Un remaniement tout riquiqui maousse costaud

Qui dit Sénat passé à gauche avec seulement quelques voix d’avance, dit grandes manœuvres pour tenter de rallier quelques radicaux à la candidature de Gérard Larcher, actuel président du Sénat, et qui se verrait bien conserver le Plateau.

D’autant que le vote à bulletin secret pourrait aider à quelques erreurs ou petits arrangements… du moins c’est ce que l’on aimerait nous faire croire.

S’il serait étonnant –voire malsain- que la gauche n’obtienne pas la présidence, notamment parce que tous les élus de gauche, fussent-ils radicaux, auront très certainement envie de participer à l’installation de leur camp à la Chambre Haute, il n’en reste pas moins que Gérard Larcher entend se battre jusqu’au bout. Et pour cela, il aura besoin de toutes les voix de droite.

Y compris celles des ministres élus, à savoir Chantal Jouanno, ministre des Sports, et Gérard Longuet, ministre de la Défense, leurs suppléants ne pouvant siéger avant un mois, ce qui les exclut du scrutin. Ce détail commun aux deux assemblées impose donc un remaniement, qui doit impérativement avoir lieu avant vendredi minuit, le vote ayant lieu samedi. Le plus tôt étant le mieux –inutile de paralyser la vie politique, très observée en ce temps de pré-campagne présidentielle- c’est aujourd’hui que le chef du Gouvernement a modifié son équipe, avec l’aval de l’Elysée.

Gérard Longuet, ministre de la Défense, a conservé son poste de ministre de la Défense… ce qui signifie qu’il n’apportera pas sa voix à Gérard Larcher. Une décision qui sonne déjà comme un aveu d’échec : si le président du Sénat avait été en mesure de conserver son poste, l’actuel locataire de l’Elysée aurait probablement démissionné le ministre de la Défense. Ou comment préparer en douceur la perte du Sénat. Il faut bien reconnaître que c’est ce que la droite a de mieux à faire : conserver le Plateau en étant minoritaire en siège serait extrêmement mal perçu par la population, qui y verrait une manipulation bien loin de la République irréprochable dont se targue le président, et qui est déjà bien mise à mal par les affaires qui se rapprochent de lui.

Autre avantage pour Sarko, ne pas perdre son ministre de la Défense au moment où la France est engagé dans plusieurs conflits. Quant à Longuet, ne pas démissionner lui ouvre le parachute. En effet, il pourra toujours revenir au Sénat quand bon lui semblera… Autrement dit, c’est un bon calcul pour tout le monde. Alors pourquoi Jouanno ? Et bien sa sortie du gouvernement facilite les choses. D’une part, elle est recasée au Sénat, et n’a pas à s’en faire pour ses six prochaines années ce qui pour elle, est tout de même inespéré. Soit jusqu’en 2017. Elle passera donc à travers les gouttes de la refondation de la droite, qui aura lieu que Sarko soit réélu ou pas, après juin 2012. Mais pourquoi ne pas attendre au chaud au gouvernement, comme Longuet ?

Et bien parce que cette sortie du gouvernement arrange quelqu’un d’autre, qui pourrissait au purgatoire du Secrétariat d’Etat aux Français de l’Etranger en attendant que le poste se libère enfin… depuis le 30 juin dernier ! C’est dire si David Douillet avait fait son temps. Passé sa période d’essai ministérielle, le voilà enfin nommé au ministère de ses rêves : l’ancien champion de judo devient ministre des Sports. Une carrière en accéléré pour celui qui n’est devenu député que le 18 octobre 2009, à l’occasion d’une partielle organisée à la suite de l’inéligibilité de Jacques Masdeu-Arus, puis secrétaire d’Etat aux Français de l’Etranger le 30 juin, et enfin ministre des Sports aujourd’hui.

Mais si la Douille devient ministre des Sports, qui le remplace au Secrétariat d’Etat aux Français de l’Etranger ? Personne, ces attributions seront réintégrées plus tard. Mouais, elles reviennent donc de fait à Alain Juppé, Ministre des Affaires Etrangères. Ou comment Sarko confirme après coup n’avoir créé ce poste que pour donner un titre à son pote. Ah elle est belle, la République irréprochable ! Bref, Douillet obtient ce qu’il voulait.

