L’affaire Quitterie crucifie le Modem

Le Modem, nouveau parti de François Bayrou, avait promis de faire de la politique autrement, de faire de la place aux jeunes -comme cette jeune femme sur la photo-, d’être un exemple de liberté, blablabla…

Eh oui, c’était un gros gloubiboulga plein de n’importe quoi, de la poudre aux yeux jetés à ceux qui rêvaient d’un autre monde. Et il n’aura pas fallu longtemps pour en trouver l’illustration.

C’est arrivé ces jours ci, lorsque la jeune blogueuse Quitterie Delmas, figure emblématique de la campagne jeune de l’UDF, a été écartée des investitures… Il se murmure que d’autres nanas –Marielle de Sarnez en tête- n’avaient pas envie que la nouvelle icône leur fasse de l’ombre. Et pour cause…

Exit  donc la pourtant légitime Quitterie, mais exit avec la crédibilité du Modem. Quand je vous disais que c’était du bluff…

Quel avenir pour le MD ?

François Bayrou lancera le Mouvement Démocrate demain, jeudi 10 mai, à l’issue du conseil national de l’UDF. Et tentera de transformer l’essai de son score à la présidentielle.

Alors , y aller ou pas ?

A titre personnel, je n’y crois pas. Les députés UDF sont déjà plus d’une vingtaine à avoir rejoint la majorité parlementaire : si tous sont réélus, ils pourront donc former un groupe à l’Assemblée nationale. Gilles de Robien, soutien historique de la majorité présidentielle, aurait toute légitimité à devenir leader de ce courant.

Ou de ce parti. En effet, on entend de plus en plus de voix s’exprimer pour la création d’un parti regroupant ces députés, voire reprendre l’UDF actuelle. Or, si cette hypothèse était avérée, ce serait alors la scission du centre entre UDF et MD.

Resterait-il un espace à François Bayrou ? Pas sûr… Les centristes de gauche qui n’ont pas cru en Ségolène ont tout intérêt à aller donner de la voix dans la énième tentative de reconstruction du PS, après sa troisième présidentielle perdue. Et les centristes de droite ont tout intérêt à travailler avec l’UMP pour espérer peser sur le programme du gouvernement.

Or François Bayrou est en mal de députés, et aura donc du mal à convertir le soutien obtenu à la présidentielle en un poids politique tangible. Aussi, si l’idée de rassemblement et de refondation de la vie politique prônée par François Bayrou était belle, elle n’en reste pas moins utopique, et risque d’être éphémère.

Z’avez signé votre papier ?

Si vous êtes député et centriste, vous avez intérêt quasiment tous pris le « contrat Sarkozy », une assurance-vie spéciale pour députés centristes, qui vous assurera l’entrée au Palais Bourbon pour les cinq années à venir.

Ce contrat vous promet :

  • d’être élu : vous n’aurez pas de député UMP en face de vous, et ce même si Sarkozy avait promis de tuer l’UDF et de mettre systématiquement un candidat UMP face à un candidat UDF ; c’était il y a longtemps, et tant pis si c’est parce que Juppé ne l’a pas fait en son temps que Sarkozy l’a autant méprisé, maintenant qu’il est confronté aux réalités tout change…

  • d’avoir un groupe à l’assemblée nationale : enfin si vous êtes au moins 20, ce qui est le cas, et ce même si l’objectif premier de Sarkozy quand il a pris l’UMP était de justement ne jamais avoir de groupe centriste face au groupe UMP

Bon, comme toutes les assurances, il faut lire les petites lignes tout en bas du contrat. Je les ai étudiée précisément pour vous :

  • contrôle de vos votes personnels : le papier que vous signez vous oblige à voter comme le groupe « majorité présidentielle » sur toutes les lois et bien évidemment le budget

  • groupe verrouillé et donc inutile : puisque vous devez voter comme le groupe majoritaire, vous ne faites qu’accorder du temps de parole supplémentaire au groupe UMP

Juste une question : pourquoi ne pas prendre votre carte directement à l’UMP ?

