Villepin se rêve champion de France*

Villepin. Depuis deux ans, l’ancien Premier ministre souffle le chaud et le froid sur une éventuelle candidature à la présidentielle.

Il a d’abord fondé un Club, pour réunir ses sympathisants, puis un parti, République Solidaire, avant de le quitter quelques jours après sa relaxe définitive dans l’affaire Clearstream, laissant ses troupes esseulées. Avant d’annoncer ce dimanche sa candidature, prenant tous les pronostiqueurs à rebours.

Villepin. Le flamboyant. L’ancien international en fin de carrière tentant de mener son équipe en finale de la Coupe de France, mais n’offrant plus assez de résultats pour que quiconque parie un kopeck dessus. Que la phase de qualifications fut longue et pleine de contre performances ! Des succès, il y en a eu, mais ils remontent à loin, et depuis le 19 juin, République Solidaire s’était enfoncée, traversant une longue période sans victoires, entre matchs nuls et défaites.

Car le club de Villepin, bien qu’étant passé pro avec République Solidaire, n’a pas tous les atouts, et frisait la descente en Ligue 2. Déjà, son équipe est composée de jeunes pousses, dont la plupart viennent de la politique de salons, et n’ont même pas joué en CFA. Faute de temps de jeu suffisant, cette équipe est difficile à motiver et à mener pour le libéro de République Solidaire, qui joue souvent seul contre tous.

Alors que plus personne n’attendait un résultat, le numéro 10 a fini par marquer. Il aura fallu attendre les arrêts de jeu et une faute peu évidente du camp adverse pour obtenir un coup franc idéalement placé, dans la ligne des 16 mètres, sous les caméras de TF1. Du pied droit, l’ancien Premier Ministre a envoyé un véritable boulet de canon dans les cages de Nicolas Sarkozy, qui n’a rien pu faire face à la puissance de ce tir. Le mur, lui, en est resté pantois. Contre toute attente, Villepin a marqué des points, se qualifiant les 1/8ème de finale de cette Coupe de France de la politique.

Jusqu’où ira-t-il ? En quart, en déposant sa candidature au Conseil Constitutionnel ? En demi, en se présentant au 1er tour ? En finale, en se qualifiant pour le second tour ? Peu importe, il rêve de ce soir de mai 2012 où, devant la foule des supporters réunis place de la Concorde (ou ailleurs), il brandira sa Coupe de France. Et en attendant, il se motive, seul, dans les vestiaires. Les ultras sont encore là, même si on se prend parfois à rêver d’un plan Leproux tant le comportement de certains vis-à-vis des médias est indécent.

Moins nombreux, mais comme toujours lorsqu’un club obtient des résultats, les supporters reviennent au stade. Les adhésions devraient donc reprendre ces jours prochains. Notamment si l’équipe se renforce, et s’entoure de bons joueurs… Reste que comme en foot, Villepin devra en effet s’entourer de professionnels, s’il veut rêver plus haut que simplement tenter l’aventure du Petit Poucet. Un frémissement dans les sondages pourrait lui permettre d’espérer. D’autant que tout le monde aime suivre les petits clubs dès lors qu’ils ont un parcours gagnant : éternel mythe de David contre Goliath… Encore faut-il marquer.

Il faudra aussi recruter un bon coach, capable de fédérer l’équipe, et de mener le club à la victoire. Les recrutements à venir après la trêve d’hiver, du directeur de campagne au mandataire financier en passant par le reste de l’effectif et leur positionnement dans l’organigramme, donneront le ton qui permettra d’affiner la stratégie de campagne, et de donner au groupe la confiance pour gagner les matchs à venir.

Se pose alors la question des moyens. Si les signatures manquent aujourd’hui, il serait étonnant que déclaré candidat, il ne parvienne pas à les obtenir. Et il a jusqu’à la date limite de dépôt des candidatures près le Conseil Constitutionnel pour les déposer, en mars. C’est dire s’il a le temps de les récupérer. Le principal souci réside donc dans l’argent. Comment financer une campagne ? Comment obtenir un prêt bancaire sans l’assurance d’atteindre le score de 5% qui seul permet le remboursement des comptes de campagne, faute de disposer de sondages suffisamment hauts ?