Au final, avec cet ajustement ministériel, Sarko nous offre comme le disait la pub, un remaniement tout riquiqui… maousse costaud. Histoire que tout le monde se souvienne bien que David Douillet avait fêté son premier jour en tant que Secrétaire d’Etat avec cette jolie boulette, je résumerai cela d’un seul mot : i-ni-ma-gi-naux ! De là à dire qu’aux Sports il a atteint son seuil de compétence et qu’en 2012 il risque de prendre Laporte… Z’êtes vraiment mauvaises langues !!!

Président Candidat cherche Français pour campagne électorale et plus si affinités.

Nicolas Sarkozy était partout dans la télé ce mardi 16 novembre, pour parler aux Français. Un nouveau SarkoShow très attendu après ce remaniement fleuve, qui a pris près de six mois… et fait tourner les chaînes infos en spéciale pendant tout un week-end.

Que dire de cette émission ?

Sur la forme, le président s’est invité dans les médias pour lancer sa campagne présidentielle pour 2012 pour donner la feuille de route du gouvernement, alors que son Premier Ministre ne fera son discours de politique générale que mardi prochain, devant l’Assemblée Nationale. Preuve s’il en était nécessaire que François Fillon n’a nullement repris la main – le show autour de Fillon était simplement destiné à amadouer une majorité UMP un peu turbulente et à remettre tout le monde dans un esprit bien godillot- et que tout se décide encore à l’Elysée. Faut pas déconner.

Souvent énervé par les questions des journalistes – auxquels il a souvent préféré répondre par d’autres questions, voire changer de sujet, ou même exiger d’eux des réponses – Nicolas Sarkozy n’a pas su fixer un cap permettant de donner une nouvelle vision à la France pour les 18 derniers mois de son mandat. La feuille de route est claire : rien ne changera !

Autocentré et psychorigide, Nicolas Sarkozy a certainement produit là sa plus mauvaise prestation, à mi-chemin entre A Bout de Souffle et Men In Black tant il a souvent tenté d’utiliser le neuro-laser, cette arme qui permet d’effacer la mémoire de ceux que l’on vise avec. Entre approximations, omissions, mensonges, et chiffres dont tous les observateurs confirment qu’ils sont fantaisistes, Nicolas Sarkozy s’est fermé sur lui même, en total décalage avec les attentes de la population.

Faute de profondeur politique, scrutons le détail…

Sur le désastre du feuilleton du remaniement, le président a écarté d’un revers de la main la lenteur du processus, rappelant qu’il avait indiqué que le gouvernement précédant la mènerait jusqu’au bout. Un peu court… Il eût gagné à avouer avoir commis une erreur en annonçant si tôt ses intentions.

D’autant qu’il a effectué une légère reculade, en reconnaissant pour la première fois des dérapages liés au débat sur l’identité nationale… sans toutefois remettre en cause le discours de Grenoble, dans lequel selon lui « il n’y avait pas une outrance », avant de faire porter le chapeau à la presse, qui a osé ouvrir les JT sur les faits divers, en « stigmatisant sur l’attaque de la gendarmerie ». Attaque violente et gratuite contre la presse, mais sur le fond, si l’on part par là, alors quid des députés qui, aux Questions au Gouvernement, n’ont pas hésité à faire l’amalgame entre l’incendie d’un collège au Mans et les casseurs, alors que les jeunes venaient d’entrer dans les manifs ? Alors que l’enquête débutait à peine ? Les journalistes sont des salauds, mais pas les députés UMP qui pose ces questions destinées à mettre en avant son ministre de l’Intérieur, sans que celui-ci ne réagisse sur ces amalgames ? Il y aurait d’un côté les vilains journalistes, de l’autre les gentils députés UMP ? Quand cesseront ces clivages ?

