Rigueur et décadence

Depuis une dizaine de jours, le gouvernement prépare les français à l’annonce d’un nouveau plan de rigueur, deux mois à peine après le précédent. Une communication aux accents de véritable version orale de la vaseline.

C’est Nicolas Sarkozy qui a lancé le sujet, lors de son SarkoShow destiné à expliquer au bon peuple comment il a sauvé le monde. Tout en expliquant que les mesures seraient annoncées après le G20. Mais pas par lui. Par le préposé aux mauvaises nouvelles : François Fillon.

Car le Premier ministre ne sert qu’à cela : gérer tout ce qui ne met pas en bonne posture le-candidat-qui-n’est-pas-encore-candidat-mais-en-fait-si –d’ailleurs dès cette semaine il fera non plus deux mais trois déplacements en province par semaine, histoire de flatter le bon peuple-, et se cramer à la place de celui qui décide de tout. Pourtant, le Premier ministre n’est plus vraiment aux affaires. La preuve, il intervient peu dans la vie politique, et semble plus préoccupé par son parachutage dans la 2ème circonscription de Paris pour les prochaines législatives. Reste que c’est lui qui est mandaté pour le sale boulot.

Bref, aujourd’hui, le Premier ministre a mis son costume sombre de croque-mort, pris son air le plus grave version On va tous mourir, et nous a expliqué le plus sérieusement du monde son objectif –enfin, celui de Sarko : « Protéger les Français contre les difficultés que traversent certains pays européens », avant de donner le ton du plan à venir : « L’effort budgétaire et financier d’aujourd’hui est un choix que nous faisons pour la nation et pour les générations à venir».

Ne riez pas. Le Premier ministre, en poste depuis 4 ans et demi, vient juste de réaliser que vivre à crédit constitue une « spirale dangereuse ». Soit cet homme est sincère, et n’a aucune base en économie. Soit il se paye franchement notre tête. Dans les deux cas, il y a urgence à s’en séparer au plus vite.

En chiffres

L’heure est grave. Face à la crise de la Zone Euro, avec la Grèce au bord de la faillite, et l’Italie qui commence à flancher, la France entend bien conserver son triple A, à tout prix. Cette conférence de presse anxiogène du Premier ministre commence donc par un cocktail d’anxiolytiques et d’anti-dépresseurs de chiffres tous plus indigestes les uns que les autres, pour que chacun comprenne que désormais, on ne rigole plus : la pompe à fric est à l’arrêt.

« Pour arriver à zéro déficit d’ici 2016, ce qui est notre objectif, il faudra économiser un peu plus de 100 milliards d’euros ». 100 milliards d’euros. Le précédent plan de rigueur, qui date d’il y a deux mois, a peiné à trouver 11 milliards d’euros. Et celui-ci le complète, pour arriver à un total de 18,6 milliards d’euros. En 5 ans, on sera grosso modo à 65 milliards d’euros, soit en ajoutant des mesures, soit grâce à une hypothétique croissance. Tout ça n’est pas bien précisé. Pour les 35 milliards restants, soit 1/3, aucune réponse. Autrement dit en 2016, on ne pourra être au déficit zéro. Ca n’est pas moi qui le dit…

« Au final, alors qu’entre 2007 et2012 la crise aura contribué à creuser le déficit de 75 milliards d’euros, ce que même l’opposition reconnaît, grâce aux réformes et aux économies que nous avons engagées, le déficit n’augmentera, sur le quinquennat, que de 36 milliards d’euros ». C’est la faute à la crise, refrain bien connu. Sauf que le déficit budgétaire était estimé fin août 2011 à 102,8 milliards d’euros, alors qu’il était de 42 milliards en 2007. Autant dire qu’en faisant un effort de 36 milliards, on n’atteindra jamais que 65 milliards d’euros de déficit, soit sur le quinquennat un déficit multiplié par 1,5. Hum. Lorsque l’on sait que l’explosion du déficit n’est lié que pour 1/3 à la crise, on aura finalement… réduit la part liée à la crise. Comment dire ?

« Nous avons des objectifs et un calendrier intangibles : en 2012 nous ramènerons notre déficit public à 4,5 % de la richesse nationale, à 3 % en 2013, à 2 % en 2014, jusqu’à l’équilibre qui doit être atteint en 2016 ». Le gouvernement, qui a creusé le déficit de 75 milliards d’euros, se permet de prévoir un plan jusqu’en 2016… sans être certain d’être encore au pouvoir dans 7 mois. Ou comment donner des leçons aux éventuels successeurs, qu’ils n’ont pas appliquées eux-mêmes.

Cette intolérable suffisance d’un pouvoir qui se prétend le seul à pouvoir régler la crise laisse apparaître la première marque de la campagne électorale dans cette conférence de presse : par ce plan, le Premier ministre ne fait que dérouler son projet économique pour la France, et les solutions qu’il entend appliquer sur le prochain quinquennat. Ou du mélange des genres en cette période pré-Présidentielle…

Les mesures

Ces nouvelles mesures s’ajoutent à celle du précédent plan de rigueur, présenté par le Premier ministre le 24 août  dernier, dont la fameuse taxe Coca et l’augmentation des taxes sur le tabac. Au programme, la réduction des dépenses publiques : l’Etat réduira son train de vie de 1,5 milliards d’euros au lieu des 1 millions prévus. Mais aussi des augmentations d’impôts, pour engranger de nouvelles recettes.

Indexation des prestations sociales sur la croissance et non plus sur l’inflation. Une arnaque en puissance. En effet, l’inflation explose, entraînant une hausse mécanique des prestations sociales, ce qui coûte cher à l’Etat. La croissance, elle, n’est pas au rendez-vous. Ce qui permet de ne pas augmenter les prestations sociales, et de réduire les dépenses de santé de 700 millions d’euros. Les pensions de retraites ne seront pas diminuées, tout comme le RSA, le mini vieillesse, l’AHH, l’ASS.

Coup de rabot sur les niches fiscales, dont la suppression en 2013 du dispositif Scellier sur les investissements locatifs, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf et une diminution du  crédit d’impôt développement durable. La suppression des niches sélectionnées représente une économie de  2,6 milliards d’euros. Ces dispositifs touchent essentiellement les ménages. Tout en diminuant très fortement les mesures favorisant l’accession à la propriété. Apparemment, le président candidat ne rêve plus à une France de propriétaires. Le détricotage de son quinquennat continue : encore une mesure à supprimer d’un bilan décidément de plus en plus light

A noter que la niche Copé, qui exonère d’impôt sur les sociétés (à 33,3%) les plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales (holdings) en cas de vente de leurs filiales ou titres de participation détenus depuis plus de deux ans, n’est pas concernée. Le manque à gagner en terme de recettes fiscales est pourtant estimé à 22 milliards d’euros sur 3 ans, entre 2007 et 2009, soit environ 8 milliards par an. Autrement dit, le montant qui était recherché… L’exonération des heures supplémentaires, mise en place par la loi TEPA, est également maintenue.