Evidemment il y a une autre tactique, loin de l’habituel 4-4-2, utilisée par beaucoup de petits partis.  Il s’agit de faire alors campagne sans dépasser le montant minimal partagé entre tous les candidats à la présidentielle, qui était de l’ordre de 800 000 euros en 2007. Ce montant dépendra du nombre de candidats déposant leur candidature officielle, et du total alloué par décret : deux informations impossibles à connaître maintenant. Un pari.

C’est vers cette stratégie que semble s’orienter Villepin, quand il annonce ce soir ne pas avoir de moyens, compter sur les français pour l’aider, et sur le sens civique des médias. Reste à voir si cette tactique de jeu permettra au Petit Poucet de s’imposer face aux mastodontes, au point de souffler aux deux grands clubs l’éternel clasico UMP-PS, ou s’il s’inclinera lors des tours à venir de cette Coupe de France de la politique. Reste à espérer qu’il ne marquera pas contre son camp… mais qui sait : et s’il marquait le but en or ?

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Union nationale ? Encore plus de Sarkozy !*

Selon un proche, Nicolas Sarkozy aurait déclaré : « La situation est grave, le pays a besoin d’union ».

Deux heures avant, François Baroin appelait sur I-Télé à l’union nationale pour défendre le triple A. Hum, l’exécutif semble tenir là un sujet… Mais pourquoi déclencher cette séquence « union nationale » maintenant ? Décryptage.

En premier lieu, reprendre cette thématique permet de régler le cas de Dominique de Villepin. Tout au long de l’été, et depuis la rentrée, les deux hommes se sont régulièrement rencontrés. Jusqu’à ce que la presse finisse par évoquer ces entretiens, à la suite d’une visite de Villepin à Sarkozy à la Lanterne, un peu moins discrète que les autres. Depuis, l’ancien Premier Ministre n’a cessé d’envoyer des signes du réchauffement des relations entre les deux hommes, allant même jusqu’à déclarer sur BFM TV l’avoir pardonné pour l’épisode Clearstream.

Dominique de Villepin a annoncé depuis une semaine qu’il rendrait sa décision sur sa candidature à la présidentielle le 13 décembre prochain, dans tout juste une semaine. S’il ne reste guère de suspense sur la réponse qu’il livrera, il faut tout de même qu’après avoir tenté de s’imposer dans la campagne depuis deux ans –et lancé un parti dans cette optique- l’ancien Premier Ministre s’explique… notamment vis-à-vis de ses soutiens, peu enclins à comprendre un retrait de candidature, et encore moins le doute qui pourrait exister sur un éventuel soutien à Sarkozy.

Justement, depuis la rentrée, Dominique de Villepin ne cesse d’évoquer la thématique d’union nationale. Selon lui, ce serait la solution pour faire face à la crise. Son passage sur BFM TV, la semaine dernière, avait déjà permis d’envisager cette thématique de l’union nationale comme porte de sortie pour l’ancien  Premier ministre. N’ayant pas les moyens de se présenter à la présidentielle –sondages en berne, absence d’équipe, manque de financement, raréfaction des troupes-, et étant quelque peu malmené par la justice, d’un côté par sa proximité avec Alexandre Djouri, de l’autre par sa citation dans l’affaire Relais & Châteaux -dans laquelle il estime n’avoir rien à de reprocher– Villepin a en effet besoin de justifier son retrait de la course, et naturellement autrement que par ces considérations matérielles : il lui faut sortir de la course par le haut, c’est-à-dire en expliquant sa décision comme étant motivée par l’intérêt général.

La configuration idéale, pour Villepin, serait que sa justification politique soit partagée par d’autres, histoire de lui offrir une sortie de campagne digne, et à la hauteur de son rang d’ancien Premier ministre. C’est là qu’intervient Nicolas Sarkozy. La séquence du rapprochement entre les deux hommes étant terminée –le passage de Villepin sur BFM TV a servi de grand pardon- il est temps de passer à la phase politique de leur rapprochement. Or, celui-ci ne peut pas porter sur les questions sociales ou sociétales, Villepin s’étant trop démarqué. Cela ne peut donc passer que par un grand principe, qui soit partagé par les plus hautes autorités politiques, afin de donner un accent de responsabilité, voire de panache, au retrait de l’ancien Premier ministre.