Ne reculant devant aucune posture ridicule, président de la République est même allé jusqu’à minimiser le conflit social autour de la réforme des retraites. Son attitude de girouette a d’abord atteint des sommets lorsqu’il a indiqué, yeux dans les yeux, que « ce conflit a eu lieu sans violence, à part quelques débordements, lors de 9 journées d’actions nationales». Souvenez vous pourtant qu’à l’époque, le gouvernement s’exprimait dans tous les médias sur le fait que l’entrée des jeunes dans le mouvement apportait les violences, avec une certaine tendance à l’amalgame entre jeunes et casseurs…  Les jours passent, la manière d’aborder l’histoire change, selon la soupe à vendre…

Sur les soit disant réussites, Nicolas Sarkozy s’est félicité lors d’une question sur les déficits publics de la réduction entamée du nombre de fonctionnaires (« 135 000 »). Lier la réduction des dépenses à la suppression des moyens est audacieux (comme si la masse salariale était l’unique variable d’ajustement…), le présenter comme une réussite est surréaliste : que ce soit dans l’éducation, dans la police, à l’hôpital, en zone rurale, les français ont besoin des services publics. La meilleure preuve de l’échec de cette politique, c’est bien sur la sécurité : la police ne peut même pas mettre en place ce qui est annoncé à grand renfort de communication… Quant à l’éducation, ce n’est pas en créant quelques internats d’excellence que l’on résout les problèmes d’illettrisme. Soyons sérieux ! Il ne s’agit pas d’avoir une gestion purement comptable des fonctionnaires, en disant « on en retire tant », mais d’ajuster leur nombre aux besoins du terrain, en priorisant les chantiers, pour supprimer les fonctionnaires en trop, sans délester bêtement les administrations qui sont en sous-effectifs.

Sur les annonces, c’est à la fois peu clair et inquiétant. Sur la dépendance, son grand chantier, le président a annoncé une grande consultation, pour une prise de décision à l’été 2011 pour une traduction dans le PLFSS 2012. Et enclenché le mode replay : « Je souhaite la création (…) d’un nouveau risque, d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale, le cinquième risque ». Une annonce déjà faite… le 9 juin 2007. Au rayon financement, juste des questions « à affiner lors de la concertation : « Faut-il faire un système assurantiel ? Faut-il obliger les gens à s’assurer ? Faut-il augmenter la CSG (contribution sociale généralisée) ? Faut-il (…) avoir recours sur les successions quand les enfants n’ont pas la volonté ou pas les moyens (d’aider leurs parents).Espérons que cette montagne là n’accouche pas d’une souris…

Sur l’emploi, le président s’est contenté de se déguiser en perroquet, en promettant que le chômage allait reculer (bis repetita, il nous l’a déjà faite lors du SarkoShow du 25 janvier dernier), en proposant d’améliorer la formation en alternance pour les jeunes (bis repetita, il l’avait déjà proposé l’an dernier), avant d’endosser une fois de plus le costume de la police anti-chômeur, prêt à dégainer le Karchër : en substance, les chômeurs auront un contrat avec le Pôle Emploi, et accepter l’offre d’emploi qui leur sera faite. C’est à croire qu’il regrette de ne pouvoir renvoyer ces délinquants du travail dans leur pays ! Une fois de plus, Sarko ne connaît pas le sujet : d’une part, chaque chômeur signe un PARE avec le Pôle Emploi. D’autre part, il est rarissime que Pôle Emploi respecte ce même contrat, et remplisse ses propres obligations vis-à-vis des chômeurs. Si côté Assedics ça marche à peu près (si l’on excepte l’augmentation croissante des ratages dans les radiations), le côté ex-ANPE est incapable d’assurer un suivi digne de ce nom pour les demandeurs d’emploi. Mais bon qu’importe, ce ne sont que des délinquants… Vade retro les chômeurs !

Enfin sur la fiscalité, et après un petit détour sur le bouclier fiscal allemand qui n’a jamais existé, Sarko nous a annoncé une réforme qui ne peut que nous faire craindre que les inégalités se creusent encore un peu plus entre les Français. La réforme fiscale porterait à la fois sur un nouvel impôt sur les revenus du patrimoine, et un élargissement de l’assiette au lieu d’avoir des taux hauts, en échange de la suppression de l’ISF et du bouclier fiscal… Sur la réforme annoncée, n’importe quel économiste sait que cela signifie faire encore porter l’effort à la classe moyenne, qui ne cesse de s’appauvrir. Une réforme fiscale est nécessaire, mais à condition de répartir l’effort. Pourquoi ne pas dire qu’il est nécessaire d’augmenter les impôts, tout en annonçant une réforme qui tende à plus de justice fiscale ?

