Plongée en Rase Campagne

9782709659598-001-xHasard ou coïncidence, c’est au moment où Alain Juppé prend la parole pour annoncer qu’il ne sera (toujours) pas candidat à cette présidentielle folle que j’écris ces lignes.

Toujours pas remise des 20 et 27 novembre 2016 et du #PenelopeGate. Deux jours après, aussi, une table ronde passionnante sur l’émotion et la décision en politique à laquelle participait justement Gilles Boyer.

Emotion qui me submerge à l’heure où le Patron renonce et où je ressens un double sentiment contradictoire : l’immense fierté de mes 15 ans de petit militantisme, faits de loyauté et de fidélité à Alain Juppé, mêlée à la tristesse de constater une fois de plus la hauteur de vue de cet homme d’Etat dont la France a besoin et dont la droite ne veut pas. Regrets éternels pour la France que de la savoir ainsi privée de son meilleur atout.

Emotion qui m’a submergée aussi à la lecture de Rase Campagne, de Gilles Boyer*, qui raconte les deux années durant lesquelles l’auteur a dirigé la campagne d’Alain Juppé pour la primaire de la droite. Primaire perdue, donc. Juppéiste Canal Historique (hystérique ?) tendance #SansJuppeOnEstAPoil, j’avais toutes les raisons de me jeter sur Rase Campagne. Parce que j’ai participé à cette campagne de l’intérieur et de l’extérieur mais surtout, parce que j’aime profondément Gilles Boyer. Etrange sensation de découvrir qu’en fait, c’est son propre livre qui explique le mieux pourquoi.

20 août 2014. Alain Juppé se déclare candidat à la primaire. 27 mois plus tard, il la perd. Entre les deux, Gilles Boyer dirige la campagne. En temps que collaborateur « le moins éloigné » du Patron, il a la charge de le faire gagner. Mais il perdra. Comment ? Pourquoi ? Autant de questions que se posent l’auteur dans ce livre.

L’intérêt de l’ouvrage réside en trois points. D’abord, c’est un retour de l’intérieur sur une aventure hors norme. Qu’un directeur de campagne perdant se livre à une autopsie chirurgicale d’une défaite politique quelques jours à peine après le résultat mérite que l’on s’y attarde tant c’est exceptionnel. Réaliser cette analyse à froid alors que le résultat est encore chaud témoigne en outre de l’exceptionnel capacité de Gilles Boyer à prendre de la distance par rapport aux événements. Une qualité essentielle dans son métier de conseiller. Inconsciemment, il démontre qu’il était l’homme de la situation.

Comment peut-il alors croire une seconde être responsable de la défaite ? L’homme est humble et sait prendre sa part de responsabilité. Ne cherchons pas là d’explications psychanalytiques de comptoir : c’est dans l’ADN juppéiste que d’adopter de tels comportements. Chez les vrais, il s’entend. Pour autant, est-il coupable ? Bien sûr que non. Et bien qu’il prenne dans Rase Campagne sa part de responsabilité, il y a bien trop de paramètres sur lesquels il n’avait aucune prise pour porter cet échec et accessoirement, il n’était pas non plus tout seul dans le bateau. D’où la question qui le taraude : au fond, son métier est-il encore utile ? Bien sûr qu’il l’est.

Ensuite, quiconque s’intéresse à la politique aura pu remarquer que 2017 est une année électoralement folle. Plus rien n’est certain. Les techniques de gestion de campagne sont en train de changer. Gilles Boyer explique précisément que tout ce qu’il sait de son métier est désormais dépassé, que le logiciel a changé. Que tous ses repères ont disparu et qu’il va falloir en trouver de nouveaux pour répondre à l’attente des Français, qui a évolué. Il se sert de cet argument pour se mettre hors-jeu mais c’est bien sûr un artifice que ne renierait pas un renard des surfaces.

