Pour qui sonne le glas ?*

Dès le 13 décembre dernier, Dominique de Villepin avait donné rendez-vous à la presse pour l’inauguration de son QG de campagne –situé rue du Cherche Midi, un nom prédestiné ?- et  présenter son équipe de campagne. Il aura fallu patienter longuement pour avoir enfin la confirmation de ce que tout le monde redoutait : sa directrice de campagne n’est autre que… Brigitte Girardin.

Brigitte Girardin ? Celle qui a planté le parti lancé en grande pompe en 2010 par Villepin ? Celle dont les états de service sont déplorés par quiconque l’approche, que ce soit les cadres ou les militants ? Celle qui n’a pas su réussir l’anniversaire du parti, réunissant seulement 300 militants dans les jardins de l’Amérique Latine en juin dernier ? Celle qui n’a pas réussi à amener des adhérents dans RS en vue de cette campagne ?

Et pas de chichi entre nous : il n’y a qu’à regarder les comptes publiés sur le site de la commission nationale de financement de la vie politique pour s’en rendre compte : en divisant le montant des adhésions déclarées par le ticket moyen d’adhésion annoncé par le trésorier lors de la réunion des cadres en mai dernier [ndlr : 37 euros, les adhésions étant réparties entre un tarif jeune à 10 €, classique à 20 €, et bienfaiteur à 100 €], RS était en 2010 sous la barre des 5000 adhérents. Bien loin des 25 000 revendiqués.

Quand on sait qu’en 2011 les adhésions ont chuté lourdement en 2011, sans parler de l’hémorragie des cadres et de l’arrêt des activités militantes quasiment partout en France depuis la démission de Villepin de la présidence de République Solidaire en septembre dernier … N’en jetez plus la coupe est pleine !

Bref, Girardin directrice de campagne, c’est la prime à l’incompétence et l’inexpérience. Mais pourquoi ce choix ? Apparemment, Villepin a payé cher ses tergiversations de l’année, et ses mauvais chiffres dans les sondages. Malgré l’annonce de sa candidature, le candidat gaulliste ne parvient pas à décoller. Tout juste a-t-il été cité une fois à 4%, mais plafonne en moyenne entre 2 et 2,5%. Pas de quoi attirer des têtes d’affiche.

Aussi, il n’est finalement pas très étonnant qu’à l’instar de l’OM, le club de foot marseillais qui traverse de grosses difficultés financières rendant impossible les recrutements, Dominique de Villepin en soit réduit à conserver à ses côtés des joueurs peu performants… faute de pouvoir s’offrir mieux. Oui, Girardin, c’est un peu le Brandao de République Solidaire. Ce joueur à la réputation entachée dont personne ne veut, mais qui reste le seul recours, faute de mieux.

Et si l’OM peut encore espérer viser le podium et se qualifier en Ligue des Champions, il est peu probable que l’équipe de CFA constituée par Villepin ne réussisse à se qualifier au soir du premier tour, ni même à réaliser un score honorable. Tout juste passera-t-elle, peut être, le tour préliminaire, si elle parvient à récupérer les 500 signatures.

Car pour parvenir au sommet, il faut jouer en équipe, collectivement. Or chacun sait que ce n’est pas le schéma de jeu mis en avant par Brigitte Girardin, plus préoccupée par la stricte application de l’esprit de cour que par le rassemblement pourtant prôné par son candidat. Si Villepin privilégie un schéma en sapin de Noël, il n’est pas pour autant Ancelotti… et les militants ont les boules.

Lassés, nombre de cadres et de militants n’y croient plus, et les adhésions enregistrées depuis l’annonce de la candidature –bien réelles- n’ont pas pour le moment endigué le flot des départs. Certains anciens cadres, comme Xavier Jaglin ou Erwan Toullec, avaient lancé un appel dès l’annonce de candidature pour rejoindre François Bayrou.

Ils en remettent une couche ce matin avec une tribune rappelant « la haute estime » qu’ils portent à Dominique de Villepin… tout en annonçant se « désolidariser de la démarche dénuée de sens du fondateur de République Solidaire et s’engager auprès de François Bayrou ». Pour eux, ce choix est avant tout justifié par la l’importance de servir l’intérêt général, rassemblés : « tous unis autour de celui qui se révèle le seul capable aujourd’hui de rassembler au-delà des clivages. » Capable par son projet, mais aussi, son professionnalisme.

