Sénat : Le plateau passe à gauche

Depuis le basculement en siège du Sénat à gauche dimanche dernier, rendez-vous avait été pris pour l’élection au Plateau, à la présidence du Sénat. Un temps, Gérard Larcher et l’UMP avaient imaginé pouvoir encore l’emporter au finish, grâce à quelques voix des radicaux.

Très vite, de nombreuses voix s’étaient élevées pour noter combien il serait étonnant qu’une majorité de sièges à gauche ne saisisse pas l’opportunité de faire basculer le Plateau… Dommage toutefois que certains se soient laissés aller à contester le droit à Gérard Larcher de présenter sa candidature, un tel extrémisme n’honore pas la Haute assemblée.

En milieu de semaine, tout le monde était d’accord : la présidence était acquise à Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, qui d’ailleurs était le seul candidat de gauche à se présenter. Tellement que les centristes ont saisi l’opportunité de se faire remarquer, en présentant la candidature de Valérie Létard à la présidence… histoire d’enfoncer le clou : la perte du Plateau était ainsi actée pour la droite. Le centre peut en profiter pour briller, et tenter de bénéficier de l’espace ainsi laissé.

Et puis il y eu un énième rebondissement. Enfin, faux rebondissement. Les Verts ont cru, en la personne de Jean-Vincent Placé, malin de laisser penser qu’ils présenteraient un candidat à la présidence. Hum… Je vous rappelle qu’ils ont seulement dix sièges. Ce qui en dit longs sur nos amis les Verts : peser par le chantage. Et après ça donne des leçons de vertu politique ??? Quand je pense qu’Eva Joly ose affirmer qu’avec elle « Je pense que nous sommes gouvernés par un clan qui se sert et qui instrumentalise les institutions françaises », j’ai la nausée.

Parce qu’instrumentaliser l’élection de Jean-Pierre Bel, c’est exactement ce qu’a tenté de faire Jean-Vincent Placé. Naturellement l’élu de l’Essonne a retiré sa candidature au matin même de l’élection. Le maître chanteur s’est dégonflé. Espérons pour la vie politique qu’il n’aura pas été satisfait ou que les promesses ne seront pas tenus : ces méthodes de voyous ne doivent pas être encouragées, il ne faut pas confondre négociation et chantage. Ni perdre de vus que la priorité d’un élu n’est pas nécessairement de se trouver un poste… Et dire qu’Eva Joly ose dire que « l’homme politique doit être exemplaire »… C’est ça, selon elle, l’exemplarité ? Quid de l’intérêt général contre ces intérêts particuliers ?

Les Verts, ou l’incarnation du Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. Et champion du monde pour critiquer les autres sans être capables de faire le ménage chez eux. Et ce même si tout le monde n’était pas d’accord avec cette stratégie de type Jean Vincent veut se Placé. Un membre de la direction avait en effet lâché dans le Parisien : « Jean-Vincent avait peut-être envie de faire parler de lui… ». Réussi, mais en mal. Grosse perte de crédibilité pour EELV : des sales gosses, pour le sérieux des convictions on repassera.

Sous la présidence du doyen d’âge du Sénat Paul Vergès – 86 ans-, en compagnie du Bureau d’âge, composé des six plus jeunes sénateurs, l’ensemble de l’assemblée a procédé à l’élection de son président. Après le vote de chacun des sénateurs à la tribune, au scrutin secret, c’est sans surprise que le socialiste Jean-Pierre Bel a été élu avec 179 voix. Gérard Larcher, candidat de droite, a réuni sur son nom 134 voix et Valérie Létard, candidate centriste, 29.

Mardi, la composition des groupes politiques achèvera ce processus de renouvellement du Sénat. C’est à cette date que le rapport politique sera définitivement connu. La vie démocratique se poursuivra alors, au gré des alliances… parfois de circonstances, seul le budget étant le réel marqueur du rapport à la majorité. Les présidents de commission, eux, seront désignés mercredi.

Un remaniement tout riquiqui maousse costaud

Qui dit Sénat passé à gauche avec seulement quelques voix d’avance, dit grandes manœuvres pour tenter de rallier quelques radicaux à la candidature de Gérard Larcher, actuel président du Sénat, et qui se verrait bien conserver le Plateau.

D’autant que le vote à bulletin secret pourrait aider à quelques erreurs ou petits arrangements… du moins c’est ce que l’on aimerait nous faire croire.

S’il serait étonnant –voire malsain- que la gauche n’obtienne pas la présidence, notamment parce que tous les élus de gauche, fussent-ils radicaux, auront très certainement envie de participer à l’installation de leur camp à la Chambre Haute, il n’en reste pas moins que Gérard Larcher entend se battre jusqu’au bout. Et pour cela, il aura besoin de toutes les voix de droite.

