En ce dimanche, 71 890 grands électeurs étaient appelés aux urnes pour renouveler les sièges de la série 1 du Sénat -150 en métropole, 14 dans les collectivités situées outre-mer et 6 représentent les Français établis hors de France- et répartir les 5 nouveaux sièges liés aux évolutions démographiques en Isère, Maine-et-Loire, Oise, Réunion, Nouvelle-Calédonie.
Sur ces sièges, 58 étaient élus au scrutin majoritaire à deux tours –pour les circonscriptions disposant de 1 à 3 sièges à répartir- et 112 à la proportionnelle –pour les circonscriptions dotées de 4 sièges et plus à répartir. A noter que le Sénat, en application de la réforme de 2003, se renouvelle pour la première fois par moitié –et non plus par tiers-, compte désormais 348 sièges –et non plus 343- et l’âge minimum pour être élu est abaissé à 24 ans au lieu de 30 ans auparavant.
La gauche ayant remporté toutes les élections intermédiaires –municipales, cantonales, régionales- et étant majoritaire dans les collectivités territoriales et leurs exécutifs, réservoir des grands électeurs et/ou d’influence sur ces grands électeurs, chacun sait que le Sénat peut basculer à gauche.
Mais ce n’est pas le seul élément qui place la gauche dans une conjoncture favorable : le renouvellement par moitié facilite mathématiquement les mouvements de siège, et le mécontentement des élus face à la politique gouvernementale –régression des services publics en zones rurales et réforme des collectivités territoriales en tête- ou encore la multiplication des listes à droite et au centre sont autant d’éléments qui pourraient favoriser la bascule, et donner quelques menus pouvoirs à la gauche même si ce basculement serait avant tout symbolique, pour une assemblée pourtant plus souvent en opposition avec le pouvoir qu’on ne semble s’en rappeler.
Ce qui n’est pas du goût de Claude Guéant. Histoire de complexifier un peu l’analyse du scrutin –et de prévoir des éléments de langage attentistes ?- le Ministre de l’Intérieur prévoit dans un premier temps de ne pas publier les étiquettes des candidats. Ce afin de laisser planer le plus longtemps possible le doute, notamment en raison des dénominations floues de certaines listes, particulièrement en Outre Mer. Mais le ministre de l’Intérieur les a finalement retrouvées. Et sur le site du Sénat comme ailleurs, chacun peut retrouver ses petits.
Reste que pour l’heure, la prudence est de mise. Etablir des pronostics est extrêmement complexe, tant le poids local et la personnalité jouent sur cette élection. Seule certitude : pour l’emporter, la gauche doit remporter 23 sièges. Dès 15h25, Le Monde annonce que selon les experts des groupes électoraux au Sénat, a gauche disposerait d’une avance de 4 à 5 sièges. A 16h45, Twitter bruisse de rumeurs, autant qu’au Sénat : Christophe Borgel, Secrétaire National aux Élections du Parti Socialiste, afficherait un vaste sourire, annonciateur de résultats favorables à la gauche même si pour l’instant, les résultats se font attendre. Les premiers résultats sont en effet annonciateur d’une forte poussée de la gauche. Reste à savoir avec combien de sièges d’avances…
A 18h, tout le monde est maintenant certain que la gauche a remporté ces élections. Du moins dans l’esprit. Tellement que Martine Aubry fait son entrée au Sénat, où elle s’entretient avec Jean-Pierre Bel, chef de file du groupe socialiste. Parce que sur le fond –le nombre de sièges en tenant compte des étiquettes- l’heure est encore à la prudence. Ainsi Jean-Pierre Bel, président du groupe PS au Sénat, déclare sur Public Sénat : « Le verdict, ce n’est pas à la moitié du chemin, c’est au bout du chemin. Donc tout est possible » mais « il faut être assez prudent. La droite a d’ores et déjà perdu puisqu’elle a perdu beaucoup de sièges, donc nous avons tout à gagner et peut-être la cerise sur le gâteau » avec la majorité dans la Haute assemblée, a-t-il ajouté.