D’autre part, on ne peut évoquer une éventuelle augmentation de la CSG pour financer la 5èmebranche de la sécurité sociale, et annoncer dans la même émission avec certitude que les impôts n’augmenteront pas. C’est jouer sur les mots : qu’on parle d’impôts qui n’augmenteront pas, et qu’on augmente les taxes et les prélèvements obligatoires, ça fait toujours moins de revenu disponible et donc moins de pouvoir d’achat. A un moment ou un autre, il faut cesser de nous prendre pour des jambons, et appeler un chat un chat. Damnit !!!

Vidéo Gag

Comme à chaque SarkoShow, j’ai plus vu un comique qu’un président de la République, et les perles n’ont pas manqué. Au rayon des grosses poilades, j’ai particulièrement aimé que Nicolas Sarkozy fasse une petite mise au point sur la présomption d’innocence, qu’il a souvent oublié de s’appliquer à lui-même, Ivan Colonna ou Dominique de Villepin s’en souviennent. Et plus tard dans la soirée, toujours sur Villepin : « Je ne pense pas avoir dit quoi que ce soit contre Villepin ». Non, ce n’est pas lui qui l’a traité de coupable, c’était son jumeau maléfique…

Ou encore cette pépite : « Je propose une action inédite en 2011 : supprimer des lois existantes dans ces domaines, pour que le dicton « nul n’est censé ignorer la loi » puisse s’appliquer » . C’est plein de bonnes intentions tout ça, mais il faudrait tout de même rappeler que l’inflation législative est exponentielle depuis son élection en 2007. Mais qu’il est drôle…

Sans oublier cette petite vanne sur les affaires : « A la minute où je vous parle, personne ne peut me reprocher une affaire quelconque ». Et pour cause, à la minute où il parle, il jouit de l’immunité présidentielle, qui le rend inattaquable jusqu’à la fin de son mandat. Il nous prend vraiment pour des idiots…

Sur l’international aussi, j’ai bien ri. Si le nouveau président du monde du G20 a assuré de ses petits poings qu’il fallait un « nouvel ordre monétaire », parce que vous comprenez, c’est le bordel. Sauf que juste derrière, pour montrer ses compétences ses lacunes en la matière, il a assuré le zapping en rapportant après qu’à sa création, l’Euro était à parité avec le Dollar. Ou comment il a réinventé les maths, selon l’axiome de Sarko 1,18=1, 1 Euro valant à sa création 1,18 dollars. Grotesque.

Mais le must, c’était quand même la justification qu’il ne fallait pas une bonne idée que les partis politiques incitent les jeunes à manifester. Parce que « Les lycéens, il y en aura un sur deux qui vivra jusqu’à 100 ans ». Ou quand Sarko se la joue Madame Irma : en effet,  personne ne peut aujourd’hui confirmer cette projection démographique.

En route pour 2012

Une fois de plus, Nicolas Sarkozy n’a pas entendu les français. Il n’a fait que parler de lui, sans présenter de vision, restant sourd aux attentes de changement des Français, et restant enfermé dans un autisme politique qui pourrait être touchant si au moins il était intelligent. N’est pas Rain Man qui veut.

Finalement Sarkozy n’a convaincu que sur une chose, bien qu’il ait tenté de faire croire au contraire, c’est qu’il sera bien candidat en 2012. Sa priorité n’est pas de s’occuper des Français, mais de fédérer le socle de la droite dure, sur laquelle il compte s’appuyer. Les autres composantes de l’UMP seront prises en compte plus tard… ou pas. Pour les Français, le message de Sarkozy est clair : retentez votre chance en 2012 !

Face à un Sarko incapable de se réinventer, il est indispensable de construire une alternative républicaine à Nicolas Sarkozy, qui sera capable de proposer aux Français un projet politique réaliste en terme de finances publiques, tout en répondant aux aspirations très légitimes de plus de justice sociale, tout en redonnant à la France une vrais dimension internationale.

Le baiser de Judas

Crédit Photo : © RichardTrois

J’ai lu hier le communiqué de presse de Marie-Anne Montchamp, dans lequel elle annonçait rejoindre le gouvernement avec « conviction et émotion ». Emotion, je peux le concevoir. Mais conviction ?

Marie-Anne Montchamp, en plus d’être inélégante et incorrecte vis à vis de la famille politique dans laquelle elle s’était engagée en assumant la responsabilité de Porte Parole de République Solidaire (poste qui demande un engagement important qui va au delà d’attribuer des titres et cartes de visite logo entête à ses collaborateurs, dont certains ont d’ailleurs un parcours douteux), cette famille à laquelle elle a persisté à annoncer qu’elle n’entrerait pas au gouvernement (pourquoi le nier ?), Marie-Anne Montchamp s’est montrée, en acceptant ce strapontin, parfaitement ridicule.