Parce que l’homme vit, boit, mange, respire et dort (parfois) politique. C’est son monde. A la fois sa respiration et l’amour de sa vie. Celui vers lequel, en dépit de quelques infidélités, il reviendra toujours. Une drogue dure dont on croit pouvoir se passer pour toujours y replonger. Aussi, si Gilles Boyer quitte le monde des apparatchiks, il reste bel et bien en politique et tentera d’être transféré au FC Députés dès le prochain mercato, puisqu’il sera candidat aux législatives dans la 8ème circonscription des Hauts-de-Seine. M’est avis qu’il ne restera pas sur le banc de touche…

Enfin, c’est un livre profondément humain. L’auteur se raconte et raconte son métier avec une pudeur, une affection et une justesse qui ne peut que toucher. L’homme est pétri de principes aussi l’ouvrage est toujours correct : il ne balance pas, il raconte. Ses propres turpitudes. Ses propres tourments. Dans Rase Campagne, Gilles Boyer parvient à trouver le ton juste, à bonne distance, pour raconter sa campagne tellement mieux que ceux qui ont parfois tenté de le décoder, sans jamais y arriver.

L’homme est aussi à mourir de rire : de ce côté là, Rase Campagne n’est pas en reste et fait le plein d’autodérision et de drôlerie, notamment avec ses hilarantes notes de bas de page. Il sait aussi décocher quelques flèches, très subtilement, sans jamais oublier de s’en tirer quelques-unes.

Pour toutes ces raisons, Rase Campagne est un must-read pour tous les passionnés de politique mais aussi pour ceux qui n’y connaissent rien et qui découvriront ce monde décrit avec une profonde affection par son meilleur amant. Au final, ce livre est à l’image de Gilles Boyer : très bien écrit, distancié, honnête, pudique, attachant. A ne manquer sous aucun prétexte.

*Gilles Boyer est également auteur de Un Monde pour Stella (2015), un roman passionnant sur l’avenir de notre planète, et coauteur avec Edouard Philippe de deux polars géniaux se déroulant dans l’univers politique, Dans l’Ombre (2011) et L’Heure de Vérité (2007) et auquel devrait succéder un tome 3 à une date de plus en plus hypothétique, en dépit de mes pressions répétées, ce qui démontre mon haut degré d’influence sur les auteurs.

Congrès de l’UMP : premiers ratés

Comme vous le savez, les statuts de l’UMP obligent le parti devenu minoritaire à renouveler ses instances dirigeantes.

Ces statuts régissent précisément l’organisation des opérations électorales. Le président de la Commission d’Organisation et de Contrôle des Opérations Electorales (COCOE) a donc informé par mail les adhérents du déroulement du scrutin.

Enfin, c’est ce qu’il croit. Parce que mon frère et moi, tous deux adhérents depuis le 6 mai –oui nous avons pris notre carte uniquement pour pouvoir voter, la défaite à la présidentielle ayant déclenché le processus- nous n’avons pas reçu ce mail. Et pourtant, nous avions vérifié en juillet que notre adhésion avait bien été enregistrée (et ce même si nos comptes en banque avaient été débité, on n’est jamais trop prudents)

En conséquence, si nous ne recevons pas rapidement les informations nous permettant non seulement de voter, mais également de pouvoir parrainer un candidat de notre choix, la sincérité du scrutin sera engagée.

Quid des fichiers transmis aux différents candidats ? Si le secrétaire général actuel (Copé, ndlr) dispose de l’intégralité du fichier mais que nous n’y figurons pas, il y a rupture de l’égalité entre candidats.

Quid d’un candidat qui ne disposerait pas d’assez de parrainages, alors qu’il aurait pu solliciter des adhérents non référencés ?

Pire, lorsque l’on appelle l’UMP pour s’enquérir de notre situation, le service adhésion confirme que nous sommes bien dans la base de données. Un souci d’export sous Excel ? Un souci d’export des adresses email ? Un souci d’envoi des courriers ? Les trois qui touchent les mêmes personnes ? Ca fait beaucoup…

Comme par hasard, cela touche les nouveaux adhérents, qui ont pris leur carte avant le 30 juin. Ces adhérents dont on ne sait pas pour qui ils voteraient. L’organisation du scrutin débute à peine que c’est déjà tendancieux… D’autant que si ces points n’étaient pas résolus, le président nouvellement élu, quel qu’il soit, ne le serait pas à la régulière. Et son élection serait invalide.  Ca fait désordre.

C’est pourquoi je me suis fait plaisir, en adressant à Patrice Gélard, le président de la COCOE, le courrier suivant pour un petit rappel au règlement…

 

A l’attention du président de la Commission d’Organisation et de Contrôle des Opérations Electorales

Monsieur le Président,

Il m’a été rapporté que vous avez adressé un mail relatif à l’organisation du Congrès de l’UMP et des règles relatives aux opérations de vote le 15 juillet dernier.