Y compris celles des ministres élus, à savoir Chantal Jouanno, ministre des Sports, et Gérard Longuet, ministre de la Défense, leurs suppléants ne pouvant siéger avant un mois, ce qui les exclut du scrutin. Ce détail commun aux deux assemblées impose donc un remaniement, qui doit impérativement avoir lieu avant vendredi minuit, le vote ayant lieu samedi. Le plus tôt étant le mieux –inutile de paralyser la vie politique, très observée en ce temps de pré-campagne présidentielle- c’est aujourd’hui que le chef du Gouvernement a modifié son équipe, avec l’aval de l’Elysée.

Gérard Longuet, ministre de la Défense, a conservé son poste de ministre de la Défense… ce qui signifie qu’il n’apportera pas sa voix à Gérard Larcher. Une décision qui sonne déjà comme un aveu d’échec : si le président du Sénat avait été en mesure de conserver son poste, l’actuel locataire de l’Elysée aurait probablement démissionné le ministre de la Défense. Ou comment préparer en douceur la perte du Sénat. Il faut bien reconnaître que c’est ce que la droite a de mieux à faire : conserver le Plateau en étant minoritaire en siège serait extrêmement mal perçu par la population, qui y verrait une manipulation bien loin de la République irréprochable dont se targue le président, et qui est déjà bien mise à mal par les affaires qui se rapprochent de lui.

Autre avantage pour Sarko, ne pas perdre son ministre de la Défense au moment où la France est engagé dans plusieurs conflits. Quant à Longuet, ne pas démissionner lui ouvre le parachute. En effet, il pourra toujours revenir au Sénat quand bon lui semblera… Autrement dit, c’est un bon calcul pour tout le monde. Alors pourquoi Jouanno ? Et bien sa sortie du gouvernement facilite les choses. D’une part, elle est recasée au Sénat, et n’a pas à s’en faire pour ses six prochaines années ce qui pour elle, est tout de même inespéré. Soit jusqu’en 2017. Elle passera donc à travers les gouttes de la refondation de la droite, qui aura lieu que Sarko soit réélu ou pas, après juin 2012. Mais pourquoi ne pas attendre au chaud au gouvernement, comme Longuet ?

Et bien parce que cette sortie du gouvernement arrange quelqu’un d’autre, qui pourrissait au purgatoire du Secrétariat d’Etat aux Français de l’Etranger en attendant que le poste se libère enfin… depuis le 30 juin dernier ! C’est dire si David Douillet avait fait son temps. Passé sa période d’essai ministérielle, le voilà enfin nommé au ministère de ses rêves : l’ancien champion de judo devient ministre des Sports. Une carrière en accéléré pour celui qui n’est devenu député que le 18 octobre 2009, à l’occasion d’une partielle organisée à la suite de l’inéligibilité de Jacques Masdeu-Arus, puis secrétaire d’Etat aux Français de l’Etranger le 30 juin, et enfin ministre des Sports aujourd’hui.

Mais si la Douille devient ministre des Sports, qui le remplace au Secrétariat d’Etat aux Français de l’Etranger ? Personne, ces attributions seront réintégrées plus tard. Mouais, elles reviennent donc de fait à Alain Juppé, Ministre des Affaires Etrangères. Ou comment Sarko confirme après coup n’avoir créé ce poste que pour donner un titre à son pote. Ah elle est belle, la République irréprochable ! Bref, Douillet obtient ce qu’il voulait.

Au final, avec cet ajustement ministériel, Sarko nous offre comme le disait la pub, un remaniement tout riquiqui… maousse costaud. Histoire que tout le monde se souvienne bien que David Douillet avait fêté son premier jour en tant que Secrétaire d’Etat avec cette jolie boulette, je résumerai cela d’un seul mot : i-ni-ma-gi-naux ! De là à dire qu’aux Sports il a atteint son seuil de compétence et qu’en 2012 il risque de prendre Laporte… Z’êtes vraiment mauvaises langues !!!

Et si le Sénat passait à gauche ?

Que se passerait-il en cas de victoire de la gauche aux sénatoriales ?

Outre la première historique que cela constituerait –sous la Vème République, la droite a toujours eu la majorité au sein de la Chambre Haute- la gauche s’emparerait alors de quelques pouvoirs bienvenus à la veille de la présidentielle.

Du point de vue législatif, la Chambre Haute est maître de son agenda en ce qui concerne les propositions de loi –et non les projets de loi, à l’initiative du Gouvernement-, et pourrait ainsi disposer de plus larges fenêtres pour présenter des textes. Un Sénat à gauche ne serait donc pas très gênant pour la droite qui gouverne, l’Assemblée Nationale ayant le dernier mot à l’issue de la navette parlementaire.

Tout au plus, cela limiterait les possibilités d’utiliser des CMP –Commissions Mixtes Paritaires réunissant 7 députés et 7 sénateurs (art 45 de la Constitution)- qui servent à clôturer plus vite certains textes parlementaires, en cas de désaccord entre les deux chambres, sans passer par une dernière –et longue- navette à l’Assemblée.