Hausse du prélèvement libératoire sur les dividendes et intérêts de 19 à 24%. Ainsi, quelle que soit l’option choisie par le contribuable entre prélèvement libératoire ou taxation au barème de l’impôt sur le revenu, l’imposition sera la même. Une des trop rares mesures touchant aux revenus du capital, l’essentiel de l’effort étant supporté par les revenus du travail.

Retraite à 62 ans dès 2017. Initialement prévue pour 2018, la mise en place de la retraite à 62 ans sera effective un an plus tôt. Vu le nombre de séniors au chômage, il est illusoire d’imaginer maintenir un tel dispositif sans le coupler à un plan en faveur de l’emploi de cette catégorie d’âge. Les pensions, elles, ne seront pas diminuées. Pas question de fâcher les retraités, un électorat favorable au président-candidat.

Surcote de 5% de l’Impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le CA est supérieur à 250 millions d’euros. Son rendement représentera 14% de ces nouvelles mesures d’imposition.

Gel du barème de l’ISF, de l’IR, et des successions et donations, qui restera identique au taux 2010. Cette mesure rapportera 3,4 milliards d’impôts, les foyers dont les revenus augmentent passant, pour une partie d’entre eux, dans la tranche supérieure. A noter que le simple fait de geler ces barèmes alors que l’inflation devrait atteindre 2,2% revient à augmenter mécaniquement les impôts pour tous ceux qui en paient.

Hausse de la TVA de 5,5 à 7% sauf pour les produits de première nécessité (produits alimentaires, abonnements au gaz et à l’électricité ainsi qu’à des réseaux de fournitures d’énergie, équipements et services à destination des personnes handicapées). La TVA sur la restauration, y compris sur la restauration rapide, sera donc relevée. Encore un point du bilan de Sarkozy qui part au panier. Selon le Premier ministre, cela permet d’être au niveau de l’Allemagne, et constitue un premier pas vers l’harmonisation fiscale. Hum, ça permet surtout de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, inutile de mettre un ruban autour du papier cadeau…

Limitation des dépenses de campagne électorale en réduisant de 5% le plafond des dépenses prise en charge et la dotation d’Etat aux partis politiques. Cette mesure symbolique vise à donner l’exemple en mettant la classe politique à contribution. Un cache misère de plus. Car les premiers à subir cette réduction seront les petits partis, et cela impactera directement la campagne présidentielle de 2012.

A titre personnel, je suis très défavorable à cette mesure : si l’Etat finance les partis politiques, c’est pour éviter le financement de la vie politique par d’autres acteurs économiques. Si les gros partis réalisent de nombreuses dépenses, notamment de communication, qui pourraient être réduites, ce n’est pas le cas des plus petites formations. Qui elles, vont perdre de précieux financements. Et pendant ce temps, l’Elysée et Matignon continuent de commander des sondages sur les deniers de l’Etat. Insupportable double discours…

Gel des salaires des ministres et du président de la République jusqu’à l’équilibre. Selon le Premier ministre, « Tous ceux qui ont des responsabilités doivent être exemplaires». Gel des salaires ? Gel du salaire du président ? Du président qui s’était augmenté de 140 % ? Il n’aurait pas pu le baisser un peu, même s’il aurait été carrément classe de revenir au niveau de 2007, avant l’augmentation de 140 % ? Et François Fillon ose dire que c’est une mesure symbolique visant à donner l’exemple ? Symbolique, c’est certain. Exemplaire, c’est nettement moins le cas…

A titre de comparaison, en Espagne, Zapatero avait baissé son traitement et celui de ses ministres de 15%. Enfin cerise sur le gâteau, Le Monde rappelle dans son édition d’aujourd’hui que cette mesure est déjà appliquée, et ne constitue donc pas une baisse des dépenses. Ou comment laisser penser aux Français que tout le monde se sert la ceinture, alors que seuls les ménages vont supporter le poids de ces nouvelles mesures.

Rigueur vs Croissance

En 2007, Fillon avait commencé le quinquennat en disant : « Je suis à la tête d’un Etat en faillite ». Il l’achève de la même manière. Bilan : il aura attendu 4 ans et demi pour prendre des mesurettes, surtout sans toucher aux grosses niches, et après avoir bien augmenté les dépenses pendant les trois premières années du quinquennat, et en détricotant aujourd’hui une large partie de ses réformes. Tant et bien que Sarko va demander aux Français de le reconduire… alors qu’il n’aura quasi aucun bilan à son actif. Si ça c’est pas du foutage de gueule… En parallèle, celui qui voulait être le président du pouvoir d’achat renonce à sa dernière marotte. Les Français, c’est certain, devront faire des sacrifices.

Aussi, il est tout de même étonnant de voir le Premier ministre de positionner en protecteur, alors que ses mesures mettent à mal le modèle social. En effet, les mesures annoncées pèseront, selon le Monde, à 86% sur les ménages : sur 7,9 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, 5 seront prélevés directement sur les ménages, et 6,8 si l’on intègre la hausse de la TVA… une taxe étant un impôt indirect. Justice sociale ? Pas franchement ! Pas sûr non plus que ce soit un pari gagnant pour les élections. Or quoi que Fillon prétende, l’UMP est bel et bien entrée en campagne.

En juin, le gouvernement annonçait que la croissance était « acquise » à 1,5% pour 2011. Le 27 octobre dernier, Nicolas Sarkozy lui-même a annoncé qu’elle serait autour de 1%. Ce matin, François Fillon annonce que « les objectifs de croissance seront tenus pour cette année ». Avant de confirmer en fin de phrase que pour 2012, il n’est pas devin. Or ce plan de rigueur peut avoir un effet négatif sur la croissance, étant donné que ce sont les ménages qui vont en absorber l’essentiel : en se serrant la ceinture, ils vont fatalement freiner leur consommation, et donc la relance…

Et c’est bien la critique que lui adressent les socialistes, en pointant qu’il aurait été préférable de favoriser la consommation des ménages. Sans tomber dans l’excès inverse, il est certain qu’il eût été plus probant d’équilibrer le poids des efforts, au lieu d’en faire porter l’essentiel sur les ménages. Et d’avoir le courage politique de réaliser de vraies réformes, en supprimant certaines niches très coûteuses, et en taxant non seulement les revenus, mais aussi le capital, dans une plus large mesure.

