de votants à la primaire, mais sur près de 4 millions de personnes (ndlr : le corps électoral est de 45 millions d’électeurs, et l’abstention de 16 à 20% au second tour de la présidentielle).

Les transferts de voix, ensuite. En 2007, Nicolas Sarkozy a été élu avec des voix de gauche. Ségolène Royal, désignée par le PS, n’avait pas réussi à transformer l’essai sur les sympathisants de gauche, certains habituels votants de gauche s’était laissé tenter par Sarkozy. Ceux-là, en théorie, devraient revenir dans le giron de la gauche. Encore que, le choix du candidat sera déterminant pour une infime partie d’entre eux.

Reste alors les déçus du sarkozysme –et anti-sarkozyste primaires- qui sont cette année orphelins de candidat pour le second tour, voire pour certains même dès le premier. Cette frange de l’électorat rejoint cette année les indécis, et c’est une nouveauté. Reste à savoir dans quelle proportion ces voix rejoindront la cohorte des abstentionnistes, faisant ainsi baisser le nombre de voix obtenus par Sarkozy, et combien franchiront le Rubicon, assurant alors à la gauche des voix précieuses.

Et c’est bien un calcul à faire pour la gauche : soit elle compte sur l’abstention de droite, mais n’assure alors pas de voix supplémentaires à droite, ce qui la met en danger en cas d’abstention également à gauche. Soit elle choisit d’emblée de faire le maximum de voix possibles sur ceux qui pourraient franchir le Rubicon, et donc de faire coup double : priver Sarkozy de ces voix, mais aussi les engranger. Quand on connaît le nombre de gens de droite et du centre qui envisageraient de faire preuve d’humour corrézien… La question n’est pas anodine.

Aubry vs Hollande : sur le grill

N’y allons pas par quatre chemins. Si les deux qualifiés étaient attendus, de par leur parcours, ils sont tout de même assez différents, et n’offrent pas les mêmes garanties. C’est donc un vrai choix qui est offert aux participants à la primaire.

Martine Aubry, première secrétaire du PS, a du laisser ce poste pour concourir après le retrait de DSK, empêché. Bien occupée à rassembler la gauche, elle ne s’était pas préparée à la présidentielle. Et cela se voit. Durant toute sa campagne, elle est restée dans son rôle de cohésion de la gauche, jusque dans les débats où elle tentait une synthèse. Que propose-t-elle alors aux français ? Une synthèse de la gauche, ou une synthèse pour la France ? C’est tout de même très différent…

D’autre part, si une campagne ne se gagne jamais sur l’international, il faut tout de même être crédible aux yeux des électeurs sur sa capacité à incarner l’image de la France à l’étranger. Et là, Martine Aubry manque cruellement d’envergure : le retard pris est terrible… Enfin, son programme reste trop marqué par une volonté de se montrer de gauche et synthétique. En ce sens, elle semble plutôt faire campagne pour le poste qu’elle avait déjà –secrétaire nationale du PS- que celui de présidente de la République.

Et c’est ennuyeux. Quand j’entends dire hier qu’elle ne souhaite pas se calquer sur le rigorisme de la droite, je me demande si elle entend les préoccupations des français. La dette les intéressent, et aujourd’hui, il leur devient compliqué d’accepter que l’Etat vive avec un découvert astronomique, à payer en seuls intérêts plus que le budget de l’enseignement, quand les plus défavorisés ne peuvent même plus bouffer et que le taux ne ménages surendettés ne cesse d’augmenter.

Désolé Martine, mais il va falloir se serrer la ceinture. Prétendre le contraire relève au mieux d’une grande naïveté, au pire de la démagogie. Car nous sommes contraints par les critères de Maastricht. Et comme le dit très justement François Hollande, si la gauche accède au pouvoir, elle devra faire avec la situation qu’elle trouvera en France, en Europe et dans le monde.

Martine Aubry, enfin, porte une lourde casserole politique. Douze ans après les 35 heures, personne n’a oublié. Ni les entreprises, qui ont été forcées de réaliser cette opération en moins de temps qu’il n’en aurait fallu pour faire correctement les choses. Ni les salariés, qui ont vu leurs salaires gelés, mais aussi les conventions collectives renégociées à la baisse. Ni les travailleurs de la fonction publique hospitalière, pour qui rien n’a été réglé, et qui s’épuisent encore aujourd’hui à la tâche. Les lois Aubry sont un sacré boulet pour Martine, et bien au-delà des potentiels votants du centre et de droite, pour qui cela reste un élément largement rédhibitoire.

De l’autre côté, François Hollande n’a pas de boulet au pied. Parti en campagne plus tôt, il a disposé de temps pour se construire une image de présidentiable. Et ça commence à prendre, la meilleure preuve en reste l’humour corrézien de Jacques Chirac. Hollande dans la même phrase que Juppé, ça n’est pas rien. Et si Hollande n’a pas chargé son programme, ça n’est pas le signe d’un manque d’idées –contrairement à ce qu’ont voulu faire croire les militants des autres candidats avant le premier tour, jouant le jeu du militantisme- mais bien un gage de responsabilité.

Car le PS joue à Koh Lanta. Là, nous avons eu les premières éliminations, celle des quatre candidats arrivés en dernière position. La semaine prochaine, nous aurons une seconde élimination. Mais ensuite, il y aura la réunification. Avec, évidemment, un réajustement du programme du PS. La présidentielle correspondant, in fine, à la grande finale de cette télé-réalité. Aussi, le temps pour Hollande n’est pas à ajuster maintenant un programme pour gagner des voix. Pour le moment, il doit rester le présidentiable : celui qui peut battre Sarkozy en se démarquant au maximum de lui. C’est-à-dire, en ne faisant pas de promesses qu’il serait dans l’incapacité de tenir.

Car Hollande l’a dit plusieurs fois lors des débats de ces primaires : celui qui sera président devra gérer la France avec la situation qu’il trouvera une fois au pouvoir. Et soyons honnêtes, ce ne sera pas beau : la situation économique est préoccupante, et sera encore impactée par les résidus de la crise, et la situation européenne. En ce sens, faire des promesses électoralistes dans tous les sens ne peut qu’augmenter les risques de décevoir l’espoir qui se porte aujourd’hui sur la gauche.

Autant de raisons qui font baisser le score de la gauche de manière importante dans les sondages sur Aubry par rapport à l’hypothèse Hollande, lorsqu’ils sont testés en configuration de second tour face à Sarkozy. Elle perd entre 4 et 6 points sur le corrézien, en étant dans le meilleur des cas à 25% quand Hollande est à 31%, Sarkozy étant à 21% dans les deux cas.

Des points très précieux lorsque l’on sait que Nicolas Sarkozy est aussi mauvais président qu’il est bon candidat, et qu’il n’est pas entré en campagne. Il est évident que lorsqu’il le sera, il remontera. Toute la question reste de savoir s’il remontera assez pour l’emporter sur le fil, ou s’il partira trop tard pour parvenir à se refaire. En ce sens, l’avance d’Hollande dans les sondages, son arrivée en tête lors de ce premier tour des primaires, et sa capacité à engranger des voix de droite sont à prendre en considération.

Car la question porte bien sur le candidat –de gauche- le mieux placé pour l’emporter face à Nicolas Sarkozy et mener la gauche au pouvoir-, donc à rassembler une majorité des électeurs qui se rendront aux urnes, et non sur celui qui représentera le mieux la synthèse du PS. En d’autre termes, à incarner la fonction présidentielle.

Alors, dimanche, la gauche saura-t-elle se positionner pour l’emporter ou en restera-t-elle au choix purement partisan ? Telle est la question…