Quitte à entrer au gouvernement et se vendre pour un poste, n’aurait elle pas pu négocier un véritable portefeuille ? Parce qu’être nommée Secrétaire d’Etat pour la seconde fois de sa carrière, cela n’est pas franchement une évolution. Et si, dans le gouvernement Raffarin, sous Jacques Chirac, Marie-Anne Montchamp avait pu vraiment travailler sur le handicap, et faire voter avec l’appui soutenu du Président la fameuse loi de 2005, cette fois ci, au risque de vous surprendre, Marie-Anne Montchamp est la seule membre du gouvernement à ne pas avoir d’affectation. Comme indiqué dans le communiqué de presse officiel de l’Elysée, elle est Secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Sans autre précision. Un simple coup d’oeil à la composition du Gouvernement permet de constater qu’elle est la seule dans ce cas. Si l’on retrace sa carrière, elle semble plus proche de la régression que de l’évolution… Etonnant, non ?

Dès lors, je m’interroge.
Marie-Anne Montchamp a-t-elle manqué de sens politique ?
S’est elle faite avoir ?
A-t-elle accepté pareille humiliation pour un simple maroquin ?
Ou a-t-elle atteint son seuil d’incompétence ?
Aurait-elle alors fait un autre deal ?
Au hasard, la négociation d’un parachutage dans une autre circonscription ?

Souvenez vous, elle a perdu la sienne lors du redécoupage, pour avoir osé se présenter à Nogent sur Marne lors des municipales de 2008, face à un protégé de Sarkozy. Un coup de ciseaux plus tard, elle s’est retrouvée sans circonscription fixe… et mal barrée pour 2012.

[Edit du 18/11/2010. On me souffle dans l’oreillette que Nicolas Sarkozy aurait proposé à Marie-Anne Montchamp de prendre la tête de liste pour le Val de Marne, son département, lors des prochaines sénatoriales, en échange de son entrée au gouvernement à un poste très subalterne. Mandat parlementaire de député supprimé, mandat parlementaire de sénateur peut être rendu, tel serait le deal.]

Si cette option est la bonne, Marie-Anne Montchamp peut trembler à l’idée que Sarko ne tienne pas sa promesse. Imaginer récupérer un mandat en étant le cadeau d’anniversaire empoisonné de Villepin serait un pari pour le moins risqué : s’il y a une chose qu’on ne peut reprocher à Sarko, c’est de mépriser les traîtres, dont il sait qu’ils retourneront leur veste une nouvelle fois à la première occasion. A ceux là, il ne fait aucun cadeau.

J’ignore donc quelle est la « conviction » de Marie-Anne Montchamp, mais j’ai une certitude, nous ne la partageons pas. Pour moi, l’engagement politique n’a de sens que si l’on reste fidèle aux valeurs qui nous animent et que l’on poursuit son chemin avec droiture et cohérence. Pas lorsque l’on se vend au plus offrant et au rabais, ce qui indique que l’on est prêt à tout, pour son intérêt personnel : l’intérêt général n’a jamais été composé de la sommes des intérêts particuliers. A bon entendeur…

Le remaniement réalité, une première du genre

Depuis le 30 juin dernier, date à laquelle lors de son SarkoShow télévisé, le président de la République a cru bon d’annoncer des semaines à l’avance un changement d’équipe, rien ne nous aura été épargné. Ce feuilleton aura tenu en haleine la classe politique et le microcosme, et considérablement parasité au passage la vie politique, réforme des retraites incluses.

On craignait que la montagne n’accouche d’une souris… Ce fut surtout un énorme rat-age, au terme de consultations poussives entachées par le claquage de porte d’une partie des centristes, et une ligne politique qui ne se redessine pas : aucun signe à l’horizon d’un retour vers le dialogue social …

Womanizer version ministres

Comment donner du crédit à des ministres en sursis ? Telle fut la première question. Woerth enlisé dans l’affaire Bettencourt mais pas que (Société des courses de Chantilly, par exemple) fut le premier exemple de cette déliquescence. Malheureusement, il fallut que Sarko cède à son plaisir défendu, celui du sadisme, et se mette à humilier ses ministres, faisant monter les enchères sur les postes à pourvoir, distillant moultes rumeurs plus ou moins assumées dans la presse via les offs, jusqu’à la finale de ce remaniement réalité : l’ultime bataille, celle de Matignon.

