Mais quel mouche a donc piquée Jack Lang ?
Dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche, l’élu PS, âgé de 72 ans, s’est estimé « promis à la guillotine » par la proposition d’Arnaud Montebourg de limiter à 67 ans l’âge limite des candidats PS à la députation en juin 2012. Alors que l’Assemblée nationale élue en 2007 affiche le triste record d’être la plus vieille de la Vème République, la question mérite pourtant d’être posée…
Montebourg a raison, et le sujet n’est pas nouveau. Il y a 15 ans, Juppé avait déjà tenté de refuser l’investiture aux plus de 75 ans, et s’était lui aussi attiré les foudres de ses pairs. Et pourtant, même si la population est vieillissante, on ne peut plus, dans une démocratie moderne, être représentés par des politiques devenus professionnels, et siégeant depuis des décennies.
Et pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. L’assemblée de 1981 était rajeunie. Celle de 1993 avait vu l’arrivée des bébés Chirac, avec les Baroin, Gaymard, Bédier, Muselier, … Ils étaient alors une poignée, âgés de moins de 36 ans. Quelques années plus tôt, en 1985, Laurent Fabius devenait Premier ministre…. A seulement 37 ans. Dans les années 80 et 90, la valeur n’attendait pas le nombre des années. Que nous est-il arrivé ?
Comment se sentir alors concernés par la vie politique, si l’on ne se reconnaît plus dans ceux qui nous gouvernent ? Les jeunes, comme les femmes, sont voués aux circonscriptions perdues d’avance, lorsqu’ils parviennent à être candidats. Et lorsque l’on parle de jeunes, en politique, il s’agit d’aspirants élus jusqu’à quarante ans. Plus vraiment jeunes, mais pas encore assez vieux pour prétendre siéger.
Plus que l’âge de l’élu, c’est en effet le nombre de mandats successifs détenus par un élu qui pose question. Truster ainsi un siège fait échouer notre société dans le renouvellement de sa classe politique, qui finit dans une oligarchie totalement déconnectée de la réalité, faute de sang neuf. Résultat, notre chambre basse n’est pas à l’image de la société : trop peu de femmes, certaines catégories sociales –les ouvriers, par exemple- sont sous représentés.
Elle manque alors de vitalité. Et se trouve parfois en décalage sur les sujets sur lesquels elle est amenée à s’exprimer, comme ce fut le cas pour les lois Création et Internet successives, et finit par voter des lois inapplicables, devenant la risée des plus jeunes qu’elle est aussi censée représenter. Fracture générationnelle…
Certes, cela pose la question du statut de l’élu. Si les parlementaires souhaitent conserver leur siège, c’est aussi, pour une partie d’entre eux, parce que le retour dans leur métier d’origine est impossible. Même s’il s’agit d’une minorité, les élus mis en disponibilité de la fonction publique ou les professions libérales n’étant pas concernés par ce problème, cela permettrait aussi de résoudre le cas des simples salariés.
Une mise à plat générale, s’interrogeant sur la représentativité des élus, permettrait certainement d’avancer tant sur leur statut que sur l’accès à la candidature des différentes composantes de notre société. Et d’inciter les partis à plus de diversité.
Mais non. La question restera en suspend. Les aînés ont gagné -la proposition étant discriminatoire au yeux de la loi, même si une simple recommandation aurait pu être élaborée en ce sens au sein du PS, puisque c’était une question interne- et pourront tranquillement se présenter, ad vitam eternam, sans que le débat sur la représentativité ainsi ouvert ne soit prolongé. Les jeunes devront attendre d’être vieux pour pouvoir siéger, quant aux femmes… Mais les vaches parlementaires seront bien gardées.