Les résultats continuent de tomber. Du côté de la majorité, les listes dissidentes font leur lot de victimes. A Paris, Pierre Charon coûte son siège à Daniel Georges Courtois, fidèle de François Fillon. Hum, le parachutage du Premier Ministre pour 2014 commence fort mal… Mais surtout dans les Hauts de Seine, le dissident Jacques Gautier empêche Isabelle Balkany de rejoindre le Palais du Luxembourg.
Et c’est un vote sanction contre la Sarkozie, au-delà de l’ancienne élue locale : après son échec aux cantonales en mars dernier, les grands électeurs alto-séquanais n’auront pas voulu donner de lot de consolation à l’épouse de Patrick Balkany et mauvaise fée de Jean Sarkozy, Prince du département. C’est pour elle un double signe très fort de la part des électeurs –en mars- et grands électeurs –ce dimanche- de leur volonté de ne plus laisser les Hauts de Seine être dirigés telle une monarchie. Un avertissement direct au locataire de l’Elysée.
A 19h16, dans une conférence de presse, Jean-Pierre Bel annonce : « Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, le Sénat va connaître une alternance. La Gauche pourrait remporter 24, 25, 26 sièges supplémentaires ». Rappelons qu’elle devait en gagner 23 de plus -en net- pour remporter l’élection. C’est donc plié : le Palais du Luxembourg passe à babord.
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A cette heure, on sait donc que la Chambre Haute bascule à gauche, mais pas nécessairement sa présidence. En effet, certains élus divers gauche, qui siègent au sein du groupe RDSE, pourraient voter pour Gérard Larcher et constituer une majorité relative. Conséquence directe de ce vote très serré, l’Elysée devrait prévoir un remaniement. En effet, les remplaçants ne peuvent siéger avant un mois, et sont donc dans l’incapacité de voter pour l’élection du président…
Or la droite aura besoin de toutes ses voix… Jouanno et Longuet devront donc peut être passer la main. Ce qui ne sera pas le cas de Maurice Leroy : le ministre de la Ville a été battu dans le Loir-et-Cher. Hum, et si Sarko lui appliquait la jurisprudence Juppé, du nom du ministre battu aux législatives en 2007 et qui n’avait pas été reconduit au Gouvernement ? Ah non, c’était –comme son nom l’indique- juste pour Juppé. Depuis l’eau –et les élections, avec leurs cohortes de ministres battus- ont coulé sous les ponts.
Naturellement, la gauche a beau jeu de dire qu’elle a gagné et que donc le président doit être de gauche. Sauf que dans la réalité, rien n’est certain, et il devra se dégager une majorité à partir du vote pour la présidence. D’autant que ce vote se joue à bulletin secret… Histoire d’en rajouter à cette ambiance un peu particulière, une session extraordinaire est programmée cette semaine. Ainsi, les anciens sénateurs vont encore siéger cette semaine, tout en coexistant avec les nouveaux qui eux, procèderont à leur prise de fonction dès samedi. Etrange…
Autrement dit, et malgré la victoire numéraire, le suspense reste entier, tant pour la présidence –l’élection du président aura lieu le 1er octobre- que pour le rapport des forces politiques, qui sera connu le 4 octobre, avec la publication des groupes politiques. Sans oublier que dans ce jeu de chaises musicales, avec 24 députés candidats, se libèrent des circonscriptions législatives… ou pas, 5 des 13 députés élus au Sénat s’étant présentés parce que leur circonscription avait disparu dans le redécoupage.
Une chose est certaine : ces sénatoriales constituent bien un avant-goût de 2012. Ainsi que le constate le Premier Ministre François Fillon : « Le moment de vérité aura lieu au printemps prochain. Ce soir, la bataille commence, et le résultat des sénatoriales nous dit l’énergie absolue qu’il nous faudra déployer ». Quoi qu’en dise la droite, qui cherche à relativiser, le score est clair au terme de cet acte I : Gauche 1 – Droite 0. Alerte rouge vif pour Sarko.