Autant dire que ce plan ne sera probablement pas suffisant, et permettra de ne sauver le AAA que temporairement. Quoi qu’il arrive, il faudra envisager de nouvelles mesures plus ambitieuses et aller chercher l’argent là où il se trouve, au lieu de faire supporter aux ménages le poids de l’effort, au risque d’attaquer si fortement le pouvoir d’achat qu’il leur sera impossible de consommer. C’est le défi que devra relever le prochain président de la République, si la situation de la France ne s’aggrave pas d’ici là.

La campagne qui s’annonce sera donc très fortement marquée par cette thématique, et les programmes des différents partis devront émettre des propositions durables. Force est de constater que la nécessaire justice fiscale, qui permet la justice sociale, n’est pas au programme du gouvernement, ni du projet de la droite pour la Présidentielle, qui nous a été présenté aujourd’hui. Rendez-vous au printemps pour savoir ce que les Français en pensent !

Le projet socialiste ne passera pas l’hiver

La révision des perspectives de croissance pour 2012 a refroidi les ardeurs socialistes.

Alors que notre bon mètre a annoncé jeudi qu’il faudrait compter sur une croissance de 1% plutôt que des 1,75% prévus, les socialistes commencent également à faire leurs comptes. Le projet socialiste a en effet été estimé à partir d’une hypothèse de croissance pour 2013 de 2,5%.

Or plus personne n’y croit, et François Hollande lui-même a estimé hier sur France 2 la prévision de croissance de 1% pour 2012 encore optimiste. Avant d’ajouter : «Pour 2012, si je suis élu, je vais hériter du fardeau que va nous laisser Nicolas Sarkozy (…) Ce que nous allons faire en 2012 sera hypothéqué par son héritage». En d’autres termes, le PS devra revoir les ambitions de son programme à la baisse.

Parce que le programme du PS coûte cher. L’UMP, lors de sa convention sur le projet du PS, l’avait chiffré à 255 milliards d’euros sur 5 ans, un chiffre allègrement gonflé. Hollande, lui, a annoncé un coût de 500 millions d’euros par ans soit un total de 2,5 milliards d’euros sur 5 ans. Soit cent fois moins que l’UMP. Selon le think tank L’Institut de l’entreprise, proche du patronat, le véritable coût oscillera entre 25,86 et 29,07 milliards d’euros par an soit entre 129, 25 et 145,35 milliards d’euros sur 5 ans*. Soit beaucoup plus que l’estimation du PS mais deux fois moins que celle de l’UMP. Des mérites de la e-démocratie et du fact-checking dans cette présidentielle…

Alors, pour réduire la facture, quels seront les ajustements ? Il est trop tôt pour le dire. Selon Pierre Moscovici, coordinateur de la campagne d’Hollande pendant la primaire, « Il y aura des marqueurs du changement comme le contrat de génération, des efforts sur l’éducation et des propositions sur la transition énergétique ». Seule certitude, la priorité affichée pour l’éducation devrait rester au menu. Reste à savoir comment ces 60 000 postes supplémentaires de personnels dans l’Education seront redéployés. Quant au contrat de génération, il dépendra évidemment de la concertation avec les partenaires sociaux.

Sur le reste, il faudra attendre janvier. Dans un entretien au Monde, François Hollande a en effet annoncé ne pas souhaiter s’exprimer sur son programme tant qu’il ne serait pas en campagne : « Je lancerai ma campagne début janvier. Tout doit être prêt d’ici là. Je travaille avec le PS pour que le meilleur dispositif soit arrêté avant la fin de l’année : les équipes, les thèmes, les chiffrages »Une position prudente qui permet d’affiner au fur et à mesure de l’évolution de la situation économique en France, mais aussi en Europe et dans le monde. Car quelle que soit l’issue du scrutin le 6 mai prochain, personne ne peut prévoir aujourd’hui la situation que trouvera le prochain président en prenant ses fonctions.

Reste que l’intention de maîtriser les dépenses publiques est là et clairement affichée, et ça n’est pas nouveau pour François Hollande. Si pendant la campagne de la primaire socialiste il a été conspué pour son manque de propositions, en comparaison avec Martine Aubry qui faisait office de révolutionnaire avec son catalogue des 3 Suisses inapplicable dans sa totalité, j’avais déjà signalé qu’il avait justement anticipé de devoir répondre à la crise. Ce qui constituait à mes yeux un gage de sérieux.

Aujourd’hui, annoncer aussi vite après sa désignation qu’il devra raboter sur le programme du PS me paraît encore plus responsable, et annonciateur d’un discours de vérité. Un axe de campagne qui dénote avec celui du chef de l’Etat, lequel persiste à prétendre qu’il n’augmente pas les impôts… après avoir créé près de quarante taxes nouvelles en quatre ans ! Et sur lequel devra forcément s’aligner le futur candidat, tout président qu’il soit.

Un discours emprunt d’une tonalité nettement plus moderne, par son optique de vérité, que l’intervention présidentielle de la veille, trop cachotière sur les hausses d’impôts. Pour l’instant, sur cette épineuse question de la maîtrise des dépenses publiques, qu’un sondage Ifop place désormais comme la priorité des Français : avantage Hollande.

*Edit à la suite d’un commentaire

SarkoShow, Acte IV : J’ai un bon programme et le candidat socialiste est irresponsable

Après avoir sauvé l’Europe en attendant le monde bientôt (au G20), la France, et s’être présenté comme un candidat soi-disant plus sérieux que les autres, il est temps de … marteler le message qu’il est le meilleur, tout en présentant en semblant de programme.

Lecteur, méfie toi… Le programme de Sarko n’est pas pour 2012, mais pour maintenant. Parce que c’est maintenant qu’il est aux affaires. Nan, ne sois pas chaffouin, pas Karachi… Ca, on en parlera en 2012 s’il n’est pas réélu. Mais là on parle des affaires de l’Etat. Et comme il ne peut pas utiliser le programme sur lequel il s’est fait élire, et qu’il a déjà détricoté une bonne partie de ses réformes, ça n’est finalement pas si bête de présenter un programme. Après, comme disait Chirac, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent : tu t’es vu quand t’y as cru ?

La liste des courses commence par la question du financement de la protection sociale. Mais sans réponse hein. Faut pas déconner. D’autant que le PLFSS est en discussion en ce moment au Parlement. C’est pas trop le moment de changer de braquet. On passe donc très vite aux importations, qui elles aussi poseront question. Evoque-t-il une taxe ? « Non, je vois ce débat sur la mondialisation ça n’a pas de sens (…) surtout que ceux qui demandent la démondialisation demandent aussi de régulariser tous les sans-papiers, ça n’a pas de sens… ».

