G20 : Les copains d’abord

La dette grecque et le psychodrame de Papandreou ont bien plombé l’ambiance mais heureusement, au G20, on se marre bien.

Cette réunion du club des pays les plus riches du monde constitue une belle occasion de se retrouver pour les leaders mondiaux. Et de se livrer à de petites blagues, comme souvent lors des sommets internationaux. Souvenez-vous de Bill Clinton et Boris Eltsine lors de la conférence de presse consécutive au 50 ans de l’ONU, le 23 octobre 1995…

Le président américain Barack Obama ne s’est pas privé de se laisser aller à quelques blagounettes dignes d’un worst-of de Carambar. Ainsi, lors d’un échange avec Nicolas Sarkozy, il lui a glissé en rigolant : «Je suis sûr que Giulia a hérité du physique de sa mère, plutôt que de celui de son père ce qui est une très bonne chose». Ah ah ah ris toi aussi du physique de notre bon mètre, et fais le devant le monde entier, c’est tellement Obama Style !

D’ailleurs Barack ne s’est pas arrêté là. Alors que l’année 2012 est importante pour les présidents français et américains –chacun visant sa réélection-, il lui conseillé à Sarko de prendre exemple sur la présidente argentine Cristina Kirchner, réélue dès le premier tour… tout en précisant que lui aussi devrait également suivre ses cours.

En guise de conclusion de ce sommet, les deux compères ont offert aux téléspectateurs de l’ORTF un bien beau numéro de charme, en commettant une interview croisée en mode lèche-bottes blues à double détente, pour les journaux télévisés de TF1 et France 2. Cet échange sans saveur a essentiellement consisté à s’auto-congratuler de ce G20, tout en expliquant comment ils ont joué les pompiers du monde. En guise de clôture de ce Festival de Cannes G20, on a eu droit à ce film bizarre, croisement entre un blockbuster américain et une comédie française. Ou comment Bruce Willis et le Chef Chaudard se sont retrouvés sur la même pellicule, dans La Septième Compagnie sauve la Grèce des dangereux terroristes qui voulaient voter anéantir le monde.

Passons rapidement sur l’image, qui nous montre un Sarkozy aussi grand qu’Obama –combien de coussins ou de centimètres séparant le siège en arrière de Sarko pour assurer un effet d’optique optimum ?-, la nouvelle coiffure gélifié de Sarko qui le fait passer pour un Dragibus avec des cheveux, ou le comportement gamin de l’actuel locataire de l’Elysée bavant devant Obama –qu’il nomme « Barack » alors que ce dernier l’appelle « le président Sarkozy » ou la classe incarnée de notre bon mètre en espérant que ce petit show servira sa campagne électorale.

D’ailleurs, info du jour, Sarko a rencontré Barack avant qu’il soit président, et savait déjà qu’il serait candidat et élu. Saluons l’actuel locataire de l’Elysée ! Après avoir été présent à Berlin le jour même de la chute du mur, le 9 novembre 1989 –alors qu’il s’y est en réalité rendu une semaine après- Sarko fait de nouveau marcher sa boule de cristal De Loreane, en s’inventant une histoire destinée à alimenter la mythologie de sa Barackmania. -logie, je ne sais pas, mais mytho, c’est déjà plus crédible…

Tentons de revenir au fond. Abyssal, le fond. Les téléspectateurs ont en effet assisté à un florilège des meilleurs lieux communs sur l’économie, mais pas que. J’en ai noté quelques uns, je vous laisse juge de la haute qualité des informations :

  • Sarkozy sur les relations entre Union Européenne et Etats Unis : « Nous avons l’Atlantique en commun ». Nan sans dec ?
  • Obama sur l’Europe : « l’Europe est notre premier partenaire commercial mais les problèmes européens seront réglés par les européens ». Waouh ! Sauf pour la Grèce, hein…
  • Sarkozy : « l’enjeu pour nous les chefs d’Etat, c’est de prouver qu’on a une emprise sur les événements ». Mais quel visionnaire !
  • Obama : « Quand les élus pensent plus à la politique qu’aux raisons pour lesquelles ils ont été élus, ils sont en difficulté ». Lucide, certes, mais est-ce une information ?
  • Sarkozy : « C’est important ce que dit Barack Obama ». Sérieux ???

