Licence globale : les points clés

Depuis quelques semaines, et à l’approche des premiers avertissements d’Hadopi, qui nous sont annoncés pour fin juin, la licence globale revient dans l’esprit des parlementaires. Comme si tout à coup, ils réalisaient qu’ils avaient… voté n’importe quoi.

Si on peut saluer ce frémissement de bon sens, la proposition de loi (PPL) déposée sur le sujet par le député Michel Zumkeller est malheureusement à côté de la plaque.

Je me dévoue donc pour faire quelques propositions, afin que les parlementaires de bonne volonté se bougent : il y a vraiment urgence !

Qu’est ce que la licence globale ?

La licence globale, telle que je la préconise, consiste en un forfait illimité de téléchargement légal. Un peu comme les cartes illimitées cinéma, ou l’abonnement à une chaîne de télévision privée. Dans les deux cas, vous consommez de manière illimitée les produits culturels disponibles sur les supports, qu’ils soient français ou internationaux, et les auteurs sont rémunérés sur cette diffusion.

Il est donc parfaitement envisageable de transférer ce système sur ce nouveau mode de diffusion qu’est internet.

Comment rémunérer les artistes ?

Contrairement à une idée fausse largement répandue, la consommation illimitée n’empêche pas de payer les artistes. Il suffit de prélever un pourcentage du prix du forfait illimité, et de verser cette redevance aux sociétés d’auteurs. La répartition entre les artistes se fait sur les relevés de téléchargement. C’est par exemple ce qui se fait à la Sacem en matière de droits musicaux.

Est-ce payer les artistes au rabais ?

Ce fut l’enjeu du débat sur les cartes illimitées cinéma, en 2000/2001. Le système lancé par UGC a été très décrié par les artistes, la vente a été interrompue quelques mois, avant de reprendre. 10 ans plus tard, cela ne gêne plus personne. Et cela se comprend : ces tarifs attractifs ont permis d’amener au cinéma des gens qui n’y seraient jamais allés. La fréquentation des salles obscures a explosé. Ce fut un gain pour les artistes, et non l’inverse.

Concrètement, comment mettre en place la licence globale ?

Il faut lui permettre d’exister, en légiférant uniquement sur le cadre de rémunération des artistes. Il faut que la possibilité de proposer des forfaits illimités de téléchargement existe, afin que des sociétés privées puissent se lancer sur ce marché sereinement.

Ensuite, des sociétés pourront créer leur structure ou développer celles qui existent. Elles deviendront alors clientes des distributeurs de produits culturels (distributeurs cinéma, TV, musique) et devront négocier avec ces distributeurs l’achat des droits de VOD sur les territoires sur lesquels elles voudront les proposer. Tout comme le négocient les chaînes de télévision ou les salles de cinéma !

Elles auront alors pour une certaine durée les droits de diffusion en ligne de ces produits, qui pourront être téléchargés par les internautes qui prendront un abonnement.

Pourquoi pas une plateforme unique ?

Pour faire jouer la concurrence et assainir le marché. Et surtout, le monopole ne passerait pas avec l’Europe, c’est donc totalement irréaliste.

A quel prix ?

C’est le marché –et donc la concurrence- qui établira les prix. Un peu comme pour les offres des FAI, de téléphonie mobile, ou encore les abonnements aux chaines de TV privées ou aux cartes illimitées cinéma.

Difficile d’estimer un prix, mais le téléchargement illimité impose tout de même d’être réaliste, et correspondrait logiquement à peu près à celui d’une carte illimitée, soit 15 à 20 euros par mois. Mais on peut imaginer des formules « musique », « cinéma », « séries », ou « la totale ». C’est au marché d’être créatif, sachant que plus il y aura de choix dans les produits (ce qui nécessite d’en acquérir les droits), et moins les prix seront élevés, plus il y aura de clients.

Quels sont les écueils ?

Le premier serait de trop vouloir réglementer. Il faut créer les conditions de développement de ce marché –créer la possibilité de télécharger légalement- mais ne pas poser des contraintes trop fortes qui nuiraient au développement de ce marché.

Ensuite, imposer un prix serait irréaliste sans avoir étudié les dispositions des distributeurs. Le tempo, qu’on le veuille ou non, sera donné par les majors (Sony, Fox, …).