Et si c’était l’union nationale ? Dès la semaine dernière, l’insistance prononcée de Villepin sur ce sujet avait laissé penser que ce serait son argument pour se retirer de la campagne. Difficile, en effet, de prétendre diriger lui-même le pays et choisir un gouvernement d’union nationale, lorsque l’il plafonne à 2% dans les sondages. D’ailleurs, il le dit lui-même : « Je ne me considère pas comme indispensable à ce rassemblement ». Comme un aveu avant l’heure du retrait de la course à la présidentielle. Tout au mieux pourrait-il espérer diriger ce gouvernement, sous la férule d’un autre président. Et encore, les prétendants sont nombreux pour le poste, et les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. S’il est bien évidemment possible que Villepin ait des ambitions, il n’en reste pas moins que sa priorité du moment n’est pas de se recaser, mais d’abord de sortir de cette situation inextricable de vrai-faux candidat.

C’est finalement au hasard d’une phrase prononcée au cours de cet entretien télévisé que l’on trouve la réponse : l’ancien Premier ministre reconnaissait lui-même à propos de sa visite à la Lanterne, avoir « fait passer un message politique à Nicolas Sarkozy », à savoir « que le temps de l’union nationale était venu et qu’il avait tout intérêt à changer la donne politique »… sans annoncer dans le même temps avoir rencontré d’autres candidats pour porter auprès d’eux l’étendard de cette idée.

Une semaine après cette interview, les déclarations de ce proche de Nicolas Sarkozy –le off ne devant rien au hasard- concomitamment avec les déclarations de François Baroin résonnent comme la confirmation de cette théorie du retrait, en laissant penser que Villepin aurait convaincu Sarkozy. Ainsi, Villepin pourrait quitter la course avec panache, se targuant d’avoir mis de côté ses rancoeurs personnelles vis-à-vis de son frère ennemi, et œuvré au rassemblement national, en convainquant, lui qui devait être pendu à un croc de boucher, le président d’une de ses idées.

Nicolas Sarkozy a, de son côté, beaucoup à gagner dans cette séquence. D’une part, il aura l’assurance de compter un candidat de droite de moins dans la course à la présidentielle, lui permettant d’éviter l’éparpillement des voix de droite au premier tour. Si peu de soutiens de Villepin peuvent voter Sarkozy, il ne faut pas oublier que de nombreux sympathisants de l’UMP pourraient se laisser tenter par Villepin s’il était candidat. Le président ayant déjà fort à faire avec ceux qu’il a déçus, et notamment la frange s’étant enfuie vers le FN, il a tout intérêt à éviter la multiplication des candidats de droite sur sa gauche. Si l’offre est réduire à droite, cela permettra au moins de conserver les électeurs incapables de franchir le Rubicon à gauche.

Autre intérêt pour l’actuel locataire de l’Elysée : en jouant sur la corde de la réconciliation avec Villepin, particulièrement accentuée par la thématique de l’union nationale, Sarkozy se refait une virginité. Le président paraît apaisé, comme touché par la grâce de la sagesse du dirigeant…

Mais surtout, il peut dramatiser les conséquences politiques de la crise économique –le terme « grave », choisi pour qualifier la situation, ne doit en ce sens rien au hasard- et se poser comme le recours ultime aux yeux des Français. Tout ceci se conjugue avec la précédente séquence de l’UMP, qui entendait positionner Nicolas Sarkozy comme le mieux placé pour diriger le pays, car le plus expérimenté… par rapport à Hollande, naturellement.  Or cet argument a bien fonctionné chez les sympathisants de droite, et on ne change pas une stratégie qui prend sur le terrain … fut-elle à l’inverse du leitmotiv de la rupture, qui le porta à la présidence 5 ans plus tôt.

S’il est impossible d’affirmer que l’union nationale soit l’objet d’un deal Villepin-Sarkozy, il reste cependant difficile de croire à autre chose qu’une séquence bien orchestrée entre les deux frères ennemis de la droite, tant elle arrange les deux hommes. Réponse le 13 décembre prochain, lors de la conférence de presse de Dominique de Villepin.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Ca sent le sapin pour Villepin !*

Quel surréaliste exercice d’équilibriste que celui auquel s’est livré Dominique de Villepin hier, au micro de BFM TV !

Trop content d’apparaître une nouvelle fois dans les médias –le président de République Solidaire, Jean-Pierre Grand, ne s’est-il pas ému récemment dans l’hémicycle de ne l’avoir point vu suffisamment sur les grandes chaînes-, l’ancien Premier ministre et ancien président de République Solidaire, feu aspirant à concourir pour la présidentielle, a tenté de répondre sur sa vraie-fausse candidature. Car ses petites rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, plus ou moins discrètes, avaient finies par fuiter… et inquiéter au sein de ses maigres troupes, déjà bien clairsemées depuis l’annonce du projet, qui avait provoqué le départ de nombreux militants non convaincus, puis ses tergiversations sur le fait de se présenter ou non, et enfin l’incapacité de République Solidaire à prendre son envol. Alors, ira ou n’ira pas ? Décryptage.