En résumé, rien de bien concret –si ce n’est sur les orientations de la politique américaine, Barack Obama étant le seul à être un peu entré dans le fond, l’habitude sûrement- et pour cause : rien de tangible ne s’est dégagé de ce G20. Les rares fois où Sarkozy s’est risqué à développer, j’ai failli m’étouffer.

Ainsi, lorsque les présidents ont évoqué quelques mesures visant à réguler le système économique mondiale, Sarko s’est risqué sur la question des paradis fiscaux : « on veut lutter contre les paradis fiscaux, ce cancer ». Peut on lui rappeler que la France n’est pas exemplaire en la matière ? Et que sa suppléante à l’Assemblée, Joëlle Ceccaldi Raynaud, y a planqué au moins 4 millions ? Ca doit être ça, la République Irréprochable qu’il a promis d’instaurer.

Puis il a enchaîné sur la nécessité de respecter les règles, et de prendre nos responsabilités.  Savoureuse apologie des règles de la part d’un président alors que la France ne respecte pas le Pacte de Stabilité Européen : Villepin avait laissé le déficit budgétaire à 3,2% du PIB, soit quasiment dans les critères de Maastricht… il a depuis explosé et pointe désormais à 7,1% du PIB, loin de nos engagements de ne pas dépasser les 3%. Sans parler de notre Constitution sur laquelle il s’assoit régulièrement.

Sinon, rien de bien probant. Obama a bien esquissé une ébauche des accords qui devront intervenir lors de prochaines réunions : « Les institutions financières doivent prendre leurs responsabilités, nous devons mette des gardes fous face à tout ça ».Reste que pour l’instant, le G20 est resté timide dans ses conclusions, faute d’avoir été éclipsé par la question grecque.

Mais peu importe. Pour les deux hommes, l’enjeu était ailleurs : afficher une entente parfaite. Barack Obama a assuré accorder « une pleine confiance » aux dirigeants européens. « Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, et les autres dirigeants ont fait preuve d’un leadership impressionnant ». Il lui a renvoyé l’appareil se déclarant heureux de trouver en Barack Obama un partenaire « soucieux des problèmes de l’Europe » avec qui il entretient une relation de proximité : « Sur la Grèce, nous avons travaillé jour et nuit ». Au moins, le gouvernement ne pourra pas utiliser son argument favori pour expliquer le bilan très moyen de ce G20 et dire que c’est de la faute des 35 heures…

Ce touchant tableau sert évidemment Nicolas Sarkozy, qui entend là asseoir sa stature internationale. Mouais… C’était effectivement l’objectif de l’actuel locataire de l’Elysée que de profiter de ce G20 pour montrer aux Français sa réussite à l’international. Reste que le sommet n’a pas été à la hauteur des ambitions de la présidence française et qu’en outre, Nicolas Sarkozy a absolument tenu à avoir Alain Juppé auprès de lui tout au long du sommet.

Cette interview exceptionnelle en faux direct sonne donc comme une pure opération de communication parfaitement orchestrée, mais cela, vous vous en doutiez. Ainsi s’achève cette édition du Festival de Cannes : clap de fin.

G20… G vain ?

Ce G20 devait être l’occasion d’avancer sur la gouvernance mondiale, et dans les négociations entre les vingt pays les plus riches pour normaliser les échanges mondiaux.

On devait y évoquer la nécessaire régulation pour éviter la mainmise des marchés  et des agences de notation sur l’économie. On devait y inventer le monde économique de demain pour faire face aux défis qui nous attendent.