Et hop, prends ça dans ta face Montebourg, donc le PS : il n’y a pas de petits amalgames, que la démondialisation ne soit pas dans le programme du PS n’a strictement aucune importance. D’ailleurs, la régularisation de tous les sans-papiers ne figure pas plus dans le programme du PS, juste au cas par cas. Seuls Aubry ou Montebourg –qui n’ont pas gagné la primaire- évoquaient des critères généreux. Revenons aux importations : « On ouvre nos marchés qu’avec un seul leitmotiv : la réciprocité ». Une position désormais soutenue par tout le monde, de la gauche à la droite en passant par le Medef.

Reste plus qu’à convaincre les autres pays, notamment ceux qui doivent faire preuve de réciprocité. C’est sur la table du G20, mais ça pourrait coincer… Surtout avec la Chine qui veut entrer dans le FESF. Ca va être compliqué de lui imposer en échange la réciprocité. Parce que la Chine propose son aide à l’Europe mais attention, cela a un prix. Et notamment, qu’on la laisse faire ce qu’elle veut avec sa monnaie comme d’habitude –alors qu’elle est largement sous évaluée- et entrer dans l’OMC maintenant, ce qui compliquera les accusations de dumping. Allez, pensez à vous doucher à la sauce Soja enroulés dans une feuille de riz géante, parce que de toutes façons, on finira bouffés par les Chinois comme de vulgaires nems. Bref, la Chine entend bien s’acheter la liberté de faire ce qui lui plaît, plaît, plaît…

Et c’est dans ce contexte programmatique de notre bon mètre avoue enfin : « Je vous confirme que nous allons dans un souci de sérieux, je suis reconnaissant à M.Fillon, Mme Pécresse, M.Baroin, les prévision de 1,75 % de croissance en 2011 se réaliseront… Mais la crise nous oblige à revoir notre prévision pour 2012, à 1 % ». Ce qui signifie 6 à 10 milliards supplémentaires d’économies à réaliser. Ce qui implique de nouvelles mesures de rigueur. Interrogé sur ces mesures, qui seront annoncées après le G20 des 3 et 4 novembre prochain, il répond de manière générale : « Privilégions les mesures qui vont renforcer la compétitivité ». Bref, les pauvres vont encore passer à la caisse…. Twitter lui a trouvé son nouveau slogan : Travailler plus pour rembourser plus.

Relancé sur la rumeur d’une hausse de la TVA, Sarko se montre énigmatique : « Une augmentation généralisée de la TVA en aucun cas, car ça pèserait sur le pouvoir d’achat et la consommation des Français et ce sera injuste ». Donc il y aura bien une augmentation de la TVA, reste à savoir laquelle. Celle à 5,5% ? Rétropédalage sur la TVA sur la restauration ? Réponse la semaine prochaine. Le suspense est insoutenable… D’une manière générale, notre bon mètre est contre les hausses d’impôts. Euh… Quelqu’un peut lui expliquer que les taxes qu’il a mises en place –une quarantaine– sont des impôts indirects, donc des impôts ? Toujours ce léger souci pour Sarko lorsqu’il évoque les notions économiques de base… pour mieux tromper le chaland.

Reste que si on en est là, ma bonne dame, c’est quand même, pour Sarko de la faute de ses prédecesseurs. Mitterrand, Balladur, Chirac, Jospin… : « Le budget de l’année prochaine c’est le premier budget où les dépenses de l’Etat diminueront ». Tout le monde en prend pour son grade. Le seul qui vaille, c’est Sarko. Sous-entendu : donc il faut le réélire. La ficelle est grosse. Evidemment, pas un mot sur l’explosion de la dette et du déficit. Chut, on va bientôt voter…

Sa recette pour diminuer la dépense publique est la suivante : « Il faut diminuer la dépense publique qui est de 50 %, les Français travaillent en gros de janvier à juillet pour l’Etat… Il faut diminuer le nombre de fonctionnaires, c’est ce que nous avons fait, c’est ce que nous continuerons à faire ». Hum, de quoi parle-t-il ? Les Français ne paient pas 50% d’impôts, donc ne travaillent en aucun cas de janvier à juillet pour l’Etat. Et si on suit son raisonnement, on ne travaillera plus pour l’Etat, ou l’Etat l’affectera au remboursement de la dette au lieu de la masse salariale ? Bref, cette démonstration est claire comme un tas de boue. C’est-à-dire le contraire de limpide. Franchement, ne pas arriver à justifier qu’il persiste dans l’échec…

Pendant ce temps, sur Twitter, Christophe Grébert, le célèbre blogueur de Puteaux, propose que Sarko suggère à sa suppléante Joëlle Ceccaldi de rapatrier ses millions planqués dans les paradis fiscaux. Sur lesquels elle pourrait commencer par payer des impôts. Nan parce qu’on critique les grecs qui fraudaient le fisc… Et si tout le monde le faisait, ça augmenterait les recettes fiscales. D’ailleurs même le Vatican le dit. Reste qu’avec tout ça, on n’a pas parlé du bouclier fiscal… Comment ça, pas de mauvais esprit ? C’est bien dans son bilan, non ? Bah quoi ? Pour faire un bilan, il faut bien mettre ce sur quoi il a rétropédalé, sinon il ne restera presque rien !

C’est maintenant aux fonctionnaires de manger. Enfin, un coup de bâton alterné avec un bisou, pour mieux faire passer la pilule. Ca commence fort : « Quand on est ouvrier et qu’il y a du chômage partiel, le salaire est impacté par la crise, dire ça ce n’est pas insulter les fonctionnaires (…) » Dans notre pays on a trop souvent cédé à la rue ». Là, j’ai ri. Parce qu’en 2006, alors que Villepin n’envisageait pas de céder à la rue dans le cadre du CPE, c’est Sarko qui a torpillé le projet, en allant négocier une sortie de crise avec les manifestants. Marquant un but contre son propre camp.

Puis Sarko enchaîne sur la séquence drague à destination des enseignants : « Je suis préoccupé par la descente de l’échelle sociale des fonctionnaires (…) Mais comment peut-on mieux payer les enseignants et en embaucher plus ? Il faut des fonctionnaires mieux payés, mieux formés ». Mais pour mieux les payer, faut juste qu’ils fassent des heures supp. Na.

