Face à la rigueur, la nécessaire justice fiscale

Jeudi soir, Sarko a annoncé qu’il se refusait à être le président qui augmenterait les impôts. Et pourtant, il l’a déjà fait. Simplement, dans le meilleur des cas il joue sur les mots, et dans le pire il nous prends pour des biiip.

Car comme vous le savez, les impôts ne sont pas seulement ce que vous réglez au fisc –les impôts directs- mais l’ensemble des prélèvements, qu’ils soient directs ou indirects. Cela inclut les redevances, les taxes, les cotisations sociales, et les prélèvements obligatoires.

Et la douloureuse est déjà salée. Pour mémoire, depuis 2007, près de quarante nouvelles taxes ont été créées. Rien que depuis septembre, nous avons eu droit à la taxe Coca sur les boissons sucrées, au relèvement des taxes sur le tabac, et le Projet de Loi de Finances apportera son lot de nouvelles taxes en temps et en heure, sachant que la hausse partielle de la TVA est déjà à l’étude. Si pour l’instant la presse se fait l’écho d’un taux intermédiaire de TVA entre celui à 5,5% et celui à 19,6% -qui serait de l’ordre de 7 à 8%- reste à savoir comment étant donné que nos accords européens contraignent franchement la liste des produits et services qui pourraient en bénéficier. Ca sent le casse-tête chinois…

Quoi qu’il en soit, il y aura de nouvelles taxes –donc de nouveau impôts- qui touchent directement une population déjà en mal de pouvoir d’achat. Le grand mot est lâché : oui, celui qui prétendait qu’il serait le président du pouvoir d’achat est en réalité celui de la hausse des impôts. Certes, la crise est là, et il faut bien trouver des ressources. Les plus hauts revenus ont été mis à contribution, par la création d’un impôt exceptionnel qui durera jusqu’à ce que la France entre à nouveau dans les critères de Maastricht, à savoir maintenir le déficit public à 3% du PIB. Et les revenus du capital ont été partiellement taxés.

Reste que l’on pourrait faire mieux. Car aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut augmenter ou non les impôts : l’état de nos finances le nécessite absolument. La dette ne cesse d’augmenter, au-delà des 1200 milliards d’euros, et le seul remboursement des intérêts occupera l’an prochain le premier poste budgétaire. Le déficit public, quand à lui, a plus que doublé depuis 2007, passant de 3,2% à 7,1%. La situation est donc grave, et nécessite un effort national auquel chacun doit participer.

La vraie question aujourd’hui reste de savoir qui taxer et de comment procéder. Face à l’ampleur des trous dans la carlingue de nos Finances Publiques, ça n’est pas une couche de mastic ou quelques rustines qui vont faire l’affaire, sinon on court au crash. Inutile de se raconter des histoires : le coup de rabot sur les niches fiscales, ou la hausse de quelques points de la TVA, ne suffiront pas. Aujourd’hui, il est indispensable de réformer en profondeur la fiscalité.

Et cette réforme doit impérativement mieux répartir l’effort, qui doit être partagé : chacun doit en effet contribuer selon ses moyens. C’est vrai pour les citoyens, qui n’ont pas tous les mêmes revenus –du travail mais aussi du capital-, mais également des entreprises : les grandes structures ont mieux résisté à la crise, leur effort doit donc être plus important que celui des PME, qu’il faudrait au contraire soulager. Des pistes existent, de l’augmentation des grosses successions à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu pour les plus riches, en passant par une surcote de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, et j’en passe.

Reste à avoir le courage de faire cette réforme indispensable –ce vocable ne vous rappelle-t-il pas quelqu’un ?- pour répondre à la crise que nous traversons, sans trop alourdir le pouvoir d’achat déjà mal en point de nos concitoyens, ce qui freinerait indubitablement la consommation. Plus que jamais, la sortie de crise s’accompagne de l’instauration d’une nécessaire justice fiscale.

Ticket modérateur pour la justice

Parmi les votes passés inaperçus cet été, une mesure qui va changer bien des choses pour les justiciables. Depuis aujourd’hui, la justice civile devient payante.

Chaque personne qui portera une affaire civile devant le tribunal tribunal devra s’acquitter d’un timbre fiscal de 35 euros. A l’exception des personnes titulaires de l’aide juridictionnelle. La décision rendue pourra toutefois en exiger le remboursement au titre des frais de justice.

Officiellement, ce ticket modérateur est destiné à payer la coûteuse réforme de la garde à vue. Selon le Ministère de la Justice,  « Il s’agit d’un droit nouveau accordé au justiciable, il est normal que ce soit lui qui le finance ». Pour info, Monsieur Ministère de la Justice, toutes les affaires civiles ne sont pas concernées par la garde à vue, et heureusement. Par exemple, pour les arriérés de loyers. Ou les différents liés à l’achat d’un matériel défectueux. Ou encore les prud’hommes. Mais qu’importe, vous paierez !

Parce que derrière cette décision ; il y a une autre idée : le ministère de la Justice entend « responsabiliser » les personnes qui souhaitent saisir la justice. Hum, après les chômeurs et les bénéficiaires d’allocations familiales, les justiciables seraient ils aussi d’odieux délinquants ?  Une fois de plus, pour quelques-uns qui abusent du recours au tribunal, on veut punir tous les autres ?

Le recours à la justice relevait déjà d’un choix délicat pour les ménages, en raison du coût des frais de justice. Il touche cette fois des procédures qui ouvraient les portes de la justice sans forcément le recours à un avocat. En limitant les petites actions en justice, cette décision permettra surtout à certains filous de s’en sortir tranquilles et de perpétrer leurs petits délits. Pas sûr que la justice en sorte vraiment grandie.

Drôle de conception en effet que de la limiter le recours en justice par une accession censitaire : nous sommes en 2011, quelle régression que de mettre un terme à la justice pour tous ! Autrement dit qu’en ce jour, elle porte fort mal son nom… à l’heure où pourtant les citoyens réclament plus de justice dans tous les champs de notre société. Terrible décalage…