Hélas, le sommet aura été marqué par les conséquences de la crise, et aura principalement porté sur l’adoption d’un plan global pour la croissance. Qui relève plus d’intentions que de réelles avancées normatives, les discussions ayant été largement parasitées par le feuilleton de la crise grecque et l’épisode du moment –le référendum- et le danger pesant sur la Zone Euro, dont les conséquences, si elle venait à faillir, pourraient être mondiales.  Ou comment la Grèce  a éclipsé la gouvernance mondiale.

Que reste-t-il de ce sommet ?

Le G20 s’est mis d’accord pour coordonner l’action politique de ses membres, ainsi que sur un plan global d’action pour la croissance, sans pour autant se doter de nouveaux moyens pour éviter une nouvelle récession. Les bons élèves à l’économie solide, que sont l’Allemagne et la Chine, seront mis à contribution pour adopter chez eux, en cas d’aggravation de la crise, des mesures visant à soutenir leur demande intérieure, afin de soutenir la croissance mondiale.

Sur la réforme du système monétaire, et afin d’éviter la contagion de la crise grecque, et face aux difficultés de l’Italie, le G20 s’est engagé à augmenter les ressources du FMI en cas de besoin… tout en renvoyant la question des moyens à février prochain, faute de trouver des candidats pour participer à ce fonds de secours. En clair, personne ne met au pot tant que le feu couve dans la Zone Euro.

Les déclarations de Barack Obama, lors de son interview croisée avec Nicolas Sarkozy, sonnent comme une claque ; le président américain estime que la Zone Euro est « en mesure d’être à la hauteur », ajoutant « L’une des choses les plus importantes que je puisse faire (pour l’Europe) est d’assurer la croissance de l’économie américaine ». C’est-à-dire rien de concret, Obama estimant que c’est aux dirigeants européens eux-mêmes de résoudre cette crise. De toutes façons, il n’en aurait pas les moyens.

Le grand argentier du G20 est désormais la Chine. Celle pour qui les européens ont maintenant les yeux de Chimène, pour obtenir un sauvetage de l’Euro. Et justement, la Chine a enfin fait le pas tant attendu par ses partenaires, en se déclarant déterminée à augmenter la flexibilité du yuan, une étape cruciale pour doper la croissance. La monnaie chinoise est en effet suspectée d’être sous évaluée, pour favoriser ses exportations et créer des réserves de devises étrangères.

Côté fiscalité, une liste de onze pays qui ne respectent pas les normes internationales, dont la Suisse et le Lichenstein, a été publiée : les paradis fiscaux seront désormais mis au ban de la communauté internationale. Parallèlement, 29 banques systémiques, dont la taille présente un risque en cas de faillite, seront soumises à des mesures visant à les renforcer : elles devront se doter d’un plan de démantèlement en cas de faillite, et augmenter leurs capitaux propres. En France, la BPCE, BNP Paribas, Le Crédit Agricole, et la Société Générale sont concernées.

En revanche, aucun accord n’est intervenu concernant la taxe sur les transactions financières, en raison du silence américain, bien que Nicolas Sarkozy se soit targué d’un pas –imaginaire- fait par les Etats Unis. Toutefois, l’actuel locataire de l’Elysée a intégré au communiqué final son souhait de voir cette taxe mise en place à l’échelon européen (UE)… qui reste un souhait. Ce dossier n’a donc pas évolué.

Au final, les accords négociés dans le cadre de ce G20 auront essentiellement pris la forme de déclarations d’intention, et donc été moindres qu’espérés par Nicolas Sarkozy –bien qu’il s’en défende-, qui souhaitait boucler un certain nombre de dossiers avant la fin de la présidence française. Reste à savoir si ce sommet aura suffi à rassurer les marchés. Et là… rien n’est moins sûr : dès vendredi, les bourses européennes ont chuté.