Il est évident que ce n’est pas Villepin, entouré d’une directrice de campagne clivante, qui peut répondre à cette nécessité de rassemblement national. Et ces anciens cadres villepinistes n’y vont pas de main morte pour décrire, avec justesse, les comportements au sein de République Solidaire, bien éloignés du discours du patron : « Malgré nos efforts pour rapprocher et rassembler les énergies et les talents, malgré nos appels à la raison et au sursaut pour offrir aux Français une véritable alternative aux systèmes ayant plongé la France dans les gouffres que l’on sait, nous n’avons été confronté qu’à une démarche de plus en plus personnelle que ni les défections ni les sondages ne semblent interpeller. » 

Spéciale dédicace à Dame Brigitte. Mais tellement vrai. Avec en option, la fuite d’une partie des voix à prévoir en direction du Béarnais, bien mieux placé dans les sondages et positionné sur le même créneau électoral. En nettement plus pro, plus expérimenté, et donc, plus crédible. D’autres soutiendront Dupont-Aignan, d’autres encore s’éparpilleront chez Joly ou directement Hollande. Quoi qu’il en soit, une large partie des troupes fuira ce qu’il reste du radeau villepiniste.

Et pour cause : cette nomination subie marque un constat d’échec pour l’ancien Premier Ministre, obligé de prendre ce qu’il restait en magasin, faute d’avoir su convaincre dans le microcosme des professionnels expérimentés et aptes à battre campagne. Autrement dit, un suicide politique. Au lieu du tocsin, c’est plutôt le glas que l’on entend sonner au loin…

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Ca sent le sapin pour Villepin !*

Quel surréaliste exercice d’équilibriste que celui auquel s’est livré Dominique de Villepin hier, au micro de BFM TV !

Trop content d’apparaître une nouvelle fois dans les médias –le président de République Solidaire, Jean-Pierre Grand, ne s’est-il pas ému récemment dans l’hémicycle de ne l’avoir point vu suffisamment sur les grandes chaînes-, l’ancien Premier ministre et ancien président de République Solidaire, feu aspirant à concourir pour la présidentielle, a tenté de répondre sur sa vraie-fausse candidature. Car ses petites rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, plus ou moins discrètes, avaient finies par fuiter… et inquiéter au sein de ses maigres troupes, déjà bien clairsemées depuis l’annonce du projet, qui avait provoqué le départ de nombreux militants non convaincus, puis ses tergiversations sur le fait de se présenter ou non, et enfin l’incapacité de République Solidaire à prendre son envol. Alors, ira ou n’ira pas ? Décryptage.

A propos des militants, qui trépignent d’impatience au sujet de ses tergiversations sur sa candidature, Dominique de Villepin se montre légèrement méprisant : « ils n’auront pas beaucoup à attendre ». Réponse étonnante dans la bouche de celui qui les fait lanterner –sans mauvais jeu de mots- depuis plusieurs mois. Reste qu’une fois de plus Dominique de Villepin leur met les warnings sur sa très hypothétique candidature, en appelant une nouvelle fois à un gouvernement d’union nationale, seule réponse selon lui à la crise, assénant le coup de massue finale : « C’est la voie que j’ai choisie ». D’ailleurs, il le clame haut et fort : « il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais d’ambition personnelle ». Hum, qu’est-ce alors que la présidentielle ? C’est bien une ambition personnelle que celle de diriger la France, et d’apporter des réponses concrètes à travers l’application d’un programme… dont d’ailleurs il dispose depuis le 14 avril dernier ?

L’argument tendant à dire qu’il est plus simple de rassembler sans que ce soit autour de sa personne est surprenant. Rassembler autour de qui alors ? Notre Constitution prévoit bien un président de la République, et c’est bien l’enjeu de cette élection. Ensuite, cet homme ou cette femme, élu par le peuple, dispose de la légitimité pour désigner un Premier Ministre, qui nomme son gouvernement. A force de tourner autour du pot sans vouloir annoncer son retrait de la course, Villepin semble se perdre dans les méandres de la Vème République qu’il affectionne tant, et oublier que seul le président de la République dispose de la légitimité que lui donne l’élection au suffrage universel. Qu’en conséquence, il ne peut y avoir deal au préalable sans mettre à mal ces institutions. Cet argument est donc nul et non avenu : il faut bien désigner un président, et donc, miser sur un candidat parmi ceux qui se présentent. Ou se retirer purement et simplement, s’il ne veut prendre part à la mère des batailles électorales.

