SarkoShow, Acte IV : J’ai un bon programme et le candidat socialiste est irresponsable

Après avoir sauvé l’Europe en attendant le monde bientôt (au G20), la France, et s’être présenté comme un candidat soi-disant plus sérieux que les autres, il est temps de … marteler le message qu’il est le meilleur, tout en présentant en semblant de programme.

Lecteur, méfie toi… Le programme de Sarko n’est pas pour 2012, mais pour maintenant. Parce que c’est maintenant qu’il est aux affaires. Nan, ne sois pas chaffouin, pas Karachi… Ca, on en parlera en 2012 s’il n’est pas réélu. Mais là on parle des affaires de l’Etat. Et comme il ne peut pas utiliser le programme sur lequel il s’est fait élire, et qu’il a déjà détricoté une bonne partie de ses réformes, ça n’est finalement pas si bête de présenter un programme. Après, comme disait Chirac, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent : tu t’es vu quand t’y as cru ?

La liste des courses commence par la question du financement de la protection sociale. Mais sans réponse hein. Faut pas déconner. D’autant que le PLFSS est en discussion en ce moment au Parlement. C’est pas trop le moment de changer de braquet. On passe donc très vite aux importations, qui elles aussi poseront question. Evoque-t-il une taxe ? « Non, je vois ce débat sur la mondialisation ça n’a pas de sens (…) surtout que ceux qui demandent la démondialisation demandent aussi de régulariser tous les sans-papiers, ça n’a pas de sens… ».

Et hop, prends ça dans ta face Montebourg, donc le PS : il n’y a pas de petits amalgames, que la démondialisation ne soit pas dans le programme du PS n’a strictement aucune importance. D’ailleurs, la régularisation de tous les sans-papiers ne figure pas plus dans le programme du PS, juste au cas par cas. Seuls Aubry ou Montebourg –qui n’ont pas gagné la primaire- évoquaient des critères généreux. Revenons aux importations : « On ouvre nos marchés qu’avec un seul leitmotiv : la réciprocité ». Une position désormais soutenue par tout le monde, de la gauche à la droite en passant par le Medef.

Reste plus qu’à convaincre les autres pays, notamment ceux qui doivent faire preuve de réciprocité. C’est sur la table du G20, mais ça pourrait coincer… Surtout avec la Chine qui veut entrer dans le FESF. Ca va être compliqué de lui imposer en échange la réciprocité. Parce que la Chine propose son aide à l’Europe mais attention, cela a un prix. Et notamment, qu’on la laisse faire ce qu’elle veut avec sa monnaie comme d’habitude –alors qu’elle est largement sous évaluée- et entrer dans l’OMC maintenant, ce qui compliquera les accusations de dumping. Allez, pensez à vous doucher à la sauce Soja enroulés dans une feuille de riz géante, parce que de toutes façons, on finira bouffés par les Chinois comme de vulgaires nems. Bref, la Chine entend bien s’acheter la liberté de faire ce qui lui plaît, plaît, plaît…

Et c’est dans ce contexte programmatique de notre bon mètre avoue enfin : « Je vous confirme que nous allons dans un souci de sérieux, je suis reconnaissant à M.Fillon, Mme Pécresse, M.Baroin, les prévision de 1,75 % de croissance en 2011 se réaliseront… Mais la crise nous oblige à revoir notre prévision pour 2012, à 1 % ». Ce qui signifie 6 à 10 milliards supplémentaires d’économies à réaliser. Ce qui implique de nouvelles mesures de rigueur. Interrogé sur ces mesures, qui seront annoncées après le G20 des 3 et 4 novembre prochain, il répond de manière générale : « Privilégions les mesures qui vont renforcer la compétitivité ». Bref, les pauvres vont encore passer à la caisse…. Twitter lui a trouvé son nouveau slogan : Travailler plus pour rembourser plus.

Relancé sur la rumeur d’une hausse de la TVA, Sarko se montre énigmatique : « Une augmentation généralisée de la TVA en aucun cas, car ça pèserait sur le pouvoir d’achat et la consommation des Français et ce sera injuste ». Donc il y aura bien une augmentation de la TVA, reste à savoir laquelle. Celle à 5,5% ? Rétropédalage sur la TVA sur la restauration ? Réponse la semaine prochaine. Le suspense est insoutenable… D’une manière générale, notre bon mètre est contre les hausses d’impôts. Euh… Quelqu’un peut lui expliquer que les taxes qu’il a mises en place –une quarantaine– sont des impôts indirects, donc des impôts ? Toujours ce léger souci pour Sarko lorsqu’il évoque les notions économiques de base… pour mieux tromper le chaland.