Dernier point, les distributeurs actuels, qui sont essentiellement les chaines de TV. Pourquoi ? Parce que dans les contrats actuels, elles disposent quasiment automatiquement des droits VOD des produits qu’elles achètent. Elles font donc ce qu’elles veulent, imposent des tarifs excessifs au regard des conditions de visionnage (durée, qualité, versions proposées…). Il est donc impératif d’ouvrir le marché… ce qui ne sera pas de leur goût. Mais comme pour tout marché, elles s’adapteront à cette course à l’audience, et proposeront alors des prestations acceptables.

A quels points faut il être attentifs ?

Il est impératif de proposer des offres au juste prix au regard de la prestation. Aujourd’hui, les plateformes existantes proposent des prix prohibitifs, qui ne permettent pas de conserver le produit acheté. On achète en réalité un visionnage, souvent sur l’ordinateur car il est encore trop rarement possible de mettre le fichier acheté sur un autre support, et ce pour  un tarif parfois double au prix du DVD (pour les épisodes de séries). C’est inadmissible, et les internautes ont le sentiment d’être des vaches à lait. Tant que ces prix seront proposés, le marché ne se développera pas.

Cela résoudra-t-il le problème du piratage ?

Il y aura toujours des pirates, comme il y a toujours des resquilleurs. Mais pour une large partie des utilisateurs, et à condition que les conditions de visionnage soient correctes, et que les produits recherchés soient proposés (ce qui nécessite d’en acquérir les droits), ils adopteront ces solutions.

Est-ce possible ?

Oui, car les distributeurs de ces droits (qui représentent les ayants droits) savent que c’est pour eux un nouveau marché, et donc une ressource potentielle très importante. Les droits étant non exclusifs, c’est une perspective de développement très intéressante pour eux. Ils devraient donc jouer le jeu.

Alors, qu’est ce qu’on attend ?

Que les parlementaires et le gouvernement étudient sérieusement le sujet, et donc comprennent qu’internet n’est qu’un nouveau support, comme l’ont été un jour le cinéma, la télévision, et la radio. Simple, non ?

Concrètement, on commence par quoi ?

On lance une concertation avec les distributeurs de ces droits pour voir leur volonté, et avec les sociétés d’auteurs pour établir quelle peut être la redevance. Tout simplement.

Et si on ne le fait pas ?

D’autres pays planchent sur ce sujet, notamment aux USA où la plateforme ESPN propose déjà les forfaits sur les retransmissions sportives, et pour TOUS les pays. Premier test, avant de faire de même pour les produits culturels…

Donc si on ne fait rien, d’ici nous pourrons bientôt nous abonner pour télécharger des produits US, peut être même dans le futur avec les sous titres ou la VF, et je doute que ces plateformes accueillent beaucoup de produits culturels français…

En d’autres termes, si on ne s’y met pas très vite, on aura fermé la porte à la diffusion de produits culturels. Une politique totalement contradictoire avec le concept d’exception culturelle française ! Au final, et c’est assez ironique, les artistes français jouent contre leur camp.

Pour aller plus loin : dossier spécial Hadopi

La solution : proposer une offre légale accessible et au juste prix

Le cliché selon lequel les internautes téléchargent illégalement pour ne pas payer ce qu’il consomme est complètement éculé. Au fil du temps, et grâce notamment aux campagnes de sensibilisation, les mentalités ont évolué.

La nécessité de proposer une offre légale…

Aujourd’hui, de nombreux internautes ne refusent pas de payer. Ils déplorent simplement l’absence d’un marché légal sur lequel ils pourraient consommer en toute légalité.

Comment reprocher à un internaute qui télécharge une œuvre en version originale qui n’existe pas sur le marché de son pays de voler les auteurs de ce même pays ?

Nombreux sont ceux qui veulent juste avoir accès à la version originale créée par l’auteur, et non la version doublée voire altérée proposée par le diffuseur de son pays. Ils téléchargent alors faute de trouver sur notre territoire le produit qu’ils recherchent.