A propos des militants, qui trépignent d’impatience au sujet de ses tergiversations sur sa candidature, Dominique de Villepin se montre légèrement méprisant : « ils n’auront pas beaucoup à attendre ». Réponse étonnante dans la bouche de celui qui les fait lanterner –sans mauvais jeu de mots- depuis plusieurs mois. Reste qu’une fois de plus Dominique de Villepin leur met les warnings sur sa très hypothétique candidature, en appelant une nouvelle fois à un gouvernement d’union nationale, seule réponse selon lui à la crise, assénant le coup de massue finale : « C’est la voie que j’ai choisie ». D’ailleurs, il le clame haut et fort : « il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’ambition personnelle ». Hum, qu’est-ce alors que la présidentielle ? C’est bien une ambition personnelle que celle de diriger la France, et d’apporter des réponses concrètes à travers l’application d’un programme… dont d’ailleurs il dispose depuis le 14 avril dernier ?

L’argument tendant à dire qu’il est plus simple de rassembler sans que ce soit autour de sa personne est surprenant. Rassembler autour de qui alors ? Notre Constitution prévoit bien un président de la République, et c’est bien l’enjeu de cette élection. Ensuite, cet homme ou cette femme, élu par le peuple, dispose de la légitimité pour désigner un Premier Ministre, qui nomme son gouvernement. A force de tourner autour du pot sans vouloir annoncer son retrait de la course, Villepin semble se perdre dans les méandres de la Vème République qu’il affectionne tant, et oublier que seul le président de la République dispose de la légitimité que lui donne l’élection au suffrage universel. Qu’en conséquence, il ne peut y avoir deal au préalable sans mettre à mal ces institutions. Cet argument est donc nul et non avenu : il faut bien désigner un président, et donc, miser sur un candidat parmi ceux qui se présentent. Ou se retirer purement et simplement, s’il ne veut prendre part à la mère des batailles électorales.

Alors que Xavier Jaglin, responsable départemental de l’Orne de République Solidaire, l’a incité dans le reportage d’ambiance réalisé par BFM TV à suivre François Bayrou, Villepin répond : « le ralliement n’est pas dans ma nature ». Curieuse position pour quelqu’un qui appelle au rassemblement… Certes, il répond assez clairement : « Le rassemblement, c’est moi ». Mais y croit-il vraiment ? A l’heure où il annonce savoir déjà quelle sera sa décision, comment peut-il laisser entendre qu’il disposerait d’un poids politique suffisant pour que les autres se rallient à lui ? La réponse ne se fait pas attendre : « Je ne me considère pas comme indispensable à ce rassemblement ».

Finalement, l’ancien Premier Ministre ne semble plus défendre dans cette campagne qu’une idée, sans vraiment envisager d’en être le leader. Ce qui fleure bon, in fine, le ralliement… D’ailleurs il reconnaît lui-même, à propos de sa visite à la Lanterne, avoir « fait passer un message politique à Nicolas Sarkozy », à savoir « que le temps de l’union nationale était venu et qu’il avait tout intérêt à changer la donne politique ». Bizarrement, il n’a pas annoncé avoir rencontré d’autres candidats pour tenir le même discours… Le vocabulaire employé, celui de l’appel à « l’Union » le laisse également penser, tant ce fut le concept initial de l’UMP de Juppé, sous l’impulsion de Jacques Chirac, parti de l’actuel locataire de l’Elysée.

Mais cette idée d’union, comment y croire dans la bouche de celui qui entendait représenter une alternative, dans cette bataille qu’est la présidentielle, qui par essence n’est pas une élection sur laquelle peut se produire une union… à moins de ne penser en terme de bipartisme ? Pourquoi brouiller aujourd’hui les cartes sur ce sujet ? Qu’en tirer, si ce n’est qu’un peu de temps gagné avant le retrait, au mépris de l’illisibilité ? Cette élection, justement, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple, selon l’esprit qu’a souhaité insuffler De Gaulle à la Vème République et dont Villepin s’est si longtemps réclamé ?