Je tiens à porter à votre connaissance certaines irrégularités.

1/ Je n’ai pas reçu ce mail, alors que j’ai adhéré à l’UMP le 6 mai dernier, dans l’optique, justement, de participer à ce scrutin interne. Je suis donc adhérente à jour de cotisation au 30 juin. Vérification faite le 10 juillet, auprès du service adhésion de l’UMP, mon adhésion a bien été enregistrée avant la date fatidique du 30 juin (débit bancaire le 6 mai). Vous êtes donc dans l’obligation de m’informer de ces opérations. Renseignement pris, d’autres nouveaux adhérents sont dans le même cas que moi. Or nous avons renseigné nos adresses email. Et elles étaient bien dans la base de données avant l’envoi de cette communication.

2/ Les nouveaux adhérents, arrivés après la présidentielle, n’ont pas encore reçu leur carte d’adhérents, ni même un courrier. Si ce point ne semble pas concerné la COCOE, c’est en réalité le cas : faute de disposer de notre carte d’adhérent ou d’un courrier, nous n’avons pas connaissance de notre numéro d’adhérent, et ne disposons pas des pièces justificatives pour prouver notre qualité d’adhérent. Or nous en avons besoin pour le vote, mais aussi pour remplir le formulaire de parrainage.

J’attire votre attention sur le fait que j’ai adhéré le 6 mai dernier, bien en amont de l’organisation des opérations électorales, pour être certaine de pouvoir participer au scrutin ET aux parrainages, dès lors qu’il a été évident, avec la défaite au présidentielles, et en vertu de nos statuts, qu’un scrutin serait organisé. J’entends bien user de tous les droits conférés par ma qualité d’adhérente.

Mon excellente connaissance des statuts me permet de constater que ce scrutin pourrait être entaché si cette situation n’était pas réglée au plus tôt. Il est bien évident que, si vous persistiez à n’informer qu’une partie des adhérents, et que les éléments nous permettant de participer au scrutin ne nous étaient pas communiqués, je poserais alors un recours, d’abord en interne, mais également, le cas échéant, en externe. Vous n’êtes pas sans savoir que je ne serais pas la première à user de cet ultime recours.

Souhaitant pouvoir participer au scrutin, sans être, parce que nouvelle adhérente, suspectée de voter pour X ou Y, je vous remercie, Monsieur le Président, de bien vouloir veiller à sa sincérité, et à la régularisation de ces problèmes.

Chacun cherche sa droite

17 juin 2012. Les urnes ont parlé. La gauche a remporté ces élections législatives, dans la foulée de l’élection présidentielle. La droite, elle, a perdu. Lapalissade me direz-vous.

Non, elle a juste perdu. Elle n’a pas pris une énorme claque, puisqu’elle dispose de 226 députés (droite parlementaire). Le meilleur marqueur en est incontestablement le seul levier qu’il manque à la gauche : celle-ci ne dispose pas de la majorité des 3/5ème au Parlement, et ne pourra donc pas modifier la Constitution seule.

Pourtant, des claques, il y en a eu. Et des deux côtés. Les parachutés Ségolène (Royal) et Jack (Lang) ont échoué aux portes du palais Bourbon, obligeant la gauche à bannir le local ayant osé se maintenir en dissidence et dans le même temps, à revoir son casting pour le perchoir. A droite, les grandes gueules du sarkozysme ont trépassé : Nadine (Morano), Fredo (Lefebvre), Valérie (Rosso Debord), mais aussi Guéant, Vanneste, Garraud, Peltier.

Quelle meilleure situation la droite aurait-elle pu rêver au soir du 17 juin ? D’un côté, le PS doit gérer les suites d’une rocambolesque histoire personnelle mêlant fesses et twitter –le tweet vengeur de Valérie Trieweiler, première dame, encourageant l’opposant à l’ex du président, laquelle a perdu, quel vaudeville !- et de l’autre, la droite se retrouve débarrassée de certains personnages hauts en couleurs qui ont souvent porté atteinte à sa crédibilité. Voire à son pacte fondateur. A ses valeurs. Un sujet sur lequel l’UMP doit se pencher.

