Quand on s’engage en politique, on a tous des idéaux. Au moins sur la forme -la fameuse pratique de la politique-, parfois mais hélas pas assez souvent, sur le fond. Mais très vite, on plonge dans la vie trépidante du microcosme, qui fait parfois oublier l’essentiel. Et pourtant, la ligne de mire doit toujours rester la même : on doit garder présent à l’esprit le calendrier électoral.
Hélas, certains tendent à oublier cette donnée vitale. Ainsi, depuis quelques temps, on voit fleurir les articles de presse sur la thématique des municipales. Qui auront lieu… en mars 2020. S’il est assez logique que les prétendants au mandat de maire commencent à s’interroger sur leur stratégie et à travailler sur le projet qu’ils pourront proposer à leurs concitoyens, il reste tout à fait hors de propos d’alimenter la presse sur ce sujet.
Parce qu’avant mars 2020, il y a juin 2019. Et que se passera-t-il à cette date ? Rien de moins que les élections européennes. Un scrutin national. Une paille.
Et pourtant. En 2017, les Français ont fait preuve d’un dégagisme qui a marqué la classe politique, et choisi de faire confiance à Emmanuel Macron, lui donnant dans la foulée une majorité lui permettant de gouverner confortablement. En choisissant un parti complètement neuf, ils ont bouleversé les équilibres préexistants sur l’échiquier politique, rejetant la traditionnelle alternance droite/gauche.
Ce mouvement sera-t-il durable ? Il est trop tôt pour le dire. Mais ce qui est certain, c’est que l’élection européenne est un jalon essentiel dans la redéfinition des forces politiques en France. A gauche comme à droite, la question n’est plus vraiment celle des clivages traditionnels, mais plutôt celle des différences criantes entre pro et anti-européens. Que ce soit au sein du PS, où l’on voit mal comment la ligne Hamon et la ligne Faure peuvent se réunir sur l’Europe, ou chez Les Républicains où l’on imagine bien mal également comment la ligne Wauquiez pourrait s’accorder avec la ligne Juppé/Raffarin sur l’Europe. De fait, les anciennes familles politiques vont devoir se réinventer devant ce mur que constitue l’élection européenne.
Or cette élection est la pire pour le pouvoir en place. D’abord, c’est une élection intermédiaire. Mais surtout, elle concerne cette Europe si lointaine pour tant de Français, qui ont du mal à percevoir son rôle et surtout ses atouts pour notre pays. Dès lors, elle rassemble tous les facteurs menant au risque de vote protestataire. Pire : c’est l’élection qui rassemble la plus forte abstention. De fait, ses résultats subissent l’effet d’une loupe grossissante. C’est donc l’élection de tous les dangers.
Son résultat aura naturellement un impact sur les municipales. Certes, elles sont l’antithèse des municipales, dans le sens où la participation est faible et le sentiment d’éloignement des électeurs très élevé. Cependant, c’est un scrutin intermédiaire dont les résultats seront observés et commentés, dans un contexte européen mouvant (résurgence des populismes, échec de la construction européenne). Mais attention. Les européennes elles-mêmes dépendront du contexte national, dans cette élection où une faible part de la population vote uniquement en fonction des enjeux européens.
Les facteurs qui peuvent impacter les élections portent essentiellement sur la confiance envers le président et la satisfaction à l’égard de la politique menée. Les points suivants sont à suivre : l’image du Président, le rétablissement ou non de la confiance entre le peuple et ses représentants était l’un des enjeux de l’élection présidentielle de 2017, la capacité à mener les réformes, l’adhésion des Français aux choix politiques effectués, l’apparition des premiers résultats, et bien sûr le contexte international et européen.
Autant dire qu’avant les élections européennes, de l’eau aura coulé sous les ponts. Alors d’ici les municipales… Il faut savoir raison garder. Ne pas céder à la politique politicienne, qui consiste à parier sur tel ou tel coureur 18 mois à l’avance, sans savoir quel sera l’état de santé politique des candidats à la candidature.
Et pour qu’ils le soient, il y aura deux conditions. D’abord, qu’ils présentent un projet qui puissent répondre aux attentes des électeurs de leur commune. Et ensuite, qu’ils soient en capacité de l’incarner. Dès lors, l’année qui vient ne peut, pour eux, qu’être consacrée à établir un projet de continuité ou d’alternance, selon qu’ils sont déjà maires ou aspirent à le devenir. Avant le sprint, dans la dernière ligne droite, il faudra courir… sur le fond.