C’était avant, quand le flamboyant Villepin pouvait y croire, porté par une équipe de fidèles prêts à tout pour l’en convaincre, exaltés par des sondages flatteurs, aux alentours de 10%. C’était avant, quand les technocrates n’avaient pas mené RS dans le mur. C’était les sondages oscillants entre 1 et 2%. C’était avant le constat d’échec de République Solidaire, très pauvre en militants et donc en finances, le parti étant trop jeune et trop dépourvu de parlementaires pour disposer de l’aide publique d’Etat. En effet, contrairement à la publicité faite par le parti, RS n’a jamais compté les 25000 adhérents revendiqués, dont le mode de calcul provient des adhésions cumulées avec les inscrits du réseau social, sans tenir aucun compte de l’activité de ceux-ci ni des nombreux démissionnaires parmi les adhérents. C’était avant de claquer la porte de cette structure amateur sans ressources et incapable de mener campagne, faute d’avoir su se professionnaliser.

Bien qu’il aime se livrer à l’analyse politique sur l’action des autres, regrettant que « Les hommes politiques ont perdu le goût de la décision parce que la communication a mangé cette capacité de décision », il n’en reste pas moins saltimbanque du  grand cirque politique, en refusant de livrer une réponse qu’il distille pourtant en pointillés. Qu’il est bon de courir encore un peu les médias avant que les projecteurs ne s’éteignent ! Mais pas seulement. Car le temps passe, et l’enjeu, pour Villepin, est d’importance. Et les jours qui viennent –et qui le sépare de l’Annonce- seront capitaux pour rentabiliser ces deux années d’engagement. Villepin devra tenter de faire passer les idées que contenait son programme, ainsi que cette idée d’union nationale, qui ferait un joli parachute. Pour que tout cela n’ait pas été en vain.

Avouons qu’il est tout à fait en mesure d’apporter à un gouvernement, de par son expérience. Un peu comme Juppé l’a fait dans le gouvernement Sarkozy. Ce qui lui laisse tout de même une porte ouverte pour se recaser. D’autant que ses relations avec l’actuel locataire de l’Elysée se sont pacifiées, et il ne perd plus une occasion de s’en expliquer. Et de l’encenser. Ne disait-il par hier, que « Sarkozy s’est bonifié. Il est comme la mouette en haut de la vague » ? Les militants qui ont défendu sa candidature pour bénéficier d’une alternative apprécieront. Et courront se jeter sur d’autres candidats plus à même de l’incarner.

S’il ne se vend pas pour un plat de lentilles –ce qu’on saura lorsqu’il annoncera sa décision-, reste alors une autre hypothèse, celle de l’abandon en rase campagne, pour faire autre chose. La porte de sortie, par le bas, après tout ce foin depuis 2 ans : tout plaquer, comme il le fit en 2007. Finalement peu importe. Au-delà de son destin personnel, Villepin n’a laissé aucune place au suspense, en donnant déjà tous les éléments de réponse : il ne sera pas candidat. Reste à l’annoncer, mi-décembre, avec un joli nœud sur le paquet. Voilà le cadeau de Noël qu’il offrira à ceux qui se sont engagés depuis deux ans à ses côtés : l’enterrement de sa candidature, directement dans le sapin.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Quand Villepin rencontre Sarkozy*

Tout le monde en parle. Le microcosme ne bruisse que de cela depuis la fin de l’été.

Michaël Darmon en avait fait l’objet d’une chronique il a quinze jours sur I-télé, confirmant l’information qu’il avait donné dans un tweet (qui avait déclenché une levée du tout petit bouclier des trois pom-pom girls villepinistes présentes sur Twitter, et les interrogations des sympathisants de l’ancien Premier ministre présents sur le réseau social). Le Parisien en avait fait un indiscret.

Mais aujourd’hui, c’est Le Figaro, véritable Pravda des temps modernes élyséens et organe officiel des offs d’Etat, qui se fait aujourd’hui l’écho du réchauffement des relations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. L’ancien Premier ministre a en effet été reçu samedi à Versailles par l’actuel locataire de l’Elysée. Une nouvelle fois.

Car depuis l’été, les rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ont été régulières. Si l’entourage de Villepin se borne (logiquement) à expliquer qu’il est normal et sain que l’ancien Premier ministre délivre ses conseils en matière de politique étrangère, au regard de ses compétences qui ne sont un mystère pour personne, la fréquence de ces rencontres relativise l’argument.