Hasard ou coïncidence, le calendrier l’impose. En effet, en novembre prochain, l’UMP réunira en congrès l’ensemble de ses adhérents pour se doter d’un nouveau chef de file, pour un mandat de 3 ans renouvelable. Voter pour un président, c’est bien, mais pour quelle vision de l’UMP ? Quelle philosophie ? Quelles valeurs ?

Avant de se choisir un chef, l’UMP doit se repositionner. Non pas, comme l’imaginent un peu simplement certains, en se mettant dans la roue du sarkozysme ou au contraire en se différenciant par la volonté de créer son propre courant, mais en s’interrogeant sur le sens de l’Union. Qu’est ce qui unit la droite parlementaire ? Quels en sont les contours ? Quelles en sont les frontières infranchissables ?

Autant de questions qui ont été mises en exergue par les deux scrutins qui viennent de se dérouler : la présidentielle, avec le rejet de la stratégie de dérive droitière de Nicolas Sarkozy, et la législative, avec l’échec des tenants de cette stratégie (à l’exception notable de certains ténors de la droite populaire, bien implantés dans le sud Est de la France).

Si l’échec de la droite aux législatives était prévisible, il aura au moins permis à l’UMP de gagner un temps précieux dans cette réflexion, car personne ne pourra contester ce bilan et la nécessité absolue d’en tirer les conséquences rapidement afin d’être opérationnels sur les nombreux scrutins de 2014. Désormais, il appartient aux ténors de se réunir, et de décider ensemble de la meilleure manière de se rassembler.

Mon petit doigt me dit depuis longtemps que ce n’est pas en se lançant dès la rentrée dans un affrontement sanguinaire entre Fillon et Copé –tous deux comptables de la stratégie qui a échoué- que l’on retrouvera un climat d’union. Leurs dérives guerrières ont parfois coûté des circonscriptions, et l’état de la fédération de Paris, en lambeaux, ne témoigne pas de leur grande capacité à diriger un parti dans le respect de l’Union. Mieux vaudrait qu’ils se refassent une virginité durant les trois prochaines années, avant de s’affronter –parmi d’autres- au sein d’une primaire qui ne fait plus guère de doutes.

Nombreuses sont les voix de droite, depuis ce matin, à sortir du bois pour défendre la primauté de la reconstruction sur la prochaine présidentielle : Baroin, Le Maire, Juppé, Raffarin, … Quoi qu’en pense encore le petit milieu politico-médiatique, en retard d’un temps faute de disposer du recul nécessaire, il devient de moins en moins probable que les deux aspirants compétiteurs Fillon et Copé, que chacun voyait s’affronter il y a quelques jours encore, ne soient les bons chevaux pour mettre en place la reconstruction de la droite.

La droite d’après

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, l’UMP n’a plus de tête. Ou plutôt elle en a plusieurs.

D’un côté Jean-François Copé, Secrétaire Général de l’UMP, et de l’autre, François Fillon, qui fut pendant 5 ans Premier Ministre. Mais aucun des deux n’est le leader naturel de la droite. Et rien ne dit que l’un des deux le deviendra. S’ils y aspirent, ils n’ont pour autant pas tous les atouts en main : l’un comme l’autre ont été nommés… et ne connaissent pas, pour l’instant, leur poids au sein du parti. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du monde en embuscade…

J’entends d’ici les pro Copé ou pro Fillon m’expliquer qu’enfin c’est évident… Probablement les mêmes qui se félicitaient en hurlant du sacre de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP en 2004, sans connaître les arcanes du vote. Oui, Nicolas Sarkozy avait obtenu 85,1% des suffrages exprimés, ce qui est un excellent résultat. Mais quid du poids dans l’UMP ? Alors que l’élection avait eu lieu dans un climat de pression incroyable, à grand renfort de promotion, seulement  62300 adhérents avaient choisi de voter, sur les 132922 à jour de cotisation. Soit 55% de participation.

Quant au vote blanc, nul ne saura jamais vraiment s’il était bien de 35,3% comme semblait l’indiquer le chiffre mystère de 64,7% apparu lors de la répétition générale la veille du congrès, un chiffre forcément issu du scrutin (la machine étant verrouillée) et qui ne correspondait ni à la participation, ni aux suffrages recueillis par un des candidats. Personne ne peut l’affirmer, mais si le vote blanc a atteint ce chiffre, le poids de Sarko était inférieur à 30%. Quoi qu’il en soit, le poids devait être bien faible pour que Sarkozy serre la vis si rapidement après son élection, et s’assure du soutien des cadres par la création d’une catégorie sur mesure : la représentation des nouveaux adhérents dans les instances internes.