Après avoir mis hors course Michèle Alliot Marie –un de ses conseillers s’étant fait pincer lors d’écoutes peu justifiées à taper là où il ne fallait pas- il a joué la guerre des deux réellement premier ministrables enclins à accepter : Borloo vs Fillon. Si Borloo a longtemps tenu la corde, ayant semble-t-il obtenu des garanties et poussé le vice jusqu’à endosser le costume du rôle, modifiant sa coiffure comme demandé par La Voix, il fut rattrapé par un énième retournement de situation… quelque peu aidé par un groupe UMP peu désireux de voir un centriste Premier Ministre. Jamais avare d’un tour de girouette, Sarko demanda à Fillon de faire savoir son envie de rester. Ultime humiliation pour le « collaborateur »… qui pourtant s’y plia. Que ne faut-il pas faire pour conserver son maroquin…

Et c’est un samedi soir, à l’heure où les familles regardent Champs Elysées (il se trouve que Drucker reparut sur les écrans ce soir là) que l’Elysée annonça la démission du gouvernement. Nombreux sont ceux directement concernés –ministres, collaborateurs- qui l’apprirent en même temps que les autres, par les alertes push de leur Iphone ou autre Blackberry. Cruelle technologie, qui vire par sms… Les journalistes passèrent la soirée à commenter la poignée de main « fort chaleureuse » entre Sarko et Fillon, puis à annoncer en boucle qu’il serait renommé Premier Ministre dès le lendemain matin. Surprise sur prise ? 6 mois, un débat politique parasité, un renfermement du gouvernement sur lui-même, tout ça pour ça ?

S’ensuivit la « nuit sans gouvernement », probable remake de la nuit des longs couteaux, et nuit blanche pour certains. Combien furent ils à tenter leur chances par un appel au 0895 XX XX XX (1,65 € la minute) pour tenter de décrocher un poste ? Le Canard Enchaîné nous le dira au fil des mercredis… Dès dimanche matin, les chaînes infos ont repris les spéciales, tout comme les émissions politiques, le dimanche étant par tradition le premier jour de la semaine politique. Face à la diffusion en boucle des mêmes images, sans réelles informations, et aux commentaires sur les réseaux sociaux et blogs, l’attente fut longue et riche en rebondissements : Copé à l’UMP, Borloo se retirant de sa propre initiative, …

Tel est pris qui croyait prendre…

Sarkozy s’est finalement affaibli avec ce remaniement. Annoncé dès le mois de juin, concrétisé par la démission du gouvernement un samedi soir –poussée ou pas par la sortie de Juppé ?-, avant de traîner en longueur toute la journée du dimanche, Sarkozy a payé cher son sadisme. Tout au long du week-end, le Président de la République, s’est donc retrouvé obligé de composer avec une majorité qui l’a débordé, faute d’avoir su arrêter le jeu sanguinaire à temps tant sur le fond politique –le discours de Grenoble a fait grogner dans les circonscriptions et les députés ont du essuyé les effets négatifs auprès de leurs électeurs- que sur la forme –sadisme à l’égard des prétendants.

A avoir poussé Fillon et Borloo, il a satisfait l’un, fâché l’autre, été obligé de négocier avec la composante centriste, et avec Jean-François Copé, patron des députés UMP, à la manoeuvre pour soutenir Fillon, et qui devait être récompensé. Sollicité pour l’Intérieur, un ministère régalien et d’importance, il a refusé, préférant réclamer l’UMP. Copé a réussi à forcer la main du président : la meilleure preuve en est que le président qui ne lui accorde pas sa confiance puisqu’il lui colle son fidèle Hortefeux dans les pattes.

Sarko ne sort évidemment pas grandi de ce remaniement, et apparait finalement comme un simple manipulateur pris à son propre piège, incapable de remanier en rondeur, mettant sur le devant de la scène les dissensions au lieu de placer la ligne politique au centre de son action. Six mois pour ça, c’est forcément un peu court…

So What ?