Il faut savoir que les chaînes de télévision, en France, achètent à prix d’or certains produits, et obtiennent, dans leurs contrats, des autorisations aberrantes au regard du droit d’auteur, que n’apprécieraient pas vraiment les artistes français : autorisation de couper, d’imposer un doublage validé par la chaîne, de ne pas diffuser obligatoirement le produit acheté pendant la période où la chaîne dispose des droits, de ne pas diffuser les épisodes d’une série dans l’ordre…

On se retrouve ainsi avec une toute puissance du diffuseur, et l’impossibilité de recours du consommateur. TF1, première chaîne française, est coutumière de cet abus de position dominante : coupures de scènes (qui pourraient, selon elle, choquer le téléspectateur), réécriture des dialogues (conduisant souvent à une grave altération du produit), maintien de certains produits achetés dans les placards de la chaîne (sortant ainsi le produit du marché), diffusion des séries dans le désordre (rendant impossible le suivi de l’intrigue), …

Comment alors reprocher à un internaute d’aller chercher le produit original, et de le regarder en entier et dans l’ordre ?

Il serait étonnant qu’un auteur soit opposé à un tel respect de son œuvre….

Comment reprocher à un internaute d’accéder à un produit qui n’est plus accessible sur son territoire puisqu’enfermé dans les placards de la chaîne, qui refuse de le diffuser ?

Il serait étonnant qu’un auteur qui vend les droits de diffusion de son œuvre soit opposé à ce qu’effectivement, elle soit regardée…

Comment lui reprocher un « vol » si ce même produit n’est pas disponible sur internet en téléchargement légal ?

Si le produit recherché n’est pas disponible légalement sur un territoire, alors que l’auteur a souhaité la diffusion sur des supports qui ne nécessitent aucun paiement de l’utilisateur (free tv, radio) sur ce même territoire, il est difficilement compréhensible que l’on reproche à l’internaute de ne pas avoir payé ce visionnage, juste parce qu’il voulait voir une œuvre originale et non modifiée par le diffuseur.

… au juste prix

Le téléchargement existe depuis plus de 10 ans, et la pratique n’a cessé de se répandre chez les internautes, notamment parce que les évolutions technologiques ont permis d’avoir une meilleure bande passante, pour une consommation illimitée de l’internet… alors que dans le même temps, les ayants droits n’ont pas organisé le marché du téléchargement. De fait, le principe de gratuité s’est imposé.

Si aujourd’hui, et du fait des campagnes de sensibilisation, une part des internautes est d’accord pour payer sa consommation de produits culturels, cette offre doit se faire au juste prix.

Il est inconcevable que subsiste en ligne des offres telles que celles de TF1 Vision, qui profitent de disposer des droits sur un territoire des produits qu’elles achètent pour la télévision, qui incluent la VOD pour les proposer légalement à un tarif prohibitif.

Ainsi sur TF1, lorsque vous achetez un épisode de série, vous payez entre 1,99 et 3,99 euros. Une saison faisant en général 24 épisodes, vous devez régler de 48 à 96 euros pour voir une saison, sachant que le coffret DVD coûte en général entre 40 et 60 euros. Et pour ce prix, vous avez 30 jours pour visionner le produit, ce qui est très court, et une fois que vous avez démarré le visionnage, vous avez 48h pour le terminer.

Autant dire que ces conditions sont trop restrictives et inacceptables pour un prix si élevé. Naturellement, cet abus de position dominante a un effet contraire à celui recherché, puisqu’il favorise le téléchargement illégal. TF1 porte donc une part de responsabilité dans cette affaire.

La régulation passe par la création de plateformes en ligne.

Habituellement, les droits cédés par les ayants-droits sont exclusifs pour un support, sur un territoire et pour une durée précise. Il est donc dans les mentalités des diffuseurs d’estimer disposer d’une exclusivité.

Or, ça n’est pas le cas en ce qui concerne la VOD, dont les droits, s’ils sont en général cédés aux chaînes avec les diffusions TV, ne sont absolument pas exclusifs. En d’autres termes, les ayants-droits peuvent tout à fait les céder aussi à d’autres diffuseurs, sur le même territoire, et sur une durée identique ou se chevauchant avec celle d’autres diffuseurs.