Bref, à moins d’être installé dans le parti depuis des années et d’avoir su y tisser un réseau, notamment au fin fond des fédérations, il reste très compliqué de disposer d’un poids de taille. Et en la matière, ni Copé, ni Fillon, ne dispose du moindre début de commencement de légitimité. Parce qu’ils ont été nommés. Parce qu’ils ont fait la guerre. Parce qu’ils ont parfois été maladroits.

Copé, comptable de l’UMP

Copé, quant à lui, se heurte à un problème de taille. Bien qu’à la tête de l’UMP, il n’y est pas (encore) légitime, faute d’avoir été élu. Il pourrait se présenter au prochain congrès, mais a-t-il la poigne nécessaire ? Les débordements actuels démontrent qu’il est incapable de tenir cette famille politique. De plus, il ne s’est pas posé en chef de famille, et s’est fait imposer une direction collégiale pour mener la campagne des législatives. Une bataille sans chef de file. On pourrait appeler cela le rassemblement. Cela montre surtout l’incapacité de l’actuelle secrétaire général de l’UMP à se poser en patron, et à prendre ses responsabilités.

Enfin pour terminer, sa stratégie a toujours été de s’appuyer sur des élus qui lui doivent tout. Quels talents a-t-il fait émerger ? Oh certes, Copé a tenté d’acheter des soutiens, en nommant à droite à gauche des secrétaires nationaux, afin de les obliger. Mouais. L’armée mexicaine, ça dévalorise vite le poste, et ça ne permet pas de s’assurer un soutien fiable et durable. On ne peut pas dire que ses recrutements, à l’image de Valérie Rosso-Debord, aient vraiment été judicieux. Or ce sont autant de boulets qu’il n’a pas su gérer, et qu’il lui faudra traîner.

Quant à son réseau de députés, il est bien meilleur que celui de Fillon… et ne peut être considéré comme autrefois : on parle ici d’un réseau de députés dont il ne restera pas forcément grand-chose après les législatives, et qui en plus, est très volatile. Parce que le sarkozysme est mort entre temps. Et nombreux sont ceux à  suer en ce moment pour conserver leur circonscription, et avoir envie, une fois dans l’opposition, de donner de la voix. Encore un réseau finalement assez friable… Assez peu sur leur propre vote –le vote électronique ne garantissant pas l’anonymat, les cadres vont voter comme il faut- mais sur celui de leurs ouailles. Et c’est bien ce qui compte.

Sur le plan idéologique, il reste très marqué par des prises de positions très polémiques, qui entreront dans son bilan personnel, et peuvent froisser une partie des militants. En effet, Copé est intimement lié à ce que l’UMP a fait depuis qu’il en est le secrétaire général : qu’il le veuille ou non, il est comptable de toutes les polémiques qui ont émaillées la vie du parti. Et là encore, la preuve se fait par le contre exemple : entre 2005 et 2007, Sarkozy avait pris ses distances avec le gouvernement Chirac… justement pour se positionner pour la présidentielle.

Fillon, l’instable coucou

Fillon, lui, n’est hélas pour lui pas plus légitime, contrairement à ce qu’il imagine. Avoir été Premier Ministre est une qualité, mais est-ce suffisant ? En d’autres termes, qu’apporte-t-il de plus que Juppé ou Raffarin ? Rien. En revanche, il a de sacrés casseroles aux fesses. Première d’entre elles, sa passion pour la ventilation. Girouette de classe internationale, on l’a connu balladurien entre 1993 et 1995, devenu chiraquien en 2002 pour entrer au gouvernement, puis sarkozyste –et en opposition très marquée avec le gouvernement d’alors- lorsque Villepin ne l’a pas conservé en 2005. Il avait dit alors « Vous faîtes de moi le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy ». On a connue personnalité plus capable de rassemblement…

Non content de suivre son intérêt personnel au sein du parti, il fait de même pour ses aventures électorales : ça ne l’a en effet pas dérangé de quitter sa terre d’élection, la Sarthe, et sa circonscription qui menaçait de tomber à gauche, pour la confortable 2ème circonscription de Paris. Coucou dans le nid de Rachida Dati. On a connu personnalité politique plus courageuse… Mais à l’entendre, il l’a fait pour se présenter à Paris. Curieusement, il ne parle plus de la capitale : a-t-il enfin compris que briguer Paris lui barrerait la route pour 2017 ?