Alors que Xavier Jaglin, responsable départemental de l’Orne de République Solidaire, l’a incité dans le reportage d’ambiance réalisé par BFM TV à suivre François Bayrou, Villepin répond : « le ralliement n’est pas dans ma nature ». Curieuse position pour quelqu’un qui appelle au rassemblement… Certes, il répond assez clairement : « Le rassemblement, c’est moi ». Mais y croit-il vraiment ? A l’heure où il annonce savoir déjà quelle sera sa décision, comment peut-il laisser entendre qu’il disposerait d’un poids politique suffisant pour que les autres se rallient à lui ? La réponse ne se fait pas attendre : « Je ne me considère pas comme indispensable à ce rassemblement ».

Finalement, l’ancien Premier Ministre ne semble plus défendre dans cette campagne qu’une idée, sans vraiment envisager d’en être le leader. Ce qui fleure bon, in fine, le ralliement… D’ailleurs il reconnaît lui-même, à propos de sa visite à la Lanterne, avoir « fait passer un message politique à Nicolas Sarkozy », à savoir « que le temps de l’union nationale était venu et qu’il avait tout intérêt à changer la donne politique ». Bizarrement, il n’a pas annoncé avoir rencontré d’autres candidats pour tenir le même discours… Le vocabulaire employé, celui de l’appel à « l’Union » le laisse également penser, tant ce fut le concept initial de l’UMP de Juppé, sous l’impulsion de Jacques Chirac, parti de l’actuel locataire de l’Elysée.

Mais cette idée d’union, comment y croire dans la bouche de celui qui entendait représenter une alternative, dans cette bataille qu’est la présidentielle, qui par essence n’est pas une élection sur laquelle peut se produire une union… à moins de ne penser en terme de bipartisme ? Pourquoi brouiller aujourd’hui les cartes sur ce sujet ? Qu’en tirer, si ce n’est qu’un peu de temps gagné avant le retrait, au mépris de l’illisibilité ? Cette élection, justement, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple, selon l’esprit qu’a souhaité insuffler De Gaulle à la Vème République et dont Villepin s’est si longtemps réclamé ?

C’était avant, quand le flamboyant Villepin pouvait y croire, porté par une équipe de fidèles prêts à tout pour l’en convaincre, exaltés par des sondages flatteurs, aux alentours de 10%. C’était avant, quand les technocrates n’avaient pas mené RS dans le mur. C’était les sondages oscillants entre 1 et 2%. C’était avant le constat d’échec de République Solidaire, très pauvre en militants et donc en finances, le parti étant trop jeune et trop dépourvu de parlementaires pour disposer de l’aide publique d’Etat. En effet, contrairement à la publicité faite par le parti, RS n’a jamais compté les 25000 adhérents revendiqués, dont le mode de calcul provient des adhésions cumulées avec les inscrits du réseau social, sans tenir aucun compte de l’activité de ceux-ci ni des nombreux démissionnaires parmi les adhérents. C’était avant de claquer la porte de cette structure amateur sans ressources et incapable de mener campagne, faute d’avoir su se professionnaliser.

Bien qu’il aime se livrer à l’analyse politique sur l’action des autres, regrettant que « Les hommes politiques ont perdu le goût de la décision parce que la communication a mangé cette capacité de décision », il n’en reste pas moins saltimbanque du  grand cirque politique, en refusant de livrer une réponse qu’il distille pourtant en pointillés. Qu’il est bon de courir encore un peu les médias avant que les projecteurs ne s’éteignent ! Mais pas seulement. Car le temps passe, et l’enjeu, pour Villepin, est d’importance. Et les jours qui viennent –et qui le sépare de l’Annonce- seront capitaux pour rentabiliser ces deux années d’engagement. Villepin devra tenter de faire passer les idées que contenait son programme, ainsi que cette idée d’union nationale, qui ferait un joli parachute. Pour que tout cela n’ait pas été en vain.