Reste que si on en est là, ma bonne dame, c’est quand même, pour Sarko de la faute de ses prédecesseurs. Mitterrand, Balladur, Chirac, Jospin… : « Le budget de l’année prochaine c’est le premier budget où les dépenses de l’Etat diminueront ». Tout le monde en prend pour son grade. Le seul qui vaille, c’est Sarko. Sous-entendu : donc il faut le réélire. La ficelle est grosse. Evidemment, pas un mot sur l’explosion de la dette et du déficit. Chut, on va bientôt voter…

Sa recette pour diminuer la dépense publique est la suivante : « Il faut diminuer la dépense publique qui est de 50 %, les Français travaillent en gros de janvier à juillet pour l’Etat… Il faut diminuer le nombre de fonctionnaires, c’est ce que nous avons fait, c’est ce que nous continuerons à faire ». Hum, de quoi parle-t-il ? Les Français ne paient pas 50% d’impôts, donc ne travaillent en aucun cas de janvier à juillet pour l’Etat. Et si on suit son raisonnement, on ne travaillera plus pour l’Etat, ou l’Etat l’affectera au remboursement de la dette au lieu de la masse salariale ? Bref, cette démonstration est claire comme un tas de boue. C’est-à-dire le contraire de limpide. Franchement, ne pas arriver à justifier qu’il persiste dans l’échec…

Pendant ce temps, sur Twitter, Christophe Grébert, le célèbre blogueur de Puteaux, propose que Sarko suggère à sa suppléante Joëlle Ceccaldi de rapatrier ses millions planqués dans les paradis fiscaux. Sur lesquels elle pourrait commencer par payer des impôts. Nan parce qu’on critique les grecs qui fraudaient le fisc… Et si tout le monde le faisait, ça augmenterait les recettes fiscales. D’ailleurs même le Vatican le dit. Reste qu’avec tout ça, on n’a pas parlé du bouclier fiscal… Comment ça, pas de mauvais esprit ? C’est bien dans son bilan, non ? Bah quoi ? Pour faire un bilan, il faut bien mettre ce sur quoi il a rétropédalé, sinon il ne restera presque rien !

C’est maintenant aux fonctionnaires de manger. Enfin, un coup de bâton alterné avec un bisou, pour mieux faire passer la pilule. Ca commence fort : « Quand on est ouvrier et qu’il y a du chômage partiel, le salaire est impacté par la crise, dire ça ce n’est pas insulter les fonctionnaires (…) » Dans notre pays on a trop souvent cédé à la rue ». Là, j’ai ri. Parce qu’en 2006, alors que Villepin n’envisageait pas de céder à la rue dans le cadre du CPE, c’est Sarko qui a torpillé le projet, en allant négocier une sortie de crise avec les manifestants. Marquant un but contre son propre camp.

Puis Sarko enchaîne sur la séquence drague à destination des enseignants : « Je suis préoccupé par la descente de l’échelle sociale des fonctionnaires (…) Mais comment peut-on mieux payer les enseignants et en embaucher plus ? Il faut des fonctionnaires mieux payés, mieux formés ». Mais pour mieux les payer, faut juste qu’ils fassent des heures supp. Na.

Vient le temps d’évoquer plus précisément la politique de rigueur qui attend les Français. Ca commence comme une caresse, pour mieux endormir : « Si on plonge toutes les économies développées dans la récession on arrivera à rien. Il faut moins dépenser en fonctionnement… (…) Ce n’est pas la rigueur, c’est une gestion rigoureuse, la différence, la preuve c’est que nous n’avons pas connu les manifestations de nos voisins ».

Puis, alors qu’il est interrogé sur le fait de ne pas être le président qu’il augmente les impôts, il confirme vouloir ne pas les augmenter, au motif que « nous sommes le pays d’Europe qui a les impôts les plus élevés d’Europe ». Enfin si l’on excepte tous les pays qui payent plus d’impôts que nous, comme par exemple le Danemark ou la Suède. Et comme je l’ai déjà mentionné dans l’article précédent, les taxes sont des impôts, simplement ces prélèvements là sont indirects, inclus dans le prix du produit ou service payé, et non à verser au fisc.