Techniquement, donc, il n’existe aucun problème à l’existence de plateformes qui proposeraient un téléchargement légal. Or, la multiplication des sources où trouver le produit imposerait la règle du jeu de la concurrence, ce qui permettrait de faire baisser le prix de vente aux internautes. Et de faire ainsi sauter l’un des verrous psychologiques au téléchargement légal, à savoir le prix de la prestation.

Il existe à l’heure actuelle une expérimentation portant sur les retransmissions sportives, que ce soit pour le hockey, le basket ou le football américain. Les internautes du monde entier peuvent accéder à une plateforme unique, et s’abonner pour la saison à des tarifs correspondant à leur zone géographique, donc adaptés à chaque marché.

Cette expérimentation pourrait évidemment, si elle est concluante, inciter les majors à développer le même système pour les produits culturels.

Alors, qui se lancera en premier sur ce nouveau marché ?

Internet : repère de pirates ou nouveau marché ?

La musique a été la première touchée. Selon la mission Zelnik, c’est « du fait de la facilité à dupliquer, reproduire, indexer et distribuer un fichier musical à peu de frais. ». Ca n’est pas faux, mais incomplet.

A l’époque, internet n’était pas le même qu’aujourd’hui. Au moment de l’explosion de Napster, l’ADSL n’était pas la règle en France, le dégroupage total n’existait pas, et la vitesse de transition des données n’avaient rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Télécharger un film, d’un volume souvent 10 fois supérieur à celui d’un album musical, était une opération bien plus fastidieuse qu’aujourd’hui. Ce qui est arrivé à la musique tient en un constat simple : personne, dans le monde, n’avait envisagé internet comme un nouveau marché.

Echaudées, les majors se sont mis à réfléchir à des solutions, que ce soit en streaming ou en téléchargement légal, afin de ne pas reproduire ce désastreux schéma de manque à gagner sur les autres produits culturels, que ce soit les produits audiovisuels ou le livre. Malheureusement, la France n’a pas pris ce train là. Au lieu d’envisager enfin internet comme le marché qu’il est, on pense « répression » et on crée des usines à gaz pour tenter de forcer le consommateur à… ne pas consommer de culture (sur ce média), ce qui est pour le moins curieux.

Il serait tellement plus intelligent de structurer ce nouveau marché… Ce que préconise le rapport Zelnik : « La première urgence est d’agir pour le décollage des services musicaux en ligne ». Plus de 10 ans après le succès de Napster, qui permettait de télécharger en ligne des fichiers essentiellement musicaux, le milieu semble enfin réaliser qu’internet n’est pas un repère de pirates, mais un nouveau marché. Les usages s’étant modelés à partir du piratage, puisque c’était le seul modèle, il devient aujourd’hui nécessaire d’inciter au téléchargement légal.

A l’heure où Itunes (téléchargement) et autres Deezer (streaming) sont déjà de grands succès, il serait effectivement temps que les professionnels français se remuent. 10 ans pour réagir, c’est un peu long. 10 longues années de tergiversation, de minaudages d’auteurs jouant les victimes, au lieu de réfléchir à des solutions concrètes.

Ce débat sur le téléchargement sur internet rappelle d’ailleurs étrangement le débat sur les cartes illimitées de cinéma, en 2000/2001. Souvenez vous, lorsqu’UGC a lancé sa carte, on a crié à la mort de la création culturelle, les ayants droits allaient gagner moins (car chaque ticket venant d’une carte illimité était considéré comme un tarif réduit, ce qui générait une moindre remontée des recettes). Bref, ce n’était pas une question d’art, mais de fric. La vente des cartes a même été temporairement suspendue, quelques mois, avant de reprendre.

Dix ans après, plus personne ne songe à remettre ce système en cause.

Pourquoi ?

Parce que ça a amené au cinéma des gens qui n’y seraient jamais allés sans ses cartes. Et parce que les cinéphiles comme moi ont surconsommé. Les recettes ont donc été supérieures : les cartes illimitées ont élargi le marché.

C’est pourquoi Hadopi ne règlera rien. La répression ne fait que masquer et retarder la nécessité de composer avec ce marché. Si la création française veut éviter le désastre connu avec la musique, il devient urgent de l’accepter.