Avouons qu’il est tout à fait en mesure d’apporter à un gouvernement, de par son expérience. Un peu comme Juppé l’a fait dans le gouvernement Sarkozy. Ce qui lui laisse tout de même une porte ouverte pour se recaser. D’autant que ses relations avec l’actuel locataire de l’Elysée se sont pacifiées, et il ne perd plus une occasion de s’en expliquer. Et de l’encenser. Ne disait-il par hier, que « Sarkozy s’est bonifié. Il est comme la mouette en haut de la vague » ? Les militants qui ont défendu sa candidature pour bénéficier d’une alternative apprécieront. Et courront se jeter sur d’autres candidats plus à même de l’incarner.

S’il ne se vend pas pour un plat de lentilles –ce qu’on saura lorsqu’il annoncera sa décision-, reste alors une autre hypothèse, celle de l’abandon en rase campagne, pour faire autre chose. La porte de sortie, par le bas, après tout ce foin depuis 2 ans : tout plaquer, comme il le fit en 2007. Finalement peu importe. Au-delà de son destin personnel, Villepin n’a laissé aucune place au suspense, en donnant déjà tous les éléments de réponse : il ne sera pas candidat. Reste à l’annoncer, mi-décembre, avec un joli nœud sur le paquet. Voilà le cadeau de Noël qu’il offrira à ceux qui se sont engagés depuis deux ans à ses côtés : l’enterrement de sa candidature, directement dans le sapin.

*Papier publié sur Marianne à cette adresse

Quand Villepin rencontre Sarkozy*

Tout le monde en parle. Le microcosme ne bruisse que de cela depuis la fin de l’été.

Michaël Darmon en avait fait l’objet d’une chronique il a quinze jours sur I-télé, confirmant l’information qu’il avait donné dans un tweet (qui avait déclenché une levée du tout petit bouclier des trois pom-pom girls villepinistes présentes sur Twitter, et les interrogations des sympathisants de l’ancien Premier ministre présents sur le réseau social). Le Parisien en avait fait un indiscret.

Mais aujourd’hui, c’est Le Figaro, véritable Pravda des temps modernes élyséens et organe officiel des offs d’Etat, qui se fait aujourd’hui l’écho du réchauffement des relations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. L’ancien Premier ministre a en effet été reçu samedi à Versailles par l’actuel locataire de l’Elysée. Une nouvelle fois.

Car depuis l’été, les rencontres avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ont été régulières. Si l’entourage de Villepin se borne (logiquement) à expliquer qu’il est normal et sain que l’ancien Premier ministre délivre ses conseils en matière de politique étrangère, au regard de ses compétences qui ne sont un mystère pour personne, la fréquence de ces rencontres relativise l’argument.

S’il est républicain qu’un ancien Premier ministre soit consulté, ça l’est moins que cela soit aussi fréquent : a-t-on vu Jean-Pierre Raffarin ou Edouard Balladur aussi souvent au « Château » sur la même période ? C’est encore plus étonnant lorsque l’on parle d’un potentiel concurrent à la présidentielle. Enfin, Nicolas Sarkozy n’est pas seul à piloter son domaine réservé des affaires internationales, et dispose pour cela d’Alain Juppé, véritable vice Premier ministre… qui n’est pas franchement un incompétent. Alors pourquoi autant de rencontres ? Serait-ce pour négocier un poste ?

Naturellement, il est temps pour Villepin de songer à son avenir. Crédité de 2% d’intentions de vote, il n’est pas en mesure de se présenter à la mère des batailles. Il n’a pas les financements : son mouvement République Solidaire (RS), qu’il a abandonné, peine à survivre, et il n’a pas l’accord des banques pour se lancer. Il n’a pas les signatures et même si ça n’est pas un problème à ce moment de la campagne, l’absence de financements et les sondages en berne compliquent la tâche pour les décrocher.

Par ailleurs, il ne dispose ni d’une structure (son mouvement n’est pas professionnalisé), ni d’une équipe capable de constituer la colonne vertébrale pour une éventuelle campagne. Et n’a pas travaillé les réseaux parlementaires, ni anticipé les législatives, ce qui complique encore les choses.