Sarkozy fait un petit coup de pub sur la prime dividendes, plus connue sous le nom de prime à 1000 euros. Depuis, l’application du texte a donné lieu à quelques situations ubuesques, comme dans l’entreprise Sécuritas, obligée d’appliquer le texte, mais disposant de peu de bénéfices et de très nombreux salariés, ce qui a octroyé à chacun… 3,50 euros. Comme le dit Le Monde, cette idée a fait pschitt…

Sarko fait également un appel du pied sur l’ISF, qu’il faudrait selon lui supprimer, en maugréant une fois encore qu’ « il n’y a pas un pays d’Europe où ceux qui ont de l’argent payent autant d’impôts qu’en France ». A part ceux qui en paient plus, une nouvelle fois. D’ailleurs, Sarko se laisse aller à envisager une harmonisation franco-allemande, en matière de fiscalité : « L’impôt sur le bénéfice des sociétés, des TVA, des échanges d’informations, une fiscalité du patrimoine qui soit la même ». C’est bien possible, mais en période de crise, on cherche plutôt des recettes que de les supprimer…

Alors que les journalistes lui demandent combien de temps encore nous pourrons dépenser plus que nous ne gagnons, le président assène : « C’est terminé ! ». Ce qui lui permet d’enchaîner sur la règle d’or, qu’il ne pouvait pas faire passer en Congrès faute de majorité suffisante : « Nous avons décidé hier soir qu’elle sera obligatoire en 2012 ». Aucun détail, en revanche, sur la définition de cette règle d’or. Rappelons que le texte envisagé par le gouvernement n’était pas franchement coercitif, et en rajoutait plutôt au millefeuille législatif… Mais l’actuel locataire de l’Elysée ne manque pas l’occasion de taper sur le PS, qui ne voulait pas voter ce texte. Pan, pan, pan, PS=méchants !

Le train-train présidentiel s’arrête maintenant en gare de la relance, et ça tombe bien, il est question de TGV : « Sur les 36 milliards d’euros du grand emprunt déjà 19 sont signés : le TGV, la réforme de nos ports, le canal Seine-Nord ». Puis il annonce qu’il veut réindustrialiser la France : « c’est pour ça que nous avons supprimé la taxe professionnelle (…) ce qui nous a vallu bien des déboires avec les collectivités locales, cela a enlevé 6 millions de charges sur les usines ». Tiens, j’aimerais bien savoir ce qu’ils en pensent, du côté de Gandrange… D’autant que bon, cette réforme a coûté un bras à l’Etat.

Enfin cette séquence s’achève sur les relations avec la Chine, et son entretien avec le président chinois : « Il faut que la Chine engage davantage de moyens pour relancer l’économie mondiale… mais si les Chinois qui ont 60 % des réserves mondiales décident d’investir dans l’euro plutôt que dans le dollar, où serait le mal ? Voudriez-vous que les Chinois ne déposent leur argent qu’aux Etats-Unis ? Pourquoi ne devraient-ils avoir confiance que dans le dollar ? ». Sarko rappelle que l’intégration de leur monnaie dans le système monétaire est incontournable, et que le président chinois était soulagé que la Zone Euro ne sombre pas. Tu m’étonnes, vu les perspectives !

Ainsi s’achève ce quatrième acte, sur le programme à appliquer maintenant. Pour celui pour 2012, on verra quand il sera candidat. Ou plutôt, quand il se déclarera. Pour savoir quand, c’est dans l’article suivant.

La règle dort…

Aujourd’hui, lors des #QAG –Questions au Gouvernement-, il a beaucoup été question des finances publics, de la crise, de l’équilibre budgétaire, avec en filigrane, le Projet de Loi de Finances Rectificatif (PLFR) qui est discuté depuis hier au Parlement.

Cette discussion n’a pas échappé aux internautes, ce qui nous a valu le petit clin d’œil ci contre de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale. L’occasion pour moi de revenir sur le sujet, et de vous expliquer en termes simples de quoi il retourne.

Parce que tout l’été, on nous a bassiné avec la règle d’or. Déjà qu’on avait du mal avec le nombre d’or –si tu as fait maths ou art, tu sais de quoi je parle, -sinon, Wikipedia est ton ami– il a fallu qu’on nous sorte la règle d’or. Non, pas de trois. D’or. Une règle magique qui résoudrait tout –enfin déjà une partie- de nos soucis de finances publiques qui elles, sont dans le rouge.