S’il est républicain qu’un ancien Premier ministre soit consulté, ça l’est moins que cela soit aussi fréquent : a-t-on vu Jean-Pierre Raffarin ou Edouard Balladur aussi souvent au « Château » sur la même période ? C’est encore plus étonnant lorsque l’on parle d’un potentiel concurrent à la présidentielle. Enfin, Nicolas Sarkozy n’est pas seul à piloter son domaine réservé des affaires internationales, et dispose pour cela d’Alain Juppé, véritable vice Premier ministre… qui n’est pas franchement un incompétent. Alors pourquoi autant de rencontres ? Serait-ce pour négocier un poste ?

Naturellement, il est temps pour Villepin de songer à son avenir. Crédité de 2% d’intentions de vote, il n’est pas en mesure de se présenter à la mère des batailles. Il n’a pas les financements : son mouvement République Solidaire (RS), qu’il a abandonné, peine à survivre, et il n’a pas l’accord des banques pour se lancer. Il n’a pas les signatures et même si ça n’est pas un problème à ce moment de la campagne, l’absence de financements et les sondages en berne compliquent la tâche pour les décrocher.

Par ailleurs, il ne dispose ni d’une structure (son mouvement n’est pas professionnalisé), ni d’une équipe capable de constituer la colonne vertébrale pour une éventuelle campagne. Et n’a pas travaillé les réseaux parlementaires, ni anticipé les législatives, ce qui complique encore les choses.

Ses propos récents ont donné quelques signes en ce sens. S’il persiste à laisser penser qu’il sera candidat, il réclame aussi, aujourd’hui, un gouvernement d’union nationale. Comment ne pas y lire un aveu de non candidature d’un homme certain de ne disposer ensuite d’aucune majorité au Parlement ?

Etonnant d’ailleurs qu’aucun journaliste ne lui ait demandé avec qui il entendait constituer un tel gouvernement, et ce qu’en pensent les intéressés. Parce que l’ouverture ne fait guère recette… et même si l’intention peut sembler louable, elle n’en reste pas moins inapplicable, inutile de jouer les faux naïfs.

Les propos de ses troupes destinés à faire croire à une très hypothétique candidature sont assez faibles. L’argument qui explique qu’il ne serait qu’à 2% parce qu’il n’a pas encore annoncé sa candidature ne tient pas. Pourquoi était-il alors à 10% fin 2009 et n’a t-il cessé de descendre depuis ? Autrefois candidat préféré de la droite avec Nicolas Sarkozy, il s’est désormais fait dépasser par Alain Juppé. La réalité, c’est tout simplement que la candidature de Villepin n’a plus de crédit, et ce pour de multiples raisons.

S’il dispose d’un programme qui pourrait séduire les français, il n’a pas su convaincre sur la solidité même de sa candidature. Et sur ce plan, l’échec de son parti, République Solidaire (RS), l’a planté. Le choix qui a été fait de ne mettre que Villepin en avant, sur les plateaux télé, avec de rares déplacements ne lui a pas permis de distiller l’évidence de sa candidature dans l’esprit des Français. Quant à République Solidaire (RS), malgré un maillage territorial, le manque de présence sur le terrain n’a pas permis de se montrer suffisamment, et donc d’asseoir sa crédibilité.

Villepin en a pris conscience trop tard. Pire, lorsqu’il a décidé de modifier l’organigramme de son parti, ce qui aurait pu lui donner un nouveau souffle, il a en même temps claqué la porte. Cette décision a été mal comprise de tous : dans le microcosme, chez les journalistes, mais pire, au sein de ses propres troupes. Pour que cette idée de sortir du carcan du parti pour se présenter en homme prêt à sa rencontre avec le peuple fonctionne, il aurait fallu que Villepin puisse compter sur le parti, et s’appuyer dessus, de l’extérieur.

Hélas, République Solidaire a conservé exactement le même fonctionnement. Le nouveau président et le nouveau secrétaire général n’ont été que des prête-noms : s’ils sont théoriquement aux affaires, Brigitte Girardin a conservé toutes ses prérogatives, et règne encore officieusement sur la structure. Si cette absence de changement est un temps restée connue des seuls initiés, elle a depuis co-signé un mail à destination de l’ensemble des adhérents… d’une structure dans laquelle elle n’est en théorie plus en charge de rien. L’aveu ultime : on ne change pas une équipe qui perd.