Ses propos récents ont donné quelques signes en ce sens. S’il persiste à laisser penser qu’il sera candidat, il réclame aussi, aujourd’hui, un gouvernement d’union nationale. Comment ne pas y lire un aveu de non candidature d’un homme certain de ne disposer ensuite d’aucune majorité au Parlement ?

Etonnant d’ailleurs qu’aucun journaliste ne lui ait demandé avec qui il entendait constituer un tel gouvernement, et ce qu’en pensent les intéressés. Parce que l’ouverture ne fait guère recette… et même si l’intention peut sembler louable, elle n’en reste pas moins inapplicable, inutile de jouer les faux naïfs.

Les propos de ses troupes destinés à faire croire à une très hypothétique candidature sont assez faibles. L’argument qui explique qu’il ne serait qu’à 2% parce qu’il n’a pas encore annoncé sa candidature ne tient pas. Pourquoi était-il alors à 10% fin 2009 et n’a t-il cessé de descendre depuis ? Autrefois candidat préféré de la droite avec Nicolas Sarkozy, il s’est désormais fait dépasser par Alain Juppé. La réalité, c’est tout simplement que la candidature de Villepin n’a plus de crédit, et ce pour de multiples raisons.

S’il dispose d’un programme qui pourrait séduire les français, il n’a pas su convaincre sur la solidité même de sa candidature. Et sur ce plan, l’échec de son parti, République Solidaire (RS), l’a planté. Le choix qui a été fait de ne mettre que Villepin en avant, sur les plateaux télé, avec de rares déplacements ne lui a pas permis de distiller l’évidence de sa candidature dans l’esprit des Français. Quant à République Solidaire (RS), malgré un maillage territorial, le manque de présence sur le terrain n’a pas permis de se montrer suffisamment, et donc d’asseoir sa crédibilité.

Villepin en a pris conscience trop tard. Pire, lorsqu’il a décidé de modifier l’organigramme de son parti, ce qui aurait pu lui donner un nouveau souffle, il a en même temps claqué la porte. Cette décision a été mal comprise de tous : dans le microcosme, chez les journalistes, mais pire, au sein de ses propres troupes. Pour que cette idée de sortir du carcan du parti pour se présenter en homme prêt à sa rencontre avec le peuple fonctionne, il aurait fallu que Villepin puisse compter sur le parti, et s’appuyer dessus, de l’extérieur.

Hélas, République Solidaire a conservé exactement le même fonctionnement. Le nouveau président et le nouveau secrétaire général n’ont été que des prête-noms : s’ils sont théoriquement aux affaires, Brigitte Girardin a conservé toutes ses prérogatives, et règne encore officieusement sur la structure. Si cette absence de changement est un temps restée connue des seuls initiés, elle a depuis co-signé un mail à destination de l’ensemble des adhérents… d’une structure dans laquelle elle n’est en théorie plus en charge de rien. L’aveu ultime : on ne change pas une équipe qui perd.

Il est désormais quasiment certain que Villepin ne sera pas en mesure d’être candidat. Reste à savoir quand il l’annoncera. Pour l’instant, il y a une certaine logique à ce qu’un homme qui souhaitait occuper une place dans le débat présidentiel et qui a préparé un programme figure parmi les prétendants. Cela lui permet de disposer une tribune pour exposer ses idées, et donc de peser dans le débat.

D’autant que si certaines de ses idées ne sont plus applicables, comme le revenu citoyen, d’autres sont parfaitement d’actualité. C’est le cas de la TVA 3E, mais aussi de la justice fiscale qu’il entendait mettre en place. En ce sens, qu’il soit ou non candidat, Villepin aura un véritable impact sur la campagne. Laisser penser qu’il le sera est donc utile au débat, et c’est bien ce qu’il cherchait.

Reste alors une question : que faire après 2012 ? Villepin ne manque pas de talents. Il peut choisir de rester en politique, mais cette hypothèse ne devrait pas séduire le personnage, qui a toujours rechigné à se faire élire, et ne porte pas dans son cœur les parlementaires. On le voit donc mal en devenir un. Il peut aussi poursuivre son métier d’avocat international, donner des conférences et continuer d’écrire des livres, comme il le fait depuis 2007.

Enfin, il peut également choisir de servir la France, à un niveau qui correspondrait à son rang d’ancien Premier ministre, et à ses compétences, notamment à l’international. Il ferait par exemple un excellent ambassadeur à l’ONU. Chercherait-il alors à négocier un poste en ce sens ?