Alors, que dit ce fameux texte qu’il faudrait absolument voter pour sauver le monde la France ?

  • Création de lois cadres de programmation des finances publiques couvrant des périodes d’au moins trois ans, qui s’imposeront aux lois de finances (PLF) et lois de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) annuelles. Ainsi, si les budgets de l’Etat et/ou de la Sécurité Sociale ne respectent pas les objectifs inscrits dans la loi cadre, le Conseil Constitutionnel pourra les censurer.
  • Suppression du monopole tenus par les lois de finances et de financements de la sécurité sociale des mesures touchants aux prélèvements obligatoires (impôts et prélèvements sociaux). Le gouvernement a déjà, dans les faits, supprimé ce principe. Il entend juste le graver dans le marbre
  • Validation, en avril, par le Parlement, du programme de stabilité. Il s’agit d’un document envoyé chaque année à Bruxelles, et qui détaille la trajectoire du déficit public.

Histoire de rajouter une couche de crème pâtissière, c’est un autre texte, en l’occurrence une loi organique -dont la portée est moindre que la Constitution- qui définira le contenu des lois-cadres. Texte qui n’est évidemment pas bouclé. Autant vous dire qu’on n’est donc pas sorti de l’auberge.

Maintenant que vous avez lu ce chouette gloubiboulga et notamment le premier alinea, vous aurez remarqué que la règle d’or consiste… A ne fixer aucune limite. C’est la loi-cadre qui la fixera, et pour une durée d’au moins 3 ans. Autrement dit, il n’y a pas de règle d’or. Juste le principe qu’on peut éventuellement sur un malentendu décider que la loi-cadre pourra peut être mettre un chiffre qui obligerait alors à respecter un chiffre précis pour une durée limitée… et le changer en cas de besoin.

Ou comment inscrire dans la Constitution de bons principes, sans aucunement dater le retour à l’équilibre. Tu parles d’une ambition ! Vite, votons ! C’est ce qu’a fait le Sénat ce matin, et ce que fera l’Assemblée Nationale ce soir. Dé-li-re !

Histoire de vous y retrouver dans vos journaux TV & autres médias, voici un petit aperçu de ce qu’en pense la classe politique, qui s’étripe à longueur de micros sur le sujet :

  • La droite est pour à fond les ballons, au motif qu’il faut être responsable, et d’abord l’Allemagne l’a fait. Hum… Puisqu’en France on aime tant se comparer à l’Allemagne, voyons ce qu’on décidé nos amis d’Outre Rhin il y a déjà 2 ans :  dès 2009, l’Allemagne a inscrit dans sa Constitution l’obligation de ramener le déficit du budget fédéral à 0,35% du PIB en 2016. Nettement plus volontariste !
  • La gauche est contre, au motif que le gouvernement, qui a nettement creusé les déficits, est gonflé de présenter des règles qu’il n’appliquera pas lui-même, à travers ce texte d’un vide intersidéral, ce qui ressemble à s’y méprendre à une OPA de Sarko sur la présidentielle en mode  J’ai sauvé l’économie française, élysée moi ! 
  • Le centre est pour et contre… Pour le principe de la règle d’or, sans trouver ce texte Canada Dry assez ambitieux, puisqu’il ne fixe aucun chiffre ni aucune date de retour à l’équilibre.

Comme le disait Herman Von Rompuy, président du Conseil Européen, lors des universités d’été du Medef : « Le plus important c’est qu’on le fasse. Si la constitution peut aider à ce qu’on le fasse… Constitution ou pas, c’est qu’on arrive, comme le demande le pacte de stabilité, à un équilibre budgétaire. »

Selon  cet article paru aujourd’hui dans Challenges, Sarkozy prendrait sa décision fin septembre. Reste qu’organiser un coûteux congrès pour un texte inutile et si peu ambitieux, ça fait un peu cher le mille-feuille législatif !

Le mieux serait encore de suivre le conseil d’Herman Von Rompuy, au lieu de s’obstiner à faire empiler des textes plein de bons sentiments, et de tout simplement se fixer de réelles ambitions en matière de finances publiques : Constitution ou pas, le bon sens impose d’appliquer une véritable règle d’or !