Ces engagements ne sont pas demandés à leurs membres, qui conserveront une plus grande autonomie que vous. Pour 25 euros par an et une quote part d’élu, vous gagnerez en autonomie.

En d’autres termes, l’identité de centriste vaut-elle mieux que votre mandat personnel et impératif, et donc que votre vote en conscience ? Ou en voulez vous à ce point à François Bayrou pour ainsi jouer le vrai-faux centriste godillot à qui l’on dit ce qu’il doit voter ?

Est-ce vraiment à cela que vous pensiez quand vous avez entendu Nicolas Sarkozy promettre qu’il ferait de la politique « autrement » ?

Etes vous fier d’être un (futur) élu de la Nation ou assouvissez-vous simplement votre fantasme de potiche ? Puis-je vous demander, tant qu’à faire, de me verser 10% de votre indemnité de parlementaire puisque manifestement vous êtes prêts à tout ?

Avez vous réfléchi une seconde au fait que vous pouviez refuser ce pacte démentiel, ne serait-ce que pour respecter votre mandat et vos électeurs, au lieu de baisser votre culotte de la manière la plus honteuse qui soit ?

Vous me faites mal à la France !

Sarkozy brouille son image

Dans la partie de poker menteur qui se joue ces jours ci sur l’éventuel débat entre Ségolène Royal et François Bayrou, Nicolas Sarkozy est en train de perdre la main, à force de victimiser en criant au scandale.

Débattre avec François Bayrou n’est pas interdit. Techniquement, et au regard des règles du CSA, l’exercice reste périlleux car cela implique de laisser à Nicolas Sarkozy un temps d’antenne équivalent. Mais cela n’est pas impossible.

De même, rien n’interdit à un candidat qui ne s’est pas qualifié pour le second tour de prendre la parole dans la campagne du second tour. A l’extrême limite, François Bayrou n’y peut rien si les états-majors des deux candidats s’arrachent ses voix.

Il est même d’ailleurs plutôt sain que la démocratie soit plénière, et que les autres candidats veuillent débattre avec d’autres personnalités. C’est bien la preuve, au vu de son score, que ses électeurs ont été entendus, et il n’y a rien d’anormal à vouloir s’adresser à eux. Et il semble normal que leur leader les représente. mieux encore, tout cela respire enfin la transparence, loin des négociations habituelles cachées de l’entre-deux tours.

Ensuite, que cela ne conviennent pas à un candidat, c’est possible. Mais cela reste légal. Et d’ailleurs, peut être vaudrait-il mieux, pour être entendu de ces électeurs, éviter de crier au respect de la démocratie. Surtout quand le doute existe sur sa propre personne.

Les électeurs peuvent comprendre que le candidat de l’UMP souhaite occuper un maximum d’espace médiatique, afin de remporter la mise. Pour autant, il est totalement inaudible d’évoquer une éventuelle restriction des possibilités de débat aux seuls qualifiés pour le second tour. C’est évidemment faux, d’ailleurs les qualifiés aiment à entendre les perdants du premier tour s’exprimer en leur faveur, preuve si il en est qu’ils ont le droit de s’exprimer !

Caricaturer ainsi la démocratie sonne terriblement faux. Pire, ces mots peuvent être interprétés comme un rejet des électeurs ayant voté pour l’un des douze autres candidats… ceux là précisément qu’il faut convaincre.

Nicolas Sarkozy a donc tout faux dans cette démarche. Déjà handicapé par son refus de participer au débat sur internet proposé en amont du premier tour, et au lieu de poursuivre sa stratégie première, qui consistait à envoyer au feu les vétérans de l’UMP, réputés sages, tel qu’Alain Juppé, il retombe à nouveau dans la caricature du candidat psychorigide, en laissant parler les Copé, Bertrand et autres Fillon, tous plus agressifs les uns que les autres.