D’abord parce qu’une négociation se fait à deux. Dominique de Villepin n’est pas en train de se vendre pour une paire chaussettes, et il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les conseils qu’il a délivrés jusque là lors de ces visites soient pérennisés dans le cadre d’un poste qui pourrait lui convenir. En ce sens, il apporterait beaucoup à la France, et fait d’emblée figure de sérieux prétendant : le taxer de se vendre serait alors pour le moins hypocrite…

Mais si l’on tient absolument à imaginer qu’il se vend, regardons ce qu’il pourrait obtenir : rien. Aucun poste qui pourrait convenir au rang de Villepin n’est en effet disponible d’ici la présidentielle. Dès lors, on ne peut que lui reprocher, au mieux, de ménager la chèvre et le chou. Un peu court comme argument.

D’autre part, pour négocier, il faut avoir quelque chose à négocier. En la matière, ce pourrait être intéressant pour Nicolas Sarkozy d’avoir l’assurance que Villepin ne se présentera pas. L’actuel locataire de l’Elysée est en mauvaise posture dans les sondages. Même s’il remonte un peu, il conserve un retard de 11 points sur François Hollande, avec 24% des intentions de vote contre 35% pour le candidat socialiste selon un sondage Ipsos/France Télévision réalisé les 28 et 29 octobre. Et les intentions de vote pour le second tour pour le même sondage sont désastreuses 38% pour Nicolas Sarkozy contre 62% pour François Hollande.

Le président sortant ne peut se permettre d’éparpiller les voix de son camp. Et pourtant, est-ce bien un enjeu de négociation ? La non candidature de l’ancien Premier ministre est déjà quasiment jouée. Que chacun soit un peu honnête : s’il se retire de la course à l’Elysée, cela tiendra plus à des raisons structurelles (organisation inexistante, finances) qu’à de quelconques tractations avec Nicolas Sarkozy…

Mais surtout, Villepin n’est pas dépositaire des voix villepinistes. Homme de rassemblement, il réunit au-delà des étiquettes, et ses militants viennent de gauche comme de droite, sa famille d’origine. Beaucoup se sont déplacés pour aller voter lors de la primaire socialiste, et leurs votes se sont éparpillés sur tous les candidats. Comme Bayrou en 2007, Villepin a cristallisé ceux qui souhaitent une troisième voie. S’il n’est pas candidat, ils s’éparpilleront à nouveau lors du premier tour, et dans une proportion moindre lors du second. C’est dire si cette corbeille de voix potentielles ne peut être vendue…

Finalement, chacun gagne peu dans ces rendez-vous. Villepin inquiète ses très maigres troupes, mais en même temps se fait plaisir en distillant ses précieux conseils, et tout le monde sait à quel point il aime ce domaine dans lequel il excelle. Sarkozy, lui, tente de donner l’image d’un homme plus posé, capable de rassembler, mais convainc-t-il vraiment au delà de ceux qui lui sont déjà acquis, jusque chez les villepinistes, souvent anti-sarkozystes ? Peu probable qu’il gagne beaucoup dans cet exercice de communication, même si l’intention y est : l’info n’a pas fuitée pour rien

On ne peut donc parler de négociations entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, l’un n’ayant pas grand chose à vendre, et l’autre pas grand chose à proposer. Tout au mieux d’une pacification des relations entre deux hommes qui se sont beaucoup écharpés, à l’heure où la situation de notre pays ne permet plus de laisser de place aux querelles politiciennes. A ceci près que c’est un signe supplémentaire dans le faisceau convergent d’éléments en faveur d’une non candidature de Villepin à la présidentielle.

Pas franchement un scoop… Au final, donc, rien de bien croustillant, rien de tangible ne parait réellement sortir de ces multiples rendez-vous. Beaucoup de bruit pour rien donc.

*Article publié sur Le Plus du Nouvel Obs à cette adresse

Villepin veut-il aller au bout ?*

O Capitaine, mon Capitaine… Villepin. Le flamboyant. Le gaulliste. Celui qui respire la France. La troisième voie évidente entre la gauche et la droite. L’alternative. Celui qui convainc sur sa vision de la France, tant à l’intérieur qu’à l’international. Enfin, il peut se voir un destin. Il est totalement apte à l’incarner.