Ce ratage complet redistribue les cartes sur un échiquier politique plus mouvant que jamais. En choisissant de recentrer sa majorité sur un Etat RPR (qui n’a plus grand-chose à voir d’ailleurs avec ce que fut le RPR, le RPR avait au moins une ambition gaulliste !) et en faisant entrer au gouvernement des personnalités très marquées, comme Frédéric Lefèbvre à l’usure ou Thierry Mariani pour le goût Pizza, tous nouveaux secrétaires d’Etat, Nicolas Sarkozy a fait la place belle à une droite dure, loin de l’image sociale que voulait se donner François Fillon dans son communiqué de nomination.

Sans se renouveler non plus, Sarko a fait entrer Marie-Anne Montchamp –qui n’a pas assumé auprès de ses ex amis politiques son choix pourtant attendu- et fait croire à une prise qui n’a étonné personne : d’une part elle n’avait plus de circo, c’était donc pour elle la seule carte à jouer avant 2012 que de céder à cette tentation très humaine qu’est l’appétit du pouvoir. D’autre part aucun villepiniste digne de ce nom n’avait envie d’aller se commettre dans le naufrage annoncé du SarkoTitanic. Que Marie-Anne Montchamp ait décidé d’accepter le Secrétariat d’Etat aux Crocs de Boucher -n’étant en charge d’aucun dossier, on voit mal quel autre sens peut avoir sa nomination- reste un non événement : ça ne changera pas la face de la vie politique, ni celle de République Solidaire, et encore moins malheureusement la politique du gouvernement.

Sur le plan politique, en écartant fort brutalement Borloo,  les centristes réalisent que Sarko n’a jamais cru en l’UMP fondée par Chirac et Juppé, le parti « de la droite et du centre ». Borloo a donc tenu sa parole, et annoncé lui-même qu’il ne ferait pas partie de ce gouvernement, préférant reprendre sa « de proposition et de parole au service de [ses] valeurs » au premier rang « desquelles [il] place la cohésion sociale ». Sous-entendant ainsi qu’au gouvernement il n’était ni libre de parole, ni à mener une politique favorisant la cohésion sociale… Message transmis à Fillon !

Décision qui est aussitôt suivie par Daubresse et Létard, solidaires de Borloo. Autrement dit, le traitement réservé au chef du Parti Radical fait sérieusement brûler le torchon au sein de l’UMP. Dès lors, les élus du centre  vont donc se trouver dans l’expectative, et être l’objet de toutes les attentions. Certains pourraient être tentés de suivre une autre voie, qu’elle soit indépendante, par une candidature Nouveau Centre souhaitée par Hervé Morin, ce qui reste in fine assez peu probable sans un accord tacite de l’UMP –le Nouveau Centre étant financé par l’UMP- ou en rejoignant d’autres candidats positionnés sur ce créneau, que ce soit feu Bayrou qu’ils quittèrent pour Sarko, Borloo, ou Villepin qui cherche à rassembler sur ce créneau. Morin ou Borloo pourraient donc être tentés d’y aller, mais dans l’unique but de servir Sarkozy en 2012. Reste à savoir ce qu’en pensera l’électorat centriste et là, personne n’a de boule de cristal. Tout dépendra de la politique qui sera mise en place par la nouvelle équipe gouvernementale…

Quant à l’UMP, elle risque de voler en éclat, du fait de l’abandon de la représentation de ses sensibilités : les libéraux, premiers sacrifiés, sont restés proches de Sarko faute de mieux, même s’ils grognent sur son interventionnisme économique et sa maltraitance des libertés individuelles. On n’en voit pas un seul dans la liste des ministres. Mais les centristes, plus nombreux, ne devraient pas en rester là. S’ils obtiennent quelques ministères, décernés à des seconds couteaux, ils n’ont qu’un ministère régalien –la Justice- et de toutes façons, les composantes du centrisme sont pour le moment divisées. Enfin les gaullistes,  qui constituent encore un socle important, ne croient plus en MAM –affaiblie par son retrait des primaires de l’UMP en 2006 et son manque d’indépendance vis-à-vis de Sarkozy- pourraient se laisser tenter par Villepin, pour un peu qu’il quitte la critique de Sarko pour ne se concentrer que sur le projet qui fera de lui un présidentiable au-delà de ceux qui l’ont déjà rallié.

