Majorité : des fissures aux crevasses

Le débat sur l’identité nationale, lors des dernières élections régionales avait déjà montré quelques fissures dans la majorité sur la stratégie redondante de Nicolas Sarkozy depuis 2002 : le recours systématique à la thématique sécuritaire.

Les agitations actuelle du président de la République ont creusé l’écart : désormais, il y a les fous de Dieu, qui suivent leur maître contre vents et marées quitte à dire n’importe quoi, et ceux qui s’élèvent contre la fuite en avant, porteuse de vieux relans des sombres heures de notre histoire. Autant dire que les fissures sont devenues crevasses !

Dans la première catégorie, se trouvent comme d’habitude les excités du président, qui ne vivent politiquement que par lui –Morano, Paillé, Lefèbvre- et quelques électrons libres en mal de médias, comme Vanneste. Paillé comme Vanneste, en mal d’argumentaire politique percutants, s’en sont ainsi pris ce matin à la composition du Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale () ou comment détourner des critiques portées contre la France… en attaquant un organisme de l’ONU. Minable…

Ces éternels seconds couteaux, désespérés wanna be de la vie politique française, sans autre foi que celle du chef, sans autre idéologie qu’« un pour tous, tous pour un », peu importe le sujet pourvu qu’il soit électoralement porteur… pour le chef, ce roi qu’il faut satisfaire, ce qui leur permettra de rester à la cour et d’exister encore un peu. Ce ne sont que les stormtroopers de la Sarkozie.

Dans la seconde catégorie se trouvent les ténors de la droite, ceux que les aléas de la vie politique a privé d’un autre destin, mais qui disposent encore d’un cerveau. Exemple type : Alain Juppé. Ce dernier, soucieux de préserver une certaine union de la droite, qu’il contribua à construire à la création de l’UMP, ne veut pas diviser. Pour autant, il ne peut tout accepter, et livre sur son blog ses impressions quant à la dérive . C’est ainsi que « le meilleur d’entre nous » tente le grand écart entre ses idéaux, et la droite parlementaire actuelle, incarnée par la Sarkozie. Au nom de la droite dont il ne veut participer à la désintégration.

Au-delà du sujet Sécurité, ce malaise, à droite, et ces prises de position de plus en plus éloignées du chef tiennent essentiellement à la méthode Sarkozy, de plus en plus critiquée. A force de jouer, trop de com a tué la com… Le sondage CSA/Marianne à paraître demain, et qui contredit le sondage IFOP de la semaine dernière, sur ce même sujet de la sécurité, fait vaciller la politique des sondages :  selon les chiffres de CSA, les français seraient 69% à trouver inefficace la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy depuis 2002.

Prémonitoire ou pas, pour ce qui est de sa gestion de la France, le sondage sera grandeur nature en 2012…

Sarko, le bug : rupture de la connexion avec le peuple

Durant toute sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy est apparu comme l’homme fort de la fin des années 2000. Celui qui ne reculerait devant rien. Celui dont l’énergie déplacerait des montagnes. Un homme de pouvoir doté d’une telle capacité à bouger que rien ni personne ne pourrait l’atteindre. Dans l’imaginaire collectif, Sarkozy était un roc. Et tout a basculé.

Au delà des nombreux couacs internes à la majorité, que ce soit les prises de position de ministres, ou les votes par erreur humaine (ou pas) de certains parlementaires, par deux fois, Sarkozy lui-même a franchi la ligne jaune. Par deux fois, le pouvoir en place a tenté de faire de jolis cadeaux aux hautes sphères, à l’image de ces rois qui n’entendaient pas le peuple gronder. Et été obligé de reculer, pour éviter de consommer le divorce avec une population qui ne fait plus confiance aux politiques. Par deux fois, le chef a perdu sa légendaire Sarko’s touch.

Première affaire, en novembre 2009. Nicolas Sarkozy, soucieux de préparer sa succession dans son fief des Hauts de Seine, veut faire monter en puissance son fils Jean. Politiquement, cela se comprend. Mais il s’y prend mal, en voulant faire nommer le gamin, en échec universitaire et novice en politique, à la tête de l’EPAD de la Défense. La nouvelle choque fortement l’opinion. Dans un premier temps, la Cour défend le Prince. Mais face aux accusations de népotisme, et à l’effet dramatique dans l’opinion, Sarkozy recule. Premier gros revers pour un homme qui avait démontré jusque là son habileté politique.

Seconde affaire, en janvier 2010. Henri Proglio, ancien patron de Véolia, cumule son salaire de PDG d’EDF avec une indemnité de président non exécutif du conseil d’administration de Véolia. Contrairement à la promesse faite au moment de sa nomination chez EDF par Christine Lagarde qu’il ne conserverait qu’une nomination. Comme pour l’affaire Jean Sarkozy, la nouvelle choque, la Cour s’empresse de justifier les faits, avant de perdre la main lorsqu’in fine, Proglio renonce à toucher l’indemnité de Véolia. Une seconde fois, Sarkozy n’a pas su sentir l’opinion et trancher dans le bon sens.

Après seulement deux ans et demi de pouvoir, il reste politiquement incompréhensible qu’autant d’erreurs se soient accumulées. Pourquoi après l’été, la machine s’est autant emballée ? Pourquoi personne n’a pu arrêter le massacre ? Comment se fait-il que personne n’ait anticipé une telle gabgie ? Comment un homme qui clamait tant sa proximité avec le peuple a pu oublier son objectif premier ?

Outre les couacs internes à la majorité, en à peine 3 mois, Nicolas Sarkozy a subi un énorme bug dans le logiciel « proche du peuple ». Et sa Cour, rompue aux courbettes et incapable de réfléchir à la meilleure manière de protéger son boss, s’est acharnée à défendre ses prises de position.

Ministres comme wanna-be-ministres, les mêmes ont tenu les discours les plus invraisemblables, au nom de la solidarité gouvernementale. Les Eric Woerth, Luc Chatel, Dominique Paillé, Nadine Morano, sans oublier l’incontournable et insupportable Frédéric Lefèbvre, ont répandu leurs flatteries sur les ondes, fut-ce dans l’erreur.

Délaissant le sens politique au profit du sens de la survie gouvernementale, ils sont devenus les bouffons du roi. Cette Cour, théoriquement constitués d’esprits brillants, s’est tellement auto-censurée qu’elle ne parvient plus à jouer son rôle de garde-fous. Rassurant le maître sur sa grandeur, elle a largement contribuer à le couper du peuple et de cette connexion privilégiée dans laquelle il aimait tant puiser.

Désormais, lorsque le roi triste sort de sa tour d’ivoire, il ne se déplace plus qu’avec des cars de CRS, et l’on s’assure avant d’un casting complaisant. Dès lors, faute de rencontrer la France, il ne peut plus que l’imaginer. Sans que jamais personne ne vienne questionner ses idées. Coincé dans son palais doré, prisonnier d’une Cour incapable d’esprit critique et de lien avec le terrain, le chef a buggé.