Du point de vue constitutionnel, le président du Sénat pourrait remplacer le président de la République en cas de vacance du pouvoir. Ou comment s’il venait à arriver malheur au président –ce que personne ne souhaite- l’on pourrait effectivement dire que le président passerait l’arme à gauche !

Toujours sur ce plan, un Sénat à gauche renverrait au placard toute idée de réforme constitutionnelle. Nécessitant une majorité du Parlement –Assemblée Nationale + Sénat- des 3/5ème, elle risquerait d’échouer. Vu le coût d’un congrès, voilà une idée qui serait certainement remisée au placard. Adieu veaux, vaches, cochons, et règle d’or !

Mais le véritable point noir du gouvernement, si le Sénat passait à gauche, serait la tribune qu’il donnerait à gauche pour s’exprimer… ainsi que la possibilité de déclencher des enquêtes parlementaires. En ces temps forts riches en affaires de toutes sortes, voilà bien l’épine qui pourrait faire mal dans le pied de l’Elysée.

Le baiser de Judas

Crédit Photo : © RichardTrois

J’ai lu hier le communiqué de presse de Marie-Anne Montchamp, dans lequel elle annonçait rejoindre le gouvernement avec « conviction et émotion ». Emotion, je peux le concevoir. Mais conviction ?

Marie-Anne Montchamp, en plus d’être inélégante et incorrecte vis à vis de la famille politique dans laquelle elle s’était engagée en assumant la responsabilité de Porte Parole de République Solidaire (poste qui demande un engagement important qui va au delà d’attribuer des titres et cartes de visite logo entête à ses collaborateurs, dont certains ont d’ailleurs un parcours douteux), cette famille à laquelle elle a persisté à annoncer qu’elle n’entrerait pas au gouvernement (pourquoi le nier ?), Marie-Anne Montchamp s’est montrée, en acceptant ce strapontin, parfaitement ridicule.

Quitte à entrer au gouvernement et se vendre pour un poste, n’aurait elle pas pu négocier un véritable portefeuille ? Parce qu’être nommée Secrétaire d’Etat pour la seconde fois de sa carrière, cela n’est pas franchement une évolution. Et si, dans le gouvernement Raffarin, sous Jacques Chirac, Marie-Anne Montchamp avait pu vraiment travailler sur le handicap, et faire voter avec l’appui soutenu du Président la fameuse loi de 2005, cette fois ci, au risque de vous surprendre, Marie-Anne Montchamp est la seule membre du gouvernement à ne pas avoir d’affectation. Comme indiqué dans le communiqué de presse officiel de l’Elysée, elle est Secrétaire d’Etat auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Sans autre précision. Un simple coup d’oeil à la composition du Gouvernement permet de constater qu’elle est la seule dans ce cas. Si l’on retrace sa carrière, elle semble plus proche de la régression que de l’évolution… Etonnant, non ?

Dès lors, je m’interroge.
Marie-Anne Montchamp a-t-elle manqué de sens politique ?
S’est elle faite avoir ?
A-t-elle accepté pareille humiliation pour un simple maroquin ?
Ou a-t-elle atteint son seuil d’incompétence ?
Aurait-elle alors fait un autre deal ?
Au hasard, la négociation d’un parachutage dans une autre circonscription ?

Souvenez vous, elle a perdu la sienne lors du redécoupage, pour avoir osé se présenter à Nogent sur Marne lors des municipales de 2008, face à un protégé de Sarkozy. Un coup de ciseaux plus tard, elle s’est retrouvée sans circonscription fixe… et mal barrée pour 2012.

[Edit du 18/11/2010. On me souffle dans l’oreillette que Nicolas Sarkozy aurait proposé à Marie-Anne Montchamp de prendre la tête de liste pour le Val de Marne, son département, lors des prochaines sénatoriales, en échange de son entrée au gouvernement à un poste très subalterne. Mandat parlementaire de député supprimé, mandat parlementaire de sénateur peut être rendu, tel serait le deal.]

Si cette option est la bonne, Marie-Anne Montchamp peut trembler à l’idée que Sarko ne tienne pas sa promesse. Imaginer récupérer un mandat en étant le cadeau d’anniversaire empoisonné de Villepin serait un pari pour le moins risqué : s’il y a une chose qu’on ne peut reprocher à Sarko, c’est de mépriser les traîtres, dont il sait qu’ils retourneront leur veste une nouvelle fois à la première occasion. A ceux là, il ne fait aucun cadeau.

J’ignore donc quelle est la « conviction » de Marie-Anne Montchamp, mais j’ai une certitude, nous ne la partageons pas. Pour moi, l’engagement politique n’a de sens que si l’on reste fidèle aux valeurs qui nous animent et que l’on poursuit son chemin avec droiture et cohérence. Pas lorsque l’on se vend au plus offrant et au rabais, ce qui indique que l’on est prêt à tout, pour son intérêt personnel : l’intérêt général n’a jamais été composé de la sommes des intérêts particuliers. A bon entendeur…