Et pourtant il devra y aller. Cet épisode l’oblige désormais à affronter la bataille de Paris en 2014, faute de quoi il passera pour le couard qui s’est mis à l’abri. Ce qui lui coupe sous le pied tout destin présidentiel : s’il n’ose y aller, il sera un lâche. S’il y va et perd, il aura été incapable de remporter une bataille capitale (sic !) et s’il gagne, il ne pourra abandonner les parisiens pour mener les troupes en 2017. Le piège s’est refermé. A moins qu’il ne soit pardonné, mais en échange de quoi ? Rien n’est jamais gratuit. Fillon, donc, n’est pas en position de force.

Qui d’autres ?

Enfin, il se pourrait que d’autres prétendants apparaissent. Les observateurs aiment à commenter les faits comme étant joués, mais c’est oublier un peu que l’UMP est une machine complexe qui obéit à d’autres principes que ceux qui ont été montrés sous l’ère Sarkozy. L’UMP, c’est d’abord un projet d’union entre les composantes républicaines de la droite et du centre (droit), quelque chose dont on n’a plus entendu parler depuis de nombreuses années. Mais l’UMP a-t-elle vraiment renoncé à incarner ce projet ? Bien que certains aient cédé à l’appel des sirènes centristes, rien n’est moins sûr. C’est justement l’un des enjeux qui attend l’UMP de demain : faire sa mue, dans un sens… ou dans l’autre.

Rien n’est donc joué que ce soit entre Copé et Fillon… ou d’autres prétendants. Le mandat de président de l’UMP est de 3 ans. Si la droite renonçait enfin à être la plus bête du monde, elle pourrait profiter de ce mandat 2012-2015 pour remettre de l’ordre dans le parti, dans les fédérations, dans les statuts –avec notamment, la mise en place éventuelle d’un ersatz de courants, et des primaires pour la désignation du candidat-, retravailler la ligne politique de l’UMP qui s’est bien éloignée pendant 5 ans de la charte des valeurs de l’UMP, …. Ce mandat de 3 ans devrait, si la droite était maligne, être confié à une personnalité de droite indiscutable en interne, crédible, et surtout, qui ne soit pas candidate pour les présidentielles de 2017.

Et des personnalités de ce type, il en existe dans l’UMP. Elles pourraient même, ensemble, former un ticket Président-Vice Président-Secrétaire Général. Sauf que pour qu’elles se présentent, il faudrait une paix armée. Une paix que toutes les tendances s’imposeraient, en acceptant de reporter la grande baston de 3 ans, au moment des éventuelles primaires.

Copé et Fillon seront-ils assez intelligents pour choisir cette option ? L’attrait du pouvoir étant ce qu’il est, rien n’est moins sûr. Mais la possibilité existe. Et les autres prétendants aux primaires de 2017 pourraient bien être intéressés par cette perspective. Sans parler des tendances oubliées sous le sarkozysme, qui n’ont pas vraiment envie de voir les mêmes se comporter de la même manière. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en la matière, il n’y a que les héritiers directs du sarkozysme pour penser que tout est écrit.

L’avenir immédiat

Et pourtant, l’UMP devra rapidement se trouver un chef. Et plus rapidement qu’il n’y paraît aux yeux des observateurs néophytes. En effet, les statuts de l’UMP prévoient un congrès en novembre pour désigner le nouveau président de l’UMP. En 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu pour un mandat de 3 ans qui prévoyait alors une nouvelle élection à la fin de l’année 2007. Soucieux de ne pas trouver à la tête du parti un opposant qui aurait pu se comporter avec lui comme il l’avait fait avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy avait fait procéder à une modification des statuts, qui prévoyaient, à l’article 48, une disposition transitoire instaurant un secrétariat général pour la durée du quinquennat. Nicolas Sarkozy n’étant plus président de la République à compter du 16 mai prochain, l’UMP se trouve dans l’obligation de procéder à l’élection d’un nouveau président.