Résultat, les socialistes n’ont plus qu’à jouer la partition du Tout Sauf Sarkozy, un message très porteur au sein de l’électorat de François Bayrou. L’ex-candidat centriste rejoint d’ailleurs le concert, en enfonçant lui-même le clou sur la dangerosité de Sarkozy à chacun de ses passages médias.

Bilan, Nicolas Sarkozy, en deux jours, a perdu l’image d’un homme apaisé et changé qu’il avait tenté de se constituer. Et apparaît à nouveau comme un petit dictateur, nerveux, omnipotent, et sans la moindre envie de débattre avec qui que ce soit. Un tableau peu réjouissant… et donc qui le dessert.

Bayrou superstar

Depuis dimanche, les médias et les politiques s’arrachent François Bayrou. Fort de ses 18,57%, le candidat centriste, en réussissant à fédérer les électeurs non convaincus par les deux grands partis, a multiplié son score  de 2002 par 2,5.

Longtemps boudé par les médias, il en est devenu la star, en mettant savamment en scène sa stratégie de second tour. Si chacun  savait qu’il annoncerait la création d’un grand parti démocrate, et se doutait qu’il ne donnerait aucune consigne à ses électeurs -ceux-ci étant trop disparates- toute la presse était aux aguets pour guetter les éventuels signes de ralliement à l’un ou à l’autre.

En bon client, Bayrou a consciencieusement tâclé Nicolas Sarkozy, et mis une petite pichenette à Ségolène Royal. Mais personne ne connaitra son choix personnel pour le second tour… qu’il pourrait toutefois éventuellement révéler. Restez branchés, François a un espace médiatique, autant faire durer le plaisir !

Enfin plaisir, pas pour tout le monde. Si Ségolène y croit –a-t-elle vraiment le choix ?- Nicolas, lui, s’agace de la situation. Le candidat de l’UMP, friand de médias, bout de devoir partager son espace médiatique avec un candidat non qualifié. Et n’a pas manqué de le rappeler hier sur TF1.

Il est vrai que la situation n’est pas rose pour Sarkozy. Son score du premier tour le place comme favori pour le second tour. Néanmoins, le pire ennemi de Sarkozy reste lui-même, et il continue de se jouer des tours.

Ses relations passées avec François Bayrou explique que celui-ci ne perde pas une occasion de le tâcler, de la tentative de tuer l’UDF dès son accession à la présidence de l’UMP, ou encore, comme le révèle le quotidien Sud-Ouest, au deal qu’il a proposé à Bayrou pour faire de l’anti-Chirac.

Heureusement pour lui, Sarkozy conserve une crédibilité supérieure à celle de Ségolène Royal pour être Chef de l’Etat. La candidate socialiste ne convainc pas sur son programme… et d’ailleurs plus personne n’évoque le projet socialiste.

Sa campagne de second tour se résume à proposer un catalogue des personnes qui pourraient figurer à ses côtés pour faire oublier qu’elle serait présidente. Après la proposition de ministres UDF -du jamais vu sous la Vème République- il se murmure dans les couloirs qu’elle prendrait pour Premier ministre… DSK !

A ce stade, Sarkozy n’a pas perdu le leadership sur cette élection, et reste en passe de gagner le 6 mai. Son état-major n’affiche aucun triomphalisme et préfère miser sur la prudence. Quoi qu’il en soit, le calcul du report des voix est de toutes façons extrêmement complexe, eu égard à l’exceptionnelle participation à ce scrutin.

Si d’ordinaire la participation augmente au second tour, il devrait y avoir cette année une mobilisation plus importante de la gauche y compris extrême, qui joue son va-tout, que de la droite et du centre, qui n’ont plus de candidat et, pour une partie d’entre eux, ont exprimé un vote protestataire : ceux là s’abstiendront. Dans cette perspective, la parution de sondages trop favorables à Nicolas Sarkozy pourrait affaiblir la mobilisation de ceux qui votent pour lui de raison.

C’est pourquoi, quoi qu’en dise la presse, ce n’est pas Bayrou qui arbitrera le scrutin, mais bel et bien l’abstention.