Il est désormais quasiment certain que Villepin ne sera pas en mesure d’être candidat. Reste à savoir quand il l’annoncera. Pour l’instant, il y a une certaine logique à ce qu’un homme qui souhaitait occuper une place dans le débat présidentiel et qui a préparé un programme figure parmi les prétendants. Cela lui permet de disposer une tribune pour exposer ses idées, et donc de peser dans le débat.

D’autant que si certaines de ses idées ne sont plus applicables, comme le revenu citoyen, d’autres sont parfaitement d’actualité. C’est le cas de la TVA 3E, mais aussi de la justice fiscale qu’il entendait mettre en place. En ce sens, qu’il soit ou non candidat, Villepin aura un véritable impact sur la campagne. Laisser penser qu’il le sera est donc utile au débat, et c’est bien ce qu’il cherchait.

Reste alors une question : que faire après 2012 ? Villepin ne manque pas de talents. Il peut choisir de rester en politique, mais cette hypothèse ne devrait pas séduire le personnage, qui a toujours rechigné à se faire élire, et ne porte pas dans son cœur les parlementaires. On le voit donc mal en devenir un. Il peut aussi poursuivre son métier d’avocat international, donner des conférences et continuer d’écrire des livres, comme il le fait depuis 2007.

Enfin, il peut également choisir de servir la France, à un niveau qui correspondrait à son rang d’ancien Premier ministre, et à ses compétences, notamment à l’international. Il ferait par exemple un excellent ambassadeur à l’ONU. Chercherait-il alors à négocier un poste en ce sens ?

D’abord parce qu’une négociation se fait à deux. Dominique de Villepin n’est pas en train de se vendre pour une paire chaussettes, et il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les conseils qu’il a délivrés jusque là lors de ces visites soient pérennisés dans le cadre d’un poste qui pourrait lui convenir. En ce sens, il apporterait beaucoup à la France, et fait d’emblée figure de sérieux prétendant : le taxer de se vendre serait alors pour le moins hypocrite…

Mais si l’on tient absolument à imaginer qu’il se vend, regardons ce qu’il pourrait obtenir : rien. Aucun poste qui pourrait convenir au rang de Villepin n’est en effet disponible d’ici la présidentielle. Dès lors, on ne peut que lui reprocher, au mieux, de ménager la chèvre et le chou. Un peu court comme argument.

D’autre part, pour négocier, il faut avoir quelque chose à négocier. En la matière, ce pourrait être intéressant pour Nicolas Sarkozy d’avoir l’assurance que Villepin ne se présentera pas. L’actuel locataire de l’Elysée est en mauvaise posture dans les sondages. Même s’il remonte un peu, il conserve un retard de 11 points sur François Hollande, avec 24% des intentions de vote contre 35% pour le candidat socialiste selon un sondage Ipsos/France Télévision réalisé les 28 et 29 octobre. Et les intentions de vote pour le second tour pour le même sondage sont désastreuses 38% pour Nicolas Sarkozy contre 62% pour François Hollande.

Le président sortant ne peut se permettre d’éparpiller les voix de son camp. Et pourtant, est-ce bien un enjeu de négociation ? La non candidature de l’ancien Premier ministre est déjà quasiment jouée. Que chacun soit un peu honnête : s’il se retire de la course à l’Elysée, cela tiendra plus à des raisons structurelles (organisation inexistante, finances) qu’à de quelconques tractations avec Nicolas Sarkozy…

Mais surtout, Villepin n’est pas dépositaire des voix villepinistes. Homme de rassemblement, il réunit au-delà des étiquettes, et ses militants viennent de gauche comme de droite, sa famille d’origine. Beaucoup se sont déplacés pour aller voter lors de la primaire socialiste, et leurs votes se sont éparpillés sur tous les candidats. Comme Bayrou en 2007, Villepin a cristallisé ceux qui souhaitent une troisième voie. S’il n’est pas candidat, ils s’éparpilleront à nouveau lors du premier tour, et dans une proportion moindre lors du second. C’est dire si cette corbeille de voix potentielles ne peut être vendue…

Finalement, chacun gagne peu dans ces rendez-vous. Villepin inquiète ses très maigres troupes, mais en même temps se fait plaisir en distillant ses précieux conseils, et tout le monde sait à quel point il aime ce domaine dans lequel il excelle. Sarkozy, lui, tente de donner l’image d’un homme plus posé, capable de rassembler, mais convainc-t-il vraiment au delà de ceux qui lui sont déjà acquis, jusque chez les villepinistes, souvent anti-sarkozystes ? Peu probable qu’il gagne beaucoup dans cet exercice de communication, même si l’intention y est : l’info n’a pas fuitée pour rien