Après avoir timidement lancé le Club Villepin en 2009, c’est en grande pompe qu’il crée le 19 juin 2010 son propre parti, République Solidaire. Avec un objectif en ligne de mire : la présidentielle. Mais déjà, la machine se grippe. Moins de monde que prévu pour ce lancement, moins d’adhésions qu’espérées, et des sondages qui descendent peu à peu. Rien d’alarmant à ce stade, si ce n’est le manque de reprise en main. Si loin de l’échéance, tout peut encore changer.

Dès janvier 2011, les instituts de sondage commencent à créditer Villepin d’un score inférieur à 5%. De ceux qui ne permettent pas de se faire rembourser les comptes de campagne. Et rien ne change au fil des mois, la courbe reste ostensiblement sous la barre fatidique. Adieu prêt des banques, si campagne il y a, ce sera avec l’avance d’Etat, aux alentours d’un million d’euros. Ce qui explique d’ailleurs probablement le choix de Villepin de renvoyer au début de l’année prochaine une éventuelle campagne : plus elle sera courte, moins dispendieuse elle sera.

Du coup la chasse aux signatures se complique… Pourtant Villepin peut obtenir ces 500 signatures. Il serait même étonnant et gênant pour la démocratie, qu’il ne les obtienne pas : chef d’un parti doté de quelques milliers de militants, et ancien Premier Ministre, son aura et son poids politique méritent qu’il puisse livrer la mère des batailles électorales.

Si du côté des parlementaires c’est mort – traditionnellement les députés et sénateurs sont plus sensibles aux pressions des partis leur accordant l’investiture, et Villepin ne les a guère caressé dans le sens du poil, y compris au sein de sa propre formation- il reste tout de même un grand nombres de signataires possibles, notamment du côté des maires.  Et ils sont nombreux. Le date de dépôt étant très éloignée, là non plus rien n’est perdu.

Pourtant République Solidaire ne réagit toujours pas. Et s’enfonce, même. En interne, les grincements de dents ont remplacé les vivas. Sur le programme, d’abord. Très inspiré par la gauche, sans signe pour la droite, il recueille certes quelques hourras à babord, mais déçoit parmi les militants de sa base centre droit. Les plus nombreux. Dans le même temps, il énerve les parlementaires, furieux de ne pas y avoir été associés et de se retrouver obligés de défendre un programme qui ne correspond pas vraiment à leurs idées.

Ils sont villepinistes, certes, mais tout de même élus sous étiquette UMP, et tous de droite ou de centre droit. Ce virage à babord leur reste en travers de la gorge… Mais surtout, par définition, ils font la loi. Ils ont donc une bonne visibilité sur la faisabilité et le financement de telle ou telle mesure. En ce sens, le revenu citoyen –qui, s’il devait être présenté au Parlement, nécessiterait d’abord des modifications au niveau européen, puis serait l’objet de très nombreux amendements le modifiant profondément- gêne certains d’entre eux.

Bizarrement en interne, la secrétaire générale se borne à critiquer les élus, au lieu de les entendre. Une erreur de plus à mettre au crédit de sa méconnaissance du monde parlementaire qu’en bonne diplomate, elle méprise… mais aussi d’un manque de tact et de diplomatie qui aboutit, à la veille de la présentation du programme, au clash avec Daniel Garrigue, porte parole du mouvement, qui claque alors la porte.

Du côté des militants, l’ambiance déjà morose devient délétère avec le départ d’un homme qui était fort apprécié des cadres. Tout le monde comprend que le bateau est ivre, faute de professionnalisme au sein des équipes. Il est nécessaire de réagir, il est encore temps. Hélas, ce sera par un nouvel échec : la convention nationale du parti, pour l’anniversaire de sa création, réunit seulement 300 personnes dans les jardins de la maison de l’Amérique Latine le 19 juin dernier. En octobre 2009, ils étaient 1300 au même endroit. La claque. Le parti tentera alors d’expliquer cette très faible mobilisation par le fait qu’il s’agissait d’une réunion de cadres… Mais personne n’est dupe.