Vient le temps d’évoquer plus précisément la politique de rigueur qui attend les Français. Ca commence comme une caresse, pour mieux endormir : « Si on plonge toutes les économies développées dans la récession on arrivera à rien. Il faut moins dépenser en fonctionnement… (…) Ce n’est pas la rigueur, c’est une gestion rigoureuse, la différence, la preuve c’est que nous n’avons pas connu les manifestations de nos voisins ».

Puis, alors qu’il est interrogé sur le fait de ne pas être le président qu’il augmente les impôts, il confirme vouloir ne pas les augmenter, au motif que « nous sommes le pays d’Europe qui a les impôts les plus élevés d’Europe ». Enfin si l’on excepte tous les pays qui payent plus d’impôts que nous, comme par exemple le Danemark ou la Suède. Et comme je l’ai déjà mentionné dans l’article précédent, les taxes sont des impôts, simplement ces prélèvements là sont indirects, inclus dans le prix du produit ou service payé, et non à verser au fisc.

Sarkozy fait un petit coup de pub sur la prime dividendes, plus connue sous le nom de prime à 1000 euros. Depuis, l’application du texte a donné lieu à quelques situations ubuesques, comme dans l’entreprise Sécuritas, obligée d’appliquer le texte, mais disposant de peu de bénéfices et de très nombreux salariés, ce qui a octroyé à chacun… 3,50 euros. Comme le dit Le Monde, cette idée a fait pschitt…

Sarko fait également un appel du pied sur l’ISF, qu’il faudrait selon lui supprimer, en maugréant une fois encore qu’ « il n’y a pas un pays d’Europe où ceux qui ont de l’argent payent autant d’impôts qu’en France ». A part ceux qui en paient plus, une nouvelle fois. D’ailleurs, Sarko se laisse aller à envisager une harmonisation franco-allemande, en matière de fiscalité : « L’impôt sur le bénéfice des sociétés, des TVA, des échanges d’informations, une fiscalité du patrimoine qui soit la même ». C’est bien possible, mais en période de crise, on cherche plutôt des recettes que de les supprimer…

Alors que les journalistes lui demandent combien de temps encore nous pourrons dépenser plus que nous ne gagnons, le président assène : « C’est terminé ! ». Ce qui lui permet d’enchaîner sur la règle d’or, qu’il ne pouvait pas faire passer en Congrès faute de majorité suffisante : « Nous avons décidé hier soir qu’elle sera obligatoire en 2012 ». Aucun détail, en revanche, sur la définition de cette règle d’or. Rappelons que le texte envisagé par le gouvernement n’était pas franchement coercitif, et en rajoutait plutôt au millefeuille législatif… Mais l’actuel locataire de l’Elysée ne manque pas l’occasion de taper sur le PS, qui ne voulait pas voter ce texte. Pan, pan, pan, PS=méchants !

Le train-train présidentiel s’arrête maintenant en gare de la relance, et ça tombe bien, il est question de TGV : « Sur les 36 milliards d’euros du grand emprunt déjà 19 sont signés : le TGV, la réforme de nos ports, le canal Seine-Nord ». Puis il annonce qu’il veut réindustrialiser la France : « c’est pour ça que nous avons supprimé la taxe professionnelle (…) ce qui nous a vallu bien des déboires avec les collectivités locales, cela a enlevé 6 millions de charges sur les usines ». Tiens, j’aimerais bien savoir ce qu’ils en pensent, du côté de Gandrange… D’autant que bon, cette réforme a coûté un bras à l’Etat.

Enfin cette séquence s’achève sur les relations avec la Chine, et son entretien avec le président chinois : « Il faut que la Chine engage davantage de moyens pour relancer l’économie mondiale… mais si les Chinois qui ont 60 % des réserves mondiales décident d’investir dans l’euro plutôt que dans le dollar, où serait le mal ? Voudriez-vous que les Chinois ne déposent leur argent qu’aux Etats-Unis ? Pourquoi ne devraient-ils avoir confiance que dans le dollar ? ». Sarko rappelle que l’intégration de leur monnaie dans le système monétaire est incontournable, et que le président chinois était soulagé que la Zone Euro ne sombre pas. Tu m’étonnes, vu les perspectives !

Ainsi s’achève ce quatrième acte, sur le programme à appliquer maintenant. Pour celui pour 2012, on verra quand il sera candidat. Ou plutôt, quand il se déclarera. Pour savoir quand, c’est dans l’article suivant.

SarkoShow, Acte I : J’ai sauvé l’Europe et dans quelques jours je vais sauver le monde

Les deux sommets européens passés, ayant accouchés dans la douleur d’un accord arraché au forceps –pour faire comme Carla ?- il reste maintenant le G20, les 3 et 4 novembre prochain à Cannes.

Dernier temps fort de la présidence française, mais aussi gros risque pour Nicolas Sarkozy. Le programme est ambitieux, notamment en ce qui concerne la régulation mondiale et la réciprocité. Autant dire que si la montagne accouche d’une souris, ce sera un sacré handicap pour Sarkozy, qui joue depuis la crise de 2008 sur son image de sauveur, sans avoir réellement de bilan pérenne en la matière. Des rustines ont été posées, certes, mais elles ne tiennent déjà plus. C’est dire s’il joue gros.

D’entrée, Yves Calvi demande si nous sommes sortis de la crise ou si nous colmatons la brèche. Selon le président, « ni l’un ni l’autre ». Et repart sur un long historique partant de la crise de 1929, pour finalement arriver à la crise depuis 2008 : « Lorsque les américains ont décidé de laisser tomber Lehman Brothers cela a entraîné une catastrophe dans le monde entier ». Donc c’est la faute des Ricains. Ouais, mais si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie, à parler de je-ne-sais-quoi, à saluer je-ne-sais-qui… puis il enchaîne, en disant que nous –les européens- ont a essayé d’éviter ça. Bref, on a sauvé le monde, parce que sinon on allait tous mourir : mode Superman enclenché. Enfin presque : « nous sommes face à une crise de la dette colossale qu’il s’agit de régler ». Parce qu’avant Lehman Brothers, y’avait pas de problème de la dette peut être ?

Revenons à l’accord de cette nuit. Pour le président, déclarer la Grèce en faillite aurait entraîné la totalité de la zone Euro. Donc « Les Grecs font des efforts mais comme ils ne pouvaient pas rembourser 200 milliards d’euros nous avons demandé aux banques d’effacer 50 % de leurs créances. » Hum… amusant lorsque l’on sait que quand DSK avait évoqué cette hypothèse, Fillon l’avait traité d’irresponsable. Doit on comprendre que notre bon mètre serait irresponsable ? Ou qu’il a baissé son slip de Superman ? Au passage, ça n’est pas 50% de la dette grecque qui est effacée, mais 50% de sa dette privée. Elle doit quand même encore un paquet aux Etats et institutions internationales (Etats, FMI, FESF, BCE) mais bizarrement Sarko n’en pipe mot.