Si François Baroin a annoncé qu’il n’y avait aucune urgence à convoquer un congrès avant l’été, ça n’est pas, contrairement à ce qu’ont pu penser ceux qui ne connaissent pas l’UMP sur le bout des doigts, pour renvoyer l’élection à plus tard. C’est tout simplement parce que le congrès n’est pas prévu avant… et que le processus de l’élection du président ne permet pas de l’anticiper. L’articles 26 des statuts précise que « Le Président de l’Union est élu au suffrage universel, par l’ensemble des adhérents, au scrutin majoritaire à deux tours ; les modalités de vote sont définies par le Règlement Intérieur. »

Mais les conditions de cette élection sont déterminées très précisément par le Règlement Intérieur de l’UMP. L’article 26 nous apprend ainsi que les candidatures doivent être transmises 2 mois au plus tard deux mois avant le scrutin, et disposer du parrainage de 3% des adhérents à jour de cotisation. Ces éléments posés, il devient donc strictement impossible d’anticiper l’élection avant l’été. En revanche, pour être dans les temps prévus par les statuts et permettre à l’UMP de disposer de son président en novembre, il faut que les candidatures soient parvenues aux instances en charge de l’élection au plus tard mi-septembre… et donc lancer le processus de parrainage au cours de l’été. Exactement comme en 2004.

Pour y échapper, il ne reste que deux possibilités : ne pas respecter les statuts, ou convoquer un conseil national modifiant le règlement intérieur pour permettre de reculer le congrès. Dans un cas comme dans l’autre, l’UMP se montrerait incapable de respecter ses institutions, ce qui aurait un retentissement important sur son image… à un moment où le parti tangue déjà. Et cela affaiblirait encore plus Jean-François Copé. Nul n’ayant intérêt à reculer l’échéance, l’UMP devrait logiquement convoquer un conseil national juste après les législatives, et lancer le processus, en informant les adhérents.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, j’ai décidé de reprendre ma carte à l’UMP. En effet, le règlement intérieur est clair : « figurent sur les listes électorales, les adhérents à jour de cotisation au 31 décembre et au 30 juin précédant le scrutin. » Si les adhérents 2011 pourront renouveler leur cotisation jusqu’au vote, tous les autres devront, pour figurer sur les listes, être adhérents au 30 juin. Or par définition, les non adhérents n’ont pas à être informés. Il est donc important que les sympathisants de droite qui souhaitent participer à la reconstruction de l’UMP et porter leur voix pour déterminer à quoi ressemblera la droite de demain (union de la droite et du centre, ou dérive droitière ?) doivent absolument prendre leur adhésion avant le 30 juin. Même s’ils ne seront pas décisionnaires sur les candidatures qui elles, seront certainement l’objet de discussions entre les intéressés…

Sarkozy, candidat décomplexé

La journaliste Anna Cabana l’a révélé dans Le Point cette semaine : selon ses informations, Sarkozy envisagerait, en cas d’échec en 2012, de se représenter en 2017. J’ai ri.

Ainsi notre bon mètre imagine qu’en cas de défaite en 2012, après avoir échoué à sauver le monde, l’Europe, la France, et son propre siège, et avoir détricoté une très large partie de son bilan, il pourrait nous refaire le coup de la rupture –avec lui-même ?- et se représenter devant les Français en 2017 ?

Dans le jeu de l’oie de la présidentielle, le double (article) 6 (de la Constitution) lui permet en effet de rejouer. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le mandat présidentiel a été précisé, à l’article 6 de la Constitution : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique ». En conséquence, un ancien président peut se faire réélire une fois, et rien n’empêche qu’il soit élu de nouveau sous réserve qu’il n’ait pas effectué plus de deux mandats consécutifs. Un trip Poutinesque, en quelques sortes.

Mais dans ce jeu de l’oie, il y a aussi des cases Retour à la case départ. Et pour retourner à la présidentielle, le président-qui-se-sera-vautré devra en franchir deux. Premièrement, remporter la primaire à droite. Keuwa ??? Eh oui, les statuts actuels de l’UMP prévoient à l’article 14 que le candidat soutenu par le parti soit désigné par le Congrès, c’est-à-dire par un vote de l’ensemble des adhérents… au cours d’une primaire organisée en interne.