Les prises de positions quelques jours avant en faveur du mariage homosexuel et de la dépénalisation du cannabis n’auront pas aidé à rassurer sa base, pour qui cela faisait beaucoup d’un coup. Les propos très critiques de Villepin vis-à-vis de Chirac lors de ce meeting auront achevé d’énerver la frange droite de ses soutiens. Autant de maladresses qui auraient pourtant pu être évitées, s’il n’avait pas été entouré de pom-pom girls avides de lui déclarer leur flamme. La composition du Bureau Politique de République Solidaire, publiée quelques jours plus tard, laisse pantois : on ne change surtout pas une équipe qui perd… République Suicidaire.

Cette erreur d’appréciation de la part de Villepin est pourtant flagrante pour quiconque connaît un peu la vie politique. Villepin n’est pas un homme de parti, c’est un sujet qui ne l’intéresse pas. Non content de laisser République Solidaire à une secrétaire générale toute aussi inexpérimentée que lui en ce domaine (elle n’a jamais occupé de fonctions dans un parti politique, pas même de cadre), il ne parvient pas à s’entourer de professionnels qui pourraient régler ces questions pour lui, son job étant de se concentrer sur ses idées. Et c’est ce qui le tue.

Comme s’il en était conscient, il laisse en héritage un livre, Notre vieux pays lire la critique du Monde-, un ouvrage largement inspiré de son programme présenté en avril dernier,  dont certaines réflexions laissent toutefois planer un doute sur un éventuel retrait de la course. Attitude on ne peut plus ambiguë qui pourrait constituer une carte joker, pour justifier plus tard d’un éventuel retrait de la course. Ou pas, s’il se décide finalement à y aller. Une position d’attente, qui permet d’occuper le terrain et de reculer le moment de décider. Malin, mais illisible pour ses soutiens, déjà sous Xanax depuis quelques mois.

Si, une fois encore, l’ouvrage est essentiellement programmatique, Villepin se livrant ainsi en ce sens à l’exercice quasi-immuable du livre programme des candidats à la présidentielle, il évoque naturellement sa vision de la magistrature suprême et son impression sur ses chances d’y accéder ; ainsi notre pays ne serait pas forcément prêt à accueillir ses idées, qui nécessitent un effort collectif de la société au lieu de persister dans l’individualisme de chacun.

Thèse intéressante, probablement visionnaire, mais alors, pourquoi ne pas appliquer ce schéma au fonctionnement de sa propre équipe, et laisser des individualités profondément égoïstes, qui refusent le travail en équipe, écartent systématiquement toutes les compétences de peur de perdre leur rang, n’affichent aucune vision collective, réalisant ainsi un millefeuille d’individus sans objectif commun, de surcroît inexpérimentées,  présider à sa destinée… quitte à l’envoyer dans le mur ?

En ce sens, il manque indubitablement à cette réflexion ce qui fait d’une expérience de terrain un bon retour : sa propre autocritique. Car Villepin prend le problème à l’envers. Brillant et expérimenté à la tête de l’Etat, il peut parfaitement convaincre les Français de ses compétences : il a tout pour réussir et présenter une alternative crédible, particulièrement au moment où la France se cherche. L’actuel locataire de l’Elysée est d’ailleurs en train de découdre toutes les mesures phares de son mandat pour pallier à la crise…

Et en matière de fiscalité, Villepin a des choses à dire : lorsqu’il était premier ministre, il a permis de baisser le déficit public de 2 points et ramener la dette à 65%. Et ses propositions, qui visent à réformer profondément la fiscalité en intégrant la notion de justice fiscale, peuvent rencontrer un large écho dans la population. Il ne manque pas de billes !

Simplement, il ne suffit pas d’avoir des idées, si brillantes soient-elles, pour se qualifier à la présidentielle : il faut être capable de les présenter au peuple. De faire campagne. Avec une structure. Une équipe. Des militants. Autant de relais qui permettent la diffusion du message, dans un effort collectif.  Non, les idées ne se téléportent pas dans le cerveau des Français… Et c’est bien là son drame.

Alors, Villepin veut-il aller au bout de l’aventure ? Est-il prêt à s’en donner les moyens ? L’avenir le dira. Reste qu’à moins d’un rapide mais hypothétique changement de cap, qui renverrait au passé ce triste constat, Villepin restera un président dans l’âme… mais incapable de le devenir.

Article rédigé pour Politiko et publié à cette adresse