On ne peut donc parler de négociations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, l’un n’ayant pas grand chose à vendre, et l’autre pas grand chose à proposer. Tout au mieux d’une pacification des relations entre deux hommes qui se sont beaucoup écharpés, à l’heure où la situation de notre pays ne permet plus de laisser de place aux querelles politiciennes. A ceci près que c’est un signe supplémentaire dans le faisceau convergent d’éléments en faveur d’une non candidature de Villepin à la présidentielle.

Pas franchement un scoop… Au final, donc, rien de bien croustillant, rien de tangible ne parait réellement sortir de ces multiples rendez-vous. Beaucoup de bruit pour rien donc.

*Article publié sur Le Plus du Nouvel Obs à cette adresse

Et si Villepin avait raison ?

Depuis le coup de tonnerre survenu lundi soir au sein de République Solidaire, avec l’annonce en bureau politique de la démission de son président Dominique de Villepin, de nombreux militants et soutiens s’interrogent sur le sens de cette décision : pourquoi partir, seulement un an après avoir lancé son parti ?

Dans le même temps, Villepin semble déterminé à vouloir se présenter à la présidentielle, même s’il n’annoncera sa décision qu’en début d’année prochaine. Et se trouve libéré par sa relaxe définitive dans l’affaire Clearstream. Alors pourquoi se saborderait-il ? Y aurait-il une vraie stratégie derrière cette décision ?

Aussi bizarre que cela puisse sembler pour les observateurs, c’est tout à fait crédible. Parce que tout ceci me fait penser à quelques lignes du livre Zéro Politique, d’Olivier Beyeler et Jean-Christophe Comor (janvier 2002). Dans cet ouvrage, les auteurs pointent la différenciation entre l’intérêt porté par les citoyens à la politique, et le désœuvrement qu’ils ressentent à ne plus se sentir représentés par les partis politiques.

Si cet ouvrage date, le constat n’a pas changé, et s’est peut être même un peu plus renforcé. D’un côté, les citoyens s’intéresse vraiment à la politique, et cherche à obtenir des réponses sur les sujets qui les interpelle -l’excellent Audimat du premier débat des primaires sur France 2 le démontre. De l’autre, les partis enregistrent de moins en moins de militants, sont de plus en plus souvent raillés, et ne constituent plus une offre en adéquation avec la demande citoyenne.

Or depuis qu’il a créé le Club Villepin, l’ancien Premier Ministre clame à tout va vouloir proposer un nouveau rapport avec les Français, en accentuant justement sur un rapport privilégié entre lui et eux, déconnecté du système des grands partis tels que nous les connaissons. Et si Villepin, qui clamait haut et fort vouloir faire de la politique autrement, avait dressé ce même constat ?

Qu’on se comprenne bien, faire de la politique autrement ne concerne pas la technique, contrairement à ce qui a parfois été interprété par ses équipes : le militantisme prendra toujours les mêmes formes – la rue- tout en s’adaptant aux nouvelles formes de communication. Mais celles-ci –et notamment le web- ne prendront pas le pas sur la rue avant un moment… Non, faire de la politique autrement, ce serait trouver le moyen de toucher le peuple, sans entrer dans cette oligarchie qui définit notre classe politique : un monde fermé sur lui-même, et qui ne parle qu’aux siens.

En ce sens, la démarche de Dominique de Villepin, qui choisit de sortir du carcan d’une structure, semble trouver tout son sens. D’autant que quoi qu’il arrive, il conservera le soutien de République Solidaire, et bénéficiera de son action, d’où l’utilité de l’avoir lancé l’an dernier. Autant dire qu’il ne perd rien en quittant ce parti.

Tout en se mettant en position de proposer quelque chose de nouveau, hors des partis, dans une vision d’inspiration gaullienne par cette relation directe avec le peuple. A vrai dire, vu le désamour des français pour les partis, ce positionnement surprenant ressemble nettement plus à un pari qu’à une lubie, et totalement cohérent pour un héritier du gaullisme. Une stratégie qui apporte un peu de fraîcheur à cette campagne, et qu’il conviendra de suivre de près.