Idées reçues sur le téléchargement : comment les démonter ?

Tous les jours, j’entends des arguments pro-Hadopi toujours plus étonnant. En voici une petite complitation, avec l’argumentaire de circonstance pour les démonter. A diffuser largement !

Internet n’a pas dématérialisé les supports, ça n’est pas une révolution

Au risque de vous surprendre, ce n’est pas parce qu’internet est numérique et passe par des tuyaux que c’est la première fois que le consommateur ne touche pas l’objet diffusé. En effet, la radio, le cinéma et la télévision fonctionnent selon le même principe. Si au cinéma, le film n’est pas bien loin, puisqu’il est pour le moment encore dans la cabine du projectionniste, à la radio ou à la télévision, l’œuvre diffusée n’est pas un objet que le consommateur peut toucher.

Tout ceci pour dire que l’idée selon laquelle la dématérialisation serait perturbante est une énorme connerie, et un prétexte à la noix. Il y a un sacré paquet de temps que les consommateurs y dont habitués !!!

Le téléchargement n’est pas un problème, c’est un mode de consommation.

Nous l’avons vu, juridiquement, le téléchargement ne constitue pas un problème. Sociologiquement, c’est un fait, que cela plaise ou non. Pourquoi mettre tant d’énergie à lutter contre une pratique qui n’est pas un problème, et qui est installée dans la société ?

Au nom de la vieille lutte de la tradition contre la modernité, de cette vieille notion inconsciente selon laquelle tout ce qui est nouveau et que l’on ne maîtrise pas est nécessairement mauvais, voir maléfique.

La radio, le cinéma, la télévision ont chacun, en leur temps, modifié la consommation. Cette diabolisation d’internet, on l’a connu également avec les supports précités. Il y a moins de 30 ans, les radios libres étaient présentées comme un danger… A chaque évolution technologique, c’est le même refrain.

Et vous pensez sérieusement que c’est un argument valable ???

Hadopi ne protègera pas la création française.

Au risque de perturber les créateurs français, je tiens à leur rappeler que les produits les plus téléchargés ne sont pas les films français. Aussi, peut être peut on cesser de se mentir ?

Ca n’est pas le cinéma français qui perd le plus d’argent, et encore moins le ciné indépendant français.

Plus intéressant, les films les plus téléchargés sont aussi ceux qui récoltent le plus d’entrées en salle.

Dès lors, il est faux d’opposer au téléchargement illégal le risque de mort de la création. Que le téléchargement fasse perdre d’éventuelles ressources aux créateurs, d’accord. Mais que cela mène à la mort des artistes, certainement pas.

Dans le même ordre d’idée, si le téléchargement mettait l’industrie du cinéma en danger, celle-ci n’enregistrerait pas des chiffres de fréquentation record. Cessons d’opposer tel mode de consommation à tel autre, et de brandir de fausses menaces.

L’instauration d’un pass illimité de téléchargement ne tuera pas la création

D’une manière générale, la consommation globale, ne portant pas sur un mais une infinité de produits, n’a jamais nuit à la création artistique. C’est simplement un autre mode de consommation. Ainsi, le « pass illimité » a toujours existé, et même parfois gratuitement.

Le pass illimité gratuit

Oui. La radio ou la télévision hertzienne (ou numérique hertzienne) sont gratuites. L’auditeur et le téléspectateur ne versent aucune redevance pour accéder aux œuvres. Et qu’on ne me réponde pas qu’il s’agit de streaming. De tous temps, il a été possible de reproduire ces œuvres, grâce aux cassettes audios puis vidéos, aux enregistreurs numériques et autres graveurs DVD…

Les modèles économiques de la radio et la télévision prévoient une rémunération des auteurs au prorata de l’audience et de la diffusion. Ainsi, pour les radios, la SACEM se base sur les listes de diffusion des œuvres pour répartir les droits entre les auteurs. Idem pour la télévision. Comment les diffuseurs peuvent-ils payer ces droits ? Grâce à leurs ressources, que sont essentiellement la redevance (pour le secteur public) et la publicité.

Autant dire qu’il serait tout à fait imaginable que ce modèle soit transposé sur internet.