Si, si, rappelez vous… En 2007, Nicolas Sarkozy s’était bien présenté à la primaire. Bon, il était seul candidat. Mais tout de même, il avait gagné le droit d’être candidat à 100% des suffrages exprimés ! Si Sarko perd en 2012, il ne sera plus sortant, et devra se plier à une primaire en 2017. Et là, il faudrait alors que les adhérents du parti souhaitent reconduire celui qui les aurait alors mené à la défaite 5 ans plus tôt. C’est pas dans la poche… En effet, pour être l’unique candidat alors qu’il aura perdu en 2012, c’est une autre paire de manche.

Et là, nouveau Retour à la case départ : il faut se faire réélire président de l’UMP. Et une fois de plus, ça n’est pas gagné. Si en 2004 il a réussi l’OPA sur le parti majoritaire, c’est parce que Juppé s’est trouvé condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, et que personne n’a vraiment cherché à éviter l’accession au trône du petit Nicolas. Peu probable que ce cas de figure se reproduise. Aussi, il pourrait être cette fois confronté à d’autres ténors pour cette élection. Keuwa ??? Une élection ???

Eh oui, là encore, les statuts actuels de l’UMP sont clairs : si lorsqu’un président de l’UMP devient président de la République, il n’est pas remplacé pendant son mandat, en vertu de l’article 48 –c’est la petite astuce de la réforme des statuts de 2007 pour permettre à Sarko de conserver la main sur le parti majoritaire pendant la durée de son mandat, et éviter que ne lui arrive ce que lui-même avait fait à Chirac en autonomisant le parti du Président-, passé ce mandat l’UMP retrouve son fonctionnement habituel… et ses élections. Le mandat de président étant de 3 ans, ce nouveau scrutin devrait être organisé dès novembre 2012, soit au terme de son mandat (moins les 5 ans de présidence de la République).

Rien ne prouve qu’il emporterait le cocotier, six mois après avoir emmené la droite à la défaite. Même si naturellement, ce sont les statuts d’aujourd’hui. Qui pourraient très bien changer une nouvelle fois au gré des intérêts de Nicolas Sarkozy. D’autant qu’il pourrait très bien récupérer son mandat de président de l’UMP dès le 7 mai 2012, en cas de défaite à la présidentielle. Il l’était quand il s’est fait élire, et rien ne précise ce qu’il advient de ce rôle à l’issue de sa présidence… Seule la durée du mandat est précisée -3 ans- il lui resterait donc 6 mois à effectuer. Le temps de préparer les nouvelles élections internes.

Toutefois, il serait délicat de faire passer une modification des statuts dans l’intervalle. En effet, la convocation du Congrès, même extraordinaire, peut difficilement se faire  avant l’été pour modifier les statuts en sa faveur, et après l’été pour le réélire. Seule éventualité, faire modifier les statuts pour lui modifier les statuts et prolonger son mandat.

Ce qui constituerait un abus de pouvoir, et même si l’UMP en a vu d’autres -comme la modification des statuts de 2007, réalisée sur mesure pour lui permettre de diriger le parti tout en étant président de la République, la situation d’un homme en capacité de devenir le prochain président de la République ne se compare pas à celle d’un homme qui va échouer. C’est pourquoi il y a tout de même peu de chances que ce qui serait perçu comme un signe fort d’une OPA à des fins strictement personnelles puisse être suivi par beaucoup de monde. Le risque d’explosion du parti n’en serait que plus grand.

Reste que le simple fait d’évoquer l’hypothèse de se représenter en cas d’échec en 2012 est osé. D’une part, cela revient à afficher un doute quant à son éventuelle réélection, ce qui n’est pas rassurant pour son électorat comme pour les adhérents de l’UMP. Mais pire, Sarkozy se montre franchement présomptueux : imagine-t-il vraiment qu’il pourrait conserver son leadership sur la droite ? Cherche-t-il une issue de secours pour son avenir, les ténors de droite pariant justement sur son échec pour se faire une place au soleil dans la reconstruction de la droite ? Ou veut-il entraîner l’UMP dans sa chute, en la faisant exploser ?

Quelle que soit la réponse, l’info de la semaine reste la suivante : même pour Sarkozy, la question de son éventuelle défaite en 2012 n’est plus taboue… tout comme le fait d’évoquer la reconstruction de la droite, qu’il a détruite. A la fois lucide, et gonflé. Si selon la célèbre maxime attribuée à Jacques Chirac, lui marcher dessus du pied gauche portait bonheur, force est de constater qu’il entend bien faire vivre la métaphore, et coller aux semelles de la droite.