Jusque là, on a surtout compris qu’on n’a pas sauvé la Grèce, mais surtout les banques. Et le vilain Yves Calvi ose poser justement cette question là. Et je vous le donne en mille, Sarko botte en touche, en donnant un bon coup de bâton aux grecs, qui ne sont pas blanc-blanc… Et n’y va pas par quatre chemin : « La Grèce est rentrée dans l’euro avec des chiffres qui étaient faux et elle n’était pas prête, son économie n’était pas prête à rentrer dans la zone euro et nous en avons payé les conséquences ces derniers mois ». Mais n’oubliez pas, c’est le candidat qui vous parle… Il n’hésite donc pas à rajouter qu’elle est entrée dans la zone Euro en 2001, et qu’il n’était pas aux affaires. Ca n’est pas sa faute à lui : mode Lolita enclenché. Au passage, Jospin, Chirac, bandes de gens qui soutenez Hollande de plein gré ou par humour corrézien, suivez mon regard…

Sarko passe ensuite sur le douloureux passé entre la France et l’Allemangne. Décidément ce soir on voyage dans le temps. Après le XXème siècle et sa crise de 1929, nous voilà reparti jusqu’en 1870, puis les deux guerres mondiales. C’est un bon moyen pour les élèves de 3ème de réviser rapidement et à moindre frais leur BEPC. Autant rentabiliser le cours magistral de notre cher nain Prof. Sauf que pas trop quand même, vu que pour Sarko, nous avons eu trois guerres avec l’Allemagne dans le même siècle. Aïe Aïe Aïe… D’ailleurs le voilà qui verse dans le mélo : « Puis des hommes ont dit on va ensemble construire la paix… ».

Je me vois déjà, courant nue dans les prés, un bouquet de marguerites dans les mains, et un peace and love tatoué sur le sein gauche, hurlant « Angela, ich liebe dich » à tout bout de champ, c’est le cas de le dire. Ah ah. Bref, je rêve sur ce nouvel épisode des Feux de l’Amour version amitié franco-allemande, celui dans lequel Nicolas et Angela sont un peu en froid –Nicolas balance Angela et trouve leur couple moins francs que d’autres couples franco-allemands dans le passé- mais se décident finalement à signer un accord européen pour ne pas qu’on se foute de leur gueule au G20.

Et n’allez pas dire, odieux que vous êtes, que cet accord n’est pas brillant et qu’il met seulement l’Euro sous perfusion. Vous seriez alors d’odieux colporteurs de ragots, tel ce Jacques Sapir, économiste pro-démondialisation, qui publie ce soir dans Marianne son analyse sur ce qu’il appelle « le pire accord envisageable ».

Parce qu’il entraînera selon lui la baisse de l’indépendance de l’Eurpe en internet –poids décisif de l’Allemagne et non plus du couple franco-allemand- et en externe –entrée probable de la Chine dans le FESF ce qui au passage, annule de facto toute tentative de mesure protectionniste, et met à mal la négociation sur la réciprocité-, ne rassurant que temporairement les marchés qui comprendront que ce n’est pas suffisant et reprendront rapidement la spéculation.

Jacques Sapir, lui, préconisait plutôt l’auto-dissolution de la zone euro. Et Sarko n’a pas répondu à cette tendance là, pourtant croissante dans l’opinion, des extrêmes à Montebourg. Mine de rien, ça fait tout de même entre 15 et 20% de personnes qui sont lâchées dans la pampa sans avoir eu la moindre contre argumentation. Ou le danger de faire une primaire tout seul, sans contradiction. Bref, de toutes façons on va tous mourir. Ou comment Superman a baissé sa culotte, faute d’avoir les moyens de s’en acheter une propre.

Et Pernault (Ricard ?) refroidit encore un peu l’ambiance autant que le glaçon dans le Pastis (Ricard !) : « Combien ça coûte aux français ? ». Le mec monomaniaque. Depuis le lancement de l’émission Combien ça coûte en 1990 –eh oui, ça date !- JPP n’a jamais quitté son fond de commerce. Donc selon Sarko, « La France a prêté à la Grèce 11,5 milliards d’euros. Aujourd’hui ce prêt n’a rien coûté au contraire, cela a remporté des intérêts ».

Mouais mouais mouais. Donc ça ne nous aurait pas coûté d’argent, ça nous aurait même rapporté. Parce que la Grèce ne peut pas payer sa dette, mais elle peut payer ses intérêt. Comme nous, quoi. Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu ? Parce que dans la vraie vie, on a tout de même payé tout ça par le Plan de Rigueur de Fillon hein. Faudrait peut être voir à pas trop nous prendre pour des jambons… Parce que tous les buveurs de Coca s’en souviennent. Même si notre président s’appelle Ni-Cola(s). Ah ah.

Bon sinon, entre deux fautes de syntaxe qui nous rappellent que le président qui met en place un examen de français plus drastique pour les étrangers visant la naturalisation ne le réussirait sans doute pas lui-même, on apprend ça a coûté 100 milliards aux banques. Bah oui, 50% de 200 millions d’euros. Jusque là on sait encore compter… Les banques qui, d’ailleurs, étaient bien obligées de jouer le jeu, sinon elle faisait face à un défaut de paiement –de la Grèce- et boum, le monde explosait. Et on allait tous mourir. Sarko se rengorge d’ailleurs, pas à une contradiction près : « Le marché c’est la quintessence du court terme (…) mais je préfère avoir une bourse qui augmente et des marchés qui nous font confiance ».

Ainsi s’achève l’acte I et l’explication du sommet européen sur cette anaplodiplose : Sarko a sauvé le monde. Et fait des figures de style, à l’insu de son plein gré. Et si on passait à la France ?

#UEMedef11 : Herman Van Rompuy, président du Conseil Européen

L’Europe, c’est loin. Et pourtant, c’est ici. Mais avouez : combien d’entre vous connaissaient –avant ce billet !- le nom du président du Conseil Européen ? Pourtant, c’est à lui qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy voudraient confier la présidence de la Zone Euro. Une bonne raison de s’y intéresser.