Le pass illimité payant

Les exemples sont encore plus nombreux. Premier type d’abonnement annuel extrêmement répandu et pourtant bien souvent oublié, les cartes de bibliothèques. Pour une somme extrêmement modique, il est possible de s’abonner pour emprunter des œuvres pour une durée limitée. Et pourtant, il ne s’agit pas d’œuvres du domaine public, les bibliothèques vous permettant d’accéder à des ouvrages extrêmement récents. Dans ce modèle, la rémunération des auteurs ne dépend pas de la diffusion (et donc du nombre des emprunts), mais se base uniquement sur l’acquisition des livres par chaque bibliothèque.

Autre abonnement choisi par certains, la télévision payante (pay tv). Pour un coût mensuel déterminé par contrat, vous accédez à une offre plus large que celle de la Free TV, et même désormais à une banque de produits, puisque qu’il est maintenant possible de choisir l’heure de démarrage d’un programme. Dans ce modèle, la rémunération des auteurs est la même que pour la Free TV, à savoir des droits à payer en fonction des diffusions déclarées, et pris sur les ressources des chaînes que sont alors la publicité et les abonnements.

Enfin dernier exemple, les cartes de cinéma illimitées. Pour un abonnement mensuel, il est possible d’accéder à toutes les salles et séances de cinéma d’un réseau donné, pour lequel la carte a été achetée. Dans ce modèle, la rémunération des ayants droits est assurée de la même manière que pour le ticket de cinéma classique, c’est-à-dire par la remontée des recettes sur le ticket de cinéma. Seule différence : le ticket est considéré comme un tarif réduit.

Hadopi : quelles alternatives ?

Les majors ne font plus la chasse aux internautes.

Pourquoi ?

Parce que comme Microsoft l’avait bien compris, le buzz généré par les premiers utilisateurs permet de faire connaître le produit, de voir si la sauce prend sur un nouveau marché, puis d’installer la marque. Plutôt que de s’attaquer aux petites gens, les majors ont donc appliqué deux types de réponses :

  • s’en prendre à ceux qui font du business sur leurs dos, en mettant à disposition des téléchargements illégaux et payants, punissant ainsi le profit effectivement réalisé sur leur dos (et non un hypothétique manque à gagner).
  • mettre en place des plateformes de rediffusions des épisodes de série déjà diffusés, dans l’optique de limiter le téléchargement et de quantifier les visionages… ce qui constitue un second marché pour le « domestic », cette possibilité étant réservée aux territoires premiers (en général USA + Canada)

Pour les territoires « overseas », il faudra probablement « payer » l’exclusivité, ce que j’agrée tant que le tarif est raisonnable car si l’internaute paie l’exclusivité, il est aussi générateur de buzz, donc il faut un tarif correct… surtout que l’objet ne peut être conservé, contrairement aux DVD.

Ce que n’a manifestement pas compris TF1 Vision, en procédant à un honteux racket sur la diffusion en preview des épisodes tout juste diffusés outre Atlantique (pour une saison complète, compter deux fois le prix du coffret DVD, avec obligation de visionner le produit « dans les 30 jours »).

La prochaine étape sera sans nul doute la mise en place de véritables solutions VOD pour l’ensemble des territoires, ce qui devrait à terme inclure les séries sur ce marché en plein essor.

Une tentative intéressante est à signaler, celle de la plateforme mise en place aux aux Etats Unis pour la saison sportive : tous les téléspectateurs du monde pouvaient s’abonner pour la saison de tel ou tel sport, et regarder autant de fois les matches qu’ils souhaitaient parmi tous ceux existants, ou bien acheter un match unique. Et ces offres étaient adaptées à la zone géographique de l’acheteur…

C’est ce système qui est l’avenir de la diffusion sur internet et il y a fort à parier que cette offre était un test de faisabilité tant au niveau de la gestion des droits que de la demande des internautes.

Le dossier du téléchargement est loin d’être clos, comme en témoigne les offres d’emploi régulièrement postées par les majors, à la recherche de spécialistes pour développer ce nouveau marché de la VOD.

D’ailleurs, si la Fox ou toute autre major propose un poste pour les territoires francophones… j’suis candidate !