Amusant jeu de boomerang, la question des courants à droite revient en pleine tête de celui qui n’a jamais voulu les mettre en place, à savoir Nicolas Sarkozy. Revenons en 2004. Le 9 mai, le conseil national de l’UMP valide difficilement, à seulement 58%, la mise en place des courants, qui est censée être mise en place lors du Congrès suivant… soit le jour de l’accession de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP, le 28 novembre 2004. Ca n’a jamais été fait. 6 ans plus tard, Nicolas Sarkozy se trouve confronté à la question de la pluralité des sensibilités au sein de l’UMP, faute d’avoir géré le problème en permettant leur expression, comme avait su le comprendre Alain Juppé. Ou comment l’absence de Sarkozy dans l’UMP entre 2002 et 2004 rejaillit aujourd’hui sur celui qui n’a jamais compris quel était l’objectif de Chirac et Juppé lorsqu’ils ont créé l’UMP.

En route vers 2012

Vous pensiez le feuilleton fini ? Ne rêvez pas… Tout ceci n’est qu’un appetizer de ce que sera la campagne de 2012, actée par le recentrage à droite par le renoncement à l’ouverture à la gauche –naturel à cette phase du quinquennat- et un positionnement à droite, soufflé par sa majorité.

Ce qu’il en sera, il est trop tôt pour le dire. Mais les cantonales et les sénatoriales viendront préciser le positionnement des déçus du sarkozysme, ce qui aura une influence immédiate sur le comportement des élus. Pour ce qui est de la population, tout dépendra de la capacité de Sarko à se réinventer, et surtout, à convaincre au-delà de son propre camp s’il espère l’emporter. Ce qui ne semble pas être le cap pris ce soir. En effet, au-delà de ce remaniement fleuve, très poussif tant il est difficile de faire du neuf avec du vieux, ce n’est pas le casting qui revêt de l’importance, mais la ligne politique qui sera décidé par l’exécutif.

Après trois ans et demi de pouvoir pour le duo Sarko-Fillon, l’économie tourne au ralenti : la croissance peine à redémarrer, le chômage s’envole, et les finances publiques sont fortement dégradées. Le mur reste donc devant nous sans que le président dela République ait marqué une volonté de changer de cap. C’était pourtant la dernière occasion de le faire avant 2012. Une fois de plus, les Français sont otages des basses manœuvres politiciennes…

Ambiance de fin de règne au Gouvernement

Le feuilleton de l’affaire Bettencourt et ses ramifications auront survécu à l’été, et pèsent aujourd’hui sur le dossier des retraites. A tel point que François Fillon est en première ligne pour prêter main forte à son ministre.

Un seul constat : Eric Woerth aurait du démissionner. Certes, il est présumé innocent et personne ne le condamne, mais sa fonction de ministre exige qu’il soit à la tâche. Les syndicats eux-mêmes déplorent le fait d’avoir à s’exprimer davantage sur la situation du ministre que sur le fond du dossier. L’action publique est détournée. Chacun doit prendre ses responsabilités pour enfin revenir à un climat de travail plus serein.

Mais est-ce encore possible ? Claude Guéant a annoncé dimanche sur Europe 1 que le remaniement aurait lieu en novembre. C’est le feuilleton de la rentrée ! Après l’annonce maladroite du remaniement dès juin, indiquant qu’il aurait lieu en octobre, l’échéance est encore repoussé d’un mois pour l’équipe gouvernementale… qui voit son calvaire prolongé. Faute de savoir qui fera partie de la prochaine équipe, le gouvernement ne peut être dans l’action dont a pourtant besoin la France !

L’avenir de François Fillon n’est pas décidé, ce qui le met également en position délicate. D’autant que Jean-Louis Borloo est bien décidé à remporter sa part du gâteau. Hum, qui de ces deux là l’emportera ? Suite au prochain épisode ! Quant à Xavier Bertrand, il est contesté dans sa gestion du parti par Jean-François Copé, dont il se murmure qu’il aimerait quitter le groupe pour le remplacer. Pour compliquer un peu plus l’équation, François Fillon –au cas où son avenir serait hors de Matignon- serait aussi intéressé…

Il est dramatique de voir ce gouvernement se perdre dans les règlements de compte et autres baux précaires. Il serait tellement plus opportun de se concentrer sur les attentes des français, à savoir des propositions concrètes pour faire face aux enjeux qui attendent notre pays. Vœu pieu ?