L’intervention d’Herman Van Rompuy aura incontestablement marqué cette université d’été. Premier temps fort, elle fut aussi pour moi un vrai coup de cœur, malgré son aspect très technocratique. Car si sa fonction exige de lui une grande diplomatie, il aura su parsemer son intervention de notes d’humour… et n’aura pas été exempt de quelques légers scuds, que chacun saura décrypter. Tout en livrant sa vision du rôle de l’Europe dans la gestion de la crise, mais aussi au-delà. Une master class vraiment passionnante. En voici le compte-rendu.

Pragmatique, le président du Conseil Européen est d’abord revenu sur le contexte économique des trente dernières années, rappelant à juste titre : « depuis que je suis professionnellement actif, le mot crise ne m’a pas quitté ». Avant d’entrer dans le vif du sujet : la crise, ses implications, et les solutions.

Pour Herman Van Rompuy, il ne sert à rien de se voiler la face. Quoi qu’en dise les adeptes de la démondialisation, l’interdépendance financière mondiale était inévitable. Et histoire que tous les idéologues en mal de 2012 en prennent pour leur grade, il a également précisé la fâcheuse tendance de certains à oublier que « La stabilité monétaire était garantie par l’Euro, qui nous a protégé des dévaluations monétaires ». Grâce à l’Euro, nous avons évité la surenchère monétaire et évité le protectionnisme.

La crise actuelle nous enseigne plusieurs choses. Sur le plan monétaire, d’abord, l’Europe a rencontré un écueil majeur : dans la zone Euro, la politique est restée nationale, alors que la monnaie est utilisée par 350 millions d’européens. L’Europe tente aujourd’hui de dépasser ce manque de convergence, et notamment depuis le 21 juillet dernier.

Mais la crise a aussi mis en exergue les limites du déficit standing au nom de la croissance économique. Nous n’avons pas réagi en restaurant immédiatement en restaurant l’équilibre budgétaire mais de manière croissante. Pour le président du Conseil Européen, on doit passer à une politique de rigueur. Enfin, notre taux de croissance potentiel est trop bas pour être concurrentiel sur le marché mondial. Hors il constitue un élément indispensable pour maintenir notre modèle social, même réformé. Ce constat dressé, on doit tenir compte de nos erreurs.

Comment faire ? Herman Van Rompuy s’amuse de la phrase « pour gouverner mieux, il faut gouverner moins », reconnaissant que ce n’est pas toujours le cas. Il préfère alors citer Paolo Coehlo : « les choses les plus simples sont les plus extraordinaires, et seuls les sages peuvent les voir ». Quelles seraient ces idées simples ? Le président du Conseil européen en liste dix :

  • On peut s’endetter pour investir, pas pour consommer
  • Lorsqu’on s’est trop endetté, on doit aller plus loin et retourner à l’équilibre budgétaire
  • Il faut équilibre entre risque et rendement
  • Les taux de change doivent refléter l’approche économique d’un pays sinon on fausse la concurrence
  • Il doit y avoir équilibre entre rémunération et prestation
  • Il faut être solidaire avec ceux et celles qui prennent leurs responsabilités : responsabilité et solidarité doivent aller de pair, modèle européen
  • On ne peut concevoir une monnaie commune sans politique qui aillent dans la même direction
  • Aucune construction européenne ne peut se faire sans un supplément d’âme, une motivation : l’union fait la force et l’unité dans la diversité
  • L’ennemi de l’idée européenne, de la paix, de la solidarité, est le communisme, le chacun pour soi, le moi d’abord : il faut avoir le sens de l’intérêt général
  • Il faut exécuter ce qu’on a décidé. Détricoter nuit à la crédibilité.

Si ces idées semblent de bon sens, ne prenez pas Herman Van Rompuy pour un bisounours. Son constat sur la gouvernance économique de l’Europe n’est pas tendre. Il n’hésite pas à clamer haut et fort que si l’on avait pratiqué une politique économique rigoureuse et orthodoxe, il n’y aurait pas de crise aujourd’hui. Reste qu’il faut en sortir. Et pour cela, donner du temps à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande.

Face à la crise, l’Europe s’est trouvée dépourvue. Faute d’avoir su anticiper, il a fallu tout inventer, en pleine crise. D’où une certaine lenteur, qui pourrait être interprétée dans l’opinion comme un manque de réactivité. Mais l’Europe manquait d’instruments. Si l’Euro constitue un projet politique et un facteur d’intégration, et en dépit du travail effectué par la Banque Centrale Européenne, la monnaie ne suffit pas : la solution ne peut être uniquement monétaire.

C’est pourquoi, depuis le 21 juillet, l’Europe s’est dotée d’outils permettant de réaliser une véritable surveillance budgétaire, réforme qui sera prochainement soumise au Parlement Européen. Parmi ces outils, le Pacte Euro Plus : les 23 pays signataires s’engagent à réformer leur système de retraites et leur marché de l’emploi. Mais selon le président du Conseil Européen, il est possible d’aller encore plus loin dans l’intégration européenne. Il annonce d’ailleurs qu’il fera en ce sens des propositions concrètes lors du Conseil Européen de mi-octobre. Tout en évacuant habilement une éventuelle question sur les détails, avec pique intégrée à qui-vous-savez : « Contrairement à d’autres, je ne lancerai des nouvelles idées dans les médias : je préfère une diplomatie plus discrète et donc plus efficace ».

Herman Van Rompuy insiste également sur la nécessité de renforcer les institutions de la zone Euro. Déjà, en 2008, Nicolas Sarkozy avait réunis les présidents de la zone Euro, et cette réunion s’était avéré décisive pour la gestion de la crise. Depuis, le président du Conseil Européen a présidé quatre nouveaux sommets, lors de situations exceptionnelles. Il voudrait aller plus loin, et faire que les réunions existent également hors des périodes de tension. Car gouverner, c’est prévoir. En ce sens, il appuie la proposition conjointe d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Proposé par les deux leaders allemand et français, il estime en effet nécessaire l’instauration d’un leadership au lus haut niveau, mais aussi plus de coordination. S’il reste lucide sur la difficulté de parler d’une seule fois avec 17 gouvernements, il lui semble cependant possible de donner le même message. Tout en insistant sur la nécessité de ne pas critiquer les décisions prises. Mais aussi de les mettre en œuvre, ce qui est vital pour la crédibilité de l’Europe. « Tout l’accord, et rien que l’accord du 21 juillet : c’est la priorité des priorités. » A bon entendeur…

Pourtant, le président du Conseil Européen se refuse à accabler la Grèce, et se livre à un édifiant rappel : « La dette grecque est quasiment aussi élevé que celle de la Belgique en 1993 quand j’ai pris les fonctions. On nous a donné du temps ». Herman Van Rompuy insiste sur la nécessité de donner du temps  à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande. L’exemple belge est à ce titre intéressant : en 2011, le déficit public de la Belgique sera ramené à 3,5% du PIB. Presque dans les critères de Maastricht. Et je vous entends déjà dire que les mentalités ne sont pas les mêmes… Rappelez vous du début de cette intervention du président du Conseil Européen : il ne demande pas à ces pays de se laisser aller, mais appelle à la rigueur. Simplement soyons pragmatiques : leur situation ne s’arrangera pas en un jour…

A ce titre, il insiste également sur le risque de se laisser aller à tomber dans un climat d’angoisse : le négativisme permanent dans le discours de certains a un effet paralysant sur les consommateurs, qui pèsent sur la croissance. « Il nous faut la confiance. Je suis convaincu qu’on peut éviter une récession », tempête-t-il.

Dans ces temps difficiles pour l’économie mondiale, la vieille recette doit être la règle : l’intérêt général doit être une préoccupation générale partagée par tous et par toutes, et il est nécessaire de jouer collectif. Ces évidences sont nécessaires à rappeler, faute d’avoir existé par le passé. La zone Euro sortira différente de cette crise… et marquera un pas de plus dans la construction européenne ?

En conclusion, Herman Van Rompuy rappelle que sur le plan monétaire, l’euro restera fort et selon certains, mêmes, une monnaie trop forte. Et dresse le constat connu de tous : sur tous les pans de l’économie, d’autres continents devront s’adapter. Les Etats-Unis devront faire face à leur problème de dette publique, la Chine devra revoir son taux de change, sous évalué, qui crée des tensions monétaires sur son propre territoire. Ces avancées là se feront via la structure du G20.

Pour le président du Conseil Européen, on taxe trop vite cette période comme riche en médiocrité. Hors ce début de siècle se démarque par la percée de la mondialisation, avec ses défis. Qui fait émerger des tentations de populisme. Mais pour lui, l’idée européenne reste la plus généreuse et la plus performante depuis longtemps, et sa foi en l’Europe reste intacte : « on ne décevra pas l’histoire, et les millions d’européens ».

A l’issue de son intervention, Herman Van Rompuy a répondu aux questions posées par la salle. En voici le verbatim !

En France, il y a une polémique sur la règle d’or. Quels conseils donnez vous aux Français

Je ne vais surtout pas m’immiscer dans un débat politique français que je connais bien. Je sais que c’est un débat avec beaucoup de subtilité. Une disposition constitutionnelle a été adoptée en Allemagne, qui donne un déficit maxi de 0,35% en 2016. Il s’agit d’un déficit structurel et non conjoncturel. Le plus important c’est qu’on le fasse. Si la constitution peut aider à ce qu’on le fasse… Constitution ou pas, c’est qu’on arrive, comme le demande le pacte de stabilité à un équilibre budgétaire. Mais je ne suis pas ici pour me  mêler à un débat politique français. La politique française est encore plus subtile que la vie politique belge.

Vous êtes président des 27 pays de l’Union Européenne. Comment voyez vous l’axe franco allemand et comment les autres 25 le voient ? Sur la Belgique, pas de gouvernement, et pourtant le déficit a été sous contrôle. Quel commentaires pouvez vous faire sur cette situation ?

Note : à la fin de l’énoncé de cette question, Laurence Parisot précise, avec un brin d’humour : « ne croyez pas que nous sommes anarchistes ! »

L’axe franco allemand a toujours existé, dès l’Europe des Six. S’il n’y a pas d’accord, l’Europe en souffre car France et Allemagne représentent moitié de la zone euro. Mais elles représentent également deux sensibilités donc si les deux sont d’accord, plus facile de mettre les autres d’accord. Mon rôle est de trouver un accord quand il n’y en a pas, et de préparer le terrain pour cela. Je suis en contact constant avec Berlin et Paris, et la plupart des autres pays. Je recherche le consensus, souvent d’abord avec la France et l’Allemagne. Les autres sont malheureux si pas d’accord, et veulent plus si accord. Je suis habitué des subtilités. Parce qu’il nous faut l’unanimité. Je suis donc partisan d’une bonne entente franco allemande, une condition nécessaire mais pas suffisante.

J’ai cité la phrase « Pour gouverner mieux il faut gouverner moins », mais je ne pensais pas à la Belgique (rires). La Belgique est un pays différent de la France:

  • C’est un état fédéral. 40% des dépenses publiques gérées par provinces.
  • Elle a une très grande culture de concertation sociale : grand rôle des organisations sociales et syndicats, donc des accords restent possible malgré ce qu’il se passe.
  • Il y a un parlement fédéral, ce qui a permis de voter un budget 2011 qui mènera à un déficit de 3,5%, ce qui constitue une grande satisfaction

Aussi, le pays est géré aussi même si chacun attend vite un gouvernement fédéral pour entreprendre les grandes réformes dont le pays a besoin dans le secteur des retraites et du marché du travail.

Elle y parviendra : l’Eurozone et la Belgique sont coriaces !

Les chefs d’entreprises ont l’impression que l’Europe ne se bat pas à armes égales. Comment appliquer le principe de réciprocité entre Europe et partenaires ?

Ce principe de réciprocité est dans le texte. Les anglais préfèrent win win, mutual beneficts.  Quand il y a danger de dumping ou concurrence déloyale, il y a des mesures prises par la Commission Européenne. Les responsabilités sont prises, et pas par principe de réciprocité.

Ce débat porte sur l’ordre international monétaire : les taux de change doivent refléter la santé d’une économie. (ex : Chine). Dans les rencontres de type G20, on doit se saisir de ce thème pour en discuter franchement : il faut faire une réadaptation, qui sera graduelle. Et la Chine a tout intérêt à rectifier le tir : nous en compétitivité, eux en stabilité monétaire à l’intérieur de leur propre pays.

Naturellement, on a besoin  d’une approche diplomatique pour régler ça.

Nous pensons B20/G20. Considérez vous que la représentation européenne au G20 (6/7 personnes) est un atout ou une faiblesse ?

C’est encore plus subtil car je suis là en tant que président, il y a aussi le président de la commission européenne. On a du se battre pour que l’UE puisse être au G20. Le problème n’est pas vraiment qu’il y ait différentes voix, mais est-ce qu’on donne le même message ? Sans une unité d’approche, on s’affaiblit. Donc on prépare le G20 de novembre par le conseil européen d’octobre. Politiquement on le prépare donc à 27 et non juste avec les membres du G20 : avoir un même message est crucial. Même si parfois ça n’a pas été fait, comme lors de la